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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 22 Mars 2012
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/02453 LL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Février 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG n° 08/00296/B
APPELANTE
SARL DIRIGER GERER COMMUNIQUER
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, toque : D0295 substitué par Me Emilie BOUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D.0295
INTIMÉE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)
Division des Recours Amiables et Judiciaires
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Mme [B] [E] en vertu d’un pouvoir général
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 4]
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Christel DUPIN, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
La Cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par la société “Diriger, Gérer, Communiquer” (DGC) d’un jugement rendu le 23 février 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l’opposant à l’URSSAF de Paris-Région parisienne ;
LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu’à l’issue d’un contrôle de l’application de la législation de la sécurité sociale au sein de la société Diriger Gérer Communiquer, dont l’activité est consacrée à l’enseignement supérieur, l’URSSAF de Paris a notamment décidé l’assujettissement de la société au versement transport, à la contribution due au Fonds national d’aide au logement (FNAL) et à la taxe prévoyance ; qu’un redressement lui a été notifié, le 4 décembre 2007, pour avoir paiement de la somme de 24.018 euros au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; que la société a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu’elle a formé un recours contre cette décision et a, par ailleurs, fait opposition à la contrainte qui lui avait été délivrée le 1er février 2008 pour recouvrer la somme de 24.018 euros ; que la juridiction des affaires de sécurité sociale a joint les deux procédures dont elle était saisie ;
Par jugement du 23 février 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a validé le redressement effectué concernant le versement transport, la contribution supplémentaire au FNAL et la taxe de prévoyance, infirmé le redressement effectué concernant les rémunérations non soumises à cotisations, constaté que l’URSSAF allait procéder à un nouveau chiffrage sur ce point et validé la contrainte dans les limites de ce nouveau chiffrage ;
La société DGC fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d’infirmer le jugement, d’annuler le redressement ainsi que la mise en demeure et la contrainte délivrée le 1er février 2008 s’agissant du versement transport, de la contribution FNAL et de la taxe prévoyance-contribution au Fonds de solidarité vieillesse, d’annuler la décision de rejet de la commission de recours amiable et de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle considère, en effet, qu’elle n’est redevable d’aucune des contributions réclamées dès lors que l’effectif de l’entreprise n’est pas supérieur à 9 salariés, comme l’a retenu à tort l’URSSAF, en décomptant le nombre des formateurs occasionnels de la même façon que les salariés à temps complet. Elle estime, au contraire, que ces salariés, dont l’activité est limitée à moins de 30 jours par an au sens de l’arrêté du 28 décembre 1987, doivent être comptabilisés au prorata de leur temps de travail par rapport à la durée légale de travail, comme le sont les travailleurs à temps partiel. Elle reproche à l’URSSAF d’avoir exclu cette qualification sous prétexte que les dispositions de l’article L 3123-14 du code du travail n’auraient pas été respectées alors que les conventions d’intervention conclues avec les formateurs occasionnels se référaient expressément à l’arrêté précité du 28 décembre 1987 et prévoyaient que leurs interventions ne pouvaient dépasser 30 jours au cours d’une année civile. Elle prétend que la prise en compte des salariés à temps partiel dans l’effectif du personnel, au prorata de leur durée de travail, ne dépend pas de l’intitulé ou du contenu de leurs contrats mais uniquement des heures de travail effectuées. Elle ajoute que l’article R 243-6, alinéa 8, du code de la sécurité sociale renvoie exclusivement aux dispositions de l’article L 3123-1 du code du travail relatives à la définition du temps partiel et non à celles de l’article L 3123-14. Elle en déduit que les formateurs occasionnels, qui ont une durée de travail inférieure à la durée légale, ne doivent pas être comptés par unité pour la détermination de l’effectif employé, quand bien même leurs conventions de travail ne rempliraient pas complètement les conditions de forme exigées. Elle fait d’ailleurs observer que l’URSSAF ne précise pas en quoi les conventions conclues avec les formateurs occasionnels seraient contraires aux dispositions de l’article L 3123-14. Elle rappelle ensuite que les circulaires ACOSS sont dépourvues de force obligatoire et ne peuvent donc lui être opposées. Enfin, elle indique que sa déclaration d’un effectif de 10 salariés en 1996 n’a pas pour effet de l’obliger à cotiser aux contributions litigieuses appelées au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 dès lors qu’au cours de cette période son effectif est descendu à moins de 10 salariés si on tient compte de l’activité à temps partiel des formateurs occasionnels.
L’URSSAF de Paris fait soutenir oralement par sa représentante des conclusions tendant à la confirmation du jugement attaqué, réduisant toutefois le montant du redressement à 23.271 euros (21.085 euros de cotisations et 2.186 de majorations de retard) après un nouveau chiffrage. Elle demande aussi la condamnation de la société DGC à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Selon elle, chaque salarié employé par la société doit être compté pour une unité dans l’effectif du personnel, même s’il s’agit de formateur occasionnel. Elle fait, en effet, valoir que le décompte des salariés à temps partiel, au prorata de leur temps de travail, n’est possible que si ces salariés sont titulaires d’un contrat conforme aux dispositions de l’article L 3123-14 du code du travail alors qu’en l’espèce, les conventions de travail ne portent mention ni de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, ni de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Elle ajoute que ces mentions lui sont nécessaires pour connaître la durée exacte du travail effectué par les salariés concernés et vérifier si elle est réellement inférieure à la durée légale du travail, ce que la simple référence à un volume d’heures ne lui permet pas de faire. Elle indique aussi que les cotisations sociales afférentes à l’emploi des formateurs occasionnels sont réglées sur une base forfaitaire, de sorte que les horaires de travail des intéressés ne lui sont pas connus. Enfin, elle fait observer que la société DGC ne peut bénéficier de l’abattement dégressif prévu par les textes pour lisser l’effet de seuil déclenchant le versement transport dès lors qu’elle avait déclaré en 1996 un effectif supérieur à 9 salariés.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
SUR QUOI LA COUR :
Considérant que chacune des contributions demandées par l’URSSAF est subordonnée au dépassement d’un seuil d’effectif salarié au sein de l’entreprise cotisante ; qu’en vertu de l’article L 2531-2 du code général des collectivités territoriales, sont assujetties au versement transport les entreprises qui emploient plus de 9 salariés dans la région des transports parisiens ; que, selon l’article L 834-1, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, les employeurs occupant plus de 9 salariés, puis plus de 20 salariés à compter du 1er août 2005, sont tenus de contribuer au financement de l’aide au logement ; qu’enfin, l’article L 137-1 du même code n’institue une taxe pour le financement des prestations complémentaires de prévoyance qu’à la charge des employeurs occupant plus de 9 salariés tels que définis pour les règles de recouvrement des cotisations de sécurité sociale ;
Considérant que, dans le cadre du régime applicable au paiement périodique des cotisations, les dispositions de l’article R 243-6, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale prévoient que chaque salarié à temps partiel au sens de l’article L 3123-1 du code du travail entre en compte dans l’effectif du personnel au prorata du rapport entre la durée hebdomadaire de travail mentionnée dans son contrat et la durée légale de travail ou, si elle est inférieure, la durée normale de travail accomplie dans l’établissement ou la partie de l’établissement où il est employé ;
Considérant que s’agissant du calcul des seuils d’effectifs, les dispositions de l’article L 1111-2 du code du travail indiquent expressément que les salariés à temps partiel sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou conventionnelle du travail et ce quelle que soit la nature de leur contrat de travail ;
Considérant qu’il en résulte que les salariés exerçant une activité à temps partiel au sens du code du travail ne sont pas intégralement pris en compte, unité par unité, dans l’effectif à partir duquel certaines contributions sociales sont exigibles mais le sont uniquement au prorata de la durée contractuelle de travail à laquelle ils sont tenus ;
Considérant que l’article R 243-6 précité applique le même régime de prorata à tous les salariés à temps partiel, quels que soient la forme, la nature ou la validité du contrat, le montant et le mode de la rémunération ;
Considérant qu’il suffit donc que la durée de travail du salarié soit inférieure à la durée légale ou conventionnelle de travail applicable dans l’établissement pour qu’il soit considéré comme salarié à temps partiel au sens de l’article L 3123-1 du code du travail ; que seuls les salariés qui ne sont soumis à aucun horaire ou se trouvent placés dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme ils devront travailler doivent être intégralement pris en compte dans l’effectif de l’entreprise ;
Considérant qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’inspecteur de l’URSSAF que l’entreprise DGC emploie des formateurs occasionnels, dans le cadre de l’arrêté ministériel du 28 décembre 1987 qui limite les possibilités de leur engagement à 30 jours au plus par année civile ; que, selon la lettre d’observations établie à l’issue du contrôle, une clause du contrat conclu avec les formateurs prévoit expressément que leur activité ne peut en aucune façon dépasser 30 jours au cours d’une année civile, quelle que soit la durée d’intervention au sein de chaque journée ;
Considérant que, par ailleurs, les conventions de travail vérifiées par l’URSSAF indiquent un volume d’heures d’enseignement déterminées à l’avance correspondant à celui prévu par le cycle de la formation et l’inspecteur du recouvrement note que la possibilité d’effectuer des heures d’activités connexes est incluse dans la limite de 30 jours au cours d’une année civile ;
Considérant que le registre unique du personnel permet enfin de connaître les dates d’entrée et de sortie des intervenants correspondants à leur engagement pour le cycle de formation mentionné dans le contrat ;
Considérant qu’il apparaît ainsi que les formateurs occasionnels sont expressément soumis à un horaire de travail précis et que leur durée maximum de travail fixée à 30 jours par an est inférieure à la durée de travail annuelle résultant de la durée légale de travail soit 1607 heures, dans la limite de ce que prévoient l’article L 3123-1- 3° précité et l’arrêté ministériel du 28 décembre 1987 ; qu’il n’est pas justifié d’une durée conventionnelle de travail inférieure à cette durée légale ;
Considérant ensuite que la circonstance que les conventions de travail mentionnent seulement un volume d’heures de travail correspondant à un cycle d’enseignement mais n’indiquent pas la répartition de cette durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, comme le prévoit l’article L 3123-14 du code du travail, a pour seul effet de faire présumer un horaire normal de travail mais n’interdit pas l’employeur de se prévaloir de l’existence d’un temps partiel ;
Considérant qu’en l’espèce, les formateurs occasionnels, qui sont engagés pour la durée d’un cycle d’enseignement, connaissent nécessairement le rythme de leur travail et ne sont pas tenus constamment à la disposition de leur employeur;
Considérant que, par ailleurs, le fait que le montant des cotisations patronales dues au titre de l’activité salariée des formateurs occasionnels soit calculé sur la base d’une assiette forfaitaire n’empêchait pas l’URSSAF de vérifier si leur durée de travail était inférieure à la durée légale ;
Considérant que c’est donc à tort que l’URSSAF s’est fondée sur l’inobservation des dispositions de l’article L 3123-14 pour considérer que les salariés employés par la société DGC ne travaillaient pas à temps partiel et qu’ils devaient donc être intégralement pris en compte, sans prorata, dans l’effectif de l’entreprise en fonction duquel les contributions contestées sont exigées ;
Considérant qu’il apparaît, au contraire, que le calcul effectué par l’employeur, au prorata du nombre d’heures d’intervention mis à la charge des formateurs, lui permettait à juste titre d’échapper à l’assujettissement aux différentes contributions réclamées ;
Considérant que le redressement opéré par l’URSSAF en raison du dépassement du seuil d’effectif salarié sera donc annulé ainsi que tous les actes de procédure qui s’y rattachent ;
Que le jugement qui s’est prononcé en sens contraire sera infirmé ;
Considérant qu’au regard de la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application en l’espèce de l’article 700 du code de procédure civile ;
Considérant qu’en matière de sécurité sociale, la procédure est gratuite et ne donne donc pas lieu à condamnation aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
– Déclare la société “Diriger, Gérer, Communiquer” recevable et bien fondée en son appel ;
– Infirme le jugement en ce qu’il valide le redressement concernant le versement transport, la contribution supplémentaire FNAL et la taxe de prévoyance et valide la contrainte correspondante ;
Statuant à nouveau :
– Annule le redressement relatif au versement transport, à la contribution supplémentaire FNAL et à la taxe de prévoyance ;
– Annule tous les actes de procédure s’y rattachant, y compris la contrainte délivrée le 1er février 2008 à la société DGC dans la limite des cotisations et majorations de retard résultant du redressement annulé ;
– Rejette les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit n’y avoir lieu de statuer sur les dépens ;
Le Greffier, Le Président,