Chauffeur de Car : 26 septembre 2019 Cour d’appel de Versailles RG n° 16/04755

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Chauffeur de Car : 26 septembre 2019 Cour d’appel de Versailles RG n° 16/04755
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 SEPTEMBRE 2019

N° R 16/04755

AFFAIRE :

[I] [Z]

C/

SARL KEOLIS YVELINES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 juillet 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : C

N° R : F15/00256

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicolas SANFELLE

la SELARL MAYET & PERRAULT

le : 27 septembre 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Nicolas SANFELLE, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 445

APPELANT

****************

SARL KEOLIS YVELINES

N° SIRET : 323 161 554

Les manèges [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 393 – N° du dossier 15RM1914

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 mai 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,

M. [I] [Z] a été engagé le 9 mars 2000 en qualité de conducteur de tourisme par la société Sylvestre Versailles selon contrats de travail à durée déterminée, puis indéterminée. Le contrat a été transféré le 22 décembre 2008 à la société Keolis Yvelines. En dernier lieu, le salarié percevait une rémunération brute de base de 1 833,62 euros, augmentée de diverses primes, indemnités et heures supplémentaires.

L’entreprise, qui exerce une activité de transports de voyageurs, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

Le 22 septembre 2014, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à sanction, fixé au 7 octobre 2014. Le 14 octobre 2014, lui a été notifiée une mise à pied disciplinaire de cinq jours, du 20 au 25 octobre 2014, qu’il a contestée.

Par requête du 2 mars 2015, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles afin d’en obtenir l’annulation.

Le 21 avril 2015, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à sanction, fixé au 29 avril 2015, reporté au 6 mai 2015. Le 29 mai 2015, lui a été notifiée une mise à pied disciplinaire de cinq jours, du 15 au 19 juin 2015.

Le 12 février 2016, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 22 février 2016.

Le 7 mars 2016, M. [Z] a été licencié pour faute grave.

Au dernier état, il a demandé au conseil de prud’hommes de juger que les mises à pied sont injustifiées, que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Keolis Yvelines à lui verser diverses sommes, notamment au titre de la rupture injustifiée du contrat.

Par jugement rendu le 28 juillet 2016, notifié le 28 septembre 2016, le conseil (section commerce) a :

– dit que la mise à pied prononcée le 14 octobre 2014 était injustifiée,

– condamné la société Keolis Yvelines à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

436,85 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire d’octobre 2014,

43,68 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– dit que le licenciement pour faute grave de M. [Z] est justifié,

– condamné la société Keolis Yvelines à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,

– ordonné l’exécution provisoire en application de l’article R. 1454-28 du code du travail,

– débouté la société Keolis Yvelines de sa demande reconventionnelle,

– condamné la société Keolis Yvelines aux éventuels dépens, y compris les frais éventuels d’exécution.

Le 26 octobre 2016, M. [Z] a relevé appel total de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 16 novembre 2016, un calendrier a été fixé selon les dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, puis par ordonnance rendue le 8 février 2018, le président a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 mai 2019.

Par dernières conclusions écrites du 12 juin 2017, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [Z] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la mise à pied prononcée le 14 octobre 2014 était injustifiée et condamné la société Keolis Yvelines à lui verser les sommes de 436,85 euros bruts à titre de rappel de salaire, 43,68 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Statuant à nouveau,

– dire et juger que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– condamner la société Keolis Yvelines à lui verser les sommes suivantes :

5 740 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

574 euros au titre des congés payés afférents,

11 480,60 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

50 000 euros titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dire et juger que la sanction prononcée en mai 2015 est abusive,

En conséquence,

– condamner la société Keolis Yvelines à lui verser les sommes suivantes :

365,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire de mai 2015,

36,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,

2 500 euros au titre des dommages et intérêts pour sanctions abusives,

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions écrites du 19 juillet 2017, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société Keolis Yvelines demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [Z] les sommes de 436,85 euros à titre de rappel de salaire, 43,68 euros au titre des congés payés afférents, 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les éventuels dépens,

– confirmer le jugement rendu le 28 juillet 2016 par le conseil de prud’hommes de Versailles pour le surplus,

En conséquence, statuant à nouveau :

– fixer à 2 014,25 euros la moyenne des salaires de M. [Z],

– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Z] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la mise pied disciplinaire du 14 octobre 2014

La société Keolis Yvelines reproche à M. [Z] son comportement le 17 septembre 2014 lors d’un service scolaire dans les termes suivants : ‘durant votre service scolaire [Localité 1] /[Localité 2], à l’arrêt du Collège [Établissement 1], un incident a eu lieu dans votre véhicule. Cet incident a eu lieu pendant que vous étiez en train de discuter, avec M. [F], devant vos véhicules alors que les enfants montaient à bord. Une jeune fille s’est fait violemment frapper par un autre élève (…). Elle nous a reporté les faits en nous précisant que son enfant avait voyagé dans votre véhicule après avoir été frappé et qu’à aucun moment vous ne vous êtes arrêté pour lui porter assistance et n’avez prévenu ni votre hiérarchie et ni les secours. Nous vous reprochons les comportements suivants : Vous n’avez pas assuré votre mission en n’étant pas présent dans le car alors que les enfants y prenaient place (…). Vous êtes responsable de faire remonter à l’exploitation tous les faits anormaux qui se déroulent dans votre véhicule à partir du moment où les élèves sont montés à bord. Les enfants n’ont pas été transportés en toute sécurité ce jour-là. Lorsque nous vous avons averti, le 18/09/2014, des faits dont nous venions de prendre connaissance, vous avez eu une réaction inappropriée. En effet, vous avez haussé le ton et avez tapé du poing sur le bureau de notre responsable commerciale (…)’.

La société reproche ainsi à M. [Z] de s’être trouvé à l’extérieur du car, près de la porte d’entrée, lorsque des violences ont été commises sur une jeune fille à l’intérieur, alors qu’il lui est demandé d’être présent dans son véhicule dès qu’un élève est lui-même présent afin d’éviter toute difficulté, notamment entre des élèves.

M. [Z] rétorque qu’il n’a pas vu, ni entendu que deux enfants se disputaient avant qu’ils montent à l’intérieur du véhicule et qu’il n’a pas, non plus, remarqué qu’une jeune fille était blessée.

En application de l’article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La société ne justifie pas avoir donné la consigne aux chauffeurs de bus scolaire de se trouver à l’intérieur de leur véhicule lors de la montée des enfants. Par ailleurs, il ne ressort de la déclaration de la victime aux services de police ni qu’elle se serait trouvée dans le bus conduit par M. [Z], ni que le chauffeur du bus aurait été informé des violences commises, étant relevé que le salarié, dès le 23 septembre 2014, écrivait à son employeur qu’ ‘il n’y avait eu aucun bruit, aucune alerte, aucune réclamation’. Si la société affirme que c’est bien lui qui avait en charge cette ligne ce jour-là, elle n’en justifie pas, alors même qu’elle ne conteste pas la présence d’un autre chauffeur au même endroit en la personne de M. [F]. Enfin, la société ne produit aucune pièce attestant du comportement agressif reproché au salarié à l’égard de son supérieur et qu’il conteste.

Aucun des griefs n’est donc établi. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire du 14 octobre 2014 et alloué un rappel de salaire de ce chef.

Sur la mise à pied disciplinaire du 29 mai 2015 et le licenciement pour faute grave

Ces deux sanctions reposent sur le même grief, à savoir le refus du salarié d’exécuter certaines des tâches confiées par son employeur.

Ainsi, par lettre recommandée en date du 29 mai 2015, la société Keolis Yvelines notifiait à M. [Z] une mise à pied disciplinaire dans les termes suivants : ‘Durant quatre jours consécutifs, les 21, 22, 23 et 24 avril 2015, vous avez refusé d’effectuer les services que nous vous avions confiés. Vous n’avez pas effectué le travail qui vous était confié, nous avons été contraints d’envoyer un conducteur de réserve, normalement dédié au remplacement des absents pendant que vous attendiez dans nos locaux que nous vous confions de nouveaux services conformes à vos attentes’ et la lettre de licenciement pour faute grave du 7 mars 2016 indique pour sa part : ‘Le mardi 05 janvier 2016, vous étiez en réserve. Afin de palier à l’absence d’un conducteur, le service exploitation vous a demandé d’effectuer le service 108 (service régulier sur [Localité 3]). Vous avez refusé de le faire prétextant que dans votre contrat de travail, vous n’êtes pas habilité à rouler sur des services de type urbain. Vous avez donc effectué la première partie du service qui était un service scolaire sur [Localité 4], puis vous avez refusé d’assurer la suite du service prévu dans le roulement car il s’agissait du service 108 (service régulier sur [Localité 3]). Le 18 et 19 janvier 2016, vous avez de nouveau refusé d’effectuer les services réguliers sur [Localité 3] qui vous ont été confiés’.

A l’appui de sa contestation, M. [Z] soutient qu’en lui demandant d’effectuer un service de lignes urbaines, la société Keolis Yvelines a modifié son contrat de travail puisque depuis son embauche, il exerçait ses fonctions en qualité de conducteur grand tourisme au coefficient 150 V et assurait la conduite de car de tourisme et occasionnellement des services scolaires, qu’il n’exerçait donc pas les fonctions de conducteur receveur, qui sont distinctes avec un coefficient 140, n’assurait pas les services de lignes urbaines, n’avait pas à gérer une clientèle ni à tenir une caisse, que c’est ainsi qu’il a refusé légitimement d’effectuer les services réguliers mentionnés, qui ne correspondaient pas à la qualification pour laquelle il a été embauché. Il estime également que la procédure de licenciement ayant été engagée le 12 février 2016 pour des faits datant du 5, 18 et 19 janvier 2016, la société Keolis Yvelines ne peut prétendre que son maintien dans l’entreprise était impossible puisqu’il a continué à travailler dans l’intervalle.

La société Keolis Yvelines expose qu’elle développe en Île de France de nombreuses lignes de transport régulières et que le marché Eurolines visé dans le contrat de travail de M. [Z] a disparu, que son emploi a été toutefois maintenu, le salarié devant réaliser des missions conformes à sa qualification conventionnelle, que la convention collective applicable prévoit que les conducteurs tourisme et grand tourisme remplissent toutes les conditions des emplois de conducteur de car et de conducteur-receveur de car, que M. [Z] avait donc toutes les

capacités pour effectuer des trajets de lignes régulières et ne justifie pas d’une diminution de ses responsabilités par la réalisation de tâches de conducteur-receveur. Elle expose, par ailleurs, que son activité touristique représente moins de 10% du chiffre d’affaire global et qu’elle compte un seul car ‘grand tourisme’ en raison du caractère résiduel de cette activité, que la convention collective, laquelle prévoit la garantie d’emploi en cas de transfert de marché, a nécessairement prévu la ‘flexibilité’ de l’emploi au regard de l’activité de l’entreprise, que sa structure ne permet pas que certains salariés exercent uniquement des missions portant sur des lignes ou des marchés qui disparaissent.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié.

Le contrat de travail de M. [Z] mentionne qu’il ‘est engagé en qualité de conducteur de tourisme au coefficient 150 V, pour assurer les services EUROLINES ainsi que des services occasionnels’. La société précise, aux termes de ses conclusions, qu’en dernier lieu M. [Z] bénéficiait ‘de la qualification de conducteur grand tourisme’, comme cela ressort également des mentions portées sur ses fiches de paie.

Il est établi qu’à plusieurs reprises le salarié a refusé d’exécuter des services de lignes régulières ressortant de la qualification de conducteur-receveur de car, coefficient 140.

La nomenclature et les définitions des emplois des ouvriers des transports routiers de voyageurs de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport prévoit les emplois suivants :

– dans le groupe 7,

‘8- conducteur de car. – Ouvrier chargé de la conduite d’un car, aide le receveur dans la manipulation des colis et dépêches postales transportés ; doit être capable d’assurer le dépannage courant (carburateur, bougie, changement de roue, etc.) (…) ;

– dans le groupe 9,

‘9- conducteur-receveur de car. – Ouvrier chargé de la conduite d’un car et de la perception des recettes voyageurs, bagages et messageries ; manipule et surveille les colis et dépêches postales transportés ; veille à l’application des règlements (…) ;

– dans le groupe 9bis,

’10 bis- conducteur de tourisme. – Ouvrier ayant exercé pendant au moins deux ans la conduite d’un car et remplissant toutes les conditions définies aux emplois n° 8 et 9, exécute en outre des services de tourisme à grandes distances d’une durée d’au moins 3 jours ; a en toutes circonstances une présentation particulièrement soignée ; fait preuve à l’égard de la clientèle de courtoisie et de correction ; peut être amené à fournir des explications succinctes sur l’intérêt du parcours ; a une excellente pratique des documents douaniers et du change des monnaies étrangères si nécessaire ; assure, le cas échéant, la bonne exécution des prestations auprès des hôteliers et restaurateurs (…)’ ;

– dans le groupe 10,

’11- conducteur grand tourisme. – Ouvrier chargé habituellement de la conduite d’un car de grand luxe comportant au moins 32 fauteuils ; exécute des circuits de grand tourisme, c’est-à-dire d’une durée d’au moins 5 jours ; a une excellente pratique des documents douaniers, de change et de monnaies étrangères ; a en toutes circonstances une présentation impeccable ; fait preuve à l’égard de la clientèle de courtoisie et de correction ; assure la bonne exécution des prestations, notamment auprès des hôteliers et des restaurateurs (…)’.

Un employeur ne peut imposer au salarié une modification de sa qualification ou de la nature de ses fonctions et s’il peut, sans l’accord du salarié, l’affecter à une tâche différente de celle qu’il exerçait antérieurement, c’est à la condition qu’elle corresponde à sa qualification et ne s’accompagne pas de la perte d’avantages salariaux ou d’une baisse de responsabilités.

