Formateur occasionnel : 28 novembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02680

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Formateur occasionnel : 28 novembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02680
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

Me Christine ARANDA

SARL SABRINA ROGER AVOCAT

EXPÉDITION à :

SCA [6]

URSSAF [Localité 12]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS

ARRÊT du : 28 NOVEMBRE 2023

Minute n°469/2023

N° RG 21/02680 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GONM

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 13 Septembre 2021

ENTRE

APPELANTE :

SCA [6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Christine ARANDA, avocat au barreau de PARIS

D’UNE PART,

ET

INTIMÉE :

URSSAF [Localité 12]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES, substituée par Me Damien PINCZON DU SEL, avocat au barreau d’ORLEANS

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparant, ni représenté

D’AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.

DÉBATS :

A l’audience publique le 26 SEPTEMBRE 2023.

ARRÊT :

– Contradictoire, en dernier ressort.

– Prononcé le 28 NOVEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

La société [6], prise en ses établissements d'[Localité 4], de [Localité 9], [Localité 11], [Localité 8] et [Localité 10], a fait l’objet d’un contrôle de l’Urssaf [Localité 12] portant sur la vérification de l’assiette des cotisations sociales sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.

Le 21 décembre 2018, l’Urssaf a notifié une lettre d’observations à la société [6], et le 11 et le 12 juin 2019, elle lui a notifié plusieurs mises en demeure.

Par courriers du 12 juillet 2019, la société [6] a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf.

Par courriers du 12 novembre 2019, la société [6] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 15 décembre 2020, notifiée le 23 décembre 2020, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société.

Par un jugement en date du 13 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Tours a’:

– ordonné la jonction entre les instances n° 19/510, 19/511, 19/521, 19/513, 19/527,

– déclaré recevable le recours formé par la société [6],

– déclaré régulière la procédure de contrôle diligentée à l’encontre de la société [6],

– validé le chef de redressement n° 1′: plafond applicable’: éléments de salaires non versés en même temps que la paie et rappels de salaires,

– validé le chef de redressement n° 2′: cotisations’: rupture conventionnelle du contrat de travail ‘ condition relative à l’âge du salarié, sauf s’agissant de M. [G]’,

– annulé le redressement n° 3′: réintégration dans l’assiette des cotisations de sommes versées à Mme [I],

– annulé le chef de redressement n° 4′: forfait social 20’% dû sur transaction faisant suite à rupture conventionnelle,

– validé le chef de redressement n° 5′: rupture non forcée du contrat de travail ‘ assujettissement départ volontaire à la retraite de M. [R],

– validé le chef de redressement n° 6′: indemnités versées à Mme [X],

– validé le chef de redressement n° 8′: le versement transport,

– validé le chef de redressement n° 10′: avantages en nature’: cadeaux offerts par l’employeur,

– validé l’observation n° 13′: assujettissement des formateurs occasionnels,

– validé le chef de redressement n° 14′: ventilation du versement transport pour chaque Autorité Organisatrice de Mobilité, sauf s’agissant du point n° 2 (redressement concernant M. [G]),

– dit que les majorations de retard incombant à la société [6] au titre du contrôle devront être recalculées au regard des chefs de redressement annulés,

– débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

– condamné la société [6] aux entiers dépens.

Par déclaration du 13 octobre 2021, la société [6] a interjeté appel du jugement.

La société [6] demande à la Cour de’:

– la déclarer bien fondée en son appel,

– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a déclaré recevable son recours,

En conséquence,

À titre principal,

– constater et juger la nullité des 5 mises en demeure,

– prononcer la nullité de la procédure de recouvrement,

– infirmer les décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable,

– annuler les 5 mises en demeure notifiées,

À titre subsidiaire,

– constater le mal fondé des chefs de redressement n° 1, 2, 3, 4, 5, 8, 10, 13, 14,

– infirmer les décisions implicites de rejet de la commission de recours amiable,

– prononcer la nullité des 5 mises en demeure notifiées concernant les chefs susvisés,

En tout état de cause,

– débouter l’Urssaf [Localité 12] de toutes demandes, fins et conclusions,

– condamner l’Urssaf [Localité 12] au paiement de 2’500 euros au titre de dommages et intérêts,

– condamner l’Urssaf [Localité 12] au paiement de 1’500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’Urssaf [Localité 12] demande à la Cour de’:

– confirmer en tous ses points le jugement déféré,

– confirmer en tous ses points la décision de la commission de recours amiable en date du 15 décembre 2020,

– condamner la société [6] au paiement des majorations de retard d’un montant de 9’711’euros, pour la période de 2015 à 2017,

– débouter la société [6] de l’ensemble des demandes.

MOTIFS

I- Sur la régularité de la procédure de contrôle

A- Sur la notification de l’avis de passage

Moyens des parties

La société [6] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré la procédure de contrôle régulière. Au soutien, elle indique qu’un avis de passage aurait dû être adressé à chacun des établissements secondaires, car seuls les établissements secondaires ont la qualité de cotisant au sens de la sécurité sociale’; que le versement en lieu unique ne les prive pas de leur qualité de cotisant’; que les établissements secondaires ont, en tout état de cause, la qualité d’employeur au sens de la sécurité sociale’; qu’il ressort des termes de la circulaire ACOSS n° 2001-043 du 6 mars 2001 que dans l’hypothèse d’une société composée d’établissements multiples, le cotisant demeure l’établissement à titre individuel’; que l’Urssaf avait une parfaite connaissance du caractère autonome au sens de la sécurité sociale des établissements secondaires composant la société’; qu’elle a ainsi adressé une mise en demeure par établissement secondaire redressé, et non une mise en demeure unique à la société ou à un seul de ces établissements.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement. Elle fait valoir que la Cour de cassation considère que l’avis de contrôle doit être adressé à la personne qui est tenue, en sa qualité d’employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l’objet du contrôle, sans s’attacher à la notion de cotisant’; qu’un avis de contrôle a été adressé, préalablement au début du contrôle au siège de la société, dans lequel il était précisé que tous les établissements seraient vérifiés’; que le décret n° 2016-941 du 11 juillet 2016 a profondément modifié l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale qui définit le destinataire de l’avis de contrôle à savoir le siège social de l’entreprise ou son établissement principal.

Réponse de la Cour

L’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable issue du décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, dispose’:

‘I.-Tout contrôle effectué en application de l’article L. 243-7 est précédé, au moins quinze jours avant la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle, de l’envoi par l’organisme effectuant le contrôle des cotisations et contributions de sécurité sociale d’un avis de contrôle.

[…]

Lorsque la personne contrôlée est une personne morale, l’avis de contrôle est adressé à l’attention de son représentant légal et envoyé à l’adresse du siège social de l’entreprise ou le cas échéant à celle de son établissement principal, telles que ces informations ont été préalablement déclarées.

[…]

Sauf précision contraire, cet avis vaut pour l’ensemble des établissements de la personne contrôlée’.

En l’espèce, l’Urssaf a envoyé un avis de contrôle, le 13 février 2018, au siège de la société [6] à [Localité 4], en la personne de son représentant légal, le courrier précisant en outre que tous les établissements de la société seraient contrôlés.

En conséquence, l’avis de contrôle a été envoyé conformément aux dispositions de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale alors en vigueur. Le moyen tiré de la formulation de ce même texte dans sa version antérieure à l’émission de l’avis de contrôle est donc inopérant.

B- Sur la régularité de la lettre d’observations

Moyens des parties

L’appelante sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré la procédure de contrôle régulière. Elle fait valoir que les établissements cotisants de la société n’ont pas été destinataires d’une lettre d’observations distincte’; qu’une telle formalité doit concerner chacun des ‘cotisants’ et donc, chacun des établissements contrôlés, ce qui n’a pas été le cas’; qu’il s’agit d’une formalité substantielle destinée à respecter le principe du contradictoire’; que le défaut de cette formalité substantielle entraînera la nullité du redressement et des mises en demeure subséquentes.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement. Elle indique que la société ajoute une condition non prévue à l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale, car il est seulement exigé que la lettre d’observations soit adressée au représentant légal de la personne morale contrôlée comme cela a été le cas en l’espèce’; qu’il sera relevé que le directeur financier, l’a autorisée à centraliser les régularisations envisagées sur le compte de l’établissement de [Localité 8], de sorte que la société [6] ne saurait se prévaloir d’une quelconque irrégularité de la lettre d’observations.

Réponse de la Cour

L’article R. 243-59 III du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable issue du décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, dispose’:

‘À l’issue du contrôle ou lorsqu’un constat d’infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l’article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu’il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d’observations datée et signée par eux mentionnant l’objet du contrôle réalisé par eux ou par d’autres agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci’.

En l’espèce, la lettre d’observations a été adressée au représentant légal de la société [6] qui est mal fondée à se prévaloir de l’absence de notification de ladite lettre à chacun de ses établissements. La lettre d’observations a donc été notifiée conformément aux dispositions de l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale alors en vigueur.

C- Sur la régularité des mises en demeure

Moyens des parties

L’appelante sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré la procédure de contrôle régulière. Elle explique que les mises en demeure qui lui ont été adressées ne lui ont pas permis de connaître l’étendue exacte de son engagement, car aucune base des chefs de redressement n’est précisée’; que les services du recouvrement ont entendu maintenir des chefs de redressement pour un montant total de 143’738 euros au principal pour l’ensemble des établissements contrôlés’; qu’elle a été destinataire, entre le 11 et le 12 juin 2019, de cinq mises en demeure portant sur des montants différents, pour un montant total de 142’199 euros au principal’; que la mise en demeure ne fait référence à aucun autre document pouvant apporter des explications sur le détail des cotisations dues au principal, et expliquer cette différence de 1’539 euros’; que les mises en demeure se limitent à faire référence à la lettre d’observations du 21 décembre 2018, sans plus de détail, laquelle est commune aux 26 établissements de la société et aux 5 établissements ayant fait l’objet d’un redressement’;

que les mises en demeure ne respectent pas les conditions fixées par l’article R. 244-1 du Code de la sécurité sociale dans la mesure où, notamment, à part pour l’établissement de [Localité 9], elles ne précisent pas les numéros de compte’; qu’il convient de prononcer la nullité de la procédure et des opérations de redressement subséquentes ; qu’en tout état de cause, les sommes figurant dans les mises en demeure sont différentes de celles figurant dans la réponse de l’Urssaf au courrier de la société en réponse à la lettre d’observations.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement. Elle réplique en effet que, suivant accord écrit de l’employeur, toutes les régularisations relatives aux différents établissements de la société [6] ont été portées sur le compte de l’établissement de [Localité 8] et que la société a été destinataire d’une mise en demeure pour l’établissement de [Localité 8] indiquant un montant total de cotisations de 100’140’euros’; que si la lettre d’observations faisait effectivement état d’un montant de cotisations de 101’810’euros, l’inspecteur a minoré le chef de redressement n° 10 de 1’670’euros suite à une réclamation de l’employeur’; que le montant des cotisations indiqué dans la mise en demeure de l’établissement de [Localité 8] est donc conforme aux redressements notifiés’; que la société prétend qu’il existe une différence de 1’539’euros entre la somme des régularisations envisagées dans la lettre d’observations et les montants sollicités en principal dans les mises en demeure’; que la cour constatera que cette somme correspond au montant des cotisations dues pour l’établissement de [Localité 11] et que la mise en demeure adressée pour cet établissement fait expressément état de cette somme, laquelle n’a pas été contestée par la société’; que le tribunal judiciaire a considéré, à juste titre, que les mises en demeure délivrées aux établissements concernés qui se réfèrent à la lettre d’observations et au courrier du 20 mai 2019, et permettent de connaître la cause, la nature, le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Réponse de la Cour

L’article R. 244-1 du Code de la sécurité sociale dispose que l’avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Cette disposition n’exige pas que, pour sa régularité, la mise en demeure mentionne le numéro de compte de l’établissement concerné.

La mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

La mise en demeure qui précise que les cotisations sont réclamées au titre du régime général est régulière, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Soc., 25 mars 1999, pourvoi n° 97-14.283′; Civ., 2ème 16 novembre 2004, pourvoi n° 03-30.369′; Civ., 2ème 5 avril 2006, pourvoi n° 04-19.220′; Civ., 2ème, 28 mai 2009, pourvoi n° 08-12.069′; Civ., 2ème 10 novembre 2011, pourvoi n° 10-22.775′; Civ., 2ème 21 juin 2018, pourvoi n° 17-16.560).

En l’espèce, les mise en demeure en date des 11 et 12 juin 2019 mentionnent le motif ‘Contrôle. Chefs de redressement notifiés par lettre d’observations en date du 21 décembre 2018 adressée en recommandé avec accusé de réception conformément à l’article R. 243.59 du code de la sécurité sociale, confirmée ou révisée par courrier du 20/05/2019’. Elles comportent également la nature des cotisations ‘régime général’, et année par année sur la période de 2015 à 2017, le montant des cotisations dues, et les majorations de retard.

La lettre d’observations comporte la motivation, la base et les modalités de calcul de chaque chef de redressement, année par année.

Il convient de constater qu’à la suite des observations de la société [6], l’Urssaf a, par courrier du 20 mai 2019, ramené le montant de rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS d’un montant initial global de 145’498 euros à la somme de 143’738 euros. Le montant cumulé des cotisations réclamées dans les mises en demeure notifiées à la société [6] s’élève à la somme de 143’738 euros résultant des échanges contradictoires entre les parties.

La somme de 1’539 euros correspond au montant des cotisations dues pour l’établissement de [Localité 11], notifiée à la société [6] par mise en demeure du 12 juin 2019, de sorte qu’il n’existe aucune différence entre les mises en demeure et le montant total de redressement retenu à l’issue de la période contradictoire.

Il résulte de ces éléments que les mises en demeure comportaient les mentions de nature à permettre au cotisant de connaître la cause, la nature et l’étendue de son obligation. Il s’ensuit qu’elles sont régulières et ne peuvent donner lieu à annulation.

