Directeur artistique : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02330

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Directeur artistique : décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02330
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2023

N° RG 21/02330 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-UUUW

AFFAIRE :

[J] [K]

C/

S.A.S. PRISMA MEDIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F18/01462

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Maryline LUGOSI

Me Laurent KASPEREIT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 07 décembre 2023 et prorogé au 14 décembre 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [J] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0073 et Me Isabelle TOUSSAINT, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249

APPELANT

****************

S.A.S. PRISMA MEDIA

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurent KASPEREIT de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

Greffier lors de la mise à disposition : Madame Domitille GOSSELIN

La société Prisma Media, dont le siège social est situé [Adresse 1], dans le département des Hauts-de-Seine, exerce dans le secteur d’activité de la publication, l’édition, la production et la diffusion de magazines périodiques avec leurs produits accessoires. Elle emploie plus de 10 salariés.

La convention collective applicable est celle de travail des journalistes du 1er novembre 1976.

M. [J] [K], né le 22 février 1961, a été engagé par la société Prisma Media selon plusieurs contrats à durée déterminée successifs, en dernier lieu en qualité de chef de service à compter du 12 mai 2003.

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er mars 2004, il a été engagé par la société Prisma Media en qualité de chef de rubrique au sein de la rédaction du magazine « Géo », avec une reprise d’ancienneté au 12 mai 2003, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 200 euros sur 13 mois.

M. [K] a été victime d’un accident du travail le 27 octobre 2017.

Par courrier en date du 27 novembre 2017, la société Prisma Media a convoqué M. [K] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 6 décembre 2017, en lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 12 décembre 2017, la société Prisma Media a notifié à M. [K] son licenciement pour faute lourde dans les termes suivants :

« Suite à notre entretien préalable en date du 6 décembre dernier, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute lourde en raison des faits suivants :

Nous vous reprochons d’avoir gravement dénigré notre entreprise et le rédacteur en chef de Géo, M. [M] [U], dans un courrier adressé le 21 novembre 2017 aux dirigeants d’un important annonceur de Prisma, la société Le Ponant.

Ainsi et sur la forme tout d’abord, vous vous êtes tout d’abord permis d’adresser ce courrier de façon anonyme en le signant sous l’intitulé « la rédaction de Géo en colère ».

Ce faisant vous avez voulu faire croire aux récipiendaires de cette lettre que la position exprimée dans ce courrier était celle de l’ensemble de la rédaction, ce qui n’est aucunement le cas.

Sur la date d’envoi de votre courrier ensuite, celle-ci a été soigneusement choisie par vos soins car il a été reçu par ces dirigeants la veille de leur départ pour un voyage professionnel de deux semaines avec M. [M] [U] pour une croisière, soit dans un lieu les obligeant mutuellement à un contact étroit et régulier.

Sur le fond enfin, ce courrier comporte des phrases dénigrant gravement la personne de votre rédacteur en chef. Peuvent à cet égard être cités les passages suivants :

– « l’indignation » de la « rédaction Géo en colère » est exprimée « alors que [le] rédacteur en chef s’apprête à embarquer » pour la croisière précitée,

– Cette même rédaction de Géo en colère qui souhaite « porter à votre connaissance les agissements de ce personnage autoritaire et méprisant avec ses équipes, dont les choix éditoriaux et les méthodes de management sont de plus en plus fortement contestées »,

– « le comportement de M. [M] [U] a provoqué plusieurs cas de burn out et poussé des salariés à quitter la rédaction de Géo. A l’heure où nous écrivons ces lignes deux d’entre nous sont toujours en arrêt maladie par la faute de ce management déplorable. Il provoque la souffrance au travail de ceux qui restent et maintient une sale ambiance de conflit et de tensions permanentes entre une grande partie des journalistes et leur rédaction en chef »,

– « Deux enquêtes diligentées à l’initiative des instances représentatives du personnel de Prisma Media ont déjà eu lieu sur la situation à Géo, une expertise confiée à un cabinet extérieur est actuellement en cours et l’Inspection du travail, également saisie du dossier, devrait prochainement rendre des conclusions qui ne manqueront pas d’être accablantes pour la rédaction en chef ».

Et votre courrier de s’accompagner de deux articles très critiques publiés sur Internet en vue de donner aux dirigeants du Ponant « une idée de l’ampleur du malaise qui règne à Géo, à l’heure où son rédacteur en chef, toute honte bue, s’en va voguer paisiblement à des milliers de kilomètres de là ».

En adressant ce courrier, vous avez donc porté volontairement atteinte à l’honneur et à la réputation de la rédaction en chef de votre magazine auprès d’un annonceur de notre entreprise et ce, à un moment particulièrement choisi pour accentuer le préjudice en résultant.

Cet envoi est en effet d’autant plus préjudiciable que notre société s’apprête à renégocier un partenariat financier particulièrement important avec cette société. Sur un plan plus individuel votre correspondance a placé M. [M] [U] dans une situation très gênante et embarrassante, en l’obligeant à se justifier d’éléments liés à la vie interne de notre entreprise auprès de personnes qui leur sont totalement étrangers.

Ce faisant votre action a consisté à nuire délibérément à notre entreprise en utilisant une man’uvre grossière que nous sommes parvenus à mettre à jour en constatant que vous étiez l’auteur de cette correspondance et de son envoi.

Au cours de votre entretien préalable, vous avez au demeurant reconnu être l’auteur de ce courrier et avez même précisé que vous ne l’aviez pas « envoyé au hasard ».

Cependant les explications que vous avez apportées au cours de cet entretien préalable ne sont aucunement de nature à remettre en cause notre appréciation des faits. En particulier aucune circonstance ou motivation ne peuvent justifier un acte de dénigrement de notre entreprise et de ses représentants vis-à-vis de partenaires extérieurs qui contribuent au fonctionnement économique de nos journaux.

Dans ce contexte nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute lourde.

Votre contrat de travail sera par conséquent rompu à la date de la présente lettre et nous tiendrons à votre disposition vos documents de fin de contrat et votre reçu pour solde de tout compte.

A cet égard et nonobstant le motif de votre licenciement, nous avons décidé de vous accorder le bénéfice de vos indemnités conventionnelles de licenciement afin de tenir compte de votre situation personnelle ».

