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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 15 NOVEMBRE 2023
N° RG 22/00980
N° Portalis DBV3-V-B7G-VC2O
AFFAIRE :
S.A.S. CEOBUS
C/
[Z] [D]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE
N° Section : C
N° RG : F 20/00179
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la AARPI NMCG AARPI
Me Alexandre MERDASSI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. CEOBUS
N° SIRET : 438 35 2 0 07
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE de l’AARPI NMCG AARPI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0007 – Substitué par Me Curtius MAUREEN, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Monsieur [Z] [D]
né le 31 Juillet 1960 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Alexandre MERDASSI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1227
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,
EXPOSE DU LITIGE
M. [Z] [D] a été engagé par la société Giraux suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 septembre 1991 avec reprise d’ancienneté au 1er mai 1991, en qualité de conducteur de car, coefficient 131V, avec le statut d’ouvrier.
Le contrat de travail du salarié a été transféré à la société Ceobus.
Le salarié a exercé des fonctions de délégué syndical entre 1998 et 2008.
En dernier lieu, il exerçait la fonction de conducteur de car, coefficient 145V.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Le 2 décembre 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 11 décembre 2019.
A compter du 2 décembre 2019, l’affectation du salarié a été changée.
Le 8 janvier 2020, l’employeur a adressé au salarié une lettre de rappel à l’ordre.
Contestant les conditions d’exécution de son contrat de travail, le 17 juin 2020 M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise afin d’obtenir la condamnation de la société Ceobus à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution de son contrat de travail.
Le 1er février 2021, le contrat de travail du salarié a pris fin, celui-ci ayant fait valoir ses droits à la retraite.
Par jugement en date du 9 mars 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :
– dit qu’il y a exécution déloyale du contrat de travail par la société Ceobus,
– condamné la société Ceobus à verser à M. [D] les sommes suivantes :
* 2 523,40 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la violation des droits à congés payés et de l’exécution déloyale du contrat de travail,
* 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que le taux légal d’intérêt court à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– dit que le changement d’affectation de M. [D] ne constitue pas une sanction disciplinaire,
– dit qu’il n’y a pas lieu d’annuler le changement d’affectation intervenu le 2 décembre 2019,
– débouté M. [D] de sa demande au titre de la communication de l’interpellation visée à la lettre de convocation à l’entretien préalable ainsi que du montant de l’astreinte afférente,
– débouté M. [D] de sa demande au titre de la sanction disciplinaire due au changement d’affectation,
– débouté M. [D] de sa demande tendant à l’annulation de la sanction disciplinaire intervenue le 2 décembre 2019,
– débouté M. [D] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour préjudice subi au titre du changement d’affectation,
-débouté la société Ceobus de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties au surplus de leurs demandes,
– dit qu’il y a lieu à exécution provisoire dans le respect des dispositions de l’article R 1454-28 du code du travail,
– mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de la société Ceobus.
Le 28 mars 2022, la société Ceobus a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, la société Ceobus demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que le changement d’affectation de M. [D] ne constitue pas une sanction disciplinaire,
– dit qu’il n’y a pas lieu d’annuler le changement d’affectation intervenu le 2 décembre 2019,
– débouté M. [D] de sa demande au titre de la communication de l’interpellation visée à la lettre de convocation à l’entretien préalable ainsi que du montant de l’astreinte afférent,
– débouté M. [D] de sa demande au titre de la sanction disciplinaire due au changement d’affectation,
– débouté M. [D] de sa demande tendant à l’annulation de la sanction disciplinaire intervenue le 2 décembre 2019,
– débouté M. [D] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour préjudice subi au titre du changement d’affectation
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit qu’il y a exécution déloyale du contrat de travail,
– l’a condamnée à verser à M. [D] les sommes suivantes :
* 2 523, 40 euros net au titre des dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la violation des droits à congés payés et de l’exécution déloyale du contrat de travail,
* 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que le taux légal d’intérêt court à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les éventuels dépens de l’instance à sa charge,
– et statuant à nouveau, débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu’aux éventuels dépens.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, M. [D] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– jugé que la société Ceobus a exécuté son contrat de travail de manière déloyale et a violé ses droits aux congés,
– condamné la société Ceobus à lui payer la somme de 2 523,40 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– condamné la société Ceobus à lui payer la somme de 1 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– jugé que les indemnités allouées porteront intérêt de droit à compter de l’introduction de la demande,
– jugé qu’il y a lieu à application des articles 1153-1 et 1154 du code civil au titre de l’anatocisme,
– infirmer le jugement pour le surplus,
– et statuant à nouveau : juger que le changement d’affectation à compter du 2 décembre 2019 constitue une sanction disciplinaire,
– juger que la société Ceobus n’a pas respecté la procédure disciplinaire,
– juger que la faute sanctionnée par la société Ceobus n’est pas caractérisée,
– en conséquence, annuler son changement d’affectation intervenu le 2 décembre 2019,
– condamner la société Ceobus à lui payer la somme de 7 570, 20 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– en tout état de cause, condamner la société Ceobus à lui payer la somme de 3 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Ceobus aux dépens, y compris les éventuels frais d’exécution du jugement à intervenir.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction est intervenue le 26 septembre 2023.
MOTIVATION
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
La société Ceobus fait valoir que la mention figurant sur le formulaire de demande d’autorisation d’absence ne porte pas débat. Elle précise que ce formulaire a vocation à informer les salariés de l’étendue de leurs droits en cas de fractionnement, qu’il s’agit d’un formalisme participant de la mise en oeuvre loyale du contrat de travail. Elle considère avoir respecté la volonté du salarié et qu’aucun manquement n’est caractérisé à son encontre. Elle conclut à l’absence de préjudice du salarié.
M. [D] indique qu’il a été poussé par son employeur à renoncer à ses droits à congés payés du fait du fractionnement, l’employeur ayant fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail, au vu des mentions figurant sur le formulaire de prise de congé mais également pour avoir cherché à le tromper quant à l’obligation d’accepter ces mentions. Il en déduit qu’il a subi un préjudice moral qui doit être réparé par l’allocation de dommages et intérêts.
Aux termes de l’article L. 3141-23 du code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3141-22 :
1° La fraction continue d’au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;
2° Le fractionnement des congés au delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes :
a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l’article L. 3141-19 peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;
b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l’ouverture du droit à ce supplément.
Il peut être dérogé au présent article après accord individuel du salarié.
Il ressort du dossier que le salarié a été amené à remplir une demande d’autorisation d’absence sur un imprimé portant la mention dactylographiée suivante : ‘durant la période du 1er juin au 31 octobre, seuls, des congés payés pourront être posés.
Si mes demandes de congés relatives à mes 24 jours de congés principaux (hors 5ème semaine) à poser sont inférieures à ces 24 jours, je prends acte que je ne pourrai bénéficier de l’octroi de jours supplémentaires’.
Ainsi, il résulte de cette mention une renonciation expresse individuelle du salarié au bénéfice de la majoration des congés correspondant aux jours de fractionnement, alors que cette mention, pré-rédigée par l’employeur figure en haut du formulaire et que la faculté de biffer cette mention n’est pas indiquée.
En outre, alors même que le salarié a le 20 mai 2019 renvoyé le formulaire après avoir biffé cette mention, l’employeur lui a rappelé par lettre du 11 juillet 2019 qu’il renonçait par sa demande d’autorisation d’absence à l’octroi de jours de congés supplémentaires.
Il s’en déduit que l’employeur a induit de façon déloyale le salarié à renoncer aux jours de fractionnement, en remplissant sa demande de congés.
Ainsi, le salarié a subi un préjudice moral résultant de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme de 2 523,4 euros nets à titre de dommages et intérêts. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Ceobus à payer à M. [D] cette somme à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la violation des droits à congés payés et de l’exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la qualification du changement d’affectation du 2 décembre 2019
Le salarié indique qu’il s’est vu notifier un changement d’affectation avec effet immédiat puisque son service habituel de ramassage scolaire lui a été retiré et qu’il a été affecté à un autre service. Il fait valoir que son contrat de travail prévoyait expressément une affectation aux transports scolaires et que la mesure ne constitue pas un simple changement de ses conditions de travail. Il ajoute que la mesure présente un caractère disciplinaire puisqu’elle est motivée par un comportement considéré comme fautif, peu importe qu’il s’agisse d’un simple changement des conditions de travail, et puisqu’il n’y a pas eu de délai de prévenance.
L’employeur fait valoir que le salarié n’était pas affecté spécifiquement au ramassage scolaire, que l’avenant à son contrat de travