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COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00331 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EWNE.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 01 Septembre 2020, enregistrée sous le n° F19/00453
ARRÊT DU 30 Mars 2023
APPELANTE :
S.A. EUROVIANDE SERVICE
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Pascal LAURENT de la SELAS AVOCONSEIL, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 170430
INTIME :
Monsieur [Z] [F]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS, postulant et par Maître Maryline SOFTLY de LBBa, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Juin 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
La société anonyme Euroviande Service (ci-après dénommée la société Euroviande) a pour activité la transformation de viande et intervient en qualité de sous-traitant pour l’abattage, le désossage, le parage, la mise en pièces et le conditionnement de viande. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des entreprises de l’industrie et des commerces de gros des viandes.
M. [Z] [F] a été engagé par la société Euroviande par contrat de travail à durée indéterminée du 12 avril 1999 en qualité de technicien boucher, catégorie pareur-déposeur, coefficient 140. L’article 5 stipulait que M. [F] percevra mensuellement un salaire composé d’une partie fixe (soit 6929F brut pour 169 heures de travail effectif), et d’une partie variable, à savoir une prime de tonnage ou de production dont le montant dépend de la productivité, de l’expérience propre à chaque opérateur et de diverses appréciations formulées par les agents de maîtrise.
Par avenant du 8 janvier 2003, il a été convenu que : ‘M. [Z] [F] bénéficiera d’un maintien de salaire à hauteur de 2 440 euros brut sur l’ensemble de son temps de travail et de délégation à la condition que la valorisation de production, limitée au temps de travail, réalisée au mois soit au moins égale au 2/3 du maintien de salaire qui lui est accordé, soit 1 630 euros brut. Si la production de M. [F] est supérieure à cette somme, il conservera le bénéfice de la situation la plus favorable.
Cette disposition de maintien de salaire vaut pour autant que M. [Z] [F] dispose de 35 heures de délégation en sa qualité de délégué du personnel et de délégué syndical. Elle sera également applicable lors des vacations effectuées dans le cadre de sa fonction de juge prud’homal.
Les valorisations négociées au titre des négociations annuelles des salaires portant sur le salaire de base s’appliqueront à concurrence de 50% sur les chiffres évoqués ci-dessus’.
L’avenant du 8 janvier 2003 a été régulièrement revalorisé, la garantie de salaire ayant été portée à : 2 525,40 euros brut le 29 mars 2004, 2712,02 euros brut le 5 janvier 2006 et à 2 807,75 euros le 8 juin 2007.
M. [F] a été élu titulaire du comité d’entreprise, délégué du personnel, représentant syndical au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, membre du comité de groupe et négociateur de branche.
Entre 2002 et 2008, il exerçait aussi un mandat de ‘conseiller prud’hommes’ auprès du conseil de prud’hommes de Quimper, section industrie.
Entre 2005 et 2013, M. [F] disposait en outre d’un mandat de détachement « Syndical et fédéral » au nom de la fédération générale de l’agro-alimentaire CFDT au niveau de la branche.
Depuis 2013, M. [F] effectue des missions de formateur auprès du centre d’études et de formation des salariés de l’agro-alimentaire.
Délégué syndical CFDT, M. [F] exerce encore les mandats suivants : élu titulaire du comité social et économique (CSE), membre du comité de groupe, membre de la commission formation, négociateur de branche.
En dernier lieu, M. [F] occupe les fonctions de technicien boucher , niveau III, échelon 2 de la convention collective nationale des entreprises de l’industrie et des commerces de gros des viandes et il bénéficie d’un maintien de salaire mensuel à hauteur de 2 901,00 euros brut.
En novembre 2017, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers de diverses demandes et notamment d’une demande de dommages et intérêts pour entrave à l’exercice de ses mandats et discrimination syndicale.