D- Sur le manque de transparence de l’Urssaf [Localité 12]

Moyens des parties

La société [6] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré la procédure de contrôle régulière. Elle soutient que dès le début des opérations de contrôle, elle a sollicité de la part de l’Urssaf [Localité 12] qu’elle justifie de sa compétence territoriale, en produisant sa convention générale de réciprocité portant délégation de compétence’; que malgré les multiples demandes en ce sens, pendant les opérations de contrôles, pendant la période contradictoire, devant la commission de recours amiable, puis devant le tribunal, l’Urssaf n’a jamais daigné lui communiquer ces éléments’;

que le Pôle social de [Localité 14] a cru pouvoir suppléer à la carence de l’Urssaf, en décidant, d’office, une réouverture des débats, et en sollicitant, de son propre chef, que l’Urssaf lui communique la convention générale de réciprocité portant délégation de compétence et d’un document justifiant de l’adhésion de l’Urssaf [Localité 12]’; que ce n’est que suite à cette réouverture des débats, que l’Urssaf a finalement consenti à verser la convention générale de réciprocité et d’adhésion réciproques aux débats’; qu’il ressort clairement de ces éléments que l’Urssaf a volontairement fait preuve d’un manque de transparence envers le cotisant et a délibérément mis en difficulté la société dans le cadre des procédures de redressement, de sorte que l’ensemble de la procédure de redressement devra être annulé.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement aux motifs que la société [6] ne conteste plus sa compétence pour opérer le contrôle’; qu’il est de jurisprudence constante, qu’elle n’est pas tenue de produire un titre attestant de sa compétence au début ou au cours du contrôle, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fourni la convention de réciprocité au début des opérations de contrôle’; qu’elle n’a pas fait preuve d’un manque de transparence à l’égard du cotisant, dès lors qu’il était informé de l’existence de cette délégation de compétence dès l’envoi de l’avis de contrôle du 13 février 2018′; qu’en tout état de cause, la société [6] ne se fonde sur aucun texte, ni jurisprudence pour solliciter la nullité du contrôle, de sorte que cette demande devra être rejetée comme étant infondée.

Réponse de la Cour

Il résulte de l’article L. 213-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, qu’en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux, une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences dans des conditions fixées par décret.

La compétence de l’Urssaf [Localité 12] pour opérer le contrôle n’est plus contestée en cause d’appel. La société [6] fonde sa demande de nullité de la procédure sur le caractère tardif de la production de la convention de réciprocité par l’Urssaf.

Cependant, aucune disposition légale ou réglementaire ne sanctionne de la nullité le contrôle réalisé par l’Urssaf qui disposait d’une délégation de compétence, lorsque la convention de réciprocité n’a pas été communiquée au cotisant avant toute contestation en justice.

En conséquence, le moyen soulevé est inopérant à fonder une demande d’annulation de la procédure de contrôle.

E- Sur la violation du principe du contradictoire

Moyens des parties

L’appelante sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré la procédure de contrôle régulière. Au soutien, elle explique qu’au regard de ce qui précède, force est de constater que l’Urssaf a adressé un unique avis de passage, une unique lettre d’observations à [Localité 4], établissement secondaire de la société, et une mise en demeure à chaque établissement sans préciser la nature des chefs de redressement’; que le principe du contradictoire n’a donc pas été respecté, mais surtout l’Urssaf a volontairement commis une faute engageant sa responsabilité en adressant sciemment cinq mises en demeure’; que la mauvaise foi de l’Urssaf est flagrante et d’autant plus caractérisée par le fait que la mise en demeure impose un délai de contestation d’un mois alors que légalement ce dernier est fixé à deux mois, privant ainsi le cotisant du droit de se défendre’; que la cour devra, de ce chef également, annuler la procédure de contrôle et, en conséquence, les redressements engagés sur son fondement.

L’Urssaf expose que la procédure prévue par l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale a été respectée tant au niveau de l’avis de contrôle que de la lettre d’observations’; que la société ne peut se prévaloir d’une nullité pour vice de forme pour faire échec aux opérations de contrôle’; que de plus, c’est à la suite d’un accord écrit de l’employeur en date du 11 septembre 2018 que toutes les régularisations relatives aux différents établissements de la société ont été portées sur le compte de l’établissement de [Localité 8]’; qu’elle n’a commis aucune faute’; que la demande de nullité de la société fondée sur la prétendue violation du principe du contradictoire devra être écartée par la cour.

Réponse de la Cour

Une faute de l’organisme social ne peut ouvrir droit qu’à des dommages-intérêts sans faire obstacle au recouvrement des cotisations de sécurité sociale, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ., 2ème 9 février 2017, pourvoi n° 16-11.518).

La société [6] est donc mal fondée à se prévaloir d’une faute commise par l’Urssaf [Localité 12] au soutien d’une demande d’annulation de la procédure.

Au surplus, il convient de rappeler que la procédure suivie par l’Urssaf est régulière, tant en ce qui concerne l’avis de contrôle que la lettre d’observations et les mises en demeure. Aucune atteinte au principe du contradictoire n’est démontrée par la société [6] de sorte que la procédure ne peut être annulée de ce chef.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré régulière la procédure de contrôle diligentée à l’encontre de la société [6].

II- Sur le redressement

A- Sur le chef n° 1 relatif au plafond d’assiette

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle indique qu’elle ne conteste pas le chef de redressement dans son principe mais l’assiette qui a fait l’objet du redressement’; que s’agissant de M. [W] pour lequel l’Urssaf soutient qu’elle n’aurait pas respecté les bases de plafonnement, il y a lieu de préciser que ce salarié a été employé 5 mois sur l’établissement de [Localité 14] de janvier à mai et 7 mois sur l’établissement de [Localité 5] en 2015 de juin à décembre, de sorte qu’il ne s’agit pas des mêmes établissements cotisants et donc les plafonds ne sauraient être identiques’; que s’agissant de M. [L], l’Urssaf a pris en compte un unique plafond pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, alors qu’il a été en premier lieu engagé en contrat professionnel jusqu’au 31 août 2017 puis en contrat à durée indéterminée en qualité d’ingénieur d’application, à compter du 1er septembre 2017, de sorte qu’il ne s’agit pas de la même relation contractuelle’; qu’il existe donc deux plafonds distincts.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle explique qu’en application de l’article R. 243-10 du Code de la sécurité sociale, en l’absence de rupture du contrat de travail, lorsque la mutation intervient au sein de la même entité juridique, la régularisation annuelle doit être effectuée selon les principes arrêtés par cet article, en faisant masse des rémunérations de l’année entière’; qu’en l’absence de rupture du contrat de travail de M. [W], le plafond ne pouvait pas être réduit’; que M. [L] a été engagé en contrat professionnel jusqu’au 31 août 2017 puis en contrat à durée indéterminée en qualité d’ingénieur d’application à compter du 1er septembre 2017′; que les personnes embauchées sous contrat de professionnalisation cotisent sur une assiette de droit commun et la régularisation annuelle leur est donc applicable’; que M. [L] percevait de façon régulière une rémunération et il n’y a aucune interruption de travail entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017′; qu’il convient donc de faire masse des rémunérations.

Réponse de la Cour

L’article R. 243-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose’:

‘Pour les cotisations calculées dans la limite d’un plafond, les employeurs doivent procéder, à l’expiration de chaque année civile, à une régularisation pour tenir compte de l’ensemble des rémunérations payées à chaque salarié ou assimilé, telles qu’elles figurent sur la déclaration prévue à l’article R. 243-14. À cette fin, il est fait masse des rémunérations qui ont été payées à chaque salarié ou assimilé entre le premier et le dernier jour de l’année considérée ou qui sont rattachées à cette période en application du 1° du premier alinéa de l’article R. 243-6. Les cotisations sont calculées sur cette masse dans la limite du plafond correspondant à la somme des plafonds périodiques applicables lors du versement des rémunérations. La différence éventuelle, entre le montant des cotisations ainsi déterminées et le montant de celles qui ont été précédemment versées au vu des bordereaux mensuels ou trimestriels de l’année considérée, fait l’objet d’un versement complémentaire’.