Par requête reçue au greffe le 18 juin 2018, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre en lui demandant de :

– déclarer M. [K] recevable et bien fondé en son action et l’ensemble de ses demandes,

Y faisant droit,

– dire et juger que M. [K] effectuait le travail d’un chef de service,

– dire et juger que les agissements de la société Prisma Media ont entraîné une dégradation des conditions de travail de M. [K] et de sa santé portant atteinte à sa dignité et lui causant un préjudice,

– dire et juger que le harcèlement moral de la société Prisma Media à l’encontre de M. [K] est caractérisé,

– dire et juger que la société Prisma Media n’a pas respecté son obligation ‘de résultat’ d’assurer la sécurité et la santé de ses salariés,

– dire et juger que le licenciement de M. [K] (est) nul,

Subsidiairement, dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Par conséquent,

– fixer la rémunération brute mensuelle de M. [K] à la somme de 5 230,73 euros,

– condamner la société Prisma Media à payer à M. [K] les sommes suivantes :

. rappel de salaire de nuit (5 ans) : 41 016 euros,

. congés payés afférents : 4 101,60 euros,

. dommages et intérêts pour harcèlement moral : 94 153,14 euros,

. dommages et intérêts pour licenciement nul : 94 153,14 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement (solde) : 8 161,66 euros,

. indemnité compensatrice de préavis (brut) : 10 461,46 euros,

. congés payés afférents : 1 046,15 euros,

. rappel de salaire brut au titre de la mise à pied conservatoire : 2 063,63 euros,

. congés payés afférents : 206,36 euros,

. dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et de santé des salariés : 94 153,14 euros,

. intérêt de droit à compter de la saisine capitalisés,

Subsidiairement, au cas où le licenciement serait jugé sans cause réelle et sérieuse, condamner la société Prisma Media à payer à M. [K] les sommes suivantes :

. rappel de salaire de nuit (5 ans) : 41 016 euros,

. congés payés afférents : 4 101,60 euros,

. dommages et intérêts pour harcèlement moral : 94 153,14 euros,

. dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 94 153,14 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement (solde) : 8 161,66 euros,

. indemnité compensatrice de préavis (brut) : 10 461,46 euros,

. congés payés afférents : 1 046,15 euros,

. rappel de salaire brut au titre de la mise à pied conservatoire : 2 063,63 euros,

. congés payés afférents : 206,36 euros,

. dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et de santé des salariés : 94 153,14 euros,

. intérêt de droit à compter de la saisine capitalisés,

– condamner la société Prisma Media à communiquer à M. [K] les documents de fin de contrat et bulletin de salaire mis à jour sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

En tout état de cause :

. article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros,

. entiers dépens,

. exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile).

La société Prisma Media avait, quant à elle, demandé que M. [K] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 28 mai 2021, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– dit et jugé que le licenciement de M. [K] repose sur une faute simple et que le licenciement de M. [K] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire de M. [K] à 4 547,13 euros,

– condamné la société Prisma Media à verser à M. [K] les sommes suivantes :

. 9 094,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 909,42 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 7 095,02 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de licenciement,

. 1 793,93 euros à titre de rappel de salaire brut au titre de la mise à pied conservatoire,

. 179,39 euros à titre de congés payés y afférent,

. 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [K] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Prisma Media de sa demande ‘reconventionnelle’,

– condamné la société Prisma Media aux dépens.

M. [K] a interjeté appel de la décision par déclaration du 16 juillet 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2022, M. [J] [K] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 28 mai 2021,

– dire et juger que M. [K] effectuait le travail d’un chef de service,

– dire et juger que le harcèlement moral de la société Prisma Media à l’encontre de M. [K] est caractérisé,

– dire et juger que la société Prisma Media n’a pas respecté son obligation ‘de résultat’ d’assurer la sécurité et la santé de ses salariés,

– dire et juger le licenciement de M. [K] nul,

Subsidiairement dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et en conséquence,

– fixer la rémunération brute mensuelle de M. [K] à la somme de 5 230,73 euros,

– condamner la société Prisma Media à payer à M. [K] les sommes suivantes :

. rappel de salaire brut (5 ans) : 41 016 euros,

. indemnités compensatrices de congés payés y afférents (brut) : 4 101,60 euros,

. dommages et intérêts pour harcèlement moral : 94 153,14 euros,

. dommages et intérêts pour licenciement nul : 94 153,14 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement (solde) : 8 161,66 euros,

. indemnités compensatrices de préavis (brut) : 10 461,46 euros,

. indemnités compensatrices de congés payés sur préavis (brut) : 1 046,15 euros,

. rappel de salaire brut au titre de la mise à pied conservatoire : 2 063,63 euros,

. indemnités compensatrices de préavis y afférents (brut) : 206,36 euros,

. dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et de santé des salariés : 94 153,14 euros,

. intérêts de droit à compter de la saisine capitalisés,

Subsidiairement, au cas où le licenciement serait jugé sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Prisma Media à payer à M. [K] les sommes suivantes :

. rappel de salaire brut (5 ans) : 41 016 euros,

. indemnités compensatrices de congés payés y afférents (brut) : 4 101,60 euros,

. dommages et intérêts pour harcèlement moral : 94 153,14 euros,

. dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 94 153,14 euros,

. indemnité conventionnelle de licenciement (solde) : 8 161,66 euros,

. indemnités compensatrices de préavis (brut) : 10 461,46 euros,

. indemnités compensatrices de congés payés sur préavis (brut) : 1 046,15 euros,

. rappel de salaire brut au titre de la mise à pied conservatoire : 2 063,63 euros,

. indemnités compensatrices de préavis y afférents (brut) : 206,36 euros,

. dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et de santé des salariés : 94 153,14 euros,

. intérêts de droit à compter de la saisine capitalisés,

– condamner la société Prisma Media à communiquer à M. [K] les documents de fin de contrat et bulletins de salaire mis à jour sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

– en tout état de cause, condamner la société Prisma Media à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2022, la société Prisma Media demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 28 mai 2021 en ce qu’il a jugé :

« dit et juge que le licenciement de M. [K] repose sur une faute simple et que le licenciement de M. [K] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Prima Media à verser à M. [K] les sommes suivantes :

9 094,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

909,42 euros à titre de congés payés sur préavis,

7 095,02 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de licenciement,

1 793,93 euros à titre de rappel de salaire brut au titre de la mise à pied conservatoire,

179,39 euros à titre de congés payés y afférents,

1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Prisma Media de sa demande reconventionnelle,

Condamne la société Prisma Media aux dépens »,

– confirmer le jugement du 28 mai 2021 pour le surplus et statuant à nouveau :

. dire et juger que le licenciement de M. [K] repose bien sur une faute lourde,

. débouter M. [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

. condamner M. [K] à payer à la société Prisma Media la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamner M. [K] aux entiers dépens de l’instance.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 05 juillet 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 06 octobre 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

M. [K] soutient en premier lieu que son poste de travail doit être requalifié et qu’un rappel de salaire lui est dû à ce titre. Il soutient en second lieu que son licenciement est nul dès lors qu’il a subi et dénoncé une situation de harcèlement moral de la part de son employeur et qu’à tout le moins son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur la requalification du poste de travail

M. [K] expose que depuis son entrée au sein du magazine Géo, il exerçait en pratique des fonctions de chef de service qui vont bien au-delà de celles d’un chef de rubrique, jusqu’à sa brutale rétrogradation en 2012, consécutive au harcèlement qu’il a subi depuis 2009.

