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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 24 Novembre 2011
(n° 12 , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/01733
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Octobre 2009 par le conseil de prud’hommes de PARIS section activités diverses RG n° 08/13021
APPELANT
Monsieur [F] [L]
[Adresse 2]
[Adresse 7]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Guy PARIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G.570
INTIMÉE
SARL ARTHEMON
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparante
INTERVENANT VOLONTAIRE:
SNPEFP CGT PARTIE CIVILE INTERVENANTE
[Adresse 3]
[Localité 6], représenté par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julie GUYON, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie HIRIGOYEN Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Greffier : Melle Caroline SCHMIDT, lors des débats
ARRÊT :
– Réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par Madame Marie HIRIGOYEN, Président et par Evelyne MUDRY, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et prétentions des parties
M. [F] [L] a saisi la juridiction prud’homale de demandes salariales et indemnitaires dirigées contre la société [V] qui l’a employé à partir du 13 février 2007.
Débouté de ses demandes par le conseil de prud’hommes de Paris en date du 27 octobre 2009 au motif que la preuve n’était pas rapportée d’un contrat de travail, il a relevé appel de cette décision le 25 février 2010.
Le syndicat SNPEFP-CGT est intervenu à l’instance d’appel.
Par conclusions visées et reprises à l’audience des débats, M. [F] [L] demande à la cour d’infirmer le jugement, de dire qu’il a été embauché suivant contrat à durée indéterminée à temps complet par la société [V] à compter du 13 février 2007 en qualité de responsable du multiculturel, dire que la société a manqué à ses obligations en ne le rémunérant pas, qu’elle est responsable de la rupture du contrat de travail qui emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la société [V] à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts:
– 345 565,41 € à titre de rappel de salaire,
– 34 595,09 € au titre des congés payés,
– 12 354,32 € à titre d’indemnité de préavis,
– 1 235,43 € pour congés payés afférents,
– 5 872,47 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 120 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonner la société remettre les documents sociaux sous astreinte de 50 € par jour de retard et la condamner aux dépens.
Par conclusions visées et reprises à l’audience des débats, la société [V] sollicite la confirmation du jugement en tous points, le débouté de M. [F] [L] de l’ensemble de ses prétentions, dire le syndicat irrecevable en son action, condamner M. [F] [L] à payer 3 000 € et le syndicat 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, les condamner solidairement aux dépens.
Par conclusions visées et reprises à l’audience des débats, le syndicat demande à la cour de condamner la société au paiement de 5 000 € de dommages intérêts en réparation de l’atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession. outre 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de moyens et prétentions des parties renvoi est fait à leurs conclusions.
MOTIFS
– Sur la qualification de la relation de travail entre M. [F] [L] et la société [V]
Le contrat de travail suppose l’existence d’un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
Il est acquis aux débats que M. [F] [L] qui mène une carrière de comédien, a travaillé pour le compte de la société [V], créée en 1998 avec pour objet la formation à la communication et au perfectionnement de la qualité des relations interpersonnelles en entreprise et qui dispense des formations assurées par des formateurs artistes professionnels basées sur les techniques de l’acteur.
Pour infirmation du jugement déféré quant à la qualification de la relation de travail, M. [F] [L] soutient avoir été embauché à temps complet à compter du 13 février 2007 par la société [V] en qualité de responsable du multiculturel pour réaliser une étude commerciale destinée à identifier les besoins du marché et des clients potentiellement intéressés par des stages multilingues (français/anglais) sur l’encadrement de salariés de cultures différentes et concevoir à partir des données réunies, des modules de formation sur l’intégration des cadres dans un milieu multiculturel, selon contrat de travail ce dont il veut pour preuve, pour l’essentiel, d’une part, la durée de la relation de travail qui s’est étalée sur une période de dix huit mois, nécessaire à la conception des modules de formation et aux nombreuses missions accomplies soit la prospection de clientèle, l’établissement de comptes rendus, de projets de plaquettes, de propositions commerciales, d’autre part, les directives données par les responsables de la société sur les modalités de conception des stages, la rédaction des rubriques devant figurer sur le site Internet de la société, la manière d’approcher de nouveaux clients, avec un contrôle effectif et des exigences de rendement, enfin, l’offre de la direction de lui accorder une journée de salaire ‘en contrepartie du travail effectué sur la préparation de l’interculturel’, selon la mention du bulletin de salaire délivré à cette occasion, exclusive de travail indépendant ou prestation de service
Il produit les attestations de clients potentiels, de nombreux courriers électroniques échangés avec sa ‘hiérarchie’, spécialement Mme [G], gérante et directrice de la société, ainsi qu’un rapport d’expertise réalisé à sa demande par un cabinet d’expertise informatique garantissant l’intégrité des documents extraits de son matériel personnel, récuse la qualité de stagiaire et dénonce les pratiques illicites de la société [V] consistant à ne pas payer le travail effectué ou à rémunérer un travail de formation comme un cachet pour intermittent du spectacle, caractéristiques du travail dissimulé, assertion reprise par le syndicat intervenant.
Tandis que la société [V], pour confirmation, fait valoir que M. [F] [L] a émis le voeu, fin 2006, début 2007, de devenir formateur et d’utiliser ses deux expériences de comédien et d’accueillant de cadres expatriés pour proposer des formations à des équipes multiculturelles, qu’il lui a été proposé des stages de formation afin de l’aider à apprendre le métier, qu’il s’est investi lorsque ses occupations lui en laissaient le temps, dans une vaste étude sur le multiculturel qui ne lui avait pas été commandée pour laquelle il a pu bénéficier de conseils mais sans aucune directive, que cependant, il s’est présenté de sa propre initiative comme mandaté par la société [V] et comme formateur chargé du multiculturel soit une qualification usurpée, peut d’autant moins prétendre à un contrat à durée indéterminée en 2007 et 2008 qu’il a signé des engagements à durée déterminée comme intermittent du spectacle avec deux compagnies pour des représentations thêatrales et que durant les périodes intermédiaires, il a perçu les indemnités de l’Assedic, que durant 18 mois il n’a formé aucune réclamation quant à la rémunération du travail invoqué dont il ne démontre pas la réalité.
La société conteste les accusations portées à son encontre et soutient traiter ses formateurs intermittents du spectacle avec respect en observant les lois et règlements.
Des pièces produites dont il convient d’écarter le rapport d’expertise non contradictoire établi à la demande de M. [F] [L] en mars 2009, il ressort que celui-ci a été associé à la démarche conduite par la direction de la société [V] tendant notamment à imaginer et concevoir de nouveaux produits ‘intégration culturelle’.
Cette orientation et le caractère collectif de la démarche sont inscrits en particulier dans le message de Mme [X] [G], gérante, directrice pédagogique et formatrice, en date du 13 février 2007 à M. [K] [C], alors assistant et formateur, M.[S] [U] et Mme [J] [E], comédiens formateurs, et M. [F] [L], précisant: ‘Dans un deuxième temps, nous ouvrirons notre comité pour travailler en sous groupes selon le travail demandé’.
Quant à la prestation fournie dans ce cadre par M. [F] [L], ce dernier en dresse le bilan dans son courrier électronique adressé le 12 juillet 2008, soit 17 mois plus tard à Mme [X] [G] où l’on peut lire:
‘Nous avions prévu de nous rappeler pour fixer un rendez-vous. Suite à quelques imprévus, j’ai malheureusement été débordé et n’ai pu te téléphoner. Il m’ a donc semblé préférable de reprendre contact avec toi dès que je serai plus disponible. Je suis très heureux qu’après un peu plus d’un an et demi de travail, notre collaboration porte ses fruits:
– le client avec lequel je vous ai mis en rapport confirme son intérêt pour [V],
– le service multiculturel est opérationnel et l’un de vos clients (Fréquence Plus) a déjà manifesté son intérêt pour ce stage’.
Et plus loin: ‘ Les stages d'[V] m’ont permis d’identifier tous les points sur lesquels je peux progresser et sur lesquels je travaille actuellement Je me sens plus opérationnel pour animer des stages… Etant donné le travail déjà accompli, je pense vous avoir donné les garanties et les preuves nécessaires de mon engagement dans la démarche et le travail d'[V]. A partir de mes recherches personnelles et des formations chez [V] je peaufine le contenu du stage sur le multiculturel….Par ailleurs, à partir de mes connaissances personnelles, je suis en train de composer une liste de clients potentiels qui pourraient être intéressés par les services d'[V]’.
Les termes sont significatifs d’un point d’étape relatif à une réflexion basée sur les recherches personnelles de M. [F] [L] et aux prestations que celui-ci est désormais en mesure d’apporter à la société [V].
Quant aux modalités du travail accompli, le ton et le vocabulaire utilisés ( ‘rendez vous’, ‘imprévus’, ‘débordé’) de même que le temps écoulé depuis la validation de la démarche marquent clairement qu’il s’agit d’une recherche conduite selon la disponibilité de M. [F] [L], étant souligné qu’il est justifié que celui-ci continuait de conduire sa carrière de comédien, jouant dans deux pièces, et que, par exemple, le 12 avril 2008, il écrivait à M. [K] [C]: ‘ Je manque de disponibilité jusqu’au 18 avril 2008 pour me consacrer pleinement à cette réflexion qui me passionne’.
Par ailleurs, les messages électroniques visés par M. [F] [L], échangés avec Mme [X] [G] ou M. [K] [C],.ne contiennent pas de directives des responsables de la société [V], mais des avis ou appréciations.
Il convient de noter qu’à l’issue du bilan unilatéral résultant du message précité en date du 12 juillet 2008, M. [F] [L] a sollicité la formalisation des relations avec la société [V] en ces termes:
‘ Je pense qu’il est temps d’établir un contrat entre nous. Ce contrat ferait notamment mention des engagements réciproques et de conditions de rémunération : en tant que formateur, apporteur d’affaires et en tant que commercial. Par ailleurs, il conviendra d’estimer le travail effectué depuis notre première rencontre pour la création du service multiculturel et de procéder à une valorisation des compétences qui ont été nécessaires pour la réalisation de ce travail. Nous pourrons ainsi évoquer si des contreparties ou des garanties sont envisageables et viables pour [V] (exemple un nombre minimum garantie de stage par an)’.
Ainsi M. [F] [L] distingue les activités de formateur, apporteur d’affaires et commercial et cela pour l’avenir, s’en remettant à une estimation du travail accompli pour le passé.
Durant cette période, il est établi que M. [F] [L] a servi d’intermédiaire auprès du groupe Fiat qui employait son oncle et qui a commandé des formations existantes à [V] ce pourquoi la société [V] lui a proposé une commission.
Il a, en outre, participé à plusieurs stages dispensés par la société [V]. Par courrier du 7 février 2008, Mme [R] [Y], responsable de la comptabilité prenait bonne note de sa participation au stage ‘Gérer mon émotion’ les 11,12 et 13 février 2008 et lui indiquait:’ Outre qu'[V] t’offre ce stage , [X] veut te rémunérer l’équivalent d’une journée c’est à dire 290 € nets en contrepartie du travail effectué sur la préparation de l’interculturel. Dis moi sous quelle forme allant dans le sens de tes besoins, tu entends être rémunéré bulletin de salaire (intermittent du spectacle, formateur occasionnel) honoraires si tu as un numéro de travailleur indépendant’.
Il est constant que le chèque de 290 € et le bulletin de salaire lui ont été remis avec la feuille Guso signée par lui portant mention d’un contrat à durée déterminée.
La société [V] indique avoir versé deux autres cachets dans les mêmes conditions.
Il convient de souligner que M. [F] [L] n’a formulé aucune réclamation du 13 février 2007 au 12 juillet 2008, soit durant 17 mois.
Au regard de ces éléments, M. [F] [L] ne démontre pas avoir accompli un travail sous la subordination de la société [V].
La preuve d’un contrat de travail n’est donc pas rapportée ce qui appelle le débouté de l’ensemble de ses demandes comme l’ont justement décidé les premiers juges.
– Sur l’intervention du syndicat
Une fois M. [F] [L] débouté de ses prétentions, la demande du syndicat doit être rejetée comme irrecevable.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité ne commande pas de faire application à la société [V], qui seule peut y prétendre, de ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
Donne acte au syndicat SNPEFP-CGT de son intervention volontaire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Rejette la demande du syndicat SNPEFP-CGT,
Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [F] [L] et le syndicat SNPEFP-CGT in solidum aux dépens d’appel
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,