Par jugement devenu définitif du 27 novembre 2018, le conseil de prud’hommes a jugé que M. [F] a subi une discrimination syndicale, déboutant la société Euroviande de toutes ses demandes. Il l’a également condamnée à verser au salarié un rappel de salaire et des dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
Par requête déposée au greffe le 25 juin 2019, la société Euroviande a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers aux fins de voir prononcer la nullité de l’avenant du 8 janvier 2013 et des avenants consécutifs et de condamner M. [F] à lui verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [F] s’est opposé aux prétentions de la société Euroviande et a sollicité à titre reconventionnel sa condamnation à lui verser un rappel de salaire au titre de l’avenant du 8 janvier 2003, des dommages et intérêts pour procédure abusive, des dommages et intérêts pour discrimination syndicale et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 1er septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– jugé que les demandes de la société Euroviande se heurtent au principe de l’autorité de la chose jugée et sont, par conséquent, irrecevables ;
– dit que l’avenant du 8 janvier 2003 et les avenants consécutifs négociés avec M. [F] sont licites et applicables ;
– dit que M. [F] bénéficiera des valorisations négociées au titre des négociations annuelles conformément aux dispositions prévues à l’avenant du 8 janvier 2003 ;
– condamné la société Euroviande à payer à M. [F] les sommes suivantes :
* 3 382,74 euros brut à titre de rappel de salaire par application de l’avenant du 8 janvier 2003 et 338,27 euros brut à titre de congés payés afférents, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter de l’acte de saisine ;
* 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
* 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;
– rappelé que les sommes de nature salariale sont exécutoires de droit à titre provisoire et fixé la moyenne du salaire à 3 085,56 euros brut ;
– condamné la société Euroviande à verser à M. [F] la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de toutes les autres demandes ;
– condamné la société Euroviande aux entiers dépens.
La société Euroviande a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 8 septembre 2020, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
M. [F] a constitué avocat en qualité d’intimé le 30 septembre 2020.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 mai 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La société Euroviande, dans ses dernières conclusions ‘d’appelant n°2 en réponse et récapitulatives’, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 17 mai 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– la juger recevable et bien fondée en son appel et ses demandes ;
– dire que ses demandes ne se heurtent pas à l’autorité de la chose jugée et qu’elle est recevable en ses demandes ;
– juger qu’elle est bien fondée en ses demandes et que l’avenant du 8 janvier 2003 et les avenants consécutifs des 29 mars 2004, 5 janvier 2006 et 8 juin 2007 négociés avec M. [F] sont illicites, et en conséquence nuls et de nul effet ;
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
– juger irrecevable la demande de rappel de salaire de M. [F] et ses demandes incidentes formées pour la première fois en cause d’appel en ces termes : ‘Il est demandé à la Cour de :
– Fixer le salaire mensuel brut de M. [F] à la somme de 3 085,56 euros à compter du 1er mars 2019 et à la somme de 3 107,15 euros à compter du 1er mars 2020 (à parfaire jusqu’au jour de la clôture),
– Condamner la société Euroviande à payer à M. [F] la somme de 2451,01 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement de l’application des dispositions de l’avenant du 8 janvier 2013 pour la période du mois de février 2020 au mois de janvier 2021 à laquelle s’ajoute la somme de 245,10 euros au titre des congés payés afférents (à parfaire jusqu’au jour de la clôture),
– Assortir l’ensemble des condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil, soit le 26 juin 2020′ ;
– débouter M. [F] de toutes ses demandes reconventionnelles ;
– condamner M. [F] au paiement de la somme de 3 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [F] aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, la société Euroviande rappelle que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif, c’est-à-dire à ce qui a été réellement jugé et non à la justification en fait et en droit. Elle estime que la triple identité de parties, de cause et d’objet posée par l’article 1351 du code civil n’a pas été constatée par le conseil de prud’hommes pour retenir l’autorité de la chose jugée de la décision du 27 novembre 2018. À cet égard, l’employeur relève que le dispositif du jugement du 27 novembre 2018 ne comporte aucune mention relative à l’avenant du 8 janvier 2003. Il assure alors que le conseil de prud’hommes a, dans son jugement du 1er septembre 2020, violé la règle de droit en attribuant l’autorité de la chose jugée à une motivation et non au dispositif du jugement.
En tout état de cause, il affirme que l’objet de la procédure est différent puisque dans la présente affaire, il s’agit de tirer toutes les conséquences de droit de la nullité des avenants et non de revenir uniquement sur leur nullité.
Au fond, la société Euroviande rappelle qu’il lui est interdit de prendre en considération l’exercice de mandat de représentation ou de mandat syndical par M. [F] pour arrêter ses décisions en matière de rémunération. Elle ajoute que le principe général ‘à travail égal, salaire égal’ lui interdit également d’appliquer un régime différencié au salarié, surtout du fait de son appartenance syndicale. Elle relève pourtant que l’article 2 de l’avenant du 8 janvier 2003 conditionnant le maintien du salaire de M. [F] pendant ses heures de délégation à une productivité suffisante est de nature à créer une discrimination syndicale au détriment du salarié.
Dans ces conditions, elle soulève la nullité de cette clause entraînant de fait la nullité de l’avenant en entier et des avenants consécutifs. Elle demande à la cour de constater que l’avenant du 8 janvier 2003 n’est censé n’avoir jamais existé et de tirer les conséquences de la nullité de cet avenant en positionnant M. [F] dans la situation antérieure à sa conclusion – à savoir le contrat de travail à durée indéterminée du 12 avril 1999 – et de lui appliquer la rémunération moyenne des salariés de même catégorie travaillant sur le même chantier.
Concernant la demande de rappel de salaire présentée par M. [F] en cause d’appel, la société Euroviande affirme qu’elle lui a toujours appliqué les grilles de rémunération comme aux autres salariés et qu’aucune revalorisation de la production n’a été réalisée depuis l’année 2009. Elle estime en tout état de cause qu’il s’agit d’une demande nouvelle laquelle doit alors être déclarée irrecevable par la cour.
La société Euroviande soutient par ailleurs que sa procédure n’est pas abusive dans la mesure où son action est la conséquence de la mauvaise foi de M. [F].
Enfin, l’employeur conteste pour le reste être l’auteur de la discrimination reprochée par M. [F] et rappelle que la rémunération de M. [F] est en réalité supérieure au salaire moyen des salariés de même catégorie sur le même chantier.
*
M. [F], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 1er avril 2022, par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– déclarer la société Euroviande mal fondée en son appel et toutes ses demandes et l’en débouter ;
– confirmer les dispositions du jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 1er septembre 2020 sauf à le réformer en ce qu’il a condamné la société Euroviande au paiement de la somme 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et au paiement de la somme 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;
Statuant à nouveau :
– condamner la société Euroviande au paiement de la somme 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamner la société Euroviande au paiement de la somme 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;
Y ajoutant :
– le déclarer bien fondé en son appel incident ;
– fixer son salaire mensuel brut à la somme de 3 085,56 euros à compter du 1er mars 2019, à la somme de 3107,15 euros à compter du 1er mars 2020, à la somme de 3122,69 euros à compter du 1er avril 2021 et à la somme de 3 153,92 euros à compter du 1er janvier 2022 ;
– condamner la société Euroviande à lui payer la somme de 5 157,01 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement de l’application des dispositions de l’avenant du 8 janvier 2013 [2003] pour la période du mois de février 2020 au mois de février 2022 à laquelle s’ajoute la somme de 515,70 euros au titre des congés payés afférents ;
En toutes hypothèses :
– condamner la société Euroviande au paiement de la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux entiers dépens ;
– assortir l’ensemble des condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil, soit le 26 juin 2020, avec capitalisation des intérêts.
Au soutien de ses intérêts, M. [F] fait valoir que le conseil de prud’hommes a, dans son jugement du 27 novembre 2018, débouté la société Euroviande de ‘toutes ses demandes’ et notamment de sa demande reconventionnelle tendant à voir prononcer la nullité de l’avenant du 8 janvier 2003 et de tous les avenants consécutifs qui conditionnent le maintien de sa rémunération à un minimum de production. Le salarié estime alors que la seconde saisine du conseil de prud’hommes d’Angers par la société Euroviande porte sur la même demande, à savoir la nullité de l’avenant du 8 janvier 2003 et des avenants consécutifs, le même objet et la même cause. Dans ces conditions, il soutient que la demande présentée par la société Euroviande se heurte à l’autorité de la chose jugée dans la mesure où elle a déjà été débattue, examinée et tranchée précédemment par le conseil de prud’hommes dont le jugement est devenu définitif en l’absence d’appel relevé à son encontre.
Au fond, M. [F] assure que l’avenant du 8 janvier 2003 et ses avenants consécutifs sont valables et que seule la condition subordonnant le versement du montant de la rémunération garantie à la réalisation d’un certain volume de production est illicite et lui est donc inopposable. À cet égard, il rappelle que la fixation du montant de la rémunération résulte du commun accord des parties et ne pouvait être modifié sans son accord.
À titre reconventionnel, M. [F] sollicite un rappel de salaire soulignant qu’à compter de 2008, il n’a jamais bénéficié de la valorisation contractualisée de son salaire à concurrence de 50% des valorisations au titre des négociations annuelles, faisant état de plusieurs augmentations de salaire intervenues depuis lors au titre des négociations annuelles. Il affirme par ailleurs que ses demandes sont recevables dans la mesure où elles sont en lien avec la demande initiale de la société Euroviande Service en ce qu’elles constituent la conséquence de l’application des stipulations de l’avenant du 8 janvier 2003.
M. [F] sollicite également des dommages et intérêts pour procédure abusive soutenant que la société Euroviande a sciemment saisi le conseil de prud’hommes d’une demande que la juridiction prud’homale avait déjà examinée et tranchée quelques mois auparavant.
Enfin, le salarié estime avoir été victime de discrimination syndicale dès lors que la société Euroviande s’est obstinée à ne pas appliquer les dispositions de l’avenant du 8 janvier 2003.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
– Sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée du jugement du conseil de prud’hommes d’Angers du 27 novembre 2018 :
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 1351 du code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
En application des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile, l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif (en ce sens : Ass. Plén., 13 mars 2009, pourvoi n°08-16.033).
Enfin, il sera rappelé que selon l’article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
En l’espèce, il résulte des termes du jugement rendu le 27 novembre 2018 par le conseil de prud’hommes d’Angers, que M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir condamner la société Euroviande notamment au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour entrave à l’exercice des mandats et pour discrimination syndicale.
Les ‘demandes et moyens du défendeur’, donc de la société Euroviande, étaient exposés par la juridiction prud’homale en page 8 du jugement, comme suit :
‘sur l’avenant du 8 juillet 2003 et les suivants sur la rémunération de M. [Z] [F] :
‘(…) Comme cela sera démontré, M. [F] a toujours bénéficié grâce à cet avenant d’une rémunération supérieure au salaire moyen des salariés de même catégorie travaillant sur son chantier de sorte qu’il n’existait aucune discrimination sauf à considérer qu’elle est anormalement favorable à M. [F].
Aussi, au regard des règles de droit applicables en la matière, la société Euroviande est juridiquement fondée à revendiquer l’illicéité de l’avenant et par voie de conséquence du système de rémunération de M. [F] qui génère une inégalité de traitement au détriment des autres salariés.
Ainsi, à titre reconventionnel, la société Euroviande sollicite du conseil de prud’hommes qu’il prononce la nullité de l’avenant du 8 janvier 2013 [en réalité 2003] et de tous les avenants consécutifs qui conditionnent le maintien de rémunération de M. [F] à un minimum de production. La société Euroviande sollicite en outre du conseil de prud’hommes qu’il juge bien fondée la fixation d’un maintien de rémunération au profit de M. [F] calculé sur la moyenne, pour chaque mois considéré, des valorisations de production sur le chantier d’affectation de M. [F], des salariés de la même catégorie, de même niveau et de même échelon’ (cf p8 du jugement).
M. [F] précise sans être remis en cause que ces demandes reconventionnelles ont été reprises et longuement débattues entre les parties à l’audience du 18 septembre 2018.
La société Euroviande ne critique pas expressément le jugement en ce qu’il aurait repris de manière inexacte ou erronée ses prétentions telles que formulées par le conseil. Au surplus, en page 8 de ses conclusions communiquées devant la présente cour, l’employeur confirme que ‘lors de la première procédure ayant donné lieu au jugement du 27 novembre 2018, la société Euroviande a, par une demande reconventionnelle, demandé au conseil de constater la nullité de l’avenant de garantie de maintien de salaire conclu avec M. [F].’
Sa demande reconventionnelle, telle que reprise dans ce jugement, visait donc à obtenir la nullité de l’avenant du 8 janvier 2003 et de tous les avenants consécutifs qui conditionnent le maintien de rémunération de M. [F] à un minimum de production.
Or, le conseil de prud’hommes a, dans le dispositif de son jugement du 27 novembre 2018, ‘débouté la société Euroviande de toutes ses demandes’ en ce compris de sa demande reconventionnelle.
Il apparaît également que la société Euroviande s’est appuyée sur le même fondement légal pour solliciter l’annulation de l’avenant précité dans les deux procédures à savoir l’article L. 2141-5 du code du travail et en se référant au principe ‘à travail égal, salaire égal’.
Dans ces conditions, il existe bien une identité d’objet entre la demande reconventionnelle de la société Euroviande présentée devant le conseil de prud’hommes dans le premier litige et la demande présentée dans le cadre de la présente procédure.
L’identité et la qualité des parties ne sont pas discutées, étant précisé que la société Euroviande et M. [F] sont respectivement appelant et intimé dans les deux procédures.
Enfin, aucun appel n’a été interjeté contre le jugement du 27 novembre 2018 lequel est alors devenu définitif.
Dans ces conditions, la demande de nullité de l’avenant du 8 janvier 2003 et de tous les avenants consécutifs présentée par la société Euroviande sera déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du conseil de prud’hommes de 27 novembre 2018.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
– Sur la demande de rappel de salaire consécutif aux augmentations salariales appliquées dans l’entreprise :
* Sur la recevabilité de la demande de rappel de salaire :
Selon l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire.
L’article 567 du même code dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
Aux termes de l’article 70 du même code, ‘les demandes reconventionnelles [..] ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.’
La recevabilité de telles demandes en cause d’appel est uniquement subordonnée à la condition posée par l’article 70 du code de procédure civile, à savoir qu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, et non aux conditions édictées par les articles 564 et suivants du même code (en ce sens : 3e Civ., 17 septembre 2013, pourvoi nº 12-19.004 ).
La société Euroviande demande à la cour de juger irrecevable la demande de rappel de salaire de M. [F] et ses demandes incidentes formées pour la première fois en cause d’appel en ces termes : ‘Il est demandé à la Cour de :
– Fixer le salaire mensuel brut de M. [F] à la somme de 3 085,56 euros à compter du 1er mars 2019 et à la somme de 3 107,15 euros à compter du 1er mars 2020 (à parfaire jusqu’au jour de la clôture),
– Condamner la société Euroviande à payer à M. [F] la somme de 2 451,01 euros à titre de rappel de salaire sur le fondement de l’application des dispositions de l’avenant du 8 janvier 2013 [2003] pour la période du mois de février 2020 au mois de janvier 2021 à laquelle s’ajoute la somme de 245.10 euros au titre des congés payés afférents (à parfaire jusqu’au jour de la clôture),
– Assortir l’ensemble des condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil, soit le 26 juin 2020’.
Il doit être observé que le conseil de prud’hommes avait été saisi à titre reconventionnel d’une demande présentée par M. [F] pour obtenir la fixation de son salaire mensuel brut à la somme de 3 085,56 euros et la condamnation de la société Euroviande au paiement d’une rappel de salaire de 3 382,74 euros en application de l’avenant du 8 janvier 2003 outre la somme de 338,27 euros au titre des congés payés afférents. La recevabilité de ces demandes n’a pas été contestée devant les premiers juges, elle ne l’est pas davantage devant la cour.
De fait, la demande reconventionnelle de rappel de salaires consécutif aux augmentations salariales appliquées dans l’entreprise de M. [F] se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant en ce qu’elle constitue la conséquence de l’application des stipulations de l’avenant du 8 janvier 2003 relatives aux valorisations négociées au titre des négociations annuelles, dont la validité, comme celle de l’avenant dans sa totalité, étaient remises en cause par la société Euroviande sollicitant que le conseil en prononce la nullité.
Dès lors, les demandes de M. [F] présentées en cause d’appel telles que susvisées et considérées nouvelles et irrecevables par la société Euroviande, ne sont que l’actualisation des demandes déjà présentées devant le conseil de prud’hommes et tenant compte des valorisations collectives décidées lors de la période écoulée depuis la date du jugement entrepris.
Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la société Euroviande sera rejetée.
* Sur le bien fondé de la demande de rappel de salaire :
Aux termes de l’article 2 de l’avenant du 8 janvier 2003, ‘les valorisations négociées au titre des négociations annuelles des salaires portant sur le salaire de base s’appliqueront à concurrence de 50 % sur les chiffres évoqués ci-dessus’.
M. [F] sollicite en application de ces valorisations un rappel de salaire sur la base d’un salaire mensuel brut s’élevant à la somme de 3 070,21 euros au 1er février 2018, puis à la somme de 3 085,56 euros à compter du 1er mars 2019. Il relève que la société Euroviande , bien qu’ayant exécuté les jugements des 27 novembre 2018 et 1er septembre 2020, continue à maintenir son salaire à hauteur de 2 901,10 euros sans tenir compte des dites valorisations.
La société Euroviande réplique que le conseil de prud’hommes a fixé un salaire brut de référence à 3 070,21 euros dans sa décision du 27 novembre 2018, et à 3 085,56 euros dans son jugement dont appel, uniquement dans le cadre des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail qui lui en fait l’obligation pour calculer le plafond de l’exécution provisoire, sans que cette référence ne permette à M. [F] de fonder une quelconque demande de rappel de salaire de base en prétendant à tort que cette somme serait son nouveau salaire mensuel brut à payer. En outre, elle affirme ne jamais avoir écarté M. [F] d’une quelconque revalorisation salariale, précisant toutefois que les ‘valorisations négociées’ sont celles de la valorisation de production (non revalorisées dans l’entreprise depuis 2009) et non celles de la branche. Elle explique qu’en tout état de cause, le salaire de base et la prime d’ancienneté de M. [F] étant par ailleurs supérieurs à ceux de la grille conventionnelle, ils n’ont pas subi de revalorisation.
Il est établi que M. [F] a bénéficié des revalorisations suivantes relatives à son ‘salaire horaire brut de base’ :
– 43 francs à compter du 1er septembre 1999 ;
– 45 francs à compter du 1er janvier 2001 – coefficient 160 ;
– 7,38 euros à compter du 1er janvier 2002 – coefficient 180 ;
– 9,695 euros à compter du 1er janvier 2005 – coefficient 200 Niveau 1 ;
– 10,495 euros à compter du 1er janvier 2007 – coefficient 200 Niveau 2 ;
– 11,113 euros à compter du 1er janvier 2008 – coefficient 220 Niveau 1.
M. [F] a vu sa classification être modifiée pour la dernière fois par courrier du 9 juillet 2009 le positionnant au niveau III, échelon 2 de la convention collective nationale des entreprises de l’industrie et des commerces de gros des viandes.
Il apparaît également que le taux horaire de M. [F] a été porté à 11,649 euros brut au moins à partir du 1er janvier 2017 (pièces 9 employeur et 24 salarié – bulletins de paie du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2021).
L’employeur ne justifie pas que M. [F] ait bénéficié d’autres revalorisations salariales si ce n’est en exécution des décisions de justice prononcées à son encontre.
Ainsi, par jugement du 27 novembre 2018, le conseil de prud’hommes d’Angers avait condamné la société Euroviande à verser à M. [F] la somme de 6 030,33 euros à titre de rappel de salaire pour la période du mois de février 2014 au mois de juin 2018, outre 603,03 euros au titre des congés payés afférents. Le conseil avait constaté que M. [F] n’avait jamais bénéficié de la valorisation contractualisée à concurrence de 50% des valorisations négociées au titre des négociations annuelles portant sur le salaire de base.
De fait, ainsi que l’observait déjà le conseil dans son jugement, les valorisations négociées dans le cadre des négociations annuelles obligatoires portent nécessairement sur le salaire de base et non sur la valorisation de la production ainsi que l’indique la société Euroviande et la clause litigieuse ne distingue aucunement entre les valorisations de production et celles de branche.
De surcroît, la société Euroviande ne saurait écarter M. [F] du bénéfice des revalorisations négociées au motif que son salaire de base et sa prime d’ancienneté seraient déjà supérieures à ceux de la grille conventionnelle, sauf à priver de tout effet la clause litigieuse qui ne prévoit aucune exception de cet ordre. La société Euroviande est engagée par la conclusion de cette clause et devait appliquer les revalorisations décidées dans le cadre des négociations collectives annuelles relatives au salaire de base.
Or, il résulte des bulletins de paie communiqués par M. [F] qu’en dépit du jugement définitif rendu le 27 novembre 2018, la société Euroviande a maintenu un salaire mensuel brut de 2 901,10 euros par mois sans appliquer les valorisations négociées au titre des négociations annuelles de salaire.
Dès lors, en application des dites valorisations, il conviendra de retenir un salaire revalorisé à 3 070,21 euros au 1er février 2018, puis à 3 085,56 euros à compter du 1er mars 2019, ce qui fonde un rappel de salaire dû à M. [F] de 1 353,68 euros [(3 080,21 euros – 2 901,10 euros ) x 8 mois] sur la période de juillet 2018 à février 2019, et de 2 029,06 euros [( 3 085,56 euros – 2 901,10 euros) x 11 mois] sur la période de mars 2019 au mois de janvier 2020 (inclus), soit une somme totale de 3 382,74 euros brut outre 338,27 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Euroviande au paiement de ces sommes.
M. [F] communique en outre les différents avenants à la convention collective nationale des entreprises de l’industrie et des commerces en gros des viandes lesquels font état :
– d’une augmentation de 1,4% des salaires portant le salaire mensuel de M. [F] à 3 107,15 euros brut à compter du 1er mars 2020 (pièce 25) [(3 085,56 x 0,7 % (1,4/2)] ;
– d’une augmentation de 1% des salaires portant le salaire mensuel de M. [F] à 3 122,69 euros brut à compter du 1er avril 2021 (pièce 34) [(3 107,15 x 0,5 % (1/2)] ;
– d’une augmentation de 2% des salaires portant le salaire mensuel de M. [F] à 3 153,92 euros brut à compter du 1er janvier 2022 (pièce 35) [(3 122,69 x 1 % (2/1)].
Ainsi, outre la fixation du salaire de référence mensuel brut de M. [F] à la somme de 3 153,92 euros à compter du 1er janvier 2022, la société Euroviande sera condamnée à lui verser un rappel de salaire de 5 157,01 euros brut outre 515,70 euros au titre des congés payés afférents se décomposant comme suit :
* 184,46 euros pour le mois de février 2020 ;
* 2 472,60 euros pour la période allant de mars 2020 à mars 2021 ;
* 1 994,33 euros pour la période allant d’avril 2021 à décembre 2021 ;
* 505,64 euros pour la période de janvier 2022 à février 2022.
– Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000,00 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
M. [F] réclame en l’espèce le paiement de la somme de 5 000,00 euros, se prévalant du fait que la société Euroviande a sciemment saisi le conseil de prud’homme d’une demande déjà examinée et tranchée par le même conseil.
Il a été précédemment jugé que la demande de nullité de l’avenant du 8 janvier 2003 présentée par la société Euroviande se heurtait à l’autorité de la chose jugée résultant du jugement du conseil de prud’hommes de 27 novembre 2018.
Pour autant, toute demande introduite en justice se heurtant à l’autorité de la chose jugée n’est pas en elle-même abusive, la société Euroviande n’ayant fait qu’exercer ses droits qu’elle tenait de la loi, en soutenant que la décision du conseil de prud’hommes du 27 novembre 2018 laissait les parties ‘dans une situation juridique ambiguë’.
Il n’est pas contesté par ailleurs que la société Euroviande a toujours exécuté les décisions de justice rendues précédemment dans les litiges l’opposant à M. [F].
Il n’est pas démontré qu’en introduisant une nouvelle instance prud’homale, la société Euroviande ait agi de manière dilatoire et abusive.
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé de ce chef et la demande de dommages et intérêts de M. [F] sera rejetée.
– Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale :
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi nº 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.
L’article L 2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
En application des articles L. 1132-1, L.1132-4 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Plus particulièrement, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement et il incombe à l’employeur qui conteste le caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. [F] soutient avoir été victime d’une discrimination syndicale dans la mesure où la société Euroviande n’a pas appliqué l’avenant du 8 janvier 2003 prévoyant une revalorisation de son salaire à hauteur de 50% des négociations annuelles de salaire, ce qui a été précédemment établi.
En outre, il prétend que d’autres collègues effectuant comme lui des missions de formateur occasionnel bénéficient du niveau IV échelon 1 alors que lui-même bénéficie d’un niveau inférieur (niveau III échelon 3 depuis le 1er mai 2018). Il se plaint encore de ne jamais être sollicité en qualité d’acteur PRAP (prévention des risques liés à l’activité physique) par l’employeur, lequel préfère attribuer de telles missions à d’autres salariés ayant suivi cette formation comme lui depuis février 2014. Enfin, il affirme ne jamais avoir bénéficié des entretiens de début et de fin de mandat malgré ses demandes.
Les mandats syndicaux et représentatifs de M. [F] sont établis et non contestés par la société Euroviande.
Les seuls éléments de faits communiqués par M. [F] concernant la différence de classification appliquée à un autre formateur occasionnel (son bulletin de paie)ne sont pas suffisants pour permettre une comparaison de la situation des deux salariés. De même, M. [F] justifie uniquement avoir acquis une certification d’acteur de prévention des risques liés à l’activité physique en 2014, sans établir que des missions au titre de cette qualification auraient été confiées à d’autres salariés ayant suivi la même formation sans que lui-même n’en n’ait jamais bénéficié. Enfin aucun élément n’est produit concernant les entretiens de début et de fin de mandat.
En revanche, la solution apportée au présent litige permet de constater que M. [F] a été privé de revalorisations salariales appliquées au sein de l’entreprise aux autres salariés alors que celles-ci étaient expressément prévues par l’avenant contractuel du 8 juillet 2003 et les avenants consécutifs.
Ce dernier élément laisse supposer l’existence d’une discrimination syndicale.
L’employeur affirme que M. [F] est en réalité davantage rémunéré que la moyenne des salariés de même catégorie sur le même chantier de sorte qu’il n’existe aucune discrimination à son encontre.
Cependant, l’employeur ne produit aucun élément pour justifier de la situation salariale plus favorable de M. [F], et plus généralement aucun élément objectif étranger à toute discrimination syndicale pour justifier l’absence de revalorisation salariale relevée.
Il s’en suit que M. [F] a été victime d’une discrimination syndicale.
Les éléments du dossier permettent à la cour d’évaluer à la somme de 500,00 euros le préjudice subi par M. [F] du fait de cette discrimination.
Le jugement sera infirmé quant au montant des dommages et intérêts alloué au salarié à ce titre.
– Sur les intérêts :
Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.
Il est justifié d’ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l’article 1343-2 du code civil.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement sera confirmé s’agissant des dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est équitable d’allouer à M. [F] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1 500,00 euros qui vaudra pour ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
La société Euroviande, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 1er septembre 2020 sauf en ce qu’il a condamné la société Euroviande Service à payer à M. [Z] [F] les sommes de 2 000,00 euros pour procédure abusive et de 2 000,00 euros pour discrimination syndicale ;
Statuant des seuls chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Euroviande Service concernant les demandes de rappel de salaire et de fixation du salaire présentées par M. [Z] [F] pour la première fois en cause d’appel ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par M. [Z] [F] ;
CONDAMNE la société Euroviande Service à payer à M. [Z] [F] la somme de 500,00 euros de dommages et intérêts pour discrimination syndicale;
FIXE le salaire de référence de M. [Z] [F] à 3 085,56 euros brut à compter du 1er mars 2019, à 3 107,15 euros brut à compter du 1er mars 2020, à 3 122,69 euros brut à compter du 1er avril 2021 et à la somme de 3 153,92 euros à compter du 1er janvier 2022 ;
CONDAMNE la société Euroviande Service à verser à M. [Z] [F] la somme de 5157,01 euros brut à titre de rappel de salaire consécutif aux augmentations salariales appliquées dans la société ce, pour la période de février 2020 à février 2022, outre 515,70 euros au titre des congés payés afférents ;
DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de la société Euroviande Service devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l’article l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE la société Euroviande Service à payer à M. [Z] [F] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Euroviande Service de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Euroviande Service aux entiers dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN M-C DELAUBIER