Il ressort du document susvisé que sont précisément définis les emplois de conducteur tourisme et grand tourisme, lesquels n’assurent pas de services de ligne de bus urbaine régulière, n’ont pas à manier des espèces, à la différence d’un conducteur-receveur, et disposent d’une certaine autonomie dans l’exécution des transports organisés sur plusieurs jours, les coefficients affectés

à ces emplois étant également différents, à savoir 145 et 150 pour les premiers et 140 pour le dernier.

Si, comme soutenu par la société Keolis Yvelines, un conducteur de tourisme doit, pour exercer ses fonctions, remplir les conditions définies aux emplois n°8 et n°9, c’est-à-dire les emplois de conducteur de car et conducteur-receveur de car, il n’en demeure pas moins que M. [Z] a été engagé pour occuper l’emploi spécifique de ‘conducteur de tourisme’ du groupe 9bis et pouvait légitimement refuser d’exécuter des tâches qui ne correspondaient pas à sa qualification contractuelle et ressortaient d’une classification conventionnelle inférieure, peu important l’absence de modification de sa rémunération et de son coefficient.

Si également le contrat prévoyait, en sus des liaisons Eurolines, des ‘services occasionnels’, ces précisions s’inscrivaient dans le cadre des fonctions de conducteur de tourisme et ne sauraient justifier une affectation sur des lignes urbaines régulières en qualité de conducteur-receveur et la circonstance que M. [Z] ait accepté d’être affecté à des services scolaires ne saurait davantage permettre une modification unilatérale de ses fonctions.

Enfin, le fait que l’activité de la société évolue vers des services de lignes urbaines plutôt que de tourisme est inopérant à justifier une modification du contrat de travail imposée au salarié et, comme soutenu par ce dernier, il appartenait à l’employeur de proposer une modification du contrat de travail pour motif économique, avec la mise en oeuvre éventuelle d’une procédure de licenciement économique.

Il se déduit de ses observations que les refus d’affectation opposés par M. [Z] ne sont pas fautifs et que la mise à pied du 29 mai 2015 et le licenciement sont injustifiés.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les demandes de M. [Z]

En premier lieu, M. [Z] peut prétendre au paiement d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire du 29 mai 2015, soit la somme de 365,60 euros bruts et 36,50 euros bruts au titre des congés payés afférents.

En revanche, il ne justifie pas d’un préjudice distinct qui ne soit déjà réparé par les rappels de salaire ordonnés. Sa demande de dommages et intérêts au titre des deux mises à pied annulées sera donc rejetée.

En second lieu, M. [Z] peut prétendre au paiement des indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, l’indemnité compensatrice de préavis doit correspondre à la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé pendant la période du délai-congé. Compte tenu des heures supplémentaires habituellement accomplies, ainsi que des primes et indemnités diverses versées chaque mois, il lui sera allouée la somme de 4 919 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 491,90 euros bruts au titre des congés payés afférents.

S’agissant de l’indemnité légale de licenciement, compte tenu de son ancienneté de 16 ans et du montant de sa rémunération, elle sera fixée à la somme de 9 838 euros bruts.

Enfin, le salarié, dont l’ancienneté est supérieure à deux années dans une entreprise employant plus de dix salariés, est en droit d’obtenir, conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire, au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. [Z] ne produit aucune pièce sur sa situation postérieure à la rupture du contrat. Au regard du montant de sa rémunération, de son ancienneté dans l’entreprise et de son âge, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme de 20 000 euros bruts.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à M. [Z] à compter du jour de son licenciement, jusqu’au jour du présent arrêt et ce à concurrence de six mois.

Sur les autres demandes

La société, partie condamnée, devra supporter les entiers dépens, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre à M. [Z] la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris, en ce qu’il a dit que la mise à pied prononcée le 14 octobre 2014 était injustifiée, a condamné la société Keolis Yvelines à verser à M. [Z] les sommes de 436,85 euros bruts à titre de rappel de salaire et 43,68 euros bruts au titre des congés payés afférents et a rejeté la demande de dommages et intérêts pour sanctions abusives,

L’INFIRME pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la mise à pied prononcée le 29 mai 2015 et le licenciement pour faute grave ne sont pas justifiés,

CONDAMNE la société Keolis Yvelines à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

365,60 euros bruts à titre de rappel de salaire,

36,50 euros bruts au titre des congés payés afférents,

4 919 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

491,90 euros bruts au titre des congés payés afférents,

9 838 euros bruts à titre d’indemnité légale de licenciement,

20 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Keolis Yvelines aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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