Formateur occasionnel : 1 décembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05929

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Formateur occasionnel : 1 décembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05929
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/05929 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NGU7

Association ASSOCIATION [5] – ECOLE [5]

C/

[B]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 02 Octobre 2020

RG : 19/00116

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2023

APPELANTE :

Association ASSOCIATION [5] – ECOLE [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Aymen DJEBARI de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[F] [B]

née le 13 Août 1968 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Fabien DUFFIT-DALLOZ, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Octobre 2023

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, Présidente

– Catherine CHANEZ, Conseillère

– Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 01 Décembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

L’Ecole [5] ([5]) (ci-après, l’association) applique la convention collective de l’enseignement privé hors contrat.

Suivant contrat de travail intermittent à durée indéterminée à temps partiel, elle a recruté Mme [F] [B] en qualité de « professeur ou formateur occasionnel », et ce à compter du 28 octobre 2011, avec reprise d’ancienneté au 5 octobre 2010.

Aux termes d’avenants temporaires, l’association a confié à Mme [B] la mission de référente de cycle de formation, entre septembre 2015 et août 2017.

Par courrier du 22 février 2018, Mme [B] a proposé à son employeur de conclure une rupture conventionnelle. Les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Par courrier du 10 janvier 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, pour les motifs suivants :

« (‘)

l’irrégularité des mentions de mon contrat de travail intermittent à temps partiel qui me permettent de me prévaloir d’un contrat de travail à temps plein et que vous contestez. Mon contrat ne fait aucunement mention de la durée du travail et des périodes travaillées et non travaillées pourtant obligatoires ;

les changements de plannings et le retard dans leur transmission, accompagne d’un volume d’heures de travail très aléatoire d’un mois sur l’autre qui ne me permettent pas de pouvoir m’engager auprès d’autres employeurs ;

la suppression de la mission de référent sans motif et de façon soudaine ainsi que la suppression de la spécialité communication me laissant sans visibilité sur la suite de mes missions ;

les décisions et évolutions de mes missions sans information et concertation préalable. (‘) »

Par requête réceptionnée au greffe le 16 janvier 2019, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon, afin d’obtenir la requalification de son contrat en contrat à temps plein et de voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 2 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a :

Jugé que le contrat de travail était un contrat à temps plein et que la prise d’acte devait s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixé la moyenne mensuelle des salaires de Mme [B] à 3 697,50 euros bruts ;

Condamné l’association à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

22 897 euros de rappel de salaire, outre 2 289 euros de congés payés afférents ;

7 395 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 739,50 euros de congés payés afférents ;

5 084 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

19 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l’association à remettre à Mme [B] les documents légaux de fin de contrat à la date de la prise d’acte ainsi que les bulletins de paie rectifiés pour toute la période travaillée des 3 dernières années ;

Condamné l’association à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage perçues par la salariée dans la limite de 2 mois ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamné l’association aux dépens, y compris les éventuels frais d’exécution forcée.

Par déclaration du 27 octobre 2020, l’association a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2023, elle demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris ;

Débouter Mme [B] de l’intégralité de ses demandes ;

Condamner Mme [B] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [B] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2023, Mme [B] demande pour sa part à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le contrat était un contrat à temps plein et que la prise d’acte devait s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné l’association à lui remettre les documents légaux de fin de contrat à la date de la prise d’acte ainsi que les bulletins de paie rectifiés pour toute la période travaillée des 3 dernières années, à lui payer la somme de 1 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la législation sur le contrat de travail intermittent et le contrat de travail à temps partiel ;

Fixer sa rémunération moyenne mensuelle à la somme de 4 328,66 euros bruts ;

Condamner l’association à lui verser les sommes suivantes :

98 684,40 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les années 2016, 2017 et 2018, outre 9 868,44 euros bruts de congés payés afférents et subsidiairement 74 517,86 euros bruts outre 7 451,80 euros de congés payés afférents ;

7 300 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives au contrat de travail intermittent ;

8 927,86 euros nets à titre d’indemnité de licenciement ;

8 657,32 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 865,73 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

34 629,28 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2 000 euros nets sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l’association à lui remettre les documents légaux de fin de contrat à la date de la prise d’acte ainsi que les bulletins de paie rectifiés pour toute la période travaillée des 3 dernières années ;

Condamner l’association aux dépens.

La clôture est intervenue le 12 septembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.

Elle n’a pas non plus à fixer le salaire moyen de la salariée, s’agissant en réalité d’un moyen à l’appui des demandes indemnitaires ou salariales.

1-Sur la demande de requalification du contrat de travail intermittent à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein

L’article L.3123-31 du code du travail applicable au jour de la signature du contrat de travail disposait : « Dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. »

Aux termes de l’article L.3123-33 du même code, le contrat intermittent devait contenir les mentions suivantes :

« 1° La qualification du salarié ;

2° Les éléments de la rémunération ;

3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;

4° Les périodes de travail ;

5° La répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes. »

La convention collective de l’enseignement privé hors contrat autorise le recours au contrat de travail intermittent dans son article 3.3.6, pour les enseignants intervenant moins de 75% de leur année scolaire ou universitaire de référence, et pour un volume de cours ne dépassant pas 35% de leur temps plein conventionnel de cours de référence.

Le contrat de travail conclu entre les parties prévoit que Mme [B] travaillera au moins 15 heures par an, pendant la période du 1er octobre au 30 septembre de l’année suivante, étant précisé que « la nature de l’activité de l’entreprise, la variabilité du nombre d’étudiants et les disponibilités des enseignants ne [permettaient] pas, dès à présent, de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes » et que l’employeur pourra faire appel à la salariée « dans les conditions suivantes : lors de la planification des cours revus annuellement et mensuellement ».

Le contrat n’indique pas les périodes de travail, puisque Mme [B] pouvait être amenée à travailler à n’importe quel moment dans l’année.

Le juge devant donner aux actes leur exacte qualification, l’intitulé de l’avenant du 1er septembre 2015 (« avenant au contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel ») ne peut suffire à considérer que le contrat était un contrat de travail à temps partiel et non un contrat de travail intermittent.

Le contrat doit donc être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, sans qu’il soit besoin de rechercher si l’intéressée devait se tenir en permanence à la disposition de l’employeur.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2-Sur le rappel de salaire

En application des dispositions de la convention collective, qui fixe à 1534 heures la durée annuelle de travail d’un enseignant, le jugement sera infirmé et l’association devra verser à Mme [B] la somme de 74 517,86 euros au titre du rappel de salaire dû sur les années 2016 à 2018, outre 7 451,80 euros de congés payés afférents.

3-Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales d’ordre public relatives au contrat de travail intermittent

Mme [B] ne justifie pas d’un préjudice que ne réparerait pas le paiement du rappel de salaire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives au contrat de travail intermittent.

4-Sur la prise d’acte

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d’une démission.

C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des faits qu’il reproche à son employeur.

A l’appui de la prise d’acte, il est admis à invoquer d’autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.

Il est constant qu’entre 2017 et 2018, l’association a considérablement réduit le volume de cours confiés à Mme [B]. Ainsi, entre mai et décembre 2018, elle s’est vu confier 59 heures de travail, alors que son volume horaire avait été de plus de 480 heures entre mai et décembre 2016 et de plus de 350 entre mai et décembre 2017.

A la rentrée 2018, Mme [B] n’a eu connaissance de la proposition d’emploi du temps de son employeur que le 12 octobre, soit quelques jours seulement avant le début des cours.

L’employeur entend se justifier ces changements par la demande de rupture conventionnelle formulée par la salariée en juin 2018. La discussion n’avait alors pas abouti, notamment parce que cette dernière entendait voir prendre en considération la non-conformité de son contrat intermittent par rapport aux dispositions légales et conventionnelles dans la fixation du montant de l’indemnité et le contrat de travail devait donc poursuivre son exécution.

En se comportant ainsi, de toute évidence pour écarter Mme [B], l’association a commis un manquement à ses obligations suffisamment grave pour que la relation de travail ne puisse plus se poursuivre.

La prise d’acte doit s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit besoin de s’intéresser aux autres manquements évoqués par la salariée. Le jugement sera confirmé également de ce chef.

5-Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

La prise d’acte s’analysant en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [B] a droit à l’indemnité compensatrice de préavis, à l’indemnité de licenciement conventionnelle et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La convention collective fixe à 2 mois de salaire brut le montant de l’indemnité compensatrice de préavis pour les techniciens. L’association devra donc lui verser la somme de 7 296 euros à ce titre, outre 729,60 euros de congés payés afférents.

Quant à l’indemnité conventionnelle de licenciement, elle est fixée comme suit, sauf si les dispositions légales sont plus favorables à la salariée :

‘ à partir du 8e mois d’ancienneté ininterrompue, 1/4 de mois par année d’ancienneté à compter de la date d’entrée dans l’entreprise jusqu’à 10 ans ;

‘ 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

L’ancienneté de Mme [B] était de 8 ans et 3 mois, si bien qu’elle peut prétendre à la somme de 7 296 euros, ce qui correspond exactement au montant de l’indemnité légale prévue par les articles L.1234-9, R.1234-1, R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail.

Enfin, il est constant que l’association employait au moins 11 salariés au moment de la rupture. En application de l’article L.1235-3 du code du travail, vu l’ancienneté de la salariée, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être compris entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 8 mois de salaire brut.

En considération des éléments de l’espèce, et notamment des circonstances de la rupture et de l’âge de Mme [B], l’association devra lui verser la somme de 29 000 euros.

6-Sur le remboursement des allocations chômage

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du même code qui l’imposent et sont donc dans le débat, d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d’indemnités.

7-Sur les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire

L’association devra remettre à Mme [B] les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision.

8-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de l’association.

L’équité commande de la condamner à payer à Mme [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée indéterminée intermittent en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, en ce qu’il a débouté Mme [F] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives au contrat de travail intermittent, en ce qu’il a condamné l’Ecole [5] ([5]) à verser à Mme [F] [B] la somme de 1 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l’Ecole [5] ([5]) à verser à Mme [F] [B] la somme de 74 517,86 euros au titre du rappel de salaire dû sur les années 2016 à 2018, outre 7 451,80 euros de congés payés afférents ;

Condamne l’Ecole [5] ([5]) à verser à Mme [F] [B] la somme de 7 296 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 729,60 euros de congés payés afférents ;

Condamne l’Ecole [5] ([5]) à verser à Mme [F] [B] la somme de 7 296 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

Condamne l’Ecole [5] ([5]) à verser à Mme [F] [B] la somme de 29 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à l’Ecole [5] ([5]) de rembourser le cas échéant au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [F] [B], dans la limite de six mois d’indemnités ;

Ordonne à l’Ecole [5] ([5]) de remettre à Mme [F] [B] les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision dans les meilleurs délais ;

Laisse les dépens d’appel à la charge de l’Ecole [5] ([5]) ;

Condamne l’Ecole [5] ([5]) à payer à Mme [F] [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel .

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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