L’article R. 243-10 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose’:

‘La régularisation s’opère, en cas d’embauche, de licenciement ou de départ volontaire au cours de l’année, en appliquant un plafond réduit dans les conditions fixées au premier alinéa de l’article R. 243-10′.

Il est établi que M. [W] a été employé 5 mois sur l’établissement de [Localité 14] de janvier à mai 2015 et 7 mois sur l’établissement de [Localité 5] de juin à décembre 2015. Le salarié a donc perçu des rémunérations au sein de la société [6] sur l’intégralité de l’année 2015, peu important les établissements dans lesquels il a exercé ses missions. Il devait donc être fait masse de ses rémunérations sans que la société ne puisse prétendre à la réduction du plafond applicable.

De même, M. [L] a perçu des rémunérations de la société [6] au cours de l’année 2017, la forme du contrat étant indifférente pour l’application des dispositions de l’article R. 243-10 du Code de la sécurité sociale. Il devait donc être fait masse de ses rémunérations sans que la société ne puisse prétendre à la réduction du plafond applicable.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.

B- Sur le chef n° 2 relatif aux ruptures conventionnelles

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle indique qu’aucun texte n’impose à l’employeur un unique moyen de preuve afin de justifier que le salarié de plus de 55 ans ayant bénéficié d’une rupture conventionnelle, n’est pas en âge de liquider ses droits à retraite à taux plein’; qu’en conséquence, l’employeur n’est pas tenu de verser les relevés de carrière demandé par l’Urssaf et peut apporter toute preuve permettant de démontrer que le salarié n’avait pas l’âge de partir à la retraite au moment de la conclusion de sa rupture conventionnelle’; que M. [T] et Mmes [U] et [K] n’avaient pas atteint l’âge légal de départ à la retraite et ne réunissaient pas non plus les conditions leur permettant de bénéficier d’un dispositif de retraite anticipée pour carrière longue’; que dans la mesure où les salariés ne disposaient d’aucun droit à une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire au moment de leur rupture conventionnelle, les sommes versées à ce titre doivent être exonérées de cotisations et contributions sociales conformément au texte d’exonération.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle explique que la société [6] a versé une indemnité de rupture conventionnelle à quatre salariés qui avaient plus de 55 ans, soit un âge compris entre 55 ans et l’âge légal de départ à la retraite’; que lors des opérations de contrôle, la société n’a pas fourni le document de la Carsat attestant que ces salariés ne peuvent pas prétendre à une pension de retraite à la date de la rupture effective de leur contrat de travail, condition indispensable pour prétendre au versement de l’indemnité de rupture en franchise de charges sociales’; qu’elle était donc fondée à réintégrer dans l’assiette des cotisations le montant des indemnités de rupture conventionnelle.

Réponse de la Cour

Il résulte de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, que les avantages en argent alloués en contrepartie ou à l’occasion du travail doivent être soumis à cotisations, ce qui est le cas de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l’article L. 1237-13 du Code du travail.

Le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle suit le régime fiscal fixé par l’article 80 duodecies du Code général des impôts, dans sa version applicable, lequel prévoit que n’est pas imposable, la fraction des indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d’un salarié lorsqu’il n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, qui n’excède pas’:

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50’% du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l’article L. 241-3 du Code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités’;

b) Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par 1’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

En conséquence, les indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail sont imposables, et soumises à cotisations sociales, lorsqu’à la date de la rupture effective du contrat de travail, le salarié pourrait bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, qui n’excède pas les seuils précités.

Il appartient à l’employeur de faire la preuve par tout moyen que le salarié bénéficiaire de ces indemnités n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ., 2ème 23 septembre 2021, pourvoi n° 19-25.455).

Afin de bénéficier de l’exonération de cotisations sur les indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle, l’employeur ne peut se contenter d’affirmer que le salarié n’avait pas atteint l’âge légal de départ à la retraite, dès lors que cet âge peut être abaissé dans le cadre de dispositifs particuliers de retraite anticipée prévus par la loi.

L’inspecteur de l’Urssaf a constaté que M. [T], né le 19/09/1955, était âgé de plus de 55 ans au moment de la rupture de son contrat de travail et que l’employeur n’a pas été en mesure de fournir au moment du contrôle l’attestation de la Carsat au titre de la retraite anticipée. L’employeur produit une attestation de portabilité des droits du salarié en matière de prévoyance, mais celle-ci n’établit pas que le salarié ne pouvait bénéficier d’aucune prestation de retraite du régime légal à la date de la rupture du contrat de travail. En conséquence, l’indemnité de rupture conventionnelle est soumise à cotisations et contributions sociales.

Mme [U], née le 27/12/1954, était âgée de plus de 55 ans au moment de la rupture de son contrat de travail. Le fait que la salariée n’avait pas envisagé un départ à la retraite au moment de la rupture conventionnelle, ainsi que l’employeur l’allègue, n’est pas de nature à établir l’absence de droits de la salariée au bénéfice d’une pension de retraite du régime légal. En conséquence, l’indemnité de rupture conventionnelle est soumise à cotisations et contributions sociales.

Mme [K], née le 10/06/1958, était âgée de plus de 55 ans au moment de la rupture de son contrat de travail. L’employeur produit une attestation de portabilité des droits de la salariée en matière de prévoyance, mais celle-ci n’établit pas que la salariée ne pouvait bénéficier d’aucune prestation de retraite du régime légal à la date de la rupture du contrat de travail. En conséquence, l’indemnité de rupture conventionnelle est soumise à cotisations et contributions sociales.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.

C- Sur le chef n° 5 relatif aux indemnités versées à M. [R]

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle indique que les services de l’Urssaf ne sont pas compétents pour apprécier la qualification d’un motif de rupture d’un contrat de travail, et donc, la qualification des indemnités de rupture qui en découlent’; qu’en l’espèce, l’Urssaf n’hésite pas à affirmer de manière péremptoire que l’indemnité transactionnelle versée à M. [R] constitue un complément de départ volontaire à la retraite’; que les services vérificateurs ont donc procédé à une dénaturation de la convention établie entre les parties, dont les termes étaient pourtant non équivoques en ce qu’ils mentionnaient le versement de dommages et intérêts’; que l’Urssaf n’est pas compétente pour interpréter la qualification donnée aux parties de ladite indemnité et a fortiori pour leur conférer une qualification distincte de celle retenue’; que le salarié ayant menacé la société d’une issue contentieuse du litige, en faisant notamment requalifier le départ à la retraite en rupture aux torts exclusifs de l’employeur avec toutes les conséquences indemnitaires afférentes, elle a préféré, au regard de l’aléa judiciaire inhérent à tout contentieux, clore le litige par la voie amiable’; que ce chef de redressement doit être annulé, l’Urssaf ayant outrepassé ses pouvoirs.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle fait valoir que seules peuvent être exonérées de cotisations les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur’; que le fait que des sommes soient éventuellement versées dans le cadre d’une transaction est sans incidence sur les règles d’exonération et d’intégration’; qu’ainsi, l’indemnité transactionnelle n’est exclue pour le calcul des cotisations sociales que dans la mesure où elle peut être qualifiée de dommages et intérêts’; que c’est seulement au moment de son départ volontaire en retraite que M. [R] a allégué une frustration professionnelle, alors qu’aucun élément de fait objectif ne permet d’étayer cette affirmation, et d’établir que le salarié a réellement subi un préjudice du fait de l’employeur’; qu’il n’existait pas de contentieux préalable entre l’entreprise et le salarié, de sorte que le caractère indemnitaire des sommes versées dans le cadre de la transaction n’est pas démontré.

