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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 22/00614 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E7M2
jugement du 12 Janvier 2022
Tribunal de Commerce d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 20/00140
ARRET DU 23 JANVIER 2024
APPELANTE :
Madame [E] [P]
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 6]
[Adresse 2]
ANGLETERRE
Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71220098 substitué par Me Audrey PAPIN et par Me Laurent MORET, avocat plaidant au barreau du VAL DE MARNE
INTIMEES :
Madame [O] [F]
née le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.A.S MAHA LES NOUVEAUX PAPIERS – dite MAHA
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentées par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 225245 et par Me Stéphane SYLVESTRE et Me Jordan AMSELLEM, avocats plaidants au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 07 Novembre 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M. CHAPPERT, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 23 janvier 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société (SAS) Maha les Nouveaux papiers (dite Maha) a pour objet social la création et la distribution de papier d’art, notamment de papier cadeau et d’emballage.
Son capital social de 3 500 euros, souscrit et entièrement libéré, a été réparti en 350 actions, toutes détenues, lors de sa constitution, le 4 mai 2016, par son associé unique et présidente, Mme [O] [F].
Par courriel du 18 avril 2016, avant la signature des statuts de la SAS Maha, Mme [F] a proposé à Mme [E] [P] de se joindre à elle en vue de développer la société grâce à travail artistique qu’elle pourrait y mener en lui proposant :
– soit d’intervenir en qualité de prestataire avec la signature de deux contrats de ‘consultance’ qui couvriraient, l’un, son rôle de directrice artistique et l’autre les royalties sur ses créations ;
– soit de prendre part dans la direction de la société, en y devenant associée, en indiquant que le salaire serait symbolique et que les bénéfices seraient redistribués à hauteur de sa participation ;
et en concluant que : ‘je veux surtout que la situation contractuelle te convienne et soit en accord avec ton implication /la charge de travail que ça représente et que tu es prête à absorber’
Par courriel du 20 avril 2016, Mme [F] a réitéré sa proposition initiale en indiquant comprendre le positionnement artistique de Mme [P] ; et par courriel du 24 avril 2016, elle a indiqué qu’elle souhaitait que Mme [P] puisse être actionnaire, pensant que cela augmenterait d’autant plus son sentiment de ‘ownership’, au vu de son implication personnelle.
Mme [F] et Mme [P] se sont accordées pour l’entrée de cette dernière au capital de la société Maha. Le 9 juin 2016, Mme'[P] a acquis auprès de Mme [F], 171 actions au prix nominal de 10 euros par action sur les 350 composant le capital social de la SAS Maha, de sorte qu’elle détenait 49% de ce capital social.
Courant 2019, concomitamment à un projet de levée de fonds de la société, des discussions se sont engagées entre Mme [F] et Mme'[P] au sujet de la répartition du capital qui résulterait de l’entrée potentielle d’un nouvel associé pressenti pour devenir directeur commercial de la société, et ont conduit à des désaccords quant à la répartition de leurs titres au cours de l’opération.
Par courriel du 9 juin 2019, Mme [F] a indiqué à Mme'[P] qu’il fallait qu’elle trouve une solution rapide, que la cession de parts devait avoir lieu prochainement ; que ‘la seule autre option est de tout arrêter’, soulignant qu’elle avait la possibilité d’user de ses droits statutaires et de ‘récupérer’ ses actions, mais qu’elle préférait la voie de l’échange pour qu’elles s’accordent.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3’septembre 2019, Mme [F], en sa qualité de représentante de la société Maha, a notifié à Mme [P] la fin de leur ‘coopération artistique’ à compter du 19 septembre 2019, en tenant compte d’un préavis de 15 jours en indiquant que, depuis le mois de juillet 2019, son comportement était devenu un obstacle au développement de la société.
Par courriel et lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2019, Mme [F], au nom de la société Maha, a convoqué Mme [P] à une assemblée générale de la société Maha fixée au 21 octobre 2019, dont l’ordre du jour était de prononcer une mesure d’exclusion à son encontre, sur le fondement de l’article 14-3 des statuts de la société.
Il était indiqué que la mesure d’exclusion proposée à l’encontre de Mme [P] était motivée par : ‘la cessation devenue effective le 19’septembre 2019, de (l’) activité de prestataire de services de la société, telle qu’elle (lui a) été notifiée par la société par courrier en date du 3’septembre 2019″, et par ‘la violation de la clause de confidentialité stipulée à l’article 20 des statuts de la société, permis à un tiers (en l’occurrence M.'[V] [P] (père de Mme [P])) de prendre part notamment aux discussions sur la levée de fonds envisagée par la société, lequel a pu, de (son) fait, avoir accès à des informations confidentielles (tel que ce terme est défini dans les statuts de la société), sans que cette confidentialité n’ait été levée par accord unanime des associés de la société comme le requiert pourtant l’article 20 susvisé’.
Aux termes de cette lettre, Mme [P] était aussi invitée à se présenter le 14 octobre 2019 à une réunion préalable d’associés pour faire valoir ses arguments en défense.
Mme [P] a demandé le report de la date de l’assemblée générale au 29 octobre 2019, ce que la SAS Maha lui a consenti, par courriel transmis de conseil à conseil.
Par lettre recommandée du 10 octobre 2019, Mme [P] a indiqué qu’elle s’opposait à la procédure d’exclusion invoquant une violation des règles énoncées à l’article 14.3 des statuts, déniant d’une part avoir conclu une convention de prestation de services avec la SAS Maha, et soutenant d’autre part, que la preuve d’une violation de la clause de confidentialité n’était pas établie, et qu’au surplus, Mme [F] avait pu écrire dans un mail ‘ton père peut faire partie de la conversation à titre exceptionnel (ya confidentialité normalement pour ce genre de situations)…”. Elle a sollicité le remboursement, sans délais, de son avance en compte courant d’associé, soit le paiement d’une somme de 15 785 euros.
Mme [P] ne s’est pas présentée aux convocations des 14 et 29 octobre 2019.
Le 29 octobre 2019, l’assemblée générale de la SAS Maha s’est tenue en l’absence de Mme [P] et, selon procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du même jour, a décidé de son exclusion. Elle a aussi décidé de suspendre l’ensemble des droits attachés à la détention par Mme'[P] de 171 actions et que la SAS Maha pouvait se porter acquéreur de l’intégralité desdites actions.
Ces décisions ont été signifiées à Mme [P] par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2019, précisant que le prix de rachat des actions de Mme [P] devrait être déterminé soit d’un commun accord, soit par expert et que dans ce dernier cas, le prix ne pourrait excéder le prix de leur acquisition par Mme [P]. Un prix de rachat des actions de 1 719 euros était proposé, soit un prix de 10 euros par action.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14’novembre 2019, Mme [P] s’est de nouveau opposée à la décision d’exclusion. Elle a fustigé le caractère dérisoire du prix de rachat de ses actions. Elle a mis en demeure Mme [F] de lui restituer l’ensemble de ses actions et de renoncer à son exclusion, indiquant vouloir un règlement amiable de leur litige. Elle a affirmé qu’en faisant valoir ses intérêts personnels sur ceux de la société, Mme [F] commettait une faute susceptible d’engager sa responsabilité personnelle.
Par actes d’huissier du 30 décembre 2019, Mme [P] a fait assigner Mme [F] et la SAS Maha devant le tribunal de commerce d’Angers en annulation de la délibération prise par l’assemblée générale des associés de la société Maha du 29 octobre 2019 portant décision d’exclusion à son encontre, en réintégration en qualité d’associée de la société Maha à compter du 29 octobre 2019, en annulation de toutes les délibérations prises par l’assemblée générale des associés de la société Maha ou décisions de l’associé unique postérieures à la délibération du 29 octobre 2019 portant décision d’exclusion à son encontre, en condamnation de Mme [F] à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, ainsi qu’une somme de 1 380 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier et de carrière.
En défense, Mme [F] et la SAS Maha se sont opposées aux prétentions de Mme [P].
Par jugement du 12 janvier 2022, le tribunal de commerce d’Angers a :
– débouté Mme [P] de sa demande d’annulation de la délibération prise par l’assemblée générale des associés de la société Maha le 29 octobre 2019 portant décision de son exclusion de la société,
– débouté Mme [P] de sa demande de réintégration en qualité d’associée de la société Maha à compter du 29 octobre 2019,
– débouté Mme [P] de sa demande d’annulation de toutes les délibérations prises par l’assemblée générale des associés de la société Maha Les Nouveaux papiers ou décisions de l’associé unique postérieures à la délibération du 29 octobre 2019 portant décision de son exclusion de la société,
– dit le jugement opposable à la société Maha Les Nouveaux papiers,
– condamné Mme [F] à payer à Mme [P] 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, cette somme portant intérêt au taux légal à compter de la signification du présent jugement, avec capitalisation annuelle,
– débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts de 1 380 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et de carrière,
– dit n’y avoir lieu à appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné les parties pour moitié chacune aux dépens de l’instance,
Par déclaration du 7 avril 2022, Mme [P] a relevé appel de ce jugement en attaquant toutes ses dispositions sauf celle qui a accueilli sa demande de réparation de son préjudice moral ; intimant Mme [F] et la SAS Maha Les Nouveaux papiers.
Mme [F] et la SAS Maha Les Nouveaux papiers ont formé appel incident.
Mme [P] d’une part, Mme [F] et la SAS Maha Les Nouveaux papiers, d’autre part, ont conclu.
Une ordonnance du 7 novembre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [P] demande à la cour de :
vu les articles 1103, 1104, 1162, 1169 et 1240 du code civil,
– la recevoir en son appel et l’y déclarant bien fondée,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* débouté Mme [E] [P] de sa demande d’annulation de la délibération prise par l’assemblée générale des associés de la société Maha le 29 octobre 2019 portant décision de son exclusion de la société,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande de réintégration en qualité d’associée de la société Maha à compter du 29’octobre 2019,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande d’annulation de toutes les délibérations prises par l’assemblée générale des associés de la société Maha Les Nouveaux papiers ou décisions de l’associé unique postérieures à la délibération du 29 octobre 2019 portant décision de son exclusion de la société,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande de dommages et intérêts de 1 380 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et de carrière,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné les parties pour moitié chacune aux dépens de l’instance,
statuant à nouveau,
– annuler la délibération prise par l’assemblée générale des associés de la société Maha en date du 29 octobre 2019 portant décision d’exclusion à son encontre,
– ordonner sa réintégration en qualité d’associée de la société Maha à compter du 29 octobre 2019,
– annuler toutes les délibérations prises par l’assemblée générale des associés de la société Maha ou décisions de l’associé unique postérieures à la délibération du 29 octobre 2019 portant décision d’exclusion à son encontre,
– rendre opposable à la société Maha Les Nouveaux papiers l’arrêt à intervenir,
– condamner Mme [F] à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral,
– condamner Mme [F] à lui payer une somme de 1 380 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice financier et de carrière,
– en tant que de besoin, sur ce point, désigner tel expert qu’il plaira à la cour, avec mission de déterminer le préjudice qu’elle a subi au titre de son préjudice financier et de carrière,
– dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter de l’arrêt à intervenir,
– condamner Mme [F] à lui payer une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
– condamner Mme [F] aux dépens de première instance,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
en tout état de cause,
– débouter Mme [F] et la société Maha Les Nouveaux papiers de leur appel incident et de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner Mme [F] à lui payer une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamner Mme [F] et la société Maha Les Nouveaux papiers aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Mme [F] et la SAS Maha Les Nouveaux papiers sollicitent de la cour qu’elle :
vu les articles 1103, 1104, 1162, 1169 et 1240 du code civil,
vu les articles 14-3, 18-2 et 20 des statuts de la société Maha Les Nouveaux papiers,
– déclare Mme [P] irrecevable et en tous les cas, mal fondée en son appel,
– les déclare bien fondées en leurs appels incidents,
– confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
* débouté Mme [E] [P] de sa demande d’annulation de la délibération prise par l’assemblée générale des associés de la société Maha le 29 octobre 2019 portant décision de son exclusion de la société,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande de réintégration en qualité d’associée de la société Maha à compter du 29’octobre 2019,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande d’annulation de toutes les délibérations prises par l’assemblée générale des associés de la société Maha Les Nouveaux papiers ou décisions de l’associé unique postérieures à la délibération du 29 octobre 2019 portant décision de son exclusion de la société,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande de dommages et intérêts de 1 380 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et de carrière,