Il demande en conséquence que son salaire mensuel brut soit fixé à 5 230,73 euros et réclame paiement de la différence avec le salaire de 4 547,13 euros qui a été retenu par la société pour fixer ses indemnités de rupture, durant 5 années, soit la somme de 41 016 euros outre les congés payés afférents.

Sur la prescription

M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes le 18 juin 2018 d’une demande de rappel de salaire depuis 5 ans, soit donc pour les salaires concernant la période du 18 juin 2013 au 18 juin 2018.

La société Prisma Media soutient en premier lieu que la demande de M. [K] est prescrite pour les sommes antérieures au 18 juin 2015, en application de la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail.

M. [K] répond que la prescription n’a commencé à courir qu’à compter du 28 mars 2018, date du rapport d’enquête des délégués du personnel qui a établi qu’il était victime d’une discrimination salariale.

L’article L. 3245-1 du code du travail dispose que “L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat.”

Il ressort du rapport d’enquête établi par M. [D] [Z], délégué du personnel au sein de l’UES Prisma Média, daté du 28 mars 2018 (pièce 32 du salarié), qu’un droit d’alerte a été déclenché le 22 novembre 2017 sur l’évolution professionnelle et salariale de M. [K]. Après comparaison de la situation de ce salarié avec un panel de chefs de rubrique entrés en fonction entre 2006 et 2008, il en ressort que M. [K] a eu une évolution salariale stable, son salaire ayant très peu augmenté en 9 ans, tandis que les autres salariés du panel ont eu une évolution salariale beaucoup plus rapide, correspondant à une évolution de poste, en qualité de chef de service ou de rédacteur en chef adjoint.

M. [K] ne fonde pas sa demande sur une discrimination salariale qui résulterait d’une insuffisance de salaire au regard de ses fonctions de chef de rubrique, à laquelle s’appliquerait la prescription quinquennale de droit commun prévue par l’article 2224 du code civil. Il demande un rappel de salaire lié à un repositionnement en qualité de chef de service bénéficiant d’une rémunération supérieure, auquel s’applique la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail.

M. [K] avait connaissance du fait qu’il demeurait chef de rubrique malgré ses demandes de repositionnement en qualité de chef de service bien avant que ne soit rendu le rapport d’enquête du 28 mars 2018 et la situation a perduré jusqu’au 12 décembre 2017, date de la rupture du contrat de travail, qui constitue le point de départ de la prescription.

M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes dans les trois années suivant cette date.

Il peut en conséquence demander un rappel de salaire au titre des trois années précédant, non pas la saisine du conseil de prud’hommes du 18 juin 2018, mais la rupture du contrat de travail, soit pour la période allant du 12 décembre 2014 au 12 décembre 2017.

La demande portant sur la période du 18 juin 2013 au 12 décembre 2014 est donc prescrite.

Sur le bien-fondé de la demande

La société soutient que M. [K] n’a jamais eu à effectuer un travail de chef de service et qu’il avait le plus grand mal à effectuer son travail de chef de rubrique de façon satisfaisante, raison pour laquelle le passage au poste de chef de service lui a toujours été refusé. Elle fait valoir qu’il n’a jamais eu la responsabilité d’un hors-série dans sa totalité, son travail étant toujours supervisé par sa hiérarchie.

M. [K] a été engagé par la société Prisma Presse en contrat à durée indéterminée du 5 juin 2002 au 30 septembre 2002 et du 25 novembre 2002 au 31 mars 2003 en qualité de chef de service au sein de la rédaction de Géo (pièces 60 à 78 du salarié).

Cependant, par contrat à durée indéterminée à effet au 1er mars 2004, M. [K] a été engagé en la seule qualité de chef de rubrique (pièce 1 du salarié).

La fiche de poste de chef de rubrique Géo établie en décembre 2012 mentionne (pièce 8 de la société) :

‘Description du poste : De façon générale, le chef de rubrique a en charge la gestion de pages du magazine. Il livre ces pages au chef de service concerné.

Il doit plus particulièrement :

– assurer la remise de rubriques au chef de service ou éventuellement au RCA [rédacteur en chef adjoint], avec un niveau de qualité proche de celui de la publication. Les rubriques, dans Géo, étant généralement considérées comme les articles de 2 pages et moins.

– effectuer des propositions d’editing au chef de service ou RCA.

– participer avec le chef de service ou le RCA à l’élaboration de dossiers.

– effectuer des reportages, enquêtes et articles lui-même, en fonction des besoins exprimés par la rédaction en chef.

– respecter les délais affichés dans les plannings.

Cette liste n’est pas exhaustive et peut évoluer en fonction des nécessités de la rédaction.

Compétences :

Le niveau d’écriture doit être bon, à savoir qu’il ne doit pas nécessiter un travail de réécriture majeur. Les plans doivent être clairs, les démonstrations rigoureuses, les enchaînements de raisonnement bien assurés. La documentation en amont solide et le style doit éviter les locutions faciles et les banalités d’écriture.

Rattachement hiérarchique :

Le chef de rubrique remet ses copies à un chef de service, ou dans certains cas précis et définis par le RCA (rubriques notamment, absence de chef de service, domaine non attribué à un chef de service …), au RCA. Les versions initiales des écrits seront remises au RCA. Pour ce qui concerne l’entretien annuel, compte tenu de cette organisation, il sera effectué par le RCA, qui prendra avis auprès des chefs de service concernés.’

La fiche de poste de chef de service, rattaché hiérarchiquement au rédacteur en chef ou au rédacteur en chef adjoint (pièce 27 du salarié annexe 4) mentionne quant à elle :

‘Finalité du poste :

Assurer la production de contenu sur un périmètre thématique donné, en cohérence avec les objectifs fixés en s’appuyant selon les cas et selon les besoins, sur une équipe de journalistes et/ou de pigistes.

Activités :

Organisation et coordination de la production de contenu.

– recueillir des propositions de sujets à traiter,

– rechercher et proposer des idées de sujets,

– choisir des sujets,

– traiter des sujets et attribuer les sujets à traiter,

– établir la programmation en fonction de la saisonnalité de l’actualité,

– participer à la conférence de rédaction,

– réceptionner les sujets et les corriger,

– faire l’editing : titres, chapeaux…

– commander les photos en relation avec le service photo et le directeur artistique,

– assurer le respect des délais,

– coordonner les intervenants,

– relire et arbitrer les articles à paraître : valider les contenus,

– définir les traitements rédactionnels à réaliser et évaluer leur faisabilité technique,

– valider les maquettes et la mise en page avec les secrétaires de rédaction,

– le cas échéant, réaliser les coupes et les légendes,

– veiller à respecter la ligne éditoriale,

Veille de l’audience :

– cibler les contenus en fonction de l’audience,

– veiller au référencement le cas échéant,

Le cas échéant, management d’une équipe.’

