Your cart is currently empty!
AFFAIRE : N° RG 21/02859
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3JQ
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LISIEUX en date du 23 Septembre 2021 – RG n° F18/00177
COUR D’APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 1
ARRET DU 13 OCTOBRE 2022
APPELANTE :
S.A.S.U. DES AUTOCARS FOURNIER
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Benoît PIRO, substitué par Me POISSON, avocats au barreau de LISIEUX
INTIME :
Monsieur [W] [R]
chez Mr [C] [R], [Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Cécile BREAVOINE, avocat au barreau de LISIEUX
DEBATS : A l’audience publique du 13 juin 2022, tenue par Mme PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme ALAIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,
Mme PONCET, Conseiller, rédacteur
Mme VINOT, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 13 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
FAITS ET PROCÉDURE
M. [W] [R] a été embauché par la SAS des autocars Fournier à compter du 1er octobre 2013 en qualité de conducteur de car. Il a été licencié, le 29 août 2018, pour faute grave après avoir été mis à pied à titre conservatoire à compter du 1er juin.
Le 31 octobre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lisieux pour, en dernier lieu, voir écarter des pièces produites par la SAS des autocars Fournier, pour voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts à ce titre, pour réclamer un rappel de salaire pour heures supplémentaires, un rappel au titre du 13ième mois, une indemnité au titre de repos compensateur non pris, au titre des heures de nuit et pour travail dissimulé.
Par jugement du 23 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la SAS des autocars Fournier à verser à M. [R] : 8 771,13€ bruts de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 508,45€ bruts au titre de l’indemnité de licenciement, 5 847,42€ bruts (outre les congés payés afférents) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 14 154,67€ bruts au titre des heures supplémentaires (outre les congés payés afférents), 7 285,60€ bruts au titre du repos compensateurs, 272,14€ bruts au titre des ‘heures de repos compensateurs’, 2 192,78€ bruts au titre du prorata du 13ième mois, 1 500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, a ordonné à la SAS des autocars Fournier de remettre à M. [R], sous astreinte, des bulletins de paie modifiés ‘ainsi que les documents sociaux’, a dit que les sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, a débouté M. [R] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
La SAS des autocars Fournier a interjeté appel du jugement, M. [R] a formé appel incident.
Vu le jugement rendu le 23 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Lisieux,
Vu les dernières conclusions de la SAS des autocars Fournier, appelante, communiquées et déposées le 24 mai 2022, tendant, au principal, à voir le jugement confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, tendant, subsidiairement, à ce qu’il soit sursis à statuer sur cette demande dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, tendant, pour le surplus, à voir le jugement réformé, à voir, au principal, M. [R] débouté de toutes ses demandes et condamné à lui verser 5 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, tendant, subsidiairement, d’une part, à voir ordonner, avant dire droit, une expertise destinée à déterminer le temps de travail effectif de M. [R] et à faire les comptes entre les parties et à surseoir à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, tendant, d’autre part, à voir allouer à M. [R] des dommages et intérêts égaux à un mois de salaire pour réparer l’irrégularité de forme affectant le licenciement, très subsidiairement, à réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ‘à de plus justes proportions’, tendant, enfin, à être autorisée à ne remettre qu’un bulletin de paie rectificatif pour tous les rappels de salaire alloués
Vu les dernières conclusions de M. [R], intimé et appelant incident, communiquées et déposées le 23 mai 2022, tendant à voir la cour ‘statuer à nouveau’ et condamner la SAS des autocars Fournier à lui verser 56 626,78€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 17 542,26€ d’indemnité pour travail dissimulé, tendant, pour le surplus, à voir le jugement confirmé, subsidiairement, tendant à lui donner acte qu’il ne s’oppose pas à une expertise aux frais avancés de la SAS des autocars Fournier, tendant, en tout état de cause, à voir la SAS des autocars Fournier condamnée à lui verser 5 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 8 juin 2022
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur l’exécution du contrat de travail
1-1) Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle de heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
M. [R] produit l’analyse des temps de travail faite par un expert-comptable mandaté par ses soins. Y Figurent : un tableau reprenant, semaine par semaine, entre la semaine 40 de 2015 et la semaine 21 de 2018 le temps de travail hebdomadaire, le nombre d’heures majorées à 25%, le nombre d’heures majorées à 50%, les heures supplémentaires payées par l’employeur (ainsi que les heures de nuit et repos compensateurs de nuit qui seront évoquées ultérieurement) et un tableau mentionnant, année par année, les sommes dues à ces différents titres et au titre du repos compensateurs au titre des heures supplémentaires.
Il est constant que le nombre d’heures hebdomadaires mentionnées dans le premier tableau a été obtenu en additionnant le nombre d’heures journalières mentionnées sur les fiches jointes aux bulletins de paie et produites par M. [R].
Ces éléments permettent à la SAS des autocars Fournier de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La SAS des autocars Fournier fait valoir que le décompte effectué par M. [R] est faux, d’une part, parce que l’expert comptable qu’il a mandaté a systématiquement ajouté une heure par jour au titre des travaux annexes alors que ceux-ci étaient déjà pris en compte dans les fiches annexées aux bulletins de paie au titre des temps de service, d’autre part, parce que la totalité des temps dits de ‘disponibilité’ ont été décomptés comme des temps de travail alors qu’à hauteur de 50% ils correspondent à des temps de ‘coupure’, qu’enfin, compte tenu de l’annualisation du temps de travail, les 50% du temps de disponibilité pris en compte ont été lissées et sont venus compléter le temps de travail du salarié, si bien que la totalité du temps de travail effectif a été payé et que rien ne reste dû au salarié, lequel a, en outre, bénéficié de primes rétribuant les temps d’attente et de coupure non pris en compte au titre du temps de travail effectif.
La SAS des autocars Fournier produit, au soutien de son argumentaire, une analyse concurrente d’un autre expert comptable concluant en ce sens.
‘ Il ressort effectivement du tableau et des conclusions de l’expert comptable mandaté par M. [R] qu’au titre des travaux annexes, une heure a été ajoutée chaque jour au temps de travail retenu. Cet ajout est injustifié puisqu’il ressort des relevés joints aux bulletins de paie qu’une colonne intitulée ‘trav’ et correspondant aux travaux annexes a bien été remplie et que ce temps a été ajouté aux temps de conduite, de disponibilité et de double conducteur pour déterminer le temps de service (temps que le salarié a repris comme temps de travail effectif).
Cette heure ajoutée doit donc être supprimée.
‘ Les relevés joints aux bulletins de paie mentionnent un temps de disponibilité (‘disp’).
La SAS des autocars Fournier soutient qu’à hauteur de 50% ce temps serait un temps de ‘coupure’ qui ne constituerait pas un temps de travail effectif. Toutefois, ce temps a été enregistré par le chronotachygraphe comme un temps de ‘disponibilité’ et non comme un temps de ‘repos’. Ce terme implique que le conducteur est demeuré à disposition de l’employeur et n’a pas pu vaquer à ses occupations personnelles. La SAS des autocars Fournier n’apporte aucun élément établissant que M. [R] aurait mal utilisé le chronotachygraphe en le positionnant sur ‘disponibilité’ au lieu de ‘repos’ au moment où il effectuait une pause et n’établit pas, a fortiori, que ce mauvais usage du chronotachygraphe représenterait 50% du temps décompté en ‘disponibilité’.
Dès lors, faute d’éléments justifiant les rectificatifs que l’employeur a cru bon d’apporter aux relevés chronotachygraphes, le temps de ‘disponibilité’ doit intégralement être inclus dans le temps de travail effectif.
La SAS des autocars Fournier se prévaut également d’un ‘accord d’entreprise’ signé le 1er mars 2000 entre un délégué du personnel et le dirigeant de la société aux termes duquel il est ‘décidé’ que le temps ‘à disposition’ sera divisé, par moitié, entre un temps dit ‘de coupure’ censé correspondre à un temps de pause et un temps ‘d’attente’ qui seul correspondrait à un temps de travail effectif. Toutefois, les partenaires sociaux ne sauraient arbitrairement décider, hors des critères légaux et de surcroît en contradiction avec les indications enregistrées par le chronotachygraphe, de ce qui constitue un temps de pause et un temps de travail.
Dès lors, à supposer que cet accord vaille accord d’entreprise, la SAS des autocars Fournier ne saurait utilement s’en prévaloir pour prétendre qu’à hauteur de 50% le temps de disponibilité devrait être exclu du temps de travail effectif.
En conséquence, contrairement à ce qu’indique l’employeur, M. [R] a, à juste titre, inclus la totalité du temps de disponibilité dans le temps de travail effectif.
‘ La SAS des autocars Fournier indique avoir pratiqué une ‘annualisation’ ‘conformément à l’accord de branche sur l’aménagement et l’organisation du temps de travail’ ce dont les salariés auraient été informés par une note établie en mai 2012.
Selon cette note, cette annualisation se fait sous forme de modulation avec trois périodes différentes d’activité (haute, basse et normale). L’accord vanté par la SAS des autocars Fournier, du 18 avril 2002 servant de base à cette pratique prévoit toutefois, dans son article 14 concernant la modulation, que soit établi un accord d’entreprise et prévu un calendrier prévisionnel de modulation (qui à défaut d’accord d’entreprise ne peut excéder 13 semaines).
La SAS des autocars Fournier ne produit pas d’accord d’entreprise sur cette question (et ne soutient pas d’ailleurs qu’il en existerait un). La note datée du 21 mai 2012, fait état d’un calendrier prévoyant trois périodes différentes couvrant l’intégralité de l’année alors qu’en application de l’accord du 18 avril 2002, ce calendrier ne peut excéder 13 semaines quand il n’existe pas d’accord d’entreprise.
La note du 21 mai 2012 précise que cette annualisation sous forme de modulation s’applique depuis l’accord sur l’aménagement et l’organisation du temps de travail soit depuis avril 2002. Cette modulation s’étant donc appliquée avant le 24 mars 2012, l’employeur aurait dû recueillir l’accord exprès de M. [R] avant de lui appliquer cette modalité de décompte du temps de travail. Or, le contrat de travail de M. [R] ne fait pas mention d’une annualisation ni a fortiori d’une modulation du temps de travail et la SAS des autocars Fournier n’établit, ni ne soutient d’ailleurs, avoir postérieurement recueilli son accord exprès à ce propos.
Enfin, dans sa note de mai 2012, la SAS des autocars Fournier prévoit que si le temps de travail est inférieur ou supérieur à 151,67H mensuelles, les heures en plus ou en moins sont enregistrées dans un compteur et qu’il est effectué une compensation. Toutefois, ni dans le bulletin de paie ni dans le document intitulé ‘temps de travail conducteur’ ne figure un tel compteur d’heures.
Dès lors, la SAS des autocars Fournier ne saurait utilement se prévaloir d’une annualisation du temps de travail : faute d’un calendrier prévisionnel conforme à l’accord collectif, d’un accord exprès du salarié sur cette modalité d’organisation du temps de travail et d’un enregistrement avéré des heures travaillées au-delà ou en-deçà du temps de travail.
La SAS des autocars Fournier indiquant avoir procédé à un décompte annualisé du temps de travail, elle ne saurait prétendre décompter également le temps de travail à la quatorzaine, ces deux modes de décompte du temps de travail n’étant pas compatibles.
Le temps de travail doit donc être décompté hebdomadairement.
Après soustraction de l’heure indûment ajoutée journellement, M. [R] a effectué :
– en 2015 : au total 96,03 heures supplémentaires dont 48H majorées à 25% ouvrant droit, compte tenu d’un taux horaire de 10,39€, à un rappel de 623,40€ et 48,03H majorées à 50% ouvrant droit à un rappel de 748,55€ soit, au total, 1 371,95€. Compte tenu de la somme versée à ce titre par la SAS des autocars Fournier (432,86€), restent dus 999,09€,
– en 2016 : au total 376 heures supplémentaires comprenant :
– de janvier à août : 187,02H majorées à 25% ouvrant droit, compte tenu d’un taux horaire de 10,39€, à un rappel de 2 428,92€ et 153,38Hmajorées à 50% ouvrant droit à un rappel de 2 390,43€
– de septembre à décembre : 16,55H majorées à 25% ouvrant droit, compte tenu d’un taux horaire de 10,45€, à un rappel de 214,15€ et 19,05H majorées à 50% ouvrant droit à un rappel de 298,61€
soit au total 5 334,14€.
Compte tenu de la somme versée à ce titre par la SAS des autocars Fournier (1 115,32€), restent dus 4 218,82€.
– en 2017, au total 460,78 heures supplémentaires comprenant :
– en janvier et février : 23,06H majorées à 25% ouvrant droit, compte tenu d’un taux horaire de 10,45€, à un rappel de 301,22€ et 9,86H majorées à 50% ouvrant droit à un rappel de 154,55€
– de mars à décembre : 217,08H majorées à 25% ouvrant droit, compte tenu d’un taux horaire de 10,66€, à un rappel de 2 892,59€ et 210,78H majorées à 50% ouvrant droit à un rappel de 3 370,37€
soit au total 6 718,73€.
Compte tenu de la somme versée à ce titre par la SAS des autocars Fournier (1 020,16€), restent dus 5 698,57€.
– en 2018 : au total 163,31 heures supplémentaires dont 97,21H majorées à 25% ouvrant droit, compte tenu d’un taux horaire de 10,66€, à un rappel de 1 295,32€ et 66,10H majorées à 50% ouvrant droit à un rappel de 1 056,94€ soit, au total, 2 352,26€. Compte tenu de la somme versée à ce titre par la SAS des autocars Fournier (364,17€), restent dus 1 988,09€,
Au total, le rappel de salaire s’élève à 12 904,52€ bruts (outre les congés payés afférents).
1-2) Sur les repos compensateurs
M. [R] indique, sans être contesté, que le contingent d’heures supplémentaires applicable est de 130H.
Ce contingent a été dépassé en 2016, 2017 et 2018. Compte tenu d’un nombre de salariés supérieur à 20, M. [R] aurait dû bénéficier d’une contrepartie obligatoire en repos égale à 100% du nombre d’heures dépassant ce contingent.
La SAS des autocars Fournier n’ayant pas mis M. [R] en mesure de prendre ce repos, celui-ci est fondé à obtenir une indemnité égale au salaire correspondant à ces heures, augmenté des congés payés afférents.
Il peut donc prétendre aux indemnités suivantes :
– pour 2016 : (376H-130H)x10,45=2 570,70€
2 570,70€+257,07=2 827,77€,
– pour 2017 : (460,78H-130H)x10,66= 3 526,11€
3 526,11€+352,61=3 878,72€.
– pour 2018 : (163,31H-130H)x10,66= 355,08€
355,08€+35,51=390,59€.
Au total, la somme due est de 7 097,08€.
1-3) Sur les heures de nuit
M. [R] décompte, dans les tableaux qu’il a fait établir, les heures de nuit effectuées et a, conformément à l’article 9 de l’accord de branche, appliqué une contrepartie de 10% qu’il réclame sous forme pécuniaire.
La SAS des autocars Fournier ne conteste pas le nombre d’heures ainsi décomptées ni le calcul de la contrepartie pécuniaire mais soutient avoir valorisé cette contrepartie à hauteur de 25% et l’avoir stockée ‘suivant le même principe que les heures de coupure’ si bien que rien ne resterait dû.
Toutefois, faute d’un compteur enregistrant de manière expresse les heures ainsi stockées et permettant un suivi effectif de leur utilisation en repos, la SAS des autocars Fournier n’établit pas que M. [R] aurait bénéficié d’un repos correspondant à au moins 10% de ses heures de nuit. Cette contrepartie n’a pas non plus été payée puisque aucune mention relative aux heures de nuit ne figure sur les bulletins de paie.
En conséquence, la SAS des autocars Fournier n’établissant pas s’être acquittée de la contrepartie due au titre d’heures de nuit dont elle ne conteste pas la réalité, elle sera condamnée à verser, à ce titre, la somme réclamée par M. [R].
1-4) Sur le 13ième mois
Le conseil de prud’hommes a condamné la SAS des autocars Fournier à verser à M. [R] 2 192,78€ bruts au titre du prorata du 13ième mois.
La SAS des autocars Fournier demande la réformation de cette disposition (dont M. [R] demande, quant à lui, confirmation) mais se contente de critiquer le fait que le conseil de prud’hommes n’aurait pas motivé sa décision sur ce point. Elle n’en tire toutefois aucune conséquence juridique et donc aucun moyen.
De surcroît, cette remarque ne figure pas dans la partie discussion de ses conclusions. Dès lors, par application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, même si elle avait pu être analysée comme un moyen, cette remarque n’aurait pas pu être examinée.
Dès lors, la société ne soutenant pas son appel, le jugement sera confirmé de ce chef.
2) Sur le licenciement
M. [R] conteste le bien-fondé du licenciement, d’une part, parce qu’il a été notifié plus d’un mois après l’entretien préalable, d’autre part parce qu’il est injustifié.
L’entretien préalable au licenciement s’est tenu le 12 juin 2018 et le licenciement a été notifié le 29 août soit plus d’un mois après cet entretien. Ce délai d’un mois n’est ni suspendu ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un arrêt maladie. En conséquence, le fait que M. [R] ait pu être en arrêt maladie après l’entretien préalable est indifférent.
Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse à raison du non respect de ce délai.
M. [R] peut prétendre à des indemnités de rupture et à des dommages et intérêts.
‘ Les sommes réclamées au titre des indemnités de rupture et allouées par le conseil de prud’hommes ne sont pas contestées par la SAS des autocars Fournier ne serait-ce qu’à titre subsidiaire, le jugement sera donc confirmé de ce chef.
‘ En application de l’article L.1235-3 du code du travail, M. [R] peut prétendre à des dommages et intérêts compris entre 3 et 6 mois de salaire compte tenu de son ancienneté à la fin du préavis (5 ans).
‘ M. [R] soutient que le barème prévu à l’article L.1235-3 du code du travail doit être écarté car il ne lui assure pas la réparation adéquate à laquelle il peut prétendre en application de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT (qui dispose que les juges devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée), et de l’article 24 de la charte sociale européenne qui consacre le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée et de la décision du comité européen des droits sociaux en date du 8 septembre 2016 par laquelle ce comité a énoncé que les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime.
Eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la charte sociale européenne révisée, les dispositions de l’article 24 de celle-ci ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
En revanche, l’article 10 de la convention internationale du travail n°158 de l’Organisation internationale du travail est, quant à lui, d’application directe en droit interne. Les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail en réservant la possibilité de réintégration, en prévoyant la possibilité de fixer une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal, montants variables en fonction de l’ancienneté et en écartant l’application du barème en cas de nullité du licenciement sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail étant en conséquence compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée, la situation concrète du salarié ne peut être prise en compte que pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail.
M. [R] fait valoir qu’il subit une grave dépression depuis son licenciement, qu’il n’a pas été en mesure de retrouver du travail, se trouve dans une situation financière précaire qui l’a obligé à vendre sa maison et à devoir retourner vivre chez ses parents avec son épouse et ses enfants et subi une importante perte quant à ses droits à retraite.
Il justifie de prescriptions d’anxiolytiques entre juin 2018 et mai 2020, de la vente de sa maison le 16 janvier 2021 et de la perception d’allocations de chômage en septembre 2020 et de janvier à décembre 2021.
Compte tenu de ces renseignements et des autres éléments connus : son âge (35 ans), son ancienneté (5 ans), son salaire moyen (3 057,68€ au cours des 12 derniers mois travaillés après réintégration du rappel de salaire pour heures supplémentaires affermant à cette période), il y a lieu de lui allouer 18 300€ de dommages et intérêts.
3) Sur le travail dissimulé
Une partie significative des heures supplémentaires exécutées n’a pas été payée ni mentionnée sur les bulletins de paie alors même que la SAS des autocars Fournier connaissait exactement les heures travaillée grâce aux relevés du chronotachygraphe.
Elle a, en outre, arbitrairement, considéré qu’une partie des heures effectuées ne constituait pas du travail effectif et choisi de les rémunérer, au moins pour partie, de manière opaque sous forme de primes, enfin, elle a prétendument ‘stocké’ une partie de ces heures pour opérer une compensation hors de tout fondement juridique.
Ces pratiques visant à occulter une partie des heures supplémentaires, à en éviter le paiement et la mention sur les bulletins de paie caractérisent suffisamment le caractère intentionnel de cette dissimulation.
La SAS des autocars Fournier sera donc condamnée à verser à M. [R] l’indemnité forfaitaire de six mois de salaire prévue à titre de sanction. La somme réclamée à ce titre par M. [R] n’étant pas contestée, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire, par la SAS des autocars Fournier, sera retenue.
4) Sur les points annexes
Conformément à l’article 1231-6 du code civil, les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la SAS des autocars Fournier de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation (sachant que cette convocation a été envoyée le 6 novembre 2018) à l’exception du rappel accordé au titre du 13ième mois qui produira intérêts à compter du 25 mars 2021, date de l’audience de jugement, en l’absence de trace, avant cette date, de cette demande et des dommages et intérêts accordés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui produiront intérêts à compter de la date du présent arrêt.
La SAS des autocars Fournier devra remettre à M. [R], dans le délai d’un mois à compter de la date de l’arrêt, un bulletin de paie complémentaire par année, soit un bulletin de paie pour 2015, 2016 2017 et 2018. En l’absence d’éléments permettant de craindre l’inexécution de cette mesure, il n’y a pas lieu de l’assortir d’une astreinte.
La SAS des autocars Fournier devra rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées à M. [R] entre la date du licenciement et la date du jugement dans la limite de trois mois d’allocations.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [R] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SAS des autocars Fournier sera condamnée à lui verser 1 750€.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
– Confirme le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la SAS des autocars Fournier à verser à M. [R] : 272,14€ d’indemnité au titre des heures de nuit, 2 192,78€ bruts au titre du prorata du 13ième mois, 3 508,45€ d’indemnité de licenciement, 5 847,42€ bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 584€ bruts au titre des congés payés afférents
– Réforme le jugement pour le surplus
– Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la SAS des autocars Fournier de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation à l’exception de la somme de 2 192,78€ qui produira intérêts à compter du 25 mars 2021
– Condamne la SAS des autocars Fournier à verser à M. [R] :
– 12 904,52€€ bruts de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 1 290,45€ bruts au titre des congés payés afférents
– 7 097,08€ d’indemnité au titre des repos compensateurs non pris
– 17 542,26€ d’indemnité pour travail dissimulé
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la SAS des autocars Fournier de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation
– 18 300€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt
– Dit que la SAS des autocars Fournier devra remettre à M. [R], dans le délai d’un mois à compter de la date de l’arrêt, un bulletin de paie complémentaire par année pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018
– Déboute M. [R] du surplus de ses demandes principales
– Condamne la SAS des autocars Fournier à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées à M. [R] entre la date du licenciement et la date du jugement dans la limite de trois mois d’allocations
– Condamne la SAS des autocars Fournier à verser à M. [R] 1 750€ en application de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamne la SAS des autocars Fournier aux entiers dépens de première instance et d’appel
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. ALAIN L. DELAHAYE