* débouté Mme [E] [P] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné les parties pour moitié chacune aux dépens de l’instance,
sur l’appel incident formé par Mme [F],
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
* condamné Mme [O] [F] à payer à Mme [E] [P] 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
* jugé que Mme [P] ne pouvait pas faire l’objet d’une exclusion au motif d’avoir violé la clause de confidentialité et débouté Mme [F] de ses moyens de ce chef,
* débouté Mme [O] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné Mme [F] à régler une partie des dépens d’instance,
statuant à nouveau sur les dispositions critiquées,
– déboute Mme [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– juge que l’exclusion de Mme [P] prononcée au motif de la violation de la clause de confidentialité statutaire est régulière,
– déboute Mme [P] de sa demande d’annulation de la décision d’exclusion fondée sur la violation de la clause de confidentialité statutaire,
– condamne Mme [P] au paiement de la somme de 5’000 euros à la SAS Maha Les Nouveaux papiers au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Mme [P] aux entiers dépens,
sur l’appel incident formé par la SAS Maha Les Nouveaux papiers,
– infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
* débouté la société Maha de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Maha Les Nouveaux papiers à régler une partie des dépens d’instance,
statuant à nouveau sur les dispositions critiquées,
– déboute Mme [P] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– condamne Mme [P] au paiement de la somme de 50000 euros à la société Maha Les Nouveaux papiers au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne Mme [P] aux entiers dépens,
en tout état de cause,
– condamne Mme [P] à verser à la SAS Maha Les Nouveaux papiers une somme de 150 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d’appel,
– condamne Mme [P] à verser à Mme [F] une somme de 50 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d’appel,
– condamne Mme [P] aux dépens d’appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
– le 31 août 2022 pour Mme [P],
– le 28 octobre 2022 pour Mme [F] et la SAS Maha Les Nouveaux papiers.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l’exclusion de Mme [P]
Pour les sociétés par actions simplifiées, l’ article’L.’227-16, alinéa 1er, du code de commerce prévoit que dans les conditions qu’ils déterminent les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions.
Sur la régularité de la procédure d’exclusion
L’article 14-3 des statuts précise que l’exclusion est prononcée par la collectivité des associés statuant dans les conditions de l’article 18 des présents statuts, lequel prévoit une convocation des associés par tous moyens, cinq jours ouvrés au moins avant la date de la réunion, avec indication de l’ordre du jour.
Par des motifs pertinents que la cour d’adopte, les premiers juges ont retenu que Mme [P] n’était pas fondée à se prévaloir de l’inobservation du principe de la contradiction dès lors que la décision est intervenue dans les conditions prévues aux statuts, après qu’elle a reçu notification de la mise en oeuvre de la procédure prévue en pareil cas, par une lettre qui précisait le motif de l’exclusion envisagée ainsi que ses modalités, qui l’invitait à présenter ses observations sur ces points, et après avoir été régulièrement convoquée à l’assemblée générale des associés dans les conditions prévues aux statuts, à savoir par tous moyens, le report de la date initiale, sollicitée par Mme [P], elle-même, ayant été acceptée par la société Maha qui a notifié au conseil de Mme [P] la nouvelle date retenue, ce dont le conseil de Mme [P] a accusé réception en lui confirmant l’accord de celle-ci sur la nouvelle date.
Ayant été dûment convoquée à l’assemblée appelée à statuer sur son exclusion, Mme [P] qui ne s’y est pas rendue, ne peut, par la suite, se plaindre d’un défaut de contradictoire.
Sur la validité de la décision d’exclusion
Dans le cas présent, les statuts comportent à l’article 14-3 une clause d’exclusion rédigée en ces termes :
‘L’exclusion d’un associé peut être prononcée en cas de violation par celui-ci des présents statuts, d’actes contraires à l’intérêt social, en cas de changement de contrôle ou de représentant légal de tout associé personne morale, lequel s’oblige à notifier sans délai ledit changement de contrôle ou de représentant légal à la société et aux autres associés, ou encore en cas de cessation par un associé de ses fonctions de salarié, de mandataire social ou de prestataire de services de Ia société.’
Pour fonder l’exclusion de Mme [P], Mme [F] et la société Maha invoquent, en premier lieu, la cessation de ses fonctions de prestataire de service de la société.
À côté des clauses d’exclusion stricto sensu sanctionnant un associé, les statuts peuvent prévoir, comme en l’espèce, que la perte d’une certaine qualité entraînera la sortie automatique de la société. Dans ce cas, l’éviction de l’associé ne présente pas le caractère d’une sanction mais la conséquence automatique de la perte d’une qualité requise pour rester dans la société.
Les parties sont, d’abord, en désaccord, sur le sens à donner aux termes ‘cessation par un associé’ figurant dans la clause, Mme [P] y voyant qu’il ne peut s’agir que d’une décision prise par l’associé concerné, la finalité étant de réserver la faculté d’exclusion à l’associé qui manifeste son désengagement, quand Mme [F] estime que l’utilisation du terme général ‘cessation’ revêt une acception beaucoup plus générale que ceux de ‘démission’, ‘révocation’ ou ‘résiliation’, lesquels ne sont pas employés dans la clause, de sorte que la clause vise objectivement une cessation des fonctions de l’associé concerné, indifféremment de la personne qui en prend l’initiative.
Sur ce point, dans la mesure où rien ne permet d’exclure que la finalité poursuivie, comme généralement par ce type de clause, est de subordonner le statut d’associé exerçant des fonctions spécifiques au sein de la société au maintien de ces fonctions, les premiers juges ont retenu à juste titre que la clause vise la cessation des fonctions de l’associée même si cette cessation lui est imposée.
Le litige porte donc essentiellement sur le point de savoir si Mme [P] avait la qualité de prestataire de service de la société comme le prétend Mme [F] mais ce que conteste Mme [P].
Mme [P] rappelle que Mme [F] lui avait proposé soit, de conclure deux contrats de prestation de services, l’un couvrant son rôle en tant que directrice artistique, l’autre couvrant les royalties sur ses propres créations, soit, d’entrer au capital social de la société Maha pour participer à sa direction. Elle soutient qu’il s’agissait de deux modalités exclusives l’une de l’autre, de sorte qu’elle estime n’être liée par aucun contrat de prestation de services artistiques dès lors qu’elle a opté pour la qualité d’associée. Elle fait valoir qu’aucune contrepartie aux prétendus services n’a été fixée ou n’est déterminable et qu’aucune rémunération n’a d’ailleurs été versée. Elle exclut ainsi l’existence d’un contrat de prestation de services en l’absence de rémunération, élément essentiel du contrat d’entreprise et ajoute que sa participation au capital ne peut pas être considérée comme un avantage qui lui aurait été concédé par Mme [F] en contrepartie d’une obligation contractuelle de prestation.
Mme [F] expose qu’elle a conditionné invariablement son consentement à la cession à Mme [P] d’une quote-part importante de ses actions à l’implication artistique de celle-ci dans la vie sociale, lui ayant expressément demandé qu’elle soit ‘à fond’, qu’elle assume une ‘charge de travail’ qu’elle soit ‘prête à absorber’, qu’elle apporte son ”il’ et ses ‘conseils d’experte’. Elle déclare que, dès l’origine, l’intention des parties était que Mme [P] acquière environ 49 % du capital et des droits de vote en contrepartie, d’une part, du règlement de la valeur nominale des actions qu’elle lui rachetait et, d’autre part, la fourniture de prestations artistiques au bénéfice de la société et que sans ces deux contreparties, il n’y aurait pas eu d’affectio societatis. Excluant tout caractère exclusif l’une de l’autre des modalités offertes à Mme [P] pour fournir ses prestations, elle fait valoir que l’entrée de Mme [P] au capital de la SAS Maha s’inscrivait dans le cadre d’une collaboration au titre de laquelle elle fournissait des prestations artistiques à la société en vue de son développement. Elle en déduit que la fourniture par Mme [P] de ses prestations lui confère la qualité de prestataire de service découlant d’un contrat de prestation de service, lequel peut être défini comme un contrat par lequel sont réalisées diverses prestations de services qui ne sont pas exécutées sous l’empire d’un contrat de travail, ou encore, comme un contrat par lequel une personne s’engage moyennant rémunération à exécuter de manière indépendante au profit d’une autre personne un travail déterminé, une tâche objective, définie avec précision. Elle prétend qu’une forme de rémunération était bien convenue dès l’origine au profit de Mme [P] en ce que ses prestations de services artistiques rendues au bénéfice de la société avaient pour contrepartie le droit de racheter environ 49 % du capital de la société à la valeur nominale et l’accroissement de la valeur de ses actions qui résulterait de la qualité des prestations fournies. Elle indique que rien n’interdit que la contrepartie à une cession d’actions soit composée, d’une part, d’un prix de cession correspondant à la valeur nominale desdites actions et, d’autre part, de la fourniture de prestations de services au bénéfice de la société dont les droits sociaux sont acquis. Elle ajoute qu’en tout état de cause, dans l’hypothèse où la cour n’admettrait pas que la contrepartie des services effectués par Mme [P] consistait en un prix de cession correspondant à la valeur nominale des actions de la société et en l’accroissement de leur valeur (en corrélation avec la qualité des prestations fournies), cela ne remettrait pas pour autant en cause le fait qu’elle a effectivement exercé des fonctions de prestataire de services artistiques de la société qui ont cessé, en se prévalant d’une jurisprudence constante selon laquelle un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n’est pas un élément essentiel du contrat de prestation de services et que, dans l’hypothèse où la cour ne retiendrait pas, à proprement parler, l’existence d’un contrat de prestations de services qui ont été fournies par Mme [P], non matérialisé par écrit, elle constatera que des prestations artistiques ont bien été fournies par elle à la société et ont cessé préalablement à son exclusion.
