Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2023
N° 2023/230
Rôle N° RG 20/01958 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSHH
[C] [J]
C/
SAS MUSE
Copie exécutoire délivrée le :
23 JUIN 2023
à :
Me Stéphanie BESSET-LE CESNE avocat au barreau de MARSEILLE
Me Sophie ROBERT avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00965.
APPELANTE
Madame [C] [J], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS MUSE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [C] [J] a été engagée par la SA MUSE suivant contrat de travail à durée déterminée, pour la période du 13 juin 2014 au 25 juillet 2014, puis suivant contrat de mission temporaire pour la période du 10 au 11septembre 2014, en qualité de formatrice.
Le 12 septembre 2014, Madame [J] a été engagée par la SA MUSE suivant contrat de travail à durée indéterminée dans le cadre d’un contrat unique d’insertion, en qualité de formatrice et commerciale, statut technicien qualifié 1er degré, niveau C1.
En août 2015, Madame [J] a obtenu le diplôme de master 2 sciences humaines et sociales, mention éducation et formation, spécialité ingénierie de formation par la pédagogie de l’alternance.
Du 9 septembre 2015 au mois d’août 2016, le contrat de travail a été suspendu suite à un accident de trajet. Le 1ermars 2017, Madame [J] a été déclarée inapte temporairement par le médecin du travail et le contrat de travail suspendu au titre d’un arrêt de travail pour maladie.
Par lettre du 22 août 2017, Madame [J] a pris acte de la rupture du contrat de travail. Elle invoquait les manquements suivants : un défaut d’attribution de la bonne classification de son emploi et un défaut de paiement du salaire dû, un défaut de paiement de commissions et une dégradation des conditions de travail.
Par requête du 26 octobre 2017, Madame [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille pour demander de requalifier la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d’indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour violation du principe d’égalité de traitement, de rappel de salaire et de commissions, notamment.
Par jugement du 20 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé que la prise d’acte de la rupture par Madame [J] produit les effets d’une démission.
– débouté Madame [J] de l’ensemble de ses demandes.
– débouté la SAS MUSE de ses prétentions.
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou l’autre des parties.
– condamné Madame [J] aux dépens de l’instance.
Madame [J] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, elle demande à la cour de:
– réformer le jugement dans son intégralité.
A titre principal :
– ordonner la requalification de la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 4.500 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 450 € au titre des congés payés afférents.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’indemnité de licenciement.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 15.000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 5.000 € au titre des dommages-intérêts pour violation du principe « à travail égal salaire égal ».
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 1.890 € au titre du solde des commissions dues outre la somme de 189 € au titre des congés afférents.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 19.115 € au titre du rappel de salaire outre la somme de 1.911€ au titre des congés payés afférents.
– ordonner la rectification de l’ancienneté et des montants des salaires après requalification figurant sur les documents de fin de contrat et bulletins de salaires.
– ordonner la production de l’attestation de salaire prenant en compte le montant des salaires après requalification pour transmettre à la CPAM afin de permettre à la salariée de faire réguler les indemnités journalières dues.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire :
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 5.000 € au titre des dommages-intérêts pour violation du principe « à travail égal salaire égal ».
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 1.890 € au titre du solde des commissions dues outre la somme de 189 € au titre des congés afférents.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 35.568 € au titre du rappel de salaire outre la somme de 3.556 € au titre des congés payés afférents.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 480 € au titre du complément de salaire dû.
– ordonner la rectification de l’ancienneté figurant sur les documents de fin de contrat et bulletin de salaire.
– condamner la SA MUSE au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, la SA MUSE demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 20 janvier 2020 par le conseil des prud’hommes de Marseille en ce qu’il a dit et jugé infondées les demandes et prétentions de Madame [J], dit et jugé que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission, débouté en conséquence Madame [J] de l’intégralité de ses demandes.
– l’infirmer en ce qu’il n’a pas fait droit aux demandes reconventionnelles de la SA MUSE.
En conséquence :
– condamner Madame [J] à payer à la SA MUSE la somme de 1.735,78 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
En tout état de cause :
– dire et juger qu’en l’état de la prise d’acte, Madame [J] est infondée à se prévaloir d’une irrégularité de procédure.
– dire et juger que Madame [J] n’établit pas l’existence des préjudices allégués et ne justifie pas de l’évaluation des préjudices qu’elle invoque à hauteur de 5.000 € et 15.000 €.
– la débouter en conséquence de ses demandes de ce chef.
– condamner Madame [J] à payer à la SA MUSE la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– la condamner aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la délivrance de bulletins de salaire négatifs
Madame [J] fait valoir que la convention collective prévoit un maintien total de salaire au bout d’un an d’ancienneté et, dans le cadre de son accident du travail, l’employeur a, dans un premier temps, effectué le maintien de salaire en septembre, octobre et novembre 2015. Le 2 décembre 2015, l’employeur a ‘fait marche arrière’ en lui indiquant qu’elle n’avait pas l’ancienneté requise et a mentionné une somme de 480 € en négatif sur ses bulletins de salaire la rendant ainsi débitrice, ce qui a généré un stress supplémentaire tout au long de son arrêt de travail. Madame [J] indique qu’elle a rappelé à son employeur que son ancienneté est bien d’une année compte tenu de ses interventions en intérim préalables à la signature du contrat de travail à durée indéterminée et du temps passé en contrat de travail à durée déterminée au mois de juin 2014. Outre le fait que l’employeur n’a pas répondu sur le solde négatif des bulletins de salaire, il a modifié la date d’entrée dans la société mentionnée sur les bulletins de salaire en remplaçant la date du 13 juin 2014 par celle du 12 septembre 2014. Madame [J] conteste cette dernière date et considère que l’ancienneté remonte au premier jour de travail.
La SA MUSE conclut que Madame [J] n’a pas été victime d’un accident de travail, mais d’un accident de trajet, et qu’à la date de cet accident elle ne bénéficiait pas d’une ancienneté de un an dans l’entreprise, son contrat à durée indéterminée ayant été conclu le 12 septembre 2014 et son accident ayant eu lieu le 9 septembre 2015. La circonstance suivant laquelle elle était intervenue antérieurement pendant quelques jours de manière occasionnelle n’étant pas susceptible de modifier la réalité de son ancienneté.