M. [K] ayant modifié le texte fourni par une journaliste pour la rubrique ‘le patrimoine vu d’ailleurs’ du numéro spécial 25 ans du magazine Géo en détournant les propos d’un metteur en scène iranien et en y ajoutant des mots à caractère sexuel, il a été sanctionné par une rétrogradation au poste de rédacteur spécialisé par courrier du 25 mars 2004. Il n’a retrouvé ses fonctions de chef de rubrique que le 1er décembre 2007 (pièces 2 à 4 de la société).

M. [K] soutient qu’il a assumé toutes les activités et responsabilités d’un chef de service comprenant la réalisation de 14 gros dossiers de couverture comme ses autres collègues qui portaient le titre de chef de service.

Il produit à cet égard :

– en pièce 50 le justificatif qu’il a été le rédacteur des dossiers de couverture des numéros de Géo 358 de décembre 2008 et 370 de décembre 2009, comme il l’avait déjà été pour le numéro 288 de février 2003 lorsqu’il était chef de service,

– en pièces 4.1 et 4.2 deux fiches concernant le numéro 379 de Géo préparé en 2010 où est mentionné qu’il a la qualité de ‘chef de service responsable’,

– en pièce 14 son commentaire sur le compte rendu de son entretien d’évaluation 2010 dans lequel il demande sa régularisation au poste de chef de service, faisant valoir qu’il s’agit des fonctions réelles qu’il assume depuis 2004, qu’il détaille : proposition de sujets à la rédaction en chef, conception de synopsis détaillés, proposition et briefing des pigistes, budget estimatif des reportages, calcul des coûts par page, réécriture de textes, choix des photos et conception de la maquette, editing et suivi des sujets etc.

D’ailleurs dans son évaluation 2010 (pièce 15 de la société), les objectifs qui lui sont fixés excèdent ceux d’un chef de rubrique puisqu’il lui est demandé ‘d’élargir le nombre de pigistes de qualité. (…) Pour chaque article, gérer et maîtriser le prix de revient par page. Proposer des sujets ‘à nous’, en lien avec l’actu au sens large avec un angle grand public. S’engager positivement dans la nouvelle formule et être source de propositions.’

Il ressort cependant d’une note établie par le salarié en octobre 2017 à l’attention de l’expert diligenté par le CHSCT [comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail] que M. [K] revendiquait avoir exercé les fonctions de chef de service de fait entre 2003 et 2012.

Il ressort des pièces versées au débat que cela n’a plus été le cas à partir de 2012 où M. [K] dénonce lui-même sa rétrogradation. Ainsi, M. [K] a revendiqué le positionnement de chef de service dans un courrier du 30 octobre 2012 faisant suite à la réorganisation de la rédaction et s’est heurté à un refus de la société, qui estimait qu’il avait des axes d’amélioration à travailler et qu’au regard de ses évaluations, une promotion n’était pas envisagée (pièces 17 et 19).

S’il ressort de courriels envoyés à la direction en juin 2015 par M. [K] ou des membres du CHSCT (pièces 23-1 à 23-4) que dans un contexte de sous-effectif dans la rédaction, M. [K] s’est vu confier la réalisation d’un numéro hors-série sur les châteaux de la Loire, alors qu’il n’était que chef de rubrique, il écrit lui-même en page 15 de ses conclusions que cette tâche lui avait été ‘exceptionnellement confiée’. M. [K] a reconnu ne pas avoir actualisé à cette occasion la partie du guide pratique reprise d’un précédent auteur, la société produisant en pièce 10 un courriel daté du 24 juillet 2015 de Mme [A], responsable des ressources humaines, qui confirme que M. [K] s’est vu confier la rédaction de ce hors-série mais qu’une rectification des erreurs du guide pratique a dû être faite en urgence par Mme [R], rédactrice en chef, compte tenu des erreurs qu’il présentait.

M. [K] produit le projet de procès-verbal de la réunion du CHSCT du 14 mars 2011, relatif à sa souffrance au travail, dans lequel Mme [F] [V], secrétaire par intérim du CHSCT, indique qu’il est un chef de rubrique au dessus duquel a été placé un chef de service afin d’éviter tout contact direct avec les rédacteurs en chef avec lesquels les relations étaient difficiles (pièce 9).

Le rapport d’enquête de M. [Z] sur l’évolution de la rémunération de M. [K] et la réponse de la direction ne permettent pas d’établir que M. [K] exerçait dans les faits en 2017 des fonctions de chef de service (pièces 32 et 33 du salarié).

La société produit en pièce 20 l’entretien d’évaluation de l’année 2016 du salarié dont il ressort que ses missions mensuelles étaient :

‘- la rubrique Photoreporter,

– la rubrique Monde qui change,

– l’interview et l’editing des pages Regard (sous supervision d’un chef de service).

Ponctuellement si nécessaire :

– ta participation à des HS [hors série] sur des textes du même ordre que ceux que tu assures chaque mois (textes courts, editing, interviews type ‘Regard’),

– reportages.’, l’évaluateur concluant : ‘Je te rappelle que tu n’as jamais eu le titre de chef de service et donc n’en assumes pas les missions – et les contraintes non plus. Seul un travail très bien maîtrisé sur la fonction de chef de rubrique pourrait permettre d’envisager une évolution. A ce jour, les conditions ne sont pas réunies’.

M. [K] produit en pièce 25 la note qu’il a établie sur cette évaluation, dans laquelle il estime que les critiques qui sont faites sur son travail sont abusives et partiales et où il écrit que ‘le fait de me confier davantages de reportages et d’enquêtes, au motif qu’il s’agissait d’un domaine où mes compétences étaient reconnues, constituait la contrepartie de la réduction très importante de mes responsabilités au sein de la rédaction et de ma brusque mise sous tutelle des chefs de service, décidée en 2012.’, ce qui corrobore le fait que son rôle était, dans les faits, limité à celui de chef de rubrique inscrit à son contrat de travail.

Ces éléments ne suffisent pas à justifier que M. [K] assumait dans les faits, à partir de 2012 soit cinq années avant son licenciement, des fonctions de chef de rubrique et qu’il y a lieu de requalifier en ce sens son poste de chef de service.

M. [K] sera en conséquence débouté de sa demande concernant les salaires réclamés à compter du 12 décembre 2014, par confirmation de la décision entreprise.