Réponse de la Cour

Il résulte des dispositions du premier alinéa de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l’assiette de cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent pour tout ou partie de leur montant à l’indemnisation d’un préjudice, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la cour de cassation (Civ., 2ème 21 juin 2018, pourvoi n° 17-19.773).

Il appartient au juge saisi d’un différend quant à l’assujettissement ou non de tout ou partie des sommes versées à titre d’indemnité transactionnelle de rechercher si cette indemnité comprend des éléments de rémunération soumis à cotisations (Civ., 2ème 16 novembre 2004, pourvoi n° 03-30.297′; 15 novembre 2005, pourvoi n° 04-30.279′; 21 décembre 2006, pourvoi n° 06-13.368′; 20 septembre 2012, pourvoi n° 11-22.916′; 4 avril 2013, pourvoi n° 12-11.976′; 19 janvier 2017, pourvoi n° 16-11.472).

En l’espèce, M. [R], embauché par la société [6] le 2 juin 1997 a conclu une transaction avec son employeur le 1er avril 2016, aux termes de laquelle ce dernier acceptait de lui verser ‘à titre de dommages et intérêts forfaitaires et définitifs, couvrant tous les préjudices confondus, notamment moral et financier subis à l’occasion tant de l’exécution que de la rupture de son contrat de travail une indemnité transactionnelle d’un montant brut de 54’000’euros (cinquante-quatre mille) euros’.

L’Urssaf dispose du pouvoir de vérifier que l’indemnité versée devait être soumise à cotisations sociales, de sorte que le moyen afférent à la compétence de l’organisme pour interpréter la qualification donnée à l’indemnité est inopérant.

La transaction exposait ce qui suit’:

‘À la fin du mois de janvier 2016, Monsieur [P] [R] a remis en mains propres à Monsieur [Z] un courrier l’informant de son souhait de partir en retraite à la fin du mois de mai 2016.

Ce courrier arrivait à l’issue d’une longue période de tensions entre l’entreprise et Monsieur [R], qui s’était ravivée à l’issue de l’élection des représentants du personnel pour laquelle Monsieur [R] avait été élu à la fois au comité d’entreprise et délégué du personnel.

Au début de l’année 2016, Monsieur [R] avait fait part de son mal être au sein de son agence, de ses désaccords avec la politique menée par le Directeur Régional, et, de façon subite et imprévue est venu informer le Directeur des Ressources Humaines et lui seul, de son intention de quitter l’entreprise au sein de laquelle il se sentait personnellement de plus en plus mal, selon ses dires.

Le DRH a discuté avec lui, essayé de le dissuader de prendre cette décision, et refusé qu’on en parle davantage.

De manière inopinée, le 25 janvier 2016, il est venu remettre en mains propres son courrier de départ en retraite au DRH qui en a accusé réception. Le départ, après négociation, était fixé au 31 mai 2016.

Dans le courant du mois de février, Monsieur [P] [R] s’est répandu dans l’entreprise en disant qu’il avait été manipulé, qu’on l’avait contraint par voie de harcèlement à remettre son courrier de départ en retraite, qu’on lui «’piquait allègrement’» des clients personnels au mépris de son contrat de travail, que l’entreprise l’avait par ses décisions ridicules mis dans une situation inextricable qui lui faisait perdre la face par rapport à ses clients, ses collègues et qu’elle profitait lâchement de sa non réélection au poste de Secrétaire du CE pour l’humilier inutilement. Que c’était dans ces conditions que, épuisé par tant de combats, il avait lors d’un moment d’égarement signifié son départ en retraite, par bravade.

Mais qu’il n’avait absolument pas l’intention de se retirer alors que son épouse travaille encore dans l’entreprise et que tout le monde savait bien que leur volonté était de travailler ensemble jusqu’au départ en retraite de son épouse. Et que, si on ne rapportait pas son courrier de retraite, il irait voir l’inspecteur du travail pour montrer à quel point les droits syndicaux étaient bafoués dans l’entreprise.

Le Directeur des Ressources Humaines qui a eu vent des propos et attitudes de défi adoptés par Monsieur [R], complètement en désaccord avec de tels propos alors qu’il avait depuis longtemps essayé de le ramener dans le giron de l’entreprise, l’a donc convié le 3 mars à 11h06, à un entretien qui s’est déroulé le 11 mars.

Au cours de cet entretien la Direction a rappelé à Monsieur [R] qu’à aucun moment elle n’a essayé de le faire partir, au contraire et que le départ au 31 mai, après qu’il ait formé son successeur ne pouvait s’analyser que comme un départ en retraite.

Monsieur [P] [R] a maintenu lors de cette entrevue les propos qu’il tenait à l’extérieur en menaçant l’entreprise des pires vilenies si elle escomptait s’en tirer à bon compte en se séparant de lui comme un malpropre, après tant d’années à porter la société, en lui donnant l’aumône d’une maigrissime indemnité de départ en retraite, en le faisant partir à la va vite, alors que si elle avait dû le licencier, il aurait fallu à l’entreprise l’accord improbable de l’inspection du travail, et lui verser des sommes autrement plus importantes que celles que l’entreprise allait lui verser du fait de sa pseudo retraite.

La Direction a bien tenté de le raisonner une nouvelle fois, après avoir, difficilement, recouvré ses esprits. Elle a confirmé qu’elle ne pouvait plus rapporter son départ en retraite, ayant été contrainte de prendre d’autres décisions organisationnelles, et que, de son propre fait, Monsieur [R] ne rentrait plus dans ses plans.

Ce qui, il faut l’admettre, a ravivé le courroux de Monsieur [P] [R].

À ce stade, compte tenu de la nature du différend et, surtout, de l’impact que celui-ci pouvait avoir dans l’entreprise du fait de la visibilité de Monsieur [P] [R], les deux parties se sont rapprochées pour éviter que prospère un climat malsain pour chacune d’entre elles, et faire revenir la sérénité nécessaire’.

Il résulte de ces éléments que M. [R] a déposé une demande de départ à la retraite, ce qui nécessitait en outre le dépôt d’une demande auprès de la caisse de retraite compétente, en janvier 2016, pour un départ à la retraite au 31 mai 2016. Le contrat de travail était donc rompu à cette date compte-tenu de la demande du salarié. Si la transaction mentionne qu’après le dépôt de cette demande de départ à la retraite, M. [R] a évoqué avoir été contraint d’y procéder à raison notamment d’un harcèlement, il n’existe aucun élément propre à démontrer l’existence d’un litige entre l’employeur et son salarié avant janvier 2016, alors qu’il est établi que M. [R] regrettait quant à lui d’avoir déposé sa demande de départ à la retraite.

La transaction fait expressément état du fait que M. [R] estimait que l’indemnité de départ à la retraite était trop faible notamment au regard des indemnités qui auraient pu lui être versées en cas de licenciement, dont aucun élément ne permet d’indiquer qu’il avait été envisagé par la société [6]. Il apparaît en outre que de son côté, l’employeur s’est orienté vers une transaction afin d’éviter un climat malsain dans l’entreprise au regard des propos tenus par M. [R], et ce dans l’attente de son départ prochain à la retraite, et non pour indemniser le préjudice qui aurait été subi par celui-ci qu’aucun élément ne vient étayer.

Il résulte de ces éléments qu’il n’est pas établi que la somme de 54’000 euros était destinée à indemniser un préjudice subi par M. [R], mais au contraire qu’elle était versée à l’occasion de son départ à la retraite.

L’Urssaf était donc fondée à considérer que toutes les sommes versées au salarié dans le cadre de la transaction devaient être intégralement soumises à cotisations et contributions sociales en application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.

D- Sur le chef n° 6 relatif aux indemnités versées à Mme [X]

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle indique que les services de l’Urssaf ne sont pas compétents pour apprécier la qualification de la rupture d’un contrat de travail, et donc, les conséquences indemnitaires qui en découlent’; qu’au regard du risque de contentieux de l’aléa judiciaire inhérent à tout contentieux, elle a souhaité clore le litige par la voie amiable’; que la transaction avait aussi pour objet de purger toute contestation relative à l’exécution et à la rupture du contrat de travail’; que ce chef de redressement ne saurait prospérer, l’Urssaf ayant manifestement outrepassé ses pouvoirs.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle fait valoir que par courrier recommandé du 27 octobre 2016, Mme [X] a demandé à faire valoir ses droits à la retraite, ce que la société a accepté’; que la salariée avait été embauchée le 2 avril 2013′; qu’à défaut de conditions plus favorables, un salarié quittant volontairement son entreprise pour prendre sa retraite perçoit une indemnité légale de départ à la retraite uniquement s’il bénéficie d’une ancienneté d’au moins dix ans dans l’entreprise’; que la convention collective du négoce en fourniture dentaires ne prévoit le versement d’une indemnité pour les cadres qu’à partir de cinq années d’ancienneté’; que Mme [X] a fait part de son mécontentement à la direction de la société qui a transigé en acceptant de lui verser une indemnité transactionnelle de 10’000 euros nets’; que la salariée est partie volontairement et de sa propre initiative à la retraite, sans qu’il n’existe de brutalité dans la procédure’; que l’argument relatif à la difficulté de retrouver un emploi n’est pas recevable, la salariée ayant fait valoir ses droits à la retraite de son propre chef’; que la perte financière ou l’immense désarroi que la salariée évoque n’est que la conséquence de ses propres agissements et non le fait de l’employeur’; que le caractère indemnitaire des sommes versées dans le cadre de la transaction n’est pas démontré.

Réponse de la Cour

Mme [X], embauchée par la société [6] le 2 avril 2013 a conclu une transaction avec son employeur le 1er juin 2017, aux termes de laquelle ce dernier acceptait de lui verser ‘à titre de dommages et intérêts forfaitaires et définitifs, couvrant tous les préjudices confondus, notamment moral et financier subis à l’occasion tant de l’exécution que de la rupture de son contrat de travail, une indemnité transactionnelle d’un montant brut de 10’000’euros (dix mille) euros net’.

L’Urssaf dispose du pouvoir de vérifier que l’indemnité versée devait être soumise à cotisations sociales, de sorte que le moyen afférent à la compétence de l’organisme pour interpréter la qualification donnée à l’indemnité est inopérant.

La transaction exposait ce qui suit’:

‘En décembre 2016, Madame [X] a fait valoir ses droits à la retraite fin janvier 2017.

Par un courrier du 10 février puis, suivi d’un échange téléphonique le 15 février Madame [X] fait part au Directeur des Ressources Humaines du groupe son mécontentement relatif sur l’indemnité de départ qui lui a été versée. Madame [X] s’estime en droit au regard de la Convention collective du Négoce dentaire de percevoir une indemnité de licenciement à hauteur de 5’000 euros, et, que de ce fait [6] s’est débarrassée d’elle a bon compte’» en ne lui versant que son solde de tout compte soit aucune indemnité de départ en retraite.

La société [6] oppose à Madame [M] [X] que le solde de tout compte est tout à fait juste et conforme à la loi et la convention collective du négoce dentaire.

En effet, un collaborateur ayant moins de 10 ans d’ancienneté ne peut prétendre à une indemnité de départ à la retraite.

En réponse Madame [M] [X] a précisé au DRH qu’elle entamerait une procédure devant les prud’hommes, elle estime devoir obtenir une compensation financière de 25’000 euros, compte tenu de la brutalité de la mesure, du fait qu’elle avait droit à un traitement plus protecteur compte tenu de son âge et son ancienneté dans le secteur du dentaire, de la difficulté prévisible à retrouver un emploi, et de l’immense désarroi que lui causait cette mesure.

La teneur des échanges prenant une tournure assez délicate, avec un risque de contagion sur l’ensemble de la société, les parties, soucieuses d’éviter un embrasement, ont décidé de se rapprocher afin de trouver un terme amiable à ce différend, avant un embrasement néfaste pour chacune des parties’.

Il résulte des termes mêmes de cette transaction que Mme [X] était mécontente de ne pas percevoir d’indemnité de départ à la retraite au regard de sa carrière dans le secteur dentaire, quand bien même le solde de tout compte établi par la société [6] était conforme aux règles applicables, la salariée n’ayant pas l’ancienneté nécessaire pour bénéficier de l’indemnité de départ à la retraite conventionnelle.

Elle sollicitait donc une indemnité en invoquant la brutalité de la mesure, alors que les sommes qui lui étaient versées étaient conformes aux dispositions applicables, et une difficulté à retrouver un emploi qui constituait un préjudice inexistant puisqu’elle avait fait valoir ses droits à la retraite.

De son côté, la société [6] était plus motivée par le souci de protéger l’entreprise et d’éviter une contagion de ce désaccord, que d’indemniser un préjudice allégué qui ne réside ni dans la brutalité de la mesure ni dans la difficulté à retrouver un emploi.

Il résulte de ces éléments qu’il n’est pas établi que la somme de 10’000 euros était destinée à indemniser un préjudice subi par Mme [X], mais au contraire qu’elle était versée à l’occasion de son départ à la retraite.

L’Urssaf était donc fondée à considérer que toutes les sommes versées au salarié dans le cadre de la transaction devaient être intégralement soumises aux cotisations et contributions sociales en application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.

E- Sur le chef de redressement n° 8 relatif au versement transport

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle soutient que les services vérificateurs ont procédé à tort à une réintégration dans l’assiette du versement transport’; que l’établissement de [Localité 11] compte moins de 9 salariés et par conséquent ne rentrait pas dans le champ de l’application du versement transport’; que l’ensemble des salariés concernés par la réintégration, sont des salariés dont l’activité se caractérise par une itinérance et qui sont amenés à exercer plus de 50’% de leur activité en dehors des zones de leur établissement de rattachement’; que par conséquent, le redressement est infondé et elle a parfaitement respecté les règles applicables.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle réplique en effet que l’inspecteur a constaté un certain nombre d’anomalies liées au versement transport’; que la société [6] n’a pas versé la contribution versement transport pour les salariés de l’établissement situé dans le 19e arrondissement de [Localité 11] alors que l’ensemble des salariés employés au sein d’une zone dans laquelle le versement de transport est institué doit être décompté’; qu’il convient de faire masse des effectifs des salariés qui exercent leur activité au sein de la zone de transport du syndicat de transport d'[Localité 7], à savoir ceux des établissements situés dans les 19e et 15e arrondissements de [Localité 11] et à [Localité 4]’; que s’agissant des directeurs des collectivités, des ingénieurs produits, et du directeur des ventes laboratoire, la société n’a pas apporté la preuve que ces derniers exercent leur activité à plus de 50’% en dehors de la zone de transport à laquelle l’établissement dont ils dépendent est rattachée’; que la seule qualification de technicien itinérant ne suffit pas à exclure d’emblée la rémunération de ces derniers de la contribution versement transport.

Réponse de la Cour

Les articles L. 2333-64 et L.2531-2 du Code général des collectivités territoriales, dans leur version applicable, prévoient que sont assujetties au versement transport les personnes physiques ou morales qui’:

– jusqu’au 31 décembre 2015, employaient plus de 9 salariés sur le territoire d’une commune ou communauté ayant institué le versement’;

– à compter du 1er janvier 2016, emploient au moins 11 salariés dans le périmètre d’une zone de transport.

Le tribunal a justement considéré que l’ensemble des salariés exerçant dans une même zone transport doit être apprécié au titre de cette contribution, et que l’Urssaf était fondée à faire masse des salariés exerçant leur activité au sein des établissements des 15e et 19e arrondissements de Paris et d’Alfortville qui relèvent de la même zone transport [Localité 7].

Par ailleurs, la société [6] qui soutient que certains salariés exercent la majorité de leur activité en dehors de leur zone de transport, ne produit aucune pièce permettant de prouver ces allégations.

L’Urssaf était donc fondée à procéder au redressement au titre du versement transport et le jugement sera confirmé de ce chef.

F- Sur le chef de redressement n° 10 relatif aux cadeaux offerts par l’employeur

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle expose que les contrôleurs ont relevé que des chèques cadeaux étaient attribués aux salariés à l’occasion de leur anniversaire alors qu’il existe un comité d’entreprise, et que ces cadeaux constituaient des rémunérations accessoires’; que ces deux motifs sont inopérants à refuser l’exonération et les contrôleurs procèdent à un renversement de la charge de la preuve’; qu’il ressort de l’instruction ministérielle du 17 avril 1985 relative aux comités d’entreprise que ne donnent pas lieu à cotisations, les prestations en espèces ou en nature servies aux salariés ou anciens salariés lorsqu’elles se rattachent directement aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise’; que l’employeur a le droit de distribuer des ‘uvres sociales si le comité d’entreprise n’en revendique pas la gestion’; que la valeur des bons d’achat ou des cadeaux remis à chaque salarié ne dépasse pas 5’% du plafond mensuel de la sécurité sociale’; que dans la mesure où les bons d’achat versés par l’entreprise doivent être rattachés à l’activité sociale et culturelle du comité d’entreprise, ces cadeaux bénéficient donc de la présomption de non assujettissement’; qu’en tout état de cause, il ressort de l’annexe versée par l’Urssaf que certaines sommes ont été prises en compte deux fois’; que l’assiette du redressement est inexacte et le chef devra être réduit de ce seul fait.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle fait valoir que l’inspecteur a constaté que la société [6] a offert des cadeaux à certains salariés à l’occasion de leur départ de la société ou d’autres événements’; que les bons d’achat ou cadeaux offerts directement par l’entreprise au bénéfice de certains salariés constituent une rémunération accessoire soumise aux cotisations et contributions sociales conformément à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale’; qu’en effet, les mesures dérogatoires adoptées au bénéfice des prestations délivrées par un comité d’entreprise peuvent être appliquées à l’entreprise par mesure de tolérance, si et seulement si, celle-ci n’est pas dotée d’un comité d’entreprise’; que la charge de la preuve incombe au demandeur, et en l’absence de document probant permettant de justifier les dépenses engagées par la société [6], le redressement doit être maintenu’; que la société a constaté une erreur dans l’assiette de régularisation et l’inspecteur a alors minoré la base de régularisation de l’année 2015 soit une régularisation d’un montant de 5’444’euros au titre de l’année 2015.

Réponse de la Cour

En application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit donc être soumis à cotisations.

Les cadeaux offerts aux salariés qui ne présentent pas le caractère de secours sont donc soumis aux cotisations, dès lors qu’il s’agit d’avantages attribués par l’employeur en contrepartie ou à l’occasion du travail.

Par ailleurs, les circulaires et les lettres ministérielles instituant des tolérances à ce principe sont dépourvues de toute portée normative, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ., 2ème Civ., 30’mars 2017, pourvoi n°’15-25.453′; Civ., 2ème 14’février 2019, pourvoi n°’17-28.047).

Il s’ensuit que la société [6] est mal fondée à se prévaloir d’une tolérance administrative résultant d’instructions ministérielles et circulaires, et ce d’autant plus que la tolérance qu’elle invoque n’est applicable qu’aux prestations servies par le comité d’entreprise et non directement par l’employeur.

En ce qui concerne l’erreur d’assiette signalée par l’employeur, elle a été prise en compte par l’Urssaf qui l’a corrigée en ramenant l’assiette de régularisation de l’année 2015 de 12’775 euros à 9’775 euros.

En conséquence, le redressement opéré de ce chef doit être validé, et le jugement sera confirmé sur ce point.

G- Sur l’observation n° 13 relative à l’assujettissement des formateurs occasionnels

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de cette observation. Elle soutient que l’inspecteur de l’Urssaf n’a pas relevé l’existence ou la manifestation d’un pouvoir disciplinaire et de contrôle à l’égard des professeurs, alors que le pouvoir disciplinaire de la société à l’encontre de son prestataire est un préalable nécessaire à la manifestation de l’existence d’un lien de subordination, et a fortiori, à l’existence d’une relation salariale’; que l’Urssaf n’a donc pas apporté la preuve du lien de subordination permettant la justification du redressement opéré’; que le travail au sein d’un ‘service organisé’ n’est plus le critère central de la caractérisation d’un lien juridique de subordination, et ne constitue aujourd’hui qu’un simple indice de l’existence éventuel de ce lien, lequel doit être confirmé par d’autres éléments’; que l’Urssaf n’a donc pas satisfait à son obligation d’apporter la preuve d’un lien de subordination permettant la justification de l’observation opérée’; qu’en tout état de cause, les formateurs disposent d’une grande latitude dans l’organisation de leurs formations’; qu’il s’agit de travailleurs indépendants et ne peuvent en aucun cas être considérés comme des salariés de la société.

L’Urssaf sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a validé cette observation. Elle expose que la société a conclu des contrats intitulés ‘contrat de prestation formateur’ dans le cadre d’une prestation de formation occasionnelle ayant pour objet de confier à des praticiens référents, des réunions de formations et d’applications cliniques concernant des appareils radiographiques’; qu’au regard du contrat de prestation, l’inspecteur a considéré que le praticien référent exerce son activité de formateur dans les conditions générales de l’article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale’; qu’il ne supporte aucun risque économique, de sorte qu’il doit être considéré comme salarié, qu’il s’agisse d’un formateur exerçant une activité principale salariée (professeur, cadre, médecin hospitalier, fonctionnaire, etc.) ou de formateur appartenant à un régime de non-salariés du fait d’une autre activité’; que s’agissant du lien de subordination, il y a lieu de constater que dans la mesure où les stagiaires complètent un questionnaire d’appréciation, la société peut contrôler le travail du formateur.

Réponse de la Cour

L’article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose’:

‘Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l’un ou de l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat’.

Il résulte des articles L. 242-1 et L. 311-2 du Code de la sécurité sociale que pour le calcul des cotisations sociales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail accompli dans un lien de subordination, ce lien étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ., 2ème 8 octobre 2020, pourvoi n° 19-16.606).

Il est établi que les formateurs occasionnels auxquels la société [6] a recours, concluent avec elle des contrats de prestation stipulant une rémunération. S’agissant du lien de subordination, l’inspecteur de l’Urssaf a retenu les éléments suivants’:

– Le contenu du module de formation est soumis à validation des sociétés [6] et [13] (programme et supports pédagogiques).

– Les formations sur un jour se déroulent au sein du cabinet du praticien référent, équipé en matériel clinique et informatique et d’une salle de réunion. Si certaines formations ont lieu sur d’autres régions en France, la SCA [6] ou de l’une de ses entités commerciales met à disposition les locaux.

– Le praticien référent doit veiller à mettre à disposition le matériel informatique nécessaire à la formation.

– Le praticien référent s’engage à transmettre un calendrier de formation semestriel et ceci quatre mois avant le début de chaque semestre civil à un interlocuteur désigné au sein d'[6] et à planifier au minimum une formation tous les 2 mois au sein de son cabinet.

– Chaque formation doit accueillir un minimum de 5 et un maximum de 8 praticiens. Sauf dans l’hypothèse où le nombre minimal de participants ne serait pas atteint 15 jours avant la date de la formation, ou en cas de force majeure, aucune formation ne pourra être annulée par le formateur.

– Le praticien référent, en tant qu’organisateur, doit prévoir et prendre à sa charge l’ensemble de la restauration des participants que ce soit au sein de son cabinet ou dans les locaux de la société.

– Le contrat est conclu pour une durée de deux ans à partir de la date de signature. Il peut être résilié à l’issue de chaque trimestre civil par lettre recommandée avec avis de réception par l’une ou l’autre partie sous réserve de respecter un préavis de 3 mois.

– Le praticien référent s’engage à’:

‘ Communiquer à la SCA [6] son numéro d’inscription à l’ordre des chirurgiens-dentistes avant le début de la formation’;

‘ Animer la formation conformément au programme établi et présenté par ses soins’;

‘ Animer personnellement la formation, sauf en cas de situation exceptionnelle, et uniquement après accord de la société’;

‘ Remettre aux stagiaires les supports pédagogiques de la formation’;

‘ Veiller à faire remplir par les stagiaires les feuilles de présence et questionnaires de satisfaction.

– La société s’engage à’:

‘ Confier au praticien référent l’animation de la formation prévue à l’article 2’;

‘ Prendre en charge la gestion administrative de la formation’;

‘ Transmettre au praticien référent une copie des questionnaires de satisfaction remplis par les stagiaires à l’issue de la formation’;

‘ Prévenir le praticien référent au moins 10 jours ouvrés à l’avance en cas d’annulation ou de report de la formation.

Il résulte de ces éléments que le formateur occasionnel dispose de la liberté de définir le contenu de la formation, l’existence d’une validation ne caractérisant pas le fait qu’il serait soumis au contrôle de la société [6]. En outre, le formateur établit lui-même le calendrier de formation, et ce même s’il est soumis à une obligation de prévoir une fréquence de formation d’une séance tous les deux mois. Aucun élément ne permet d’établir que le questionnaire de satisfaction rempli par les participants, afin de renseigner la société [6] sur la qualité de la prestation qu’elle rémunère, permettrait à la société de donner des directives au formateur, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de celui-ci.

Il convient en outre de relever que les formations se déroulent au cabinet du formateur praticien qui doit veiller à mettre à la disposition des usagers le matériel informatique nécessaire, et qu’il doit prendre en charge l’ensemble de la restauration des participants à la formation. Il ne peut donc être valablement soutenu que le formateur ne supporte aucun risque économique.

En conséquence, les éléments relevés par l’Urssaf n’établissent pas que les formateurs occasionnels exerceraient leurs missions sous un lien de subordination à l’égard de la société [6].

Il y a donc lieu d’annuler l’observation pour l’avenir émise à ce titre par l’Urssaf et d’infirmer le jugement sur ce point.

H- Sur le chef de redressement n° 14 relatif à la ventilation du versement transport

Moyens des parties

L’appelante demande l’infirmation du jugement au titre de ce chef de redressement. Elle indique que les chefs n° 2, 5 et 7 devant nécessairement être infirmés, ce chef de redressement ne saurait prospérer.

L’Urssaf demande la confirmation du jugement sur ce point. Elle affirme qu’au regard des régularisations opérées aux points n° 2, 5 et 7, l’inspecteur a procédé à une ventilation du versement transport pour chaque autorité organisatrice de la mobilité.

Réponse de la Cour

Les chefs de redressement n° 2, 5 et 7 étant validés, la ventilation du versement transport opérée par l’Urssaf au titre des régularisations intervenues doit nécessairement être validée. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

II- Sur les majorations de retard

Conformément au jugement, l’Urssaf a procédé au calcul des majorations de retard dues suite à l’annulation des chefs de redressement n° 3 et 4. Il convient donc de condamner la société [6] au paiement des majorations de retard d’un montant de 9’711 euros, pour la période de 2015 à 2017.

III- Sur la demande de dommages et intérêts

Moyens des parties

L’appelante soutient que plus de trois ans après que la société ait soulevé l’incompétence de l’Urssaf [Localité 12], le tribunal judiciaire de Tours a ordonné une fois les débats clos et post plaidoiries, la réouverture des débats afin que l’Urssaf justifie de sa compétence, ce que celle-ci avait finalement fait’; qu’elle donc a subi un préjudice indéniable, l’ayant exposée à des frais de justice supplémentaires notamment du fait de la réouverture des débats, qui aurait pu être évitée’; que le contradictoire a été bafoué’: qu’elle sollicite donc la condamnation de l’Urssaf au paiement de la somme de 2’500’euros de dommages intérêts dans chacun des dossiers portés devant le tribunal judiciaire.

L’Urssaf demande le rejet de cette demande au motif que la société ne justifie pas d’une quelconque faute commise lors du contrôle.

Réponse de la Cour

La société [6] a saisi le tribunal pour contester le redressement opéré par l’Urssaf [Localité 12], et non pour contester exclusivement sa compétence à agir. Elle ne peut donc se prévaloir d’un préjudice qui aurait été causé par un jugement de réouverture des débats ayant invité l’Urssaf à produire la convention générale de réciprocité, que le tribunal a jugé nécessaire de prononcer, dans le cadre d’instances dont elle est à l’origine. En outre, il n’est pas établi que l’Urssaf ait manqué au principe du contradictoire dans le cadre de la procédure de contrôle.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts formée par la société [6] sera rejetée.

IV- Sur les frais de procédure

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société [6] aux dépens. Celle-ci sera également condamnée aux dépens d’appel et sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 13 septembre 2021 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours en ce qu’il a validé l’observation n° 13′: assujettissement des formateurs occasionnels’;

Le confirme pour le surplus’;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Annule l’observation formulée par l’Urssaf [Localité 12] au point n° 13 de la lettre d’observations’;

Condamne la société [6] à payer à l’Urssaf [Localité 12] des majorations de retard d’un montant de 9’711 euros au titre de la période 2015 à 2017′;

Déboute la société [6] de sa demande de dommages et intérêts et d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’;

Condamne la société [6] aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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