*
En cas d’une succession de contrats de travail à durée déterminée de manière ininterrompue avec le même employeur, l’ancienneté est prise en compte à compter de la date du premier contrat de travail à durée déterminée.
En l’espèce, Madame [C] [J] a été embauchée par un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 13 juin 2014 au 25 juillet 2014.
Puis, elle a été engagée dans le cadre d’un contrat de mission temporaire pour la période du 10 au 11septembre 2014. A compter du 12 septembre 2014, Madame [J] a été engagée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Il en résulte que l’ancienneté de Madame [J] est à fixer au 10 septembre 2014.
Il ressort de l’article 14 de la convention collective nationale des organismes de formation qu’après un an d’ancienneté au jour de l’arrêt médical, et en cas d’absence justifiée et prise en charge par la sécurité sociale, le salarié bénéficie d’un maintien de salaire dans les conditions prévues par la convention collective.
Madame [J] a été en arrêt de travail à compter du 9 septembre 2015 au titre d’un ‘AT’, selon les indications portées sur le bulletin de salaire du mois de septembre 2014 (à défaut d’autres éléments produit par les parties concernant cet arrêt de travail).
Il en résulte que Madame [J] ne disposait pas d’une année ancienneté au jour de l’arrêt de travail et ne pouvait donc pas bénéficier des dispositions conventionnelles relatives au maintien du salaire.
Il ressort des bulletins de salaire que, dans un premier temps, l’employeur a appliqué par erreur le bénéfice du maintien de salaire, puis a informé Madame [J], par courrier du 2 décembre 2015, de son erreur et de l’existence d’un trop perçu par la salariée à compter de septembre 2015. Les soldes négatifs apparaissant sur les bulletins de salaire sont le report, de mois en mois, de ce solde négatif, qui a été régularisé dans le bulletin de salaire d’août 2016, lors de la reprise du travail par Madame [J]. La demande en paiement du remboursement du complément de salaire est donc infondée et le manquement de l’employeur n’est pas caractérisé.
Sur la classification
Madame [J] fait valoir que, dès le départ, sa classification est erronée en ce qu’elle avait, avant son embauche au sein de la société MUSE, d’une part, une licence en ingénierie formation, et d’autre part, une expérience importante dans le secteur de la formation chez ATEGIS puis chez Inéade et [2] Université. Elle a été classée technicien qualifié, premier degré niveau C1, niveau des secrétaires, aide documentaliste, comptable pupiteur et programmeur alors que la convention collective indique que les formateurs ne peuvent pas être classés à un coefficient inférieur à la catégorie D. Elle a réclamé, dans un premier temps, la classification au coefficient E2 puis celle de cadre niveau F. Elle indique qu’elle effectuait un véritable travail d’ingénierie de formation, de formatrice consultante et de référente pédagogique et avait des responsabilités commerciales. Elle précise que dans son courrier de réponse du 27 septembre 2016, elle a listé ses fonctions avec précision et cette liste n’a pas été contestée par l’employeur qui a indiqué, dans un courrier du 31 octobre 2016 que « nous devons travailler sur une véritable fiche de poste ». Madame [J] soutient donc qu’il n’y a donc pas de contestation sur la réalité de ses tâches. Elle rappelle que l’employeur avait accepté de la classer au coefficient 240, technicien E1 mais en lui proposant un nouveau contrat de travail qui modifiait le libellé de son poste, qui ne correspondait pas aux fonctions occupées, qui modifiait à la baisse le taux de commissionnement et qui imposait des objectifs irréalisables, alors qu’elle n’en avait aucun auparavant. Ce n’est que le 10 juillet 2017 que l’employeur a procédé à une régularisation de sa situation en la classant au niveau D1, coefficient 200 à compter de son embauche et lui a réglé le rappel de salaire correspondant.
La SA MUSE prétend que la régularisation, au niveau D1 coefficient 200 à compter de son embauche, est intervenue spontanément de sa part, le 10 juillet 2017 et avant la prise d’acte de la rupture par la salariée. Elle souligne que Madame [J] produit pas moins de trois curriculum vitae dans le cadre de la procédure qui comportent des modifications qui sont loin d’être insignifiantes et le curriculum vitae qui a été remis à l’époque à la société MUSE et qui a été annexé à la demande d’aide liée au CUI, indique que Madame [J] a essentiellement occupé des fonctions de commerciale avant d’entreprendre une reconversion dans le secteur de la formation, que sa formation initiale consiste en un BTS action commerciale, suivie apparemment de plusieurs formations professionnelles dans le secteur de l’immobilier, puis en 2012, dans le secteur de l’analyse financière, du marketing, de la production et de la qualité. Ce n’est qu’à partir de l’année universitaire 2012/2013 qu’elle s’inscrira dans cette réorientation en suivant une licence professionnelle sciences humaines et sociales, mention sciences de l’éducation, avec dans ce cadre, la réalisation d’un stage. Puis en 2014/2015 elle s’inscrira en master 2 et ce, dans le cadre du CUI conclu avec la société MUSE. Il est donc indéniable que Madame [J] était en formation de septembre 2014 à septembre 2015. La SA MUSE prétend donc que Madame [J] n’avait pas les compétences et n’exerçait pas les fonctions permettant une classification au niveau F, selon les indications de la convention collective.
*
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
Déterminer la classification dont relève un salarié suppose l’analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments qu’il produit, et leur comparaison avec la classification de la convention collective nationale applicable.
Madame [J] a été engagée selon la classification conventionnelle C1, coefficient 171.
Par courrier du 10 juillet 2017, la SA MUSE a informé Madame [J] qu’il procédait à une rectification de sa classification à compter de son embauche au niveau D1 coefficient 200 et a réglé à la salariée le rappel de salaire correspondant.
Il ressort des écritures de Madame [J] et du décompte qu’elle produit au titre du calcul du rappel de salaire qu’elle revendique la classification de cadre niveau F à compter de son embauche.
L’article 14 de la convention collective des organismes de formation, dans sa version applicable au litige, indique, concernant le statut de cadre niveau F :
‘Dans les fonctions de ce niveau, les responsabilités scientifiques, techniques, administratives, financières, commerciales, pédagogiques, ou de gestion, sont exercées par le titulaire du poste dans le cadre de missions ou de directives fixées par son supérieur hiérarchique.
Les connaissances générales et techniques nécessaires sont celles normalement reconnues par un diplôme d’ingénieur ou correspondant à une formation de niveau I ou II de l’éducation nationale.
L’intéressé a acquis ces connaissances par des études (formation initiale ou continue) ou par expérience personnelle.
A titre d’exemples, peuvent être classés dans cette catégorie les salariés suivants :
– formateur appelé à participer à des dossiers d’études et de projets concernant des problèmes posés à l’organisme, en respectant les contraintes pédagogiques, techniques et économiques dont il a à tenir compte ;
– chef de groupe (notamment chef comptable dont les responsabilités correspondent à la définition ci-dessus) ;
– formateur appelé à développer des activités globales pédagogiques et/ou commerciales dans le respect des contraintes économiques ;
– cadre qui a la charge de gérer un chantier de technologies éducatives (EAO ou autre) ;
– cadre administratif’.
La convention collective énonce également qu’au niveau inférieur, soit le niveau E, ‘la mise en ‘uvre des travaux composant la fonction est laissée à l’initiative du titulaire de l’emploi qui est placé sous la responsabilité d’un supérieur hiérarchique, chargé notamment du contrôle des résultats’ de sorte qu’à partir de ce niveau, le salarié travaille en autonomie et son responsable n’assure que le contrôle du résultat et il en est ainsi nécessairement pour les niveaux supérieurs, dont le niveau F.
Il résulte des pièces du dossier que Madame [J] est titulaire d’une licence en sciences humaines et sociales puis, dans le cadre du CUI conclu avec la SA MUSE, elle a obtenu le diplôme Master professionnel 2ème année, mention éducation et formation, de niveau I de l’éducation nationale.
Il ressort de l’organigramme produit par Madame [J] qu’elle était désignée comme étant ‘formatrice’ et sous le lien hiérarchique et fonctionnel de Madame [O] [X], directrice pédagogique et ingénierie.
Il ressort également de la liste nominative de ses fonctions (pièce 51) et de la fiche de fonction (pièce 52) que Madame [J] a été amenée à participer au développement des activités globales pédagogiques et/ou commerciales de la société, notamment à la conception de programmes pédagogiques ou de formation.
Cependant, les pièces produites par la salariée démontrent également que Madame [X] donnait à Madame [J] des consignes détaillées dans la mise en oeuvre des programmes pédagogiques ou de formation (mail du 8 novembre 2016 dans lequel Madame [X] demande à Madame [J] de reprendre la conception des ‘modules’ pour un programme destinée à ‘La poste’, mail de Madame [X] du 25 novembre 2016 dans lequel elle donne des instructions à Madame [J] concernant l’organisation et le déroulement d’une formation, mail du 28 novembre 2016 de Madame [P] qui donne pour instruction à Madame [J] de n’intervenir en réunion que sous le pilotage de Madame [X], mail de Madame [X] du 10 février 2017 qui lui rappelle qu’elle ne peut pas modifier le contenu des programmes sans lui en référer, mail de Madame [X] du 24 février 2017 dans lequel elle donne des instructions à Madame [J] concernant les contenus à intégrer dans les supports).
Il est ainsi démontré que Madame [J] n’a pas travaillé en autonomie, qu’elle travaillait sous les directives de Madame [X] qui n’assurait pas uniquement un contrôle du résultat du travail de Madame [J] mais donnait des instructions que Madame [J] devait suivre dans l’ensemble de l’exécution de ses tâches.
Madame [J] ne démontre donc pas qu’elle assurait, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’elle revendique.
Il convient donc de rejeter la demande de reclassification de l’emploi présentée par Madame [J] ainsi que la demande de rappel de salaire afférente et production d’une attestation de salaire rectifiée.
Par contre, en rectifiant la classification de la salariée à compter de son embauche au niveau D1 coefficient 200 et en lui réglant le rappel de salaire correspondant, la SA MUSE reconnaît qu’elle avait procédé à une classification erronée de l’emploi de Madame [J], dès 2014, et que, malgré les demandes réitérées de la salariée de voir sa situation examinée et rectifiée, l’employeur a attendu le mois de juillet 2017 pour y procéder. Cette rectification tardive et dilatoire constitue une exécution fautive du contrat de travail de la part de l’employeur.
Sur l’inégalité de traitement
Il résulte du principe ” à travail égal, salaire égal” que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Madame [J] fait valoir qu’elle va découvrir qu’elle était la moins bien classée et payée de toute l’équipe de formation de la société MUSE lorsque l’employeur a dressé, en décembre 2013, un tableau des salariés avec leur poste et coefficient. Il apparaît que tous les formateurs bénéficiaient d’un coefficient F, qu’elle était la moins bien payée (même en comparaison avec la secrétaire administrative payée au taux de 12 € de l’heure alors qu’elle a été embauchée à un taux de 9,53 €) ; qu’elle était la plus diplômée des autres formateurs ; que Monsieur [G] (qui l’avait remplacée pendant son arrêt de travail en 2015), s’est vu proposer un contrat de travail, établi le 29 décembre 2016, en qualité de formateur statut cadre niveau F, pour 15 jours par an, alors que la lecture de son curriculum vitae indique qu’il ne bénéficiait pas, avant son embauche, d’une expérience significative dans le domaine de la formation et qu’il n’avait manifestement pas le niveau d’études requis pour un poste niveau F ; que l’employeur ne peut pas soutenir qu’il s’agit du poste qu’elle aurait été refusé en janvier 2017 alors qu’elle n’a pas refusé de poste mais a demandé des précisions sur certains points essentiels et, qu’en tout état, le poste avait déjà été proposé à Monsieur [G] en décembre 2016, soit avant son prétendu refus.
Madame [J] produit :
– un tableau mentionnant les noms de salariés, leur poste, leur type de contrat de travail, leur classification et le taux horaire auquel ils sont rémunérés pour le mois de décembre 2013.
– des curriculum vitae de Madame [O] [X], Madame [W] [A], Madame [Z] [E], Madame [I] [P] et de Monsieur [F].
– le contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur [G] mentionnant, à compter du 2 janvier 2017, des fonctions de formateur statut cadre, niveau F, coefficient 310, le curriculum vitae de Monsieur [G] et un planning d’une formation dans laquelle elle intervenait avec Monsieur [G].
Madame [J] soumet des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.
Il appartient donc à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
La SA MUSE conclut que :
– Madame [J] a été embauchée dans le cadre particulier d’un contrat unique d’insertion conclu au titre d’une action de formation qualifiante et il serait donc vain de comparer sa situation pendant cette période à celles des autres salariés.
– Madame [Y] occupe un emploi de secrétaire administrative, ce qui n’est pas le cas de Madame [J].
– concernant les salariés ayant des activités de formation, leur statut juridique dépend des conditions concrètes de leur emploi. Ainsi, les formateurs occasionnels qui, de fait, sont dans une situation différente de celle des formateurs recrutés en contrat de travail à durée indéterminée, relèvent d’un statut conventionnel totalement différent et, ni la classification, ni les salaires minima conventionnels ne leur sont applicables.
Mesdames [T], [E], [R] et [X], inscrites dans le tableau produit, étaient, à l’époque de l’établissement dudit tableau, des formateurs occasionnels. Madame [X] a depuis été embauchée en contrat de travail à durée indéterminée sur des fonctions de direction. Par ailleurs, Madame [J] ne peut prétendre faire des comparaisons avec une situation antérieure à son embauche dans l’entreprise.
– concernant les salariés en contrat de travail à durée indéterminée, Madame [O] [X] occupe des fonctions de direction et était la supérieure hiérarchique de Madame [J].
Madame [A] et Monsieur [F] sont tous deux formateurs en contrat de travail à durée indéterminée mais demeurent des intervenants occasionnels et ont une ancienneté supérieure à celle de Madame [J].
Madame [A] a été recrutée en décembre 2011et dispose d’une expérience professionnelle notable dans le secteur du nettoyage pour avoir exercé pendant des années dans ce secteur d’activité.
Monsieur [F] a été recruté en janvier 2012 et dispose également d’expériences professionnelles et de diplômes universitaires supérieurs à ceux de Madame [J].
– Monsieur [G] est d’abord intervenu comme formateur occasionnel, notamment sur la formation du groupe dit « maçons VRD ». Par la suite il a été recruté, suivant contrat ayant pris effet le 27 mars 2017, en contrat de travail à durée indéterminée, au poste de chargé de parcours emploi formation, technicien qualifié de niveau E1 coefficient 240, avec une rémunération brute de 2.085 € et c’est très exactement le poste que Madame [J] a refusé en janvier 2017.
*
Il convient d’abord d’observer que le tableau produit par Madame [J] et contenant les qualifications de salariés de la SA MUSE vise la période du 1er au 31 décembre 2013, soit une période antérieure à l’embauche de la salariée intervenue le 10 septembre 2014.
Par ailleurs, contrairement à l’affirmation de Madame [J], tous les formateurs n’ont pas la classification de cadre niveau F puisque Madame [T] a la qualification de technicien D2.
Madame [T], Madame [E], Madame [R] et Mme [X], inscrites dans le tableau, étaient des formateurs occasionnels engagés par des contrats de travail à durée déterminée, comme indiqué dans ce document. Il n’étaient donc pas soumis aux dispositions de la convention collective conformément aux indications de son article 1er qui prévoient que ‘les dispositions qu’elle contient ne s’étendent pas aux intervenants occasionnels’.
Enfin, Madame [J] a été recrutée le 12 septembre 2014, dans le cadre d’un contrat unique d’insertion qui a donné lieu à une formation diplômante en août 2015.
Il en résulte que Madame [J] n’était pas placée dans une situation identique aux salariés mentionnés dans le tableau produit.
Madame [O] [X] a été engagée par la suite en contrat de travail à durée indéterminée et a occupé des fonctions de direction, étant la supérieure hiérarchique de Madame [J]. Madame [X] disposait d’une expérience depuis 1998 de gestionnaire et de commerciale et depuis 2005 d’une expérience dans le secteur de la formation. Il en résulte que Madame [J] n’était pas placée dans une situation identique à celle de Madame [X], en termes d’expérience, d’ancienneté et de responsabilités dans la société.
Il ressort du curriculum vitae de Madame [A] que celle-ci dispose d’une expérience professionnelle depuis 1989, notamment de directrice commerciale, et a été engagée par la SA MUSE en 2011, disposant ainsi d’une expérience et d’une ancienneté supérieures à celle de Madame [J].
Monsieur [F], recruté en 2012, est titulaire d’un diplôme universitaire supérieur (DESS psychologie) et dispose d’une expérience professionnelle (psychologue du travail puis de consultant) depuis 1998. Monsieur [H] [F] dispose donc également d’une expérience et d’une ancienneté supérieures à celles de Madame [J].
Les mêmes constatations peuvent être faites concernant Madame [E] (expérience professionnelle depuis 1991 d’enseignante et de formatrice) et Madame [P] qui dispose d’une expérience professionnelle de formatrice depuis 1997 en qualité de responsable d’un centre de formation et qui, surtout, a participé en 2005, à la création de la SA MUSE et en est la présidente. Madame [J] n’est donc assurément pas placée dans une situation identique à celle de Madame [P].
Madame [J] produit un contrat de travail concernant Monsieur [G] du 29 décembre 2016 qui n’est pas signé par les parties. La SA MUSE produit le contrat de travail à durée indéterminée signé par Monsieur [G] le 27 mars 2017 concernant un poste de chargé de parcours emploi formation, technicien qualifié niveau E1, coefficient 240.
Or, Madame [J] produit les projets d’avenants au contrat de travail qui lui avaient été proposés par la SA MUSE en octobre 2016 et en janvier 2017 par lesquels l’employeur s’engageait sur un poste de chargée de parcours emploi formation, employé qualifié, niveau E1, coefficient 240. La cour constate que les missions sont identiques à celles de Monsieur [G] et qu’il est prévu un salaire brut identique (2.085 €) dont une partie est également variable en fonction de l’atteinte des objectifs fixés.
Par courrier du 7 février 2017, la SA MUSE a pris acte du refus de Madame [J] de signer l’avenant. Alors que la SA MUSE conclut que le poste a alors été proposé à Monsieur [G] qui l’a accepté, Madame [J] ne saurait, de bonne foi, invoquer une situation d’inégalité de traitement en comparaison avec Monsieur [G] alors qu’elle n’a pas donné suite à la proposition de signature d’un contrat de travail à des conditions identiques à celles de Monsieur [G].
Il en résulte que l’inégalité de traitement n’est pas caractérisée et Madame [J] ne peut invoquer de manquement de l’employeur à ce titre. La demande de dommages-intérêts formulée par la salariée sera rejetée.
Sur la dégradation des conditions matérielles de travail de la salariée
Madame [J] explique qu’à sa reprise de fonction, en août 2016, elle a constaté une dégradation de ses conditions de travail en ce que son ordinateur PC ne fonctionnait plus et que son poste fixe était très lent et vieux, ce qui a été confirmé par l’informaticien. Elle a été contrainte de travailler avec son ordinateur personnel pour dispenser les formations et l’employeur lui a fourni un outil de travail cinq mois plus tard, en janvier 2017. Il s’agit d’un matériel inadapté (écran de taille 13 pouces) qui ne correspond pas à ses besoins pour effectuer les tableaux de formations. Elle a appris, par un simple message, un matin, qu’elle ne devait plus travailler à son poste de travail. En outre, elle n’a plus eu accès à internet et a dû se servir de la connexion de son téléphone personnel.
Madame [J] produit un échange de mails avec le service informatique- support du 26 août 2016 et le message de l’informaticien qui indique : ‘j’ai tenté pas mal de choses sur cet ordinateur mais il est simplement peu puissant et vieux. C’est un ACER EL1352 de 2010 avec un processeur ancien et que 2 Go de mémoire. Cet ordinateur ne pourra pas récupérer un état de performance correcte, il est vieux et doit être remplacé’, un mail de Madame [P] du 26 août 2016 qui indique ‘Ok pour un devis’, un message de Madame [X] du 10 janvier 2017 qui indique : ‘Ne t’installe pas à ta place habituelle. Tu seras dans la salle de réunion avec ton nouvel ordinateur portable tout neuf que tu trouveras sur le bureau de la salle de réunion. Tu peux commencer à le déballer et voir avec Kallyst s’il faut t’installer un accès’ et son message du 6 février 2017 adressé à Madame [X] qui indique : ‘Je n’ai toujours pas d’accès wifi muse et partage de ma connexion par téléphone ne marche plus’.
La SA MUSE réplique que Madame [J] a toujours travaillé en ‘open space’ et l’emplacement de son bureau n’a subi aucune modification en août 2016 ; en raison d’un déménagement, en janvier 2017, et pendant une courte période, Madame [J] ainsi que deux autres salariées, ont dû travailler dans la salle de réunion ; si l’ordinateur de Madame [J] a connu des défaillances, elle a disposé d’un poste fixe et elle s’est vu attribuer, comme tout le personnel non administratif, un ordinateur portable avec un écran de 13 pouces, tout comme Madame [P], présidente de la SA MUSE.
La SA MUSE produit :
– l’attestation de Madame [X] qui indique : ‘Elle a repris son poste de travail (…) en Opensapace puisque j’utilisais le bureau de droite et [U] [Y] celui de gauche. Mme [J] a repris son ordinateur portable et s’est rendu compte qu’il avait des défaillances. Nous avons alors tenté de trouver des solutions et très ponctuellement Mme [J] s’est servie de son ordinateur personnel puisqu’elle avait un ordinateur fixe au bureau. Je précise que durant l’absence de Mme [J] nous avons pris un prestataire Kallyst pour la gestion de notre parc informatique et que nous avons opté pour des connexions en VPN bureau à distance. Nous avons tous subi des perturbations lors de ce changement informatique. Nous travaillions avant le 1er février 2017 dans un espace composé de 2 pièces (…) la seconde pièce de 25m2 environ faisait office de salle de réunion, de formation et ensuite d’espace de travail. (…) J’ai effectivement demandé à Mme [J] de se déplacer dans le message adressé mais elle oublie de stipuler que je lui laissais aussi ma place si besoin. Nous avons demandé à toute l’équipe de faire preuve de souplesse durant ces 3 semaines compte tenu du fait que nous allions déménager (nous aurions dû emménager au 1 er janvier mais les travaux du locataire en place avaient pris du retard : aléa indépendant de notre volonté). (…) Mme [J] mentionne qu’elle n’a plus son bureau et je confirme. Ce qu’elle oublie de mentionner c’est que plus personne n’a son bureau, car MUSE nous met à disposition des bureaux neufs. Mme [J] continuera à être dans un bureau en Openspace (lors de son embauche les bureaux étaient déjà en open space)’.
– l’attestation de Madame [Y] qui confirme les problèmes informatiques et de connexion subis par les salariés de la SA MUSE.
– des échanges de messages entre les salariés en janvier 2017 concernant les démarches de migrations informatiques et de connexions et un message du 6 février 2017 de Madame [X], en réponse au message de Madame [J] du 6 février 2017 concernant l’absence de connexion internet : ‘je suis parfaitement au courant car je te rappelle que je partage les mêmes locaux que toi. Nous sommes tous dans la même situation’.
– une facture du 14 décembre 2016 de la société KALIST concernant l’achat de quatre ordinateurs indiquant également des écrans 13 pouces.
*
Il en résulte que si l’outil informatique alloué à Madame [J] était devenu obsolète en août 2016, la SA MUSE a procédé à son remplacement dans des conditions et par une dotation identiques aux autres salariés, Madame [J] ne démontrant pas l’inadaptation de son nouvel ordinateur et l’impossibilité pour elle d’exécuter sa prestation de travail. De plus, la SA MUSE justifie que l’ensemble des salariés a été confronté à des problèmes de connexion à internet et que l’installation de Madame [J] au sein de la bibliothèque a été temporaire, justifiée par les circonstances d’un déménagement et a également concerné d’autres salariés. Dans ces circonstances, les dysfonctionnements informatiques et le simple déménagement temporaire ne caractérisent pas une dégradation des conditions de travail de Madame [J] et, en toute hypothèse, n’ont pas empêché la poursuite de l’exécution du contrat de travail.
Ce manquement n’est donc pas établi.
Sur le paiement des commissions
Madame [J] fait valoir qu’elle est à l’origine, depuis 2014, de la prospection et de l’entrée du client CHU HENRI GUERIN et donc des prestations formations réalisées avec ce client. La SA MUSE, lors du solde de tout compte, n’a pas payé l’intégralité de la commission qui lui est due en exécution des clauses du contrat de travail et lui est redevable de la somme de 1.890 €.
La SA MUSE indique que Madame [J] a effectivement vendu la première formation au client CHU Henri GUERIN et a donc acquis, à ce titre, une commission de 18 % du montant hors taxe. Pour les formations ultérieures, réalisées avec ce même client, qui au demeurant n’était plus nouveau, ce n’est pas Madame [J] qui les a vendues car ce client a repris contact avec la société alors que Madame [J] était en arrêt maladie en mars 2016 et c’est Madame [X] qui s’est occupée des deux ventes en mars 2016. Subsidiairement, la demande de Madame [J] est erronée puisqu’il s’agirait d’une commission de 12 % et non de 18 %.
*
L’article 7 du contrat de travail stipule, au titre de la rémunération variable :
‘Madame [J] [C] percevra une rémunération variable dans le cadre de la prospection commerciale qu’elle effectuera pour la société MUSE :
– Nouveaux clients : 18% du montant HT des formations vendues (convention signée, formation effectuée et payée)
– Anciens clients : 12% du montant HT des formations vendues (convention signée, formation effectuée et payée)’.
Il ressort des éléments produits qu’il est justifiée de trois formations délivrées au client CHU HENRI GUERIN. Madame [J] a été réglée de la somme de 126 € au titre de la commission due pour la formation 2015 correspondant à 18 % du montant de la formation vendue. Par contre, la SA MUSE justifie, par des mails des 4 mars 2016 et du 14 avril 2016, que les deux autres formations qui ont été organisées en octobre et novembre 2016, ont été signées et vendues en mars 2016, alors que Madame [J] était en arrêt de travail.
Ainsi, Madame [J] ne justifie pas que les conditions, prévues par le contrat de travail pour bénéficier des deux autres commissions, sont remplies et sa demande sera rejetée.
Sur la mise en danger par l’employeur
Madame [J] indique qu’en octobre 2016, elle a effectué une formation avec un groupe de maçons dont l’un des participants portait un bracelet électronique, un autre était suivi par le service pénitentiaire d’insertion et d’autres ont visionné des vidéos pornographiques pendant la formation. Elle a alerté Madame [O] [X] du comportement agressif de son groupe, ce qui est confirmé par Monsieur [G]. Madame [J] fait valoir que la SA MUSE n’a pris aucune mesure efficace de protection et lui a simplement demandé de changer de salle de formation ce qui n’a aucunement modifié le comportement des stagiaires. En décembre 2016, pour la suite de la formation, elle a demandé à être remplacée car elle ne se sentait pas en sécurité et son employeur a refusé sa demande alors qu’il aurait dû accéder à sa demande de retrait. Elle soutient que la SA MUSE n’a pas été en mesure de lui assurer des conditions de travail lui permettant d’exercer son emploi en toute sécurité et invoque un manquement à l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.
Madame [J] produit :
– un compte rendu de Monsieur [G] du 14 octobre 2016 qu’il a adressé à Madame [X] et dans lequel il indique ‘j’ai senti dès le début de la journée que les stagiaires étaient très dissipés, pas concentrés, peu enclin à travailler (…). Journée relativement pénible pour réussir à tenir son programme car il y a eu beaucoup trop ‘d’interférences’ comportementales qui n’ont pas permis d’apporter une homogénéité et une qualité d’ensemble’.
– le mail de Monsieur [G] du 14 octobre 2016, adressé à Madame [X] dans lequel il indique ‘ Pardon [O], j’ai oublié une information importante : [M], [V] et [S] sont dégoûtés de l’attitude des autres suite aux évènements avec [C]. Mais le plus grave, ils sont dans le collimateur de toute la bande qui les soupçonnent d’être des balances. Pour exemple ils ont balancés à l’autre bout de la pièce leurs affaires (sacs). Ils font bande à part pour montrer leur différence avec eux. Nous allons devoir être très vigilants…’.
– le mail de Madame [P] du 12 décembre 2016 qui indique : ‘en retour à votre mail, je reviens vers vous dans un premier temps sur la thématique “groupe de maçons”. Je prends note de ce que vous me dites en revanche je ne peux pas vous remplacer pour les trois journées à venir. Vous occupez chez muse un poste de formatrice permanente et le public que vous rencontrez dans ce groupe n’est autre que le public intérimaire avec lequel nous travaillons tout au long de l’année. Ceci étant, [O] propose de passer sur chaque journée afin de vous accompagner dans cette mission qui vous semble plus difficile’.