Sur le harcèlement moral

En application des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 […], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [K] expose que son travail donnait satisfaction à son employeur mais qu’à compter du changement de la rédaction en chef du magazine en 2009, avec l’arrivée de M. [M] [U], rédacteur en chef et de Mme [Y] [X], rédactrice en chef adjointe, les relations de travail au sein de l’entreprise se sont particulièrement tendues avec les salariés, le management mis en place étant agressif, vexatoire et répressif, la qualité de son travail étant remise en cause de façon systématique et injustifiée.

Il invoque avoir subi les faits suivants, relevant selon lui d’un harcèlement moral :

– des mesures d’exclusion consistant à ne pas le convoquer à des réunions de travail concernant ses rubriques,

– une rétrogradation fonctionnelle à compter de 2012,

– des corrections multiples ne laissant place à aucune marge de manoeuvre ou de création du journaliste et s’analysant en une infantilisation,

– une “mise au placard” en 2014 avec la prise en charge d’uniquement trois rubriques résiduelles au sein du magazine,

– un gel de son salaire depuis 2008,

– l’absence de toute promotion,

S’agissant du défaut de convocation à des réunions de travail, il produit pour en justifier en pièce 7 un courriel du 30 septembre 2010 dans lequel il proteste sur son absence, ainsi que celle d’un collègue, dans un mail de convocation à une réunion consacrée à l’organisation des plannings des futurs numéros du magazine, ce qui constitue pour lui une mesure d’ostracisme inédite. Le fait est établi pour cette seule réunion.

S’agissant de la rétrogradation fonctionnelle à compter de 2012, M. [K] produit le courrier qu’il a adressé le 30 octobre 2012 à la responsable des ressources humaines de la société, avec copie à la Direccte, pour exprimer sa consternation de se voir rétrograder dans le cadre de la nouvelle réorganisation du travail au sein de la rédaction de Géo, dès lors que désormais il ne suivra plus seul des sujets et dossiers de couverture, son travail devant être soumis systématiquement à un chef de service avant d’être présenté à la rédaction en chef (pièces 17 et 18).

S’agissant des corrections multiples injustifiées, M. [K] produit en pièce 5 des remarques écrites qui lui ont été faites en juillet 2010 par M. [U] et Mme [X] sur la rédaction insatisfaisante de certains de ses articles et ses protestations, considérant que les remarques exclusivement négatives et sans nuances sur son travail sont injustifiées et soupçonnant la direction de le harceler pour le pousser à un départ volontaire et éviter de le nommer chef de service.

Il a commenté dans le même sens le 11 octobre 2010 les appréciations figurant sur le compte-rendu de son entretien d’évaluation annuel, s’estimant victime depuis octobre 2009, avec l’arrivée de la nouvelle rédaction en chef déléguée, d’une forme de harcèlement (pièce 14).

Il produit en pièce 11 une “lettre ouverte des salariés Géo à [G] [HF], éditeur du pôle découverte” datée du 12 janvier 2011, signée par 20 personnes (délégués du personnel et le responsable syndical de la rédaction) dont M. [K], qui dénonce des pressions inacceptables subies depuis quelques temps par des salariés de la rédaction de Géo mensuel, qui relèvent du harcèlement caractérisé, en raison de la mise en cause systématique et totalement injustifiée de leur travail, accentuées après les alertes faites auprès de la DRH.

Le 31 janvier 2011, le médecin du travail a orienté M. [K] vers la consultation hospitalière de pathologie professionnelle du docteur [S] (pièce 12). Le compte rendu du docteur [S] indique que M. [K] présente un syndrome anxiodépressif avec troubles de l’humeur, troubles du sommeil, idées en boucle sur le travail suite à des relations de travail présentées comme délétères par le salarié, la situation s’étant un peu arrangée depuis que la direction a réagi et que la pression s’est un peu relâchée (pièce 13).

Lors d’une réunion du CHSCT du 14 mars 2011, a été évoquée la souffrance au travail de M. [K] et Mme [I] [T], journalistes à Géo, exprimée auprès du médecin du travail. Le DRH a indiqué qu’après avoir reçu l’ensemble des personnes concernées, il a demandé que deux chefs de service prennent en charge les journalistes intéressés afin qu’ils n’aient pas de contact direct au quotidien avec le rédacteur en chef (M. [U]) et la rédactrice en chef déléguée (Mme [X]), qui étaient accusés de harcèlement moral. L’existence de demandes et exigences contradictoires de la part du rédacteur en chef et de la rédactrice en chef déléguée était évoquée, le DRH reconnaissant que “il est sans doute vrai que les demandes ont été trop brutales et ont été mal prises”. Le CHSCT a décidé lors de cette réunion de diligenter une enquête.

Par courrier du 30 octobre 2012, M. [K] a contesté sa rétrogradation suite à la réorganisation de la rédaction. La société lui a répondu qu’il avait des axes d’amélioration à travailler et qu’au regard de ses évaluations, une promotion vers un poste de chef de service n’était pas envisagée (pièces 17 et 19).

A l’issue d’une réunion en décembre 2012, il a été convenu que M. [K] ferait d’avantage d’enquêtes et de reportages sur le terrain, ainsi qu’il ressort de la fiche de poste de chef de rubrique Géo qui lui a alors été remise (pièce 20).

M. [K] relate qu’il a pu effectuer un travail de rédaction relativement normal entre janvier 2013 et mars 2014 mais que les difficultés ont repris en 2014, concomitamment à son élection en qualité de représentant du personnel au CHSCT (justifiée par ses pièces 22.1 et 22.2).

La sévérité des critiques formées contre le hors-série sur les châteaux de la Loire qui avait été confié à M. [K] a été contestée par ce dernier et deux membres du CHSCT en juin 2015 (pièces 23.1 à 23.3). M. [K] a été conduit à refuser de signer de son nom une rubrique en raison d’un désaccord sur son contenu (pièce 24).

M. [K] vise en pièce 23.4 un courriel qu’il a adressé à M. [U] le 9 juillet 2015 dans lequel il proteste contre les remarques exclusivement négatives faites sur son travail et s’étonne de l’envoi systématique de mails reprenant et détaillant des reproches et des menaces de sanctions qui lui sont faits, avec copie à la DRH, ce qui lui rappelle les tentatives déjà entreprises en 2010-2011 contre lui et [I] [T], ayant conduit au départ de cette dernière pour “burn out”.

M. [K] a encore protesté contre la synthèse défavorable de son évaluation 2016 (pièce 25) et contre le fait qu’il lui était désormais interdit de partir en reportage (courriel du 28 avril 2016 – pièce 26.1).

Il produit des exemples de corrections faites sur ses articles en 2017 (pièces 57 à 58).

Le CHSCT a déclenché une nouvelle enquête paritaire le 22 février 2017. Ni le rapport ni le courrier qu’aurait adressé l’inspection du travail le 6 juillet 2017 à sa suite ne sont produits. Le rapport ultérieur du cabinet [B] (pièce 27 du salarié, page 10) relate cependant que l’enquête paritaire a conclu que de nombreux problèmes d’organisation du travail au sein de la rédaction sont facteurs de risques psychosociaux et que la situation est urgente et dangereuse.

Deux accidents du travail sont survenus les 2 et 7 août 2017, deux salariés s’effondrant sur le lieu de travail.

Lors de sa séance du 22 août 2017, la direction n’ayant pas validé le rapport d’enquête paritaire, le CHSCT a décidé de recourir à une expertise en mandatant le cabinet [B], lequel a rendu son rapport le 15 janvier 2018 (pièce 27 du salarié).

Dans son rapport, le cabinet [B] confirme l’analyse de l’enquête paritaire sur l’existence de facteurs de risques psychosociaux et met en évidence le regard “psychologisant” de la direction sur la situation, imputant les tensions et les souffrances aux difficultés d’adaptation des salariés qui les évoquent et non au modèle organisationnel et aux conditions de travail, alors que les difficultés au sein de la rédaction durent depuis plusieurs années et sont particulièrement aiguës.

Le rapport relate que pendant le déroulement de l’expertise, à la suite d’une réunion de rédaction du 27 octobre 2017 à laquelle deux sujets qu’il avait proposés ont été refusés sans explications, un salarié (M. [K]) a présenté une situation de décompensation avec malaise et idées suicidaires. Au cours de l’entretien qu’il a eu avec le cabinet [B], M. [K] a expliqué sa situation de souffrance extrême et son incompréhension face aux humiliations infligées de manière répétée. L’expert a estimé que ce salarié était victime de “mobbing”, soit “une situation communicative qui menace d’infliger à l’individu de graves dommages, psychiques et physiques. Le mobbing est un processus de destruction ; il est constitué d’agissements hostiles qui, pris isolément, pourraient sembler anodins, mais dont la répétition constante a des effets pernicieux. Les caractéristiques du mobbing sont les suivantes : confrontation, brimades et sévices, dédain de la personnalité et répétition fréquente des agressions sur une assez longue durée.”

M. [K] a été placé en arrêt de travail le 27 octobre 2017 (pièce 30) et a dénoncé par écrit sa situation au cabinet [B] et à l’inspection du travail, indiquant qu’il est “vraiment désespéré” (pièces 28 et 29). Une alerte pour danger grave et imminent a été déclenchée par la secrétaire du CHSCT le 27 octobre 2017 sur la situation de M. [K], lequel a été mis à pied et licencié au cours de l’expertise, dans des conditions vécues comme traumatisantes par nombre de salariés de la rédaction du magazine selon le rapport.

Le cabinet [B] a mis en évidence la situation de souffrance des représentants du personnel, le haut degré de conflictualité au sein de l’entreprise, la surcharge de travail en raison d’un manque d’effectif, une “industrialisation” du travail (variabilité des activités due à la multiplication par deux des titres de Géo et dans le même temps, standardisation de la production écrite), des situations de travail dégradées, l’émergence d’une nouvelle norme comportementale (la figure d’un exécutant hyperproductif), une opacité de fonctionnement ou un flou organisationnel, des pratiques managériales délétères adoptées par certains (autoritarisme, report de la responsabilité et de la résolution du conflit sur les seuls salariés), un collectif de travail empêché.

M. [N] [YY], journaliste à Géo, confirme le dénigrement du travail de M. [K] par la rédaction en chef à compter de fin 2009, alors qu’il était un grand reporter réputé (pièce 44). M. [W] [E] confirme les qualités professionnelles initiales de M. [K] (pièce 45).

Le fait est en conséquence établi.

S’agissant de la “mise au placard” en 2014 avec la prise en charge d’uniquement trois rubriques résiduelles au sein du magazine, elle ressort de l’attestation établie par M. [N] [YY] qui indique qu’à partir de 2014 il a été interdit à M. [K] de partir en reportage, domaine où il excelle et de l’attestation de Mme [H] [P], journaliste (pièce 49).

Par ailleurs, l’évaluation de 2014 produite en pièce 18 par l’employeur montre que M. [K] gérait les rubriques “Photo reporter”, “Héros” et “Monde qui change”, outre des grands reportages (2 en 2013).

S’agissant du gel du salaire depuis 2008 et de l’absence de toute promotion, ils ressortent des pièces 32 et 33 discutées au titre de la requalification du poste de travail.

M. [K] fait encore valoir que la situation de pression au sein de la société a conduit à la condamnation de la société Prisma Média pour des faits de harcèlement.

Il produit en ce sens deux jugements rendus par le conseil de prud’hommes de Paris, dont la société Prisma Media indique avoir interjeté appel.

Le 19 mars 2021, le conseil a requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude de M. [L] [O], directeur artistique, son état dépressif sévère étant issu des manquements de l’employeur, consistant en une augmentation de la charge de travail (augmentation des numéros hors-série) sans effectifs supplémentaires et en un management agressif ayant engendré de la souffrance au travail (pièce 53).

Le 1er juin 2021, le conseil a prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de Mme [P], journaliste, cette dernière ayant subi des faits de harcèlement moral de la part de M. [U] (pièce 54).

M. [K] produit en pièce 48 l’attestation établie par M. [O] qui relate la dégradation des conditions de travail à partir de la nomination de M. [U], la remise en cause systématique du travail de M. [K] et de Mme [T], “dans les plus petits détails, comme s’ils étaient devenus soudainement incompétents” et la souffrance au travail de M. [K], qui était totalement désespéré, la rédaction en chef ne faisant pas cas de son isolement anormal et de sa souffrance. Mme [P] témoigne également du mal-être de M. [K] (pièce 49). Les deux salariés évoquent leur crainte que M. [K] se suicide.

S’agissant de la dégradation de son état de santé, M. [K] produit un certificat de son médecin traitant qui relate la récurrence de consultations pour un tableau d’anxiété généralisée liée au travail de 2010 à 2017, avec un épuisement physique devenu majeur en 2015, justifiant des arrêts de travail itératifs (pièce 51), l’historique de ses arrêts de travail (du 23 novembre au 4 décembre 2014, du 13 au 19 juillet 2015, du 2 au 9 septembre 2015, du 23 novembre au 4 décembre 2015, du 24 août au 2 septembre 2016, les 26 et 27 janvier 2017, du 8 au 28 février 2017, du 22 juillet au 11 août 2017, du 27 octobre au 3 novembre 2017 – pièce 15) et le justificatif d’un suivi régulier par le médecin du travail (pièce 16).

Sont ainsi matériellement établis des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

La société Prisma Media réplique que M. [K] n’a jamais véritablement donné satisfaction au poste de chef de rubrique, de sorte qu’il a fait l’objet de remarques, sans qu’il y ait jamais eu de dégradation fonctionnelle ni de mise au placard ; que les faits relatés par M. [K] caractérisent un ressenti lié aux multiples reproches légitimes qui lui ont été faits, relevant du pouvoir de direction de l’entreprise.

Elle fait valoir que le seul exemple d’exclusion d’une réunion produit par M. [K] remonte à 2010, soit 8 ans avant son licenciement, ce qui est exact.

Elle dément toute rétrogradation fonctionnelle en 2012 en faisant valoir que M. [K] n’a jamais été chef de service et que la seule rétrogradation qu’il a connue concerne la période 2004-2007 durant laquelle il était rédacteur spécialisé. Néanmoins, M. [K] s’est bien vu retirer toute autonomie rédactionnelle en 2012, par une “clarification des flux de copies au sein de la rédaction” comme l’a reconnu la société dans sa réponse du 13 décembre 2012 au courrier du salarié du 30 octobre 2012 (pièce 7 de la société).

S’agissant des corrections multiples, la société fait valoir qu’en sa qualité de chef de rubrique, M.[K] était soumis au contrôle de sa hiérarchie et que ces corrections ont été rendues nécessaires par la qualité du travail de M. [K], régulièrement jugée insuffisante par sa hiérarchie. Elle souligne que les reproches ont été continus dans le temps et partagés par l’ensemble des supérieurs hiérarchiques de M. [K], depuis son embauche jusqu’à son licenciement.

Elle produit à cet égard :

– la lettre du 25 mars 2004 par laquelle est notifiée à M. [K] une rétrogradation qui a toutefois pour cause une modification volontaire des propos d’une journaliste et non une insuffisance rédactionnelle (pièce 3),

– les reproches faits par M. [U] sur le travail effectué sur les pages “guide pratique” du numéro hors-série sur les châteaux de la Loire du 26 juin 2015, Mme [A] ajoutant que Mme [R], rédactrice en chef adjointe, a dû reprendre le guide en urgence la veille du bouclage (pièces 9 et 10),

– les échanges de courriels du mois de juillet 2016 entre M. [K], Mme [R] et M. [U], reprochant des erreurs factuelles et un manque de discernement de M. [K], outre l’attitude rétive de ce dernier face aux modifications qui lui sont demandées (pièce 11),

– les évaluations de M. [K] dans lesquelles on note :

° en 2005 de “très gros progrès” à accomplir en editing, le travail sur les textes étant jugé “insuffisant” par Mme [C], ce dernier terme étant contesté par le salarié (pièce 12),

° en 2007 un risque d’accroissement de baisse de motivation signalé par M. [U] (pièce 13),

° en 2008 une année plutôt positive avec reprise partielle de motivation “à confirmer” et rétablissement dans les fonctions de chef de rubrique, même s’il est indiqué que le style de M. [K] demeurait à améliorer (pièce 14),

° en 2010, Mme [X] estime que son résultat est insuffisant (pièce 15),

° en 2011, M. [U] souligne qu’en ce qui concerne l’écriture, “souvent la RC [rédaction en chef] a dû intervenir de façon importante. Les raisons : trop de formulations banales, des articles manquant d’idées fortes, de problématiques évoquées qui n’étaient pas intéressantes. Editing. Là aussi, trop souvent des propos banals, ne mettant pas en valeur les idées fortes, surprenantes.”, l’attitude du salarié par rapport à la critique étant notée comme positive (pièce 16). M. [K] a refusé de signer cette évaluation,

° en 2012, M. [U] estime que des efforts ont été faits mais que les articles nécessitent encore souvent de la réécriture et ne sont pas publiables en l’état, que M. [K] doit monter en puissance sur la quantité de travail et être plus innovant sur les sujets à trouver, mais qu’il reste à l’écoute sur les critiques (pièce 17). M. [K] a noté qu’il ne partageait que partiellement les appréciations portées,

° en 2014, l’évaluation opérée par Mme [R] est positive, soulignant en particulier les solides compétences de reporter terrain de M. [K], même si elle indique que ce dernier peut encore progresser sur la forme et l’editing et doit accepter le chapeautage de son travail par les chefs de service (pièce 18),

° en 2015, Mme [R] a relevé un net recul par rapport à l’année précédente, avec trop d’erreurs dans les textes, d’approximations dans les raisonnements et des explications insatisfaisantes de la part du salarié. L’année a été jugée difficile, avec trop de hauts et de bas (pièce 19),

° en 2016, Mme [R] estime que le résultat global est insuffisant, avec une fiabilité insuffisante des textes, un style souvent convenu, des informations insuffisamment vérifiées, qui ont conduit à ne pas planifier de reportages en 2015 ; que l’année a été particulièrement difficile avec une dégradation par rapport à l’année antérieure. Elle reproche par ailleurs à M. [K] d’avoir une attitude de défiance systématique vis-à-vis de sa hiérarchie, un engagement limité et de faire le “minimum vital” (pièce 20).

Il ressort de ces évaluations que si des faiblesses de M. [K] avaient été signalées au début de son embauche, la société était suffisamment satisfaite de son travail pour lui faire retrouver en 2007 ses fonctions de chef de rubrique ; que les critiques sur le travail de M. [K] ont été plus nombreuses à partir de 2009, suite au changement de rédaction en chef, alors que dans le même temps et sur le long terme, des critiques, alertes et enquêtes avaient lieu précisément sur les effets dévastateurs d’un management délétère et de critiques excessives du travail de plusieurs salariés.

La société soutient que le recours moins fréquent de M. [K] pour des reportages a eu lieu pour des raisons économiques mais ne produit aucune pièce en justifiant, alors que l’évaluation 2016 impute au contraire l’absence de planification des reportages à l’insuffisance professionnelle du salarié.

La société reconnaît que la dernière augmentation de salaire de M. [K] remonte à 2008, expliquant que cela est lié, tout comme l’absence de promotion, au travail insuffisant de M. [K].

Elle estime avoir pris des mesures pour protéger autant que possible les salariés et critique le rapport du cabinet [B], dont l’indépendance lui semble suspecte dès lors que M. [K] avait suivi en 2015 une formation auprès de ce cabinet. Or le seul fait que M. [K] a suivi un stage de formation générale agréée des représentants du personnel au CHSCT début 2015 dans les locaux du cabinet [B] ne saurait suffire à jeter le discrédit sur le travail approfondi fait par ce cabinet, qui dépasse largement le seul cas de M. [K] (pièce 22.1 du salarié). La société produit ses observations sur le rapport établi par [B], qui se limitent principalement à mettre en avant les mesures que la société avait prises après l’enquête paritaire décidée par le CHSCT (pièces 32 et 33).

La société fait valoir que le rapport de [B] a été rendu trop tardivement pour avoir un quelconque effet sur le licenciement de M. [K] mais il est constant que ce licenciement a été prononcé alors que l’employeur était parfaitement avisé qu’une expertise, concernant notamment la situation de ce salarié, était en cours.

La société réfute tout lien entre la situation professionnelle et l’état de santé prétendument dégradé de M. [K], qui résulte pourtant des pièces produites.

Ainsi, quand bien même le travail de M. [K] pouvait être insatisfaisant et donner lieu à des critiques de la part de sa hiérarchie, la société Prisma Media ne justifie pas que les agissements qui ont été mis en évidence ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour retiendra en conséquence que M. [K] a subi des faits de harcèlement moral de la part de la société Prisma Media et allouera à ce dernier une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, par infirmation de la décision entreprise.

Sur la nullité du licenciement

Il résulte de l’article L. 1152-3 du code du travail que ‘toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul’.

Ainsi, le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié qui a subi des agissements de harcèlement moral est nul.

En l’espèce, M. [K] a écrit le courrier litigieux qui a fondé son licenciement pour faute lourde en réaction au harcèlement moral qu’il a subi durant plusieurs années au sein de la rédaction du magazine Géo.

Son licenciement doit en conséquence être jugé nul, par infirmation de la décision entreprise.

Sur l’indemnisation du licenciement

Sur l’indemnité pour licenciement nul

L’article L. 1235-3-1 du code du travail prévoit que lorsque le licenciement est entaché de nullité notamment à raison de faits de harcèlement moral et si le salarié n’est pas réintégré, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Sur la base d’un salaire de 5 230,73 euros correspondant à celui d’un chef de service, M. [K] demande paiement d’une somme de 94 153,14 euros correspondant à 18 mois de salaire.

Sur la base du salaire de référence perçu pour le poste de chef de rubrique (4 547,13 euros), compte tenu de l’ancienneté du salarié (14 ans) et de son âge au moment du licenciement (56 ans), l’indemnité sera fixée à 15 mois de salaire soit 68 206,95 euros.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

En application de l’article 46 de la convention collective applicable, M. [K] a droit à une indemnité compensatrice de préavis d’une durée de deux mois, soit la somme de 9 094,26 euros outre 909,42 euros au titre des congés payés afférents. La décision de première instance qui a alloué ces sommes sera confirmée.

Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

Conséquence de la nullité du licenciement, le salaire est dû à M. [K] pour la durée de la mise à pied à titre conservatoire du 27 novembre au 12 décembre 2017, soit la somme de 1 793,93 euros et 179,39 euros au titre des congés payés afférents, par confirmation de la décision entreprise.

Sur le solde d’indemnité compensatrice de licenciement

Bien que licencié pour faute lourde, M. [K] s’est vu allouer une indemnité conventionnelle de licenciement.

M. [K] doit être débouté de sa demande en paiement d’un solde d’indemnité de licenciement calculé sur la base d’un salaire de 5 230,73 euros, dès lors qu’il a été rempli de ses droits par le versement d’une somme de 68 207 euros calculée sur la base d’un salaire de 4 547,13 euros en application de l’article L. 7112-3 du code du travail et de l’article 44 de la convention collective applicable.

La décision de première instance sera infirmée en ce qu’elle a alloué, sans explications, une somme de 7 095,02 euros à ce titre. Statuant de nouveau, la cour déboutera M. [K] de sa demande.

Sur le non-respect de l’obligation de sécurité

M. [K] soutient que la société Prisma Media a violé son obligation de sécurité et de santé des salariés en ne prenant pas les mesures nécessaires malgré les multiples procédures d’alerte mises en place par les délégués du personnel et le CHSCT et les conclusions d’une expertise sur les risques psychosociaux au sein de la rédaction de Géo.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, ‘l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1,

2° des actions d’information et de formation,

3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

L’employeur met en oeuvre les mesures prévues par ces dispositions dans le respect des principes généraux de prévention énoncés à l’article L. 4121-2 du code du travail.

Respecte l’obligation de sécurité, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l’espèce, il ressort des développements précédents que la société Prisma Media, en dépit de plusieurs alertes des représentants du personnel et d’enquêtes du CHSCT, n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger les salariés de situations de risques psychosociaux encore mis en évidence par le rapport du cabinet [B] dont elle critique la pertinence, laissant perdurer pour nombre de salariés, dont M. [K], des situations de harcèlement moral.

Elle a ainsi manqué à son obligation de sécurité, ce qui a causé un préjudice à M. [K] qui sera réparé par l’allocation de la somme de 5 000 euros, par infirmation de la décision entreprise.

Sur les intérêts moratoires

Les condamnations prononcées produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement pour les créances contractuelles, à compter du jugement, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires et à compter de l’arrêt pour le surplus des créances indemnitaires.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les documents de fin de contrat

M. [K] est bien fondé à se voir remettre par la société Prisma Media un bulletin de paye récapitulatif, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes à la décision, les circonstances de l’espèce ne nécessitant pas d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

La société Prisma Media sera condamnée aux dépens d’appel et devra verser à M. [K] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sa demande formée du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 28 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :

– débouté M. [K] de sa demande de rappel de salaire portant sur la période du 18 juin 2013 au 12 décembre 2014,

– dit et jugé que le licenciement de M. [K] repose sur une faute simple et que le licenciement de M. [K] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [K] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d’indemnité pour licenciement nul et de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

– condamné la société Prisma Media à payer à M. [K] une somme de 7 095,02 euros à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare prescrite la demande de rappel de salaire portant sur la période du 18 juin 2013 au 12 décembre 2014,

Dit que M. [J] [K] a subi des faits de harcèlement moral,

Dit qu’est nul le licenciement de M. [J] [K] prononcé le 12 décembre 2017,

Dit que la société Prisma Media a manqué à son obligation de sécurité,

Condamne la société Prisma Media à payer à M. [J] [K] les sommes de :

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 68 206,95 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,

Déboute M. [J] [K] du surplus de ses demandes à ces titres et de sa demande en paiement du solde de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

Dit que les condamnations prononcées au dispositif du présent arrêt produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement pour les créances contractuelles, à compter du jugement, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires et à compter de l’arrêt pour le surplus des créances indemnitaires,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Prisma Media à remettre à M. [J] [K] un bulletin de paye récapitulatif, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte,

Condamne la société Prisma Media aux dépens d’appel,

Condamne la société Prisma Media à payer à M. [J] [K] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Prisma Media de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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