Il ressort de tous les échanges ayant eu lieu entre les parties tant avant qu’après l’entrée de Mme [P] au capital de la SAS Maha et de la lettre de notification de fin de coopération artistique du 3 septembre 2019 (dans laquelle Mme [F] écrit : ‘Depuis ton entrée au capital de la société, il y a trois ans, nous avons toutes les deux accepté d’oeuvrer ensemble et bénévolement au développement de la société, moi en ma qualité de présidente et d’associée fondatrice, toi en tant qu’associée en charge de la direction artistique’), que Mmes [P] et [F] ont choisi de s’associer dans la société Maha en vue d’oeuvrer ensemble à son développement par le travail qu’elles devaient chacune fournir, de développement des créations artistiques pour Mme [P], sans titre de directrice artistique contractuellement reconnu, disposant de pouvoirs étendus mais sous contrôle hiérarchique de Mme [F], associée majoritaire, comme l’ont exactement retenu les premiers juges, et de direction générale pour Mme [F]. Il n’y a pas de désaccord des parties sur ce point. Leur désaccord ne porte que sur la qualification juridique du travail fourni par Mme [P] pour déterminer s’il s’inscrivait dans un contrat de prestations de service et si le travail fourni par Mme [P] peut être qualifié de prestations de service.
Bien que devant chacune avoir un rôle opérationnel dans la société, les deux associées n’ont pas contractualisé les conditions de leurs interventions respectives et n’ont prévu à ce titre aucune rémunération autre que celle qui pourrait leur revenir en tant qu’associées. Il ne s’agissait donc que de fournir à la société, chacune en leur qualité d’associée, leur industrie, constitué par la mise à disposition de la société de leurs connaissances techniques ou professionnelles, leur savoir-faire, leur travail et leurs services, sans qu’aucun cadre juridique ne l’organise et sans contrepartie autre que le partage des bénéfices qui pourraient être dégagés dans l’avenir par la société et l’augmentation de la valeur de leurs parts dans la société. L’option choisie par les parties en contre-partie du travail fourni par Mme [P], d’une entrée au capital de la société était bien présentée comme alternative et non comme pouvant se cumuler avec un contrat de prestation de service prévoyant un pourcentage de rémunération. Par la suite, aucun changement n’est intervenu sur la nature juridique du travail fourni par Mme [P] au profit de la société Maha.
En l’absence de rémunération en contre-partie du travail fourni par Mme [P], qui ne devait percevoir le fruit de son industrie qu’au titre de sa qualité d’associée, il ne peut qu’être retenu que Mme [P] n’exerçait pas des ‘fonctions’ de ‘prestataire de service de la société’, cas visé à la clause d’exclusion.
Il en résulte que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, Mme'[P] ne pouvait faire l’objet d’une exclusion de la société en sa qualité d’associée du seul fait qu’il avait été mis fin à son activité opérationnelle dans la société.
La décision de l’assemblée générale est donc entachée de nullité sur ce point, sans qu’il y ait lieu d’examiner si la décision de la société de mettre fin à la collaboration opérationnelle de Mme [P] était ou non justifiée par une diminution importante de son implication à compter du mois de juin 2019 accompagnée de nombreux manquements, comme le prétendent Mme [F] et la société Maha, ou abusive, comme le prétend Mme [P].
La décision d’exclusion repose, en second lieu sur une violation des statuts, tenant à une violation de la clause de confidentialité.
Les statuts prévoient en leur article 20 que ‘Tout associé s’engage à considérer à ne pas divulguer, céder ou transférer à un tiers, toute information confidentielle qu’il pourra acquérir ou à laquelle il aura eu accès dans le cadre de ses relations avec ou de ses responsabilités dans la société. Il est convenu que la présente clause de confidentialité sera levée en cas d’accord unanime des Associés ou lorsque la loi ou les règlements applicables l’exigent’.
Les statuts définissent une ‘information confidentielle » comme ‘toute information ayant trait, notamment et sans que cette liste soit limitative, à l’identité, aux produits, aux services, aux finances, à la recherche et au développement, à la technologie, au savoir-faire, à l’organisation interne, à la stratégie de marketing et de promotion de la société ou de ses filiales, étant entendu que ne seront toutefois pas tenues pour confidentielles les informations qui au moment de leur divulgation, généralement connues, antérieurement publiées du fait de tiers et sans violation de la clause de la clause de confidentialité stipulée à l’article 20 ou disponibles par d’autres sources sans violation de la clause de confidentialité stipulée audit article 20.’
Les statuts définissent le terme ‘tiers’ comme ‘toute personne non associée de la société’.
Mme [F] et la société Maha reprochent à Mme [P] d’avoir violé cette obligation de confidentialité en communiquant à son père des informations confidentielles sur la stratégie de la société et le plan de financement établi en direction des investisseurs potentiels. Elle admet qu’elle avait, dans un premier temps, autorisé Mme [P] à demander l’assistance de son père, ce qui ressort notamment de son message envoyé le 21 mai 2019 et d’un courriel du 9 juin 2019, et qu’elle avait donc donné son accord pour permettre à M. [P] de prendre connaissance des éléments financiers et de participer aux discussions avec l’avocat et l’auteur du plan de financement, de sorte qu’il n’y avait pas eu jusqu’alors de violation de la clause de confidentialité qui, d’un commun accord avait été levée, mais indique qu’elle a expressément retiré cette autorisation par courriels des 12’juin 2019 et 14 juin 2019 dans lesquels elle s’oppose au souhait de Mme'[P] de se faire assister de son père pour qu’il puisse poser des questions sur le ‘bussiness plan’ et ce qui a été présenté aux ‘bussiness angels’ et pour l’aider à prendre une position sur les propositions qu’elle lui a faites.
Force est de constater qu’il n’existe pas la preuve que, postérieurement au 12 juin 2019, Mme [P] ait transmis à son père de nouvelles informations confidentielles, ce qui ne ressort pas du mail du 17’juin 2019 envoyé par Mme [P] à Mme [F] qui, certes, fait état de trois scenari présentés par son père, sans pour autant qu’il soit démontré qu’ils n’auraient pas été établis à partir d’informations obtenues avant le 12’juin 2019, dont la confidentialité avait été précédemment levée. Les premiers juges qui ont écarté cette cause d’exclusion sont approuvés.
Il s’ensuit que la délibération prise par l’assemblée générale des associés de la société Maha du 29 octobre 2019 portant décision d’exclusion de Mme [P] est annulée.
Sur l’appel incident formé par Mme [F] sur sa condamnation à payer à Mme [P] des dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [P] invoque le fait que Mme [F] aurait exercé sur elle une forte pression pour la convaincre de diminuer sa participation dans la société ; que son exclusion de la société serait fondée sur son refus d’y céder selon les conditions souhaitées par Mme [F] ; qu’ainsi celle-ci aurait abusé de sa qualité d’associé majoritaire et de président de la société pour l’exclure de façon injustifiée ; que ce comportement, contraire aux intérêts sociaux, constitue un manquement à son obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi du contrat de société, engageant sa responsabilité personnelle.
Le préjudice moral subi dont elle demande réparation à hauteur de 15 000 euros résulterait de ce qu’elle s’est largement investie dans la société et a été brutalement exclue, sans motif avéré.
De son côté, Mme [F] estime qu’il était normal qu’elle veuille conserver la majorité du capital et des droits de vote de la SAS Maha comme en étant la fondatrice et qu’il était opportun de favoriser l’arrivée de nouveaux investisseurs financiers et d’un directeur commercial pour développer la société. Elle reproche à Mme [P], associé minoritaire, d’avoir voulu conserver une participation importante, sans respecter son engagement initial de développement artistique.
Mme [F], qui conteste ainsi toute faute commise et même l’existence d’un préjudice moral subi par Mme [P], fait valoir que, pour que sa responsabilité personnelle puisse être engagée en sa qualité d’associée, le régime de la responsabilité civile extra-contractuelle des associés doit être suivi, à savoir, la preuve d’une faute détachable de sa qualité d’associé et une faute intentionnelle d’une particulière gravité. De même, pour que sa responsabilité personnelle puisse être engagée en sa qualité de dirigeante, la demande doit répondre aux conditions de l’article L. 225-252 du code de commerce ou de l’article L. 225-251 selon que Mme'[P] invoque sa qualité de tiers ou d’associée.
Il n’est pas démontré que Mme [F], dont la volonté de conserver la majorité dans le capital social de la société n’est pas en elle-même fautive, aurait exercé des pressions sur Mme [P] qui auraient pris la forme de rétorsion en l’empêchant de travailler, pour l’obliger à consentir à la cession de ses actions.
La société était en droit de mettre fin à la collaboration de [P] à son profit, à tout moment, en respectant un délai de préavis, sans avoir à justifier de motifs, puisque cette collaboration ne s’inscrivait dans aucun contrat de travail ou de prestations de services. Il n’y a donc pas lieu, à cet égard, de se prononcer sur la pertinence des griefs invoqués par Mme'[F] contre le travail accompli par Mme [P].
Il n’en reste pas moins qu’à la suite de cette rupture, Mme'[F] a, en sa qualité d’associée majoritaire et dirigeant de la société, obtenu abusivement l’exclusion de Mme [P] en sa qualité d’associée, ce que les statuts ne permettaient pas. Elle a donc commis une violation des statuts en faisant adopter la décision en cause, ce qui engage sa responsabilité extra-contractuelle à l’égard de Mme [P], conformément aux dispositions de l’article L. 225-251 du code de commerce. Cette dernière s’est trouvée exclue de la société dans laquelle elle s’était fortement impliquée en y déployant une activité artistique, ce qui lui a causé un préjudice moral justement réparé par l’allocation de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a alloué une indemnité de ce montant.
Sur la demande de Mme [P] tenant à l’indemnisation d’un préjudice financier et de carrière du fait de son exclusion
Mme [P] fait valoir que son exclusion abusive a impliqué une perte de chance d’être engagée en qualité de salariée par la société Maha Les nouveaux papiers, comme cela était prévu dans un business plan établi par Mme [F]. Elle s’appuie sur les tableurs produits à l’appui du business plan faisant état d’une rémunération en faveur de la directrice artistique à hauteur de 90 000 euros hors dividendes. Tenant compte des évolutions prévisibles de la société, elle chiffre le préjudice tenant à une perte de chance de percevoir cette rémunération à 5 000 euros par mois (pour 8 500 euros prévus initialement en rémunération) à compter de l’assignation jusqu’à l’âge auquel elle pourra prétendre à ses droits à la retraite, soit 5’000’x 12 (mois) x 23 années (67 ans, âge de départ à la retraite) = 1’380’000 euros.
Mme [F] s’oppose à juste titre à une telle prétention injustifiée dès lors, d’une part, que Mme [P] obtient par le présent arrêt l’annulation de son exclusion de la société et, d’autre part, que la perte de chance alléguée est purement hypothétique, ne reposant sur aucun engagement de la société de créer un poste de directeur artistique et sur des documents prospectifs ne reposant que sur de projections prévisionnelles dépendant d’investissements extérieurs non réalisés.
Sur les demandes accessoires :
Mme [F], partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [P] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu’en appel.
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il déboute Mme'[P] de sa demande de dommages et intérêts de 1 380 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et de carrière et en ce qu’il condamne Mme [F] à payer à Mme'[P] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Statuant sur les autres chefs,
Annule la délibération prise par l’assemblée générale des associés de la société Maha, le 29 octobre 2019 portant décision d’exclusion de Mme [P].
Ordonne la réintégration de Mme [P] en qualité d’associée de la société Maha à compter du 29 octobre 2019.
Annule toutes les délibérations prises par l’assemblée générale des associés de la société Maha ou décisions de l’associée unique postérieures à la délibération du 29 octobre 2019.
Condamne Mme [F] aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Condamne Mme [F] à payer à Mme [P] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rejette les autres demandes.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL