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CIV. 2
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 avril 2019
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt n° 579 F-D
Pourvoi n° V 18-15.086
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société la Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l’Etat et des services publics (GMF), société anonyme, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 29 janvier 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. Franck O…, domicilié […] ,
2°/ à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Gap, dont le siège est […] , […],
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 20 mars 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Rosette, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société la Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l’Etat et des services publics, de la société Cabinet Briard, avocat de M. O…, l’avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2018) que M. O…, victime le 14 septembre 2009 alors qu’il était âgé de quarante ans d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule automobile assuré auprès de la société la Garantie mutuelle des fonctionnaires et employés de l’Etat et des services publics (l’assureur), a assigné celle-ci en indemnisation de ses préjudices en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de Gap ;
Attendu que l’assureur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à M. O… la somme de 483 510,77 euros en réparation du préjudice corporel causé par l’accident du 14 septembre 2009, à l’exception du poste relatif à l’incidence professionnelle résultant de la perte de droits à la retraite, cette somme incluant la perte de gains professionnels futurs à hauteur de 389 397,58 euros et l’incidence professionnelle à hauteur de 50 000 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que la perte de gains professionnels futurs doit être en relation causale directe avec l’accident de la circulation ; qu’en allouant une somme de 389 397,58 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, après avoir constaté que le licenciement de M. O… intervenu le 16 septembre 2015 était lié à la perte de l’exploitation de la ligne d’autobus par la société Nap tourisme et que M. O… avait refusé tout reclassement à la suite de ce licenciement indépendant de l’accident dont il avait été victime le 14 septembre 2009, la cour d’appel a violé l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°/ que la perte de gains professionnels futurs doit être en relation causale directe avec l’accident de la circulation ; qu’en s’étant fondée sur la différence existant entre le salaire mensuel moyen de 1 969,41 euros que M. O… percevait avant l’accident et le salaire mensuel moyen de 531,68 euros perçu en tant que chauffeur de bus au sein de la société Nap tourisme sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dernier salaire ne correspondait pas à un mi-temps voulu par M. O…, bien que rien ne l’empêchât d’exercer son activité de chauffeur d’autobus à temps complet, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
3°/ que l’incidence professionnelle vient compléter celle déjà obtenue par la victime au titre du poste « pertes de gains professionnels futurs » mais ne doit pas aboutir à une double indemnisation du même préjudice ; qu’elle répare en particulier le préjudice lié à l’abandon de son activité professionnelle pour en adopter une autre moins rémunératrice ; qu’en allouant à la fois une somme de 50 000 euros en réparation de l’incidence professionnelle en raison de l’abandon par M. O… de la profession de grutier et une somme de 389 397,58 euros en réparation de la perte de gains professionnels futurs, laquelle devait indemniser une reconversion professionnelle dans le domaine du transport et la perte de gains liée à l’abandon de la profession de grutier, la cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel a relevé qu’à l’issue d’une visite du 19 décembre 2012, le médecin du travail avait déclaré M. O… inapte au poste de grutier qu’il occupait avant l’accident avec possibilité de reclassement sous certaines réserves ; que faute de possibilité de reclassement dans l’entreprise, il avait été licencié pour inaptitude ; que son projet de reconversion, validé par la médecine du travail, s’était concrétisé par la signature avec la société Nap tourisme , le 23 mars 2014, d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour un emploi de conducteur de car scolaire (900 heures pour une année scolaire complète) prenant effet au 26 mars 2014 et lui procurant un salaire mensuel moyen de 531,68 euros alors que celui qu’il percevait avant l’accident s’élevait à 1 969,41 euros ; qu’il a été ensuite licencié le 16 septembre 2015 et n’a pas retrouvé d’emploi ; qu’en considération de ses constatations, la cour d’appel a pu retenir qu’il ne pouvait être reproché à M. O… d’avoir décliné, en raison des contraintes géographiques et de coût mentionnées dans une lettre du dirigeant de la société Nap tourisme, les offres de reclassement qui lui avaient été faites en 2015 ; qu’ensuite, ayant relevé que la reconversion professionnelle de M. O… dans le domaine du transport, couronnée de succès grâce aux efforts qu’il avait fournis et à sa motivation n’avait pas permis le reclassement escompté puisqu’il n’était justifié que d’un seul emploi à temps partiel pour une durée de dix-huit mois seulement, elle a calculé la perte de gains professionnels futurs sur la base de la différence entre le salaire mensuel moyen perçu par M. O… avant l’accident et celui que lui avait procuré son travail de conducteur de bus en prenant en compte une perte de chance de percevoir à nouveau un salaire équivalent eu égard à son âge et à la conjoncture socio-professionnelle, faisant ainsi ressortir qu’il n’avait pu retrouver une activité professionnelle à temps plein à la suite de l’accident ; qu’enfin, c’est sans encourir le grief de la dernière branche que les juges du fond ont souverainement évalué l’indemnisation de l’incidence professionnelle tenant à la dévalorisation de la victime sur le marché du travail, à l’abandon de sa profession de grutier et à la précarisation de sa situation professionnelle ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;