La SA MUSE soutient que Madame [J] déforme la réalité des faits. Elle précise qu’elle exerce des actions de formation visant des publics éloignés de l’emploi et en réinsertion et savoir gérer ce type de public est donc une compétence requise pour travailler au sein de la société. Elle rappelle que la formation devait se dérouler sur la période du 3 octobre 2016 au 13 janvier 2017 et que Madame [J] est intervenue les 5 octobre, 14 octobre et 16 novembre 2016, sans faire la moindre remarque sur les stagiaires. Le 17 novembre 2016, Madame [J] a adressé à Madame [X] un compte rendu d’évaluation du groupe dans lequel, s’il est bien noté que les participants sont immatures, pas sérieux, très dissipés, voire irrespectueux pour certains d’entre eux, il n’est question ni de menaces ni de sentiment d’insécurité. Le 25 novembre 2016 s’est tenue une réunion de bilan intermédiaire, animée par Madame [X], à laquelle étaient présents les stagiaires, le client mais également Madame [J]. Madame [X] a rendu compte de cette réunion à Madame [P], le jour même, pour l’informer de l’attitude inappropriée de Madame [J] qui, en pleine réunion, a pris la parole pour contredire et critiquer les propos que Madame [X] venait de tenir devant le groupe de stagiaires. Madame [J] s’en est excusée et a fait part à Madame [X] du fait qu’elle ne sentait pas rassurée, voire se sentait menacée. Informée, Madame [P], par mail du 28 novembre 2016, a indiqué à Madame [J]: ‘Par ailleurs, [O] m’a fait part de votre ressenti, à savoir que vous vous sentiez « menacée» et que vous souhaitiez vous faire remplacer sur cette formation. Pouvez-vous me faire un retour à ce sujet ‘ et me faire part plus directement de votre positionnement. Il est vrai que les groupes que nous accueillons sont des groupes « difficiles » et que vous devez chaque jour mobiliser de nouvelles ressources pour pouvoir changer leurs habitudes et leurs comportements afin qu’ils aient en entreprise les comportements attendus. Ceci étant, vous ne devez pas vous sentir « menacée », j’aimerai donc en savoir davantage sur le déroulé de cette action’. Madame [J] a attendu le mois décembre 2016 pour adresser la réponse suivante: ‘En ce qui concerne le groupe de maçon VRD pour la formation à [Localité 4], je ne me sens pas en sécurité avec ces stagiaires, car ils ont des comportements et des règles qui leurs sont propres (celles de la cité et ou de la prison). Par conséquent la dynamique de groupe se base également sur ces règles ils font corps et sont soudés dans leurs comportements déviants et j’ai peur pour ma sécurité. Pour ce groupe, il me reste plusieurs dates et vous remercie de me remplacer les 14/12/2016, 3 et 12/01/2017″.
La SA MUSE soutient que Madame [J] ne fournit aucune explication, évoquant de nouveau son sentiment mais sans relater le moindre fait.
La SA MUSE produit l’attestation de Madame [X] qui indique : ‘ Nous avons eu un groupe qu’il a fallu cadrer et suivre régulièrement. Je ne peux pas laisser Mme [J] dire que nous n’avons rien fait, ou encore la laisser remettre en question mes compétences et celles de notre partenaire ACTUAL. Nous sommes intervenus à plusieurs reprises lors de cette formation. Actual notre client a convoqué et ou sanctionné les personnes avec lesquelles nous avions dénoncé des comportements non-adaptés. Je respecte la perception de Mme [J] et ne remet pas en question son ressenti. En revanche dans les faits, la formation ne s’est pas déroulée telle qu’elle l’évoque. Mr [G] est parvenu à canaliser et faire travailler le groupe. Lorsque nous avons pris la décision de maintenir les journées de formation avec Mme [J], j’ai passé au moins 2 demi- journées en sa compagnie et celle du groupe. La formation s’est déroulée normalement. J’ai recadré les personnes arrivant en retard – individuellement, à l’extérieur du groupe. Je passais régulièrement voir le groupe pour savoir comment ça se passait. J’ai soutenu Mme [J] et lui ai même conseillé de faire plus d’exercices de mise en situation au sein du groupe. Je lui ai régulièrement demandé si tout allait bien. Je n’ai à aucun moment été informée de la dangerosité dont elle fait part (utilisation d’un couteau en formation) ce qui m’aurait conduit à prendre des mesures disciplinaires immédiates. Le jour de la réunion pour faire le point sur la formation, étaient présent l’ensemble du groupe, (…) Mme [J] est intervenue à ce moment-là de façon inattendue et inappropriée me disant « qu’il ne fallait pas dire ça » et ce devant l’ensemble de l’auditoire, ce que je n’ai pas du tout apprécié sachant que j’étais en charge d’animer cette réunion et que son intervention aurait pu avoir pour effet de décrédibiliser l’image de la société (…) Mme [J] lors de cette réunion a interpellé deux des participants en les traitant de comédiens, d’acteurs. Ce comportement n’est pas adéquat et a entraîné des réactions de la part des stagiaires que j’ai dû canaliser’.
La SA MUSE produit également l’attestation de Monsieur [G] qui atteste qu’il s’agissait d’un public très difficile et qu’il a dû remplacer à plusieurs reprises Mme [J] ‘au pied levé’ et des attestations de plusieurs indiquent qui attestent que la formation s’était bien déroulée.
La SA MUSE considère que Madame [J] n’a jamais été mise en danger mais s’est révélée incapable de gérer ce groupe de stagiaires, ce que Monsieur [G] a su faire avec le même public.
*
S’il est admis que la SA MUSE dispense des formations à tout type de publics et qu’il peut être considéré par l’employeur que la capacité du salarié à prendre en charge un public ‘difficile’ est l’une des compétences attachées aux fonctions de formateur, il ressort néanmoins des éléments produits que le groupe qui a suivi la formation ‘maçons VRD’ était particulièrement difficile à gérer et a eu des comportements inadaptés, comme cela ressort du compte rendu de Monsieur [G] du 14 octobre 2016 et du mail du 14 octobre 2016 qu’il a adressé à Madame [X] dans lequel il signale déjà que Madame [J] était en difficulté avec ce groupe.
Si Madame [X] explique qu’elle a ‘recadré le groupe’, qu’elle ‘passait régulièrement pour savoir comment cela se passait’, qu’elle ‘a conseillé Madame [J]’ sur les actions à mener, qu’elle ‘lui a demandé régulièrement si tout allait bien’, il est également établi que le 25 novembre 2016, Madame [J] a fait part à sa supérieure hiérarchique du fait du fait qu’elle ne sentait pas rassurée, voire se sentait menacée et qu’elle voulait être remplacée.
Outre le fait que la demande de remplacement a été rejetée, Madame [P], informée de la situation dès le 28 novembre 2016, n’a pris aucune décision ou mesure concrète afin d’évaluer le risque dénoncé par la salariée alors qu’au titre de l’obligation de sécurité, il appartient à l’employeur d’éviter les risques, de les évaluer et de les combattre. La SA MUSE explique qu’elle a simplement attendu une réponse de la part de Madame [J] sur des questionnement qu’il lui appartenait elle-même d’examiner et d’évaluer. Dans sa réponse du 8 décembre 2016, Madame [J] confirme le fait d’une insécurité dans l’exécution de ses fonctions et demande, de nouveau, à être remplacée.
Ainsi, la SA MUSE, qui ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de sa salariée prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, n’a pas respecté son obligation de sécurité.
Le manquement est établi.
Sur la dégradation de l’état de santé de la salariée
Madame [J] fait valoir que le refus de l’employeur de régulariser son positionnement conventionnel et la dégradation des conditions de travail ont entraîné une dépression. Elle a été déclarée inapte temporairement par le médecin du travail, le 1er mars 2017, et placée en arrêt de travail pour un état dépressif d’épuisement. Les éléments médicaux qu’elle produits démontrent le lien entre sa pathologie et ses conditions de travail. Elle soutient que la dégradation de son état de santé a été accentuée par la découverte, en février 2017, d’une offre d’emploi effectuée par la société ACTUAL ( Muse étant une filiale de cette structure) pour son propre poste.
Madame [J] produit l’avis d’inaptitude temporaire du médecin du travail du 1ermars 2017, des avis d’arrêts de travail pour ‘état dépressif d’épuisement’, des ordonnances prescrivant des traitements médicaux, un courrier du docteur [L] du 27 mars 2017 au médecin du travail qui indique ‘cher consoeur, Madame [J] présente un état dépressif d’épuisement lié à une situation conflictuelle professionnelle qui ne me parait pas soluble’, un courrier du docteur [L] du 27 avril 2017 au médecin du travail qui indique : ‘Madame [J] présente un état anxio dépressif majeur d’épuisement lié à une situation professionnelle conflictuelle qui me paraît difficilement soluble. Cet état se manifeste par un envahissement anxieux permanent, troubles du sommeil, ruminations morbides, un repliement sur soi avec aboulie, une certaine forme de retrait social. Ces manifestations psychopathologiques ont un retentissement important au niveau de son entourage familial.
Compte tenu de son ressenti concernant son entourage professionnel il ne paraît pas possible de faire l’économie d’une décision d’inaptitude au travail qui permettra son licenciement et pourra la projeter dans un avenir professionnel différent et plus serein pour elle’.
La SA MUSE conclut que les certificats médicaux produits n’ont aucune valeur probante puisque les médecin n’ont pas constaté la réalité des conditions de travail de la salariée dont ils ignorent tout. L’offre d’emploi parue en février 2017 est celle qui a été refusée par Madame [J], en janvier 2017, et qui a été pourvue par Monsieur [G].
*
Il a été jugé que la SA MUSE avait manqué à son obligation de sécurité en 2016 et 2017 lors que la mise en oeuvre du stage ‘maçons VRD’ et qu’elle avait exécuté fautivement le contrat de travail en procédant à une rectification tardive de la classification de la salariée.
Les conséquences sur l’état de santé de Madame [J] de ces manquements sont décrits par les certificats médicaux lesquels, uniquement sur ce sujet, ont une valeur probante indéniable.
Il est indiqué que Madame [J] présente un état dépressif d’épuisement lié à une situation conflictuelle professionnelle. La dégradation de l’état de santé de la salariée, du fait des manquements de l’employeur, est donc bien établie.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue qui ne résultent pas uniquement de l’écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, l’exécution fautive du contrat de travail par l’employeur relativement à la classification de sa salariée, le manquement à son obligation de sécurité et la dégradation de l’état de santé qui en est résulté pour Madame [J] , qui a justifié un arrêt de travail à compter du mois de mars 2017 et un avis d’inaptitude temporaire du médecin du travail le 1ermars 2017, constituent assurément des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par la salariée, intervenue le 23 août 2017, doit donc produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient d’accorder à Madame [J] la somme de 3.471,56 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 347,15 € au titre des congés payés afférents et la somme de 1.000 € au titre de l’indemnité de licenciement, sommes contestées par l’employeur en leur principe mais non discutées en leur montant.
En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (41 ans), de son ancienneté (2 et 11 mois), de sa qualification, de sa rémunération (1.735,78 €), des circonstances de la rupture et d’un nouvel emploi débuté le 20 mars 2018, il convient d’accorder à Madame [J] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 12.000 €.
La remise d’une attestation pôle emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt (notamment sur la date de l’ancienneté au 10 septembre 2014) s’impose.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.
Il est équitable de condamner la SA MUSE à payer à Madame [J] la somme de 2.000 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en première instance et en cause d’appel.
Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la SA MUSE, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la violation du principe de l’égalité de traitement, de rappel de commissions, de rappel de salaire, de congés payés afférents et ayant rejeté la demande de rectification de l’attestation de salaire,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail intervenue le 23 août 2017 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA MUSE à payer à Madame [C] [J] les sommes suivantes :
– 3.471,56 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 347,15 € au titre des congés payés afférents,
– 1.000 € au titre de l’indemnité de licenciement,
– 12.000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise, par la SA MUSE à Madame [C] [J], d’une attestation pôle emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif, conformes à la teneur du présent arrêt (notamment sur la date de l’ancienneté au 10 septembre 2014),
Condamne la SA MUSE aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction