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CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 février 2018
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10094 F
Pourvoi n° H 17-11.666
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par Mme Françoise X…, épouse Y…, domiciliée […] ,
contre l’arrêt rendu le 1er décembre 2016 par la cour d’appel de Versailles (2e chambre, 2e section), dans le litige l’opposant à M. Rémy Y…, domicilié […] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme X…, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y… ;
Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme X….
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit n’y avoir lieu au paiement d’une prestation compensatoire au profit de Madame Y… par Monsieur Y… ;
Aux motifs que, « Madame X… déclare être fondée à ce que la cour reconsidère à la hausse le montant de la prestation compensatoire, qu’elle se trouve aujourd’hui bien plus démunie qu’à l’époque où elle était mariée, que la durée du mariage est très longue, et que la disparité causée par la rupture justifie largement l’octroi d’une prestation compensatoire, notamment parce que le patrimoine et les revenus dont dispose Monsieur Y… sont nettement supérieurs à ceux de son ex épouse. Elle explique qu’elle a largement contribué aux charges du ménage, étant venue en aide à Monsieur Y… dès le début de leur mariage, puis assumant tout au long du mariage des frais, qu’à compter de 2005, Monsieur Y… ne lui a plus accordé une somme, qu’elle a payé ses dépenses grâce à son héritage, comprenant ceux des biens indivis, qu’il dispose d’un compte bancaire en […] dont le contenu est encore inconnu, qu’il sousestime la valeur des biens immobiliers lui appartenant ainsi que de son voilier, et qu’il ne détaille pas avec précision son patrimoine mobilier de pourtant plus de […]€ . Elle ajoute qu’il n’a pas de dette, qu’il vit à […], dans une maison achetée par la SCI créée par leurs trois enfants, après que Monsieur Y… leur ait donné le montant de la vente de ses stocks options, qu’il ne communique aucun élément sur l’héritage de ses parents, sur l’existence et le montant actuel de sa prime de licenciement qu’il a placée. Elle estime qu’il a un patrimoine s’élevant au minimum à […] , et qu’il partage ses charges avec sa compagne dont les revenus ne sont pas communiqués.
Madame X… déclare que ses deux biens immobiliers, dont elle est propriétaire indivise, et situés en […] sont actuellement invendables, et qu’elle a aidé ses trois enfants avec son héritage.
Monsieur Y… réplique qu’il a contribué largement aux charges du mariage, que Madame X… sait qu’il a fait donation à leurs enfants de la majeure partie de ses stock-options VINCI pour une valeur de 1.223.325 € en 2004 et 2007, et qu’il n’a jamais été titulaire de compte en […].
Il dit ne devoir aucune prestation compensatoire à Madame X… aux motifs que :
– elle a surestimé les revenus de son époux de 73 %, et le patrimoine de celui-ci de 54 %,
– Madame X… n’a pas justifié des placements qu’elle a réalisés depuis plusieurs années,
– elle ne produit aucune pièce sur l’affectation de son patrimoine et ne fournit aucun élément d’appréciation des différents critères énoncés à l’article 271 du code civil,
– Madame X… qui a pu prendre sa retraite à taux plein à 55 ans, n’a subi aucune rupture ou sacrifice de carrière,
– Madame X… a bénéficié, comme lui, d’une aide à domicile au quotidien pendant 17 ans,
– elle n’a assumé qu’une faible partie des charges financières, et a pu préserver ses salaires pour son compte personnel,
– elle a bénéficié des acquisitions faites par son mari sur ses biens personnels, sans revendication de créance de sa part.
– enfin elle ne prend pas en compte la totalité des créances abandonnées par Monsieur Y… dans le cadre du partage.
Il explique en effet que lors des opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial, il a accepté un partage de l’indivision par moitié en prenant pour base les évaluations supérieures des biens immobiliers, notamment pour celui de la […] surévalué, qu’il a placé des fonds propres provenant de la vente de trois studios à […] dans l’achat et la construction du bien de […], qu’il a également financé avec des fonds propres l’achat d’un bateau en 1997 « pour le plaisir de tous », et qu’il a mis au nom des deux époux l’appartement de la rue […] (revendu) intégralement payé par son indemnité de licenciement,
Suivant l’article 270 du code civil, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l’évolution dans un avenir prévisible.
Il y a lieu de tenir compte, notamment, de la durée du mariage, de l’âge et de l’état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles, et leur situation respective en matière de pension de retraite.
Selon l’article 274 du code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital. Celles-ci sont limitativement prévues par la loi.
Les pièces produites par les parties permettent de déterminer ainsi notamment les ressources, les revenus, les charges et les patrimoines suivants des parties.
Madame X…, âgée actuellement de 70 ans, s’est mariée le […] avec Monsieur Y…, âgé actuellement de 75 ans, soit depuis environ 45 ans au moment du jugement de divorce, 41 ans jusqu’à l’ordonnance de non-conciliation, étant précisé que Monsieur Y… a quitté le domicile conjugal le 10 décembre 2004.
Ni l’un ni l’autre ne font état, ni ne justifient de problèmes de santé particulier.
Les revenus de Madame X… ont été constitués pendant de nombreuses années par son salaire de professeur d’éducation physique et sportive qu’elle a commencé à exercer en 1969, un an avant le mariage. Elle est à la retraite depuis au moins une dizaine d’années et perçoit outre des pensions de retraite, des revenus de capitaux mobiliers d’un montant modeste par rapport à ceux perçus par Monsieur Y…. Ainsi selon ses avis d’impôt, elle a perçu :
– en 2004, des pensions de retraite de […] nets imposables,
– en 2005, des pensions de retraite de […]€,
– en 2013, des pensions de retraite de […] € et des revenus de capitaux mobiliers de […],
– en 2014 des pensions de retraites de […] et des revenus de capitaux mobiliers de […]€, qui représentent en moyenne […] par mois,
-2015 n’est pas renseigné.
Les revenus de Monsieur Y… ont été constitués pendant de nombreuses années par son salaire de directeur des achats au sein de la société EUROVIA SERVICES (filiale de VINCI) dont il a été licencié en juin 2001. Il a perçu à cette occasion 1.630.000 francs d’indemnités de licenciement qui ont transité sur plusieurs comptes de l’époux, pour arriver sur le compte joint des parties sous le montant de 91.500 € selon une attestation de la BNP PARIBAS du 24 décembre 2010. A ces salaires s’ajoutaient déjà des revenus de capitaux mobiliers, et des revenus fonciers nets.
Il est également à la retraite depuis au moins une dizaine d’années et perçoit outre des pensions de retraite versées par la CNAV, la caisse de BTP retraite, et la caisse nationale de retraite BTP industries graphiques, des salaires versées par l’Ecole Supérieure des Travaux publics où il est intervenu jusqu’au 31 décembre 2012 en qualité de formateur occasionnel, des revenus de capitaux mobiliers, des revenus fonciers et parfois des plus-values sur cessions de valeurs mobilières.
Ainsi selon ses avis d’impôt, il a perçu :
– en 2005, des revenus de […] comprenant des salaires de […] €, des pensions de retraite de […]€, des revenus de capitaux mobiliers de […], des revenus fonciers (micro foncier) de […]€, et des plus-values de cessions de valeurs mobilières de […]€,
– en 2006, des revenus de […] comprenant des salaires de […] €, des pensions de retraite de […], et des revenus de capitaux mobiliers de […],
– en 2010, des revenus de […] comprenant des salaires de […] €, des pensions de retraite de […], des revenus de capitaux mobiliers de […] et des revenus fonciers (micro foncier) de […]€,
– en 2011, des revenus de […] comprenant des salaires de […] €, des pensions de retraite de […], des revenus de capitaux mobiliers de […] et des revenus fonciers de […]€,
– 2012 et 2013 ne sont pas renseignés,
– en 2014, des revenus […] comprenant des pensions de retraite de […]€, des revenus de capitaux mobiliers de […]€, des revenus fonciers de […], et des plus-values de cession de valeurs mobilières de […], qui représentent en moyenne […] € par mois.
– en 2015, des revenus […] comprenant des pensions de retraite de […]€, des revenus de capitaux mobiliers de […] € et des revenus fonciers de […], qui représentent en moyenne […] par mois.
Aucune des parties ne produit un relevé de carrière, ni ne produit de documents sur le déroulement de leurs carrières alors qu’ils sont mariés depuis 1970.
Le régime matrimonial des époux était la séparation de biens. Dès l’engagement de la procédure de divorce, ils ont procédé à la liquidation et le partage de leur régime matrimonial qui a abouti à un acte notarié en date du 16 décembre 2011 de Maître Z…, désigné par le juge aux affaires familiales dans l’ordonnance de non-conciliation.
Au début de la procédure en 2010, les époux étaient propriétaires indivis des biens suivants, selon les documents produits, et les déclarations de Monsieur Y… dans un document manuscrit de 2004 :
1 – les biens immobiliers :
– le domicile conjugal constitué d’une maison sur un terrain, situés […] ,
– un appartement de 32 m2 situé […] , acheté le 17 avril 1980,
-la maison de […] comprenant 120 m² habitables, 5 pièces principales, sur 390 m² de terrain clos, avec un garage, et une terrasse, le terrain acheté le 30 décembre 1982, et la maison construite en 1986,
2 – des avoirs financiers d’après le document manuscrit de Monsieur Y… adressé à Madame X… :
– compte actions VINCI de […]€,
– PE VINCI Castor de […]€,
– PE VIVENDI de […]€,
– Plan Pegase de […]€,
3 – des stock-options d’après le document manuscrit de Monsieur Y… :
– « données aux enfants en juillet 2003, […]»
-« reste à distribuer aux enfants :
*plan 1999 : […],
*plan 2001 : […]€. »
Ce document de 2004 que Madame X… ne conteste pas avoir reçu, établit qu’elle était au courant de la composition du patrimoine indivis, et du fait que Monsieur Y… donnait et allait donner « les stocks option » à leurs trois enfants.
En effet, suivant deux actes notariés des 24 novembre 2004 et 21 juin 2007, Monsieur Y… a donné à ses trois enfants, la somme totale de 197.642 € en 2004, et 1.669.136 € en 2007, provenant de la cession d’actions VINCI, qu’il désigne comme stocks option.
Il a ainsi donné à chaque enfant :
– en 2004, une somme de 65.884 €,
– et en 2007 une somme de 447.904,46 €, après rétrocession totale de 325.422 € à Monsieur Y….
Les trois enfants ont créé une SCI « SNL 44 » le 9 novembre 2007 ayant notamment pour objet « acquisition d’un immeuble à […] », également siège de la SCI, avec un capital social de 541.000 €, représentant 5.410 parts, se décomposant ainsi entre les associés : 1.804 parts à Stéphanie, 1.803 parts à Nicolas qui est aussi gérant, et 1.803 parts à Laurent.
Monsieur Y… n’apparait nullement dans les statuts de la SCI, mais en est le financier puisqu’il reconnaît que les fonds qu’il a donnés aux trois enfants (et décrits ci-dessus) ont permis d’acquérir l’immeuble de […].
Monsieur Y… explique occuper épisodiquement le rez de chaussée de l’immeuble de […], à charge pour lui de l’entretenir, et de payer toutes les charges afférentes, et « laissant en contrepartie à ses enfants la maison de […], proche de la plage, pour les périodes des vacances scolaires et certains week-ends et ponts ». Certes, il justifie payer les taxes foncières, les taxes d’habitation, et diverses charges de cet immeuble telles que l’eau, l’électricité, et le fioul, comme décrit ci-après. Mais d’une part, il ne justifie nullement de cet « accord » ou du paiement d’un loyer d’une maison dont la valeur avoisine les 560.000 €, cet accord ne reposant pour l’instant que sur ses seules déclarations, et d’autre part l’occupation de l’immeuble n’apparait pas « épisodique » au vu du montant des factures d’électricité d’environ 126 € par mois tout au long de l’année 2015, soit au total 1.376 €, et des factures d’eau et de fioul. Enfin, l’adresse de l’appartement de […] figure sur certaines factures, et d’autres portent celle de l’immeuble de […], sans que ne soit communiquée l’adresse de sa résidence principale, les autres résidences ne pouvant qu’être secondaires.
Cela étant précisé, le notaire a tout d’abord détaillé dans son acte du 16 décembre 2011 la masse active de l’indivision des époux, évaluée à […] qui comprend :
– le prix net de la vente du domicile conjugal […] intervenue 15 décembre 2011, soit […]€,
– le prix de la vente de l’appartement situé […] intervenue le 16 décembre 2011, soit […]€,
– l’indemnité versée par la MAIF suite au sinistre subi par la maison de […] lors de la tempête de février 2010, soit […] après déduction du remboursement de travaux à Monsieur Y…,
– l’appartement situé […] , d’une pièce et d’une cuisine, évalué par le notaire à […]€,
– la maison située […] évaluée par le notaire à […],
– un bâtiment en ruines avec un terrain en dépendant situé à […] de 18 ares 70 centiaires, évalués à […]€, acheté le 29 décembre 1998.
La masse passive est portée pour mémoire.
Après avoir indiqué que les droits de chaque partie s’élève à 715.812,87 €, le notaire a procédé aux attributions en fonction des desiderata des époux, et de leurs accords, c’est à dire :
1 – Monsieur Y… s’est vu attribuer :
– l’appartement de […] ,
– et la maison de […],
2 – Madame X… s’est vu attribuer :
– le bien immobilier de […],
– le solde disponible du prix de vente de […],
– le solde disponible du prix de vente de l’appartement de […] ,
– le solde disponible de l’indemnité versée par la MAIF,
– et le montant de la soulte due par Monsieur Y…, soit 49.187,87 € qu’il a versés avant le 28 décembre 2011 pour la remplir de ses droits constitués à plus de 95 % de liquidités.
Monsieur Y… qui a accepté en signant l’acte notarié de partage de ne revendiquer aucune reprise et/ou récompense, et de partager l’ensemble des biens immobiliers par moitié entre lui et Madame X…, a justifié tout de même dans la présente instance avoir vendu le 22 mai 1987 un studio à […] dont il était seul propriétaire, en propre, au prix de 130.000 francs, ce qui laisse supposer qu’il a injecté dans l’acquisition et la construction de l’immeuble de […] des fonds propres.
Enfin Madame X… ne conteste pas avoir pris en juin 2004 la somme de 76.207 € sur le compte des époux, provenant de la vente d’actions VINCI. Eu égard à l’ancienneté de ce retrait, la somme « s’est diluée » dans les dépenses courantes quotidiennes, ou bien se retrouvent dans les placements effectués par Madame X… et, en partie décrits ci-dessous.
Le patrimoine propre de Madame X… comme l’ayant recueilli en partie de la succession de ses parents, est constitué selon sa déclaration sur l’honneur du 24 janvier 2016 et ses écritures :
– 1/3 en indivision d’un appartement de 36 m² situé à […] d’une valeur de […] , soit pour elle […] ,
– 1/11ème en indivision d’une maison située à […] d’une valeur pour elle de […].
Elle déclare également être propriétaire en propre d’une place de parking située […] d’une valeur de […] , outre des ruines et du terrain de […] , et détenir les sommes suivantes sur les comptes :
1- à la LCL :
* […] € sur un compte épargne,
* […] € sur un contrat d’assurance vie,
* […] sur un compte courant,
2 – à la BNP, […] sur un compte courant,
3 – à la Caisse d’Epargne, […]€,
4 – à la CAIXA de […], […].
L’ensemble du patrimoine propre de Madame X… s’élève à […] selon ses déclarations.
Il est regrettable qu’elle n’ait produit ni les déclarations de succession de ses parents, ni le compte détaillé des notaires instrumentaires indiquant les sommes qui lui ont été versées, ni enfin des attestations de notaires ou d’agences immobilières sur la valeur des biens situés en […]. Par ailleurs Madame X… soutient, sans le justifier, avoir perçu de son héritage une somme de […] € qu’elle déclare avoir entièrement utilisée pour aider ses trois enfants.
Monsieur Y… reconnaît qu’elle a perçu cette somme tout en précisant qu’elle est le produit de la vente de quatre biens immobiliers situés en FRANCE et décrits ci-après.
Monsieur Y… a en effet déclaré courant 2006 que Madame X… dispose de fonds plus élevés. Il a indiqué avec un document manuscrit (cf pièce 56) que Madame X… a hérité et va hériter de sa mère de biens ou de sommes d’une valeur totale d’environ […] ainsi décrite :
1 – « entre 2002 et 2005 une première somme de […] :
– le tiers d’un appartement situé à […] soit […] €, avec le remboursement d’une somme de […] par la caisse des dépôts,
– le tiers d’un autre appartement situé à […] soit […],
– le sixième d’une villa situé à […] soit […] ,
– le tiers d’un appartement situé […] soit […] »,
2 – « reçu ou venir à compter de 2006, une somme d’environ […] provenant de :
– le tiers d’un appartement situé à […] , soit environ […],
– le dixième d’une villa située au centre d'[…] soit environ […] € »
Force est de constater qu’outre Madame X… ne conteste pas sérieusement la consistance décrite ci-dessus de son héritage, et avoir perçu ces sommes, elle ne justifie pas leur placement et/ou leur emploi.
Il résulte ensuite de tous ces éléments que son patrimoine est plus élevé que […] €, rappelant qu’elle a perçu fin décembre 2011, la somme de […] résultant de la liquidation et du partage du régime matrimonial, à laquelle il convient d’ajouter ses héritages. Enfin, elle ne paie aucun loyer depuis 2006 puisqu’elle est logée gratuitement dans un appartement situé […] appartenant à son frère où à la fille de celui-ci.
Le patrimoine propre de Monsieur Y… est constitué fin 2015-début 2016, après la liquidation et le partage du régime matrimonial, selon sa déclaration sur l’honneur du 15 juin 2016 et les documents produits de :
– l’immeuble de […] tel que décrit précédemment, et évaluée par trois agences immobilières entre le 31 octobre et le 9 novembre 2015 entre […] et […]€.
La cour retient une valeur de 410.000 € eu égard à l’importance de l’immeuble et sa situation à 600 m de la plage et des commerces,
– le bateau KIRIE FEELING 356 datant de 1997, évalué par l’argus le 1er décembre 2015 à […],
– un bateau TIPASA Voilier acheté le 20 juin 2007 à environ […],
– l’appartement de la […] qu’il évalue à […] sans produire la moindre évaluation par une agence immobilière et/ou un notaire datant de 2015, alors que le notaire liquidant l’indivision l’avait évalué à […] € fin 2011,
– un appartement de trois pièces principales, et de 50 m², situé à […] et loué. Il est estimé à […] € nets vendeurs le 3 septembre 2012 par une agence immobilière.
Cet appartement de […] proviendrait de la succession de ses parents. Il est regrettable que Monsieur Y… n’ait produit ni les déclarations de succession de ses parents, ni le compte détaillé des notaires instrumentaires indiquant les sommes qui lui ont été versées, ni leur emploi.
Monsieur Y… produit des relevés de ses placements financiers depuis 2011. En décembre 2015-début 2016, ils s’élèvent à :
* […] € en portefeuille titres à la BNP,
* […] € en dispositif CASTOR VINCI,
* […] € en avoirs PEEE et PEG VIVENDI à la Société Générale.
La comparaison du montant total des placements entre fin 2012 et décembre 2015-début 2016 révèle incontestablement l’augmentation du capital de Monsieur Y…, malgré des cessions notamment en 2014, puisqu’il était de […] en 2012, pour atteindre plus de trois après […] €.
Le patrimoine propre de Monsieur Y… s’élève actuellement au moins à environ […]€.
La cour relève enfin que n’est pas établie la détention récente et actuelle d’un compte en SUISSE par Monsieur Y…, au vu de l’unique document très ancien produit : c’est à dire la copie d’un chèque émis d’une banque suisse et qu’il a encaissé.
Les charges fixes justifiées de Madame X… comprennent outre les charges habituelles d’électricité, d’assurances habitation, automobile, de vie quotidienne, de téléphones fixe et mobile, ainsi que les dépenses courantes d’entretien, de nourriture et d’habillement :
– l’impôt 2015 sur les revenus 2014 de 2.945 €, l’avis d’impôt 2016 sur les revenus 2015 n’étant pas produit,
– les taxes foncières 2015 du parking du 13ème arrondissement de PARIS de 70 €,
– la taxe d’habitation et la contribution à l’audiovisuel public 2015 de l’appartement appartenant à son frère situé […] où elle habite depuis 2006 selon l’ordonnance de non-conciliation, de 805 €, cette taxe étant au nom de Madame X…,
– les charges de copropriété de l’appartement qu’elle occupe, établies à son nom, pour l’année 2014 de 2.361,54 €.
Madame X… déclare vivre seule, et ne bénéficier d’aucune aide. Elle habite cependant dans un appartement situé […] , appartenant à son frère Joël Y…, ou la fille de celui-ci (aucun acte de propriété n’étant produit), et pour l’occupation duquel elle ne justifie pas payer de loyer.
Les charges fixes justifiées de Monsieur Y… comprennent outre les charges habituelles des assurances pour deux véhicules automobiles, « la navigation de plaisance », la vie quotidienne, habitation pour les immeubles de […], […], […] , la mutuelle MGEN, les téléphones mobile et fixe, l’électricité de l’appartement de PARIS, l’eau pour l’immeuble de […], et l’entretien du bateau, ainsi que ses dépenses courantes d’entretien, de nourriture et d’habillement :
– l’impôt 2015 sur les revenus 2014 de 19.534 € et les prélèvements sociaux de 2.325 €, à défaut de la production de l’avis d’impôt 2016 sur les revenus 2015,
– les taxes foncières 2014 de l’appartement de la […] de 398 €,
– la taxe d’habitation 2015 du même appartement de 387 €,
– les taxes foncières 2015 de l’immeuble de […] de 1.308 €,
– la taxe d’habitation 2014 du même immeuble de 1.516 €,
– les taxes foncières 2015 de l’appartement de […] précité de 511 €,
-les charges de copropriété de l’appartement de la rue Roger de […] pour 2015.
Il déclare également payer les charges suivantes, et en justifie par la production de la copie des chèques de paiement ainsi que des factures émises à son nom :
– les taxes foncières 2015 de l’immeuble de […] appartenant à la SCI constituée uniquement par ses trois enfants, de 1.882 €,
– la taxe d’habitation 2015 du même immeuble de 2.063 €,
– la cotisation syndicale de cet immeuble de […], l’eau, l’électricité de 1.376 € pour l’année 2015, le fioul, et l’assurance habitation de cet immeuble,
– les charges de copropriété de l’appartement de […] de 753 € entre mai 2014 et mai 2015, étant précisé là aussi que partie de ces charges incombe au locataire de l’appartement.
Enfin, Monsieur Y… ne conteste pas sérieusement au vu, notamment du rapport de l’enquêteur privé, vivre avec sa compagne Madame A… avec laquelle il partage les charges de leur ménage. Il est regrettable qu’aucun document ne permet de connaître les revenus de celle-ci afin de déterminer sa participation aux charges de leur ménage.
Cela étant posé, certes, il résulte de l’ensemble de ces éléments que les époux ne se trouvent pas, au moment du prononcé du divorce, dans un situation financière et patrimoniale identique, que le mariage a été long, et qu’ils sont tous d’un certain âge.
Mais, la cour constate que n’est pas rapportée la preuve d’une disparité au sens de l’article 270 du code civil dans la situation respective des parties découlant de la rupture du lien matrimonial, la cour rappelant que la prestation compensatoire n’est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux, ni qu’elle doit permettre d’éviter que l’un des époux ne soit plus atteint que l’autre par le divorce.
En effet, outre que Madame X… et Monsieur Y… ne présentent aucun problème de santé particulier, les choix professionnels effectués par Monsieur Y… pour poursuivre sa carrière professionnelle n’ont pas été faits au détriment de ceux de Madame X… qui n’invoque pas avoir interrompu son travail ou avoir travaillé à temps partiel, pour s’occuper des trois enfants du couple. Le patrimoine des parties en capital après la liquidation du régime matrimonial est important et constitué tant pour l’une que pour l’autre d’une part par le fruit de leur travail, et d’autre part par des héritages qu’ils ont perçus, le partage s’effectuant à parts égales pour les biens immobiliers alors que le régime matrimonial était séparatiste. Enfin, les droits des époux et leur situation respective en matière de pension de retraite sont conformes au parcours professionnel de chacun, d’un montant certes très élevé pour Monsieur Y…, mais très honorable pour Madame X… qui a pris sa retraite à taux plein à 55 ans.
Il convient dès lors d’infirmer le jugement et de dire qu’il n’y a lieu à prestation compensatoire au profit de Madame X… » ;
Alors que si le divorce met fin au devoir de secours entre époux, l’un d’eux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu’en retenant, pour débouter Madame Y… de sa demande de prestation compensatoire, que la preuve d’une disparité dans la situation respective des parties découlant de la rupture du mariage n’est pas rapportée et que la prestation compensatoire n’est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux, sans rechercher si la rupture du mariage n’allait pas entraîner une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, et non dans leur situation respective, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 270 du code civil ;
Alors que, subsidiairement, en jugeant qu’il n’existerait aucune disparité dans « la situation respective » des époux découlant de la rupture du lien matrimonial, tout en constatant l’existence d’une très forte disparité de revenus entre les époux, Monsieur Y… disposant, en revenus, de 105.794 € en 2014 et de 97.861 € en 2015, quand Madame Y… ne disposait, quant à elle, que de 31.789 € pour l’année 2014, la Cour d’appel, qui n’a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 270 et 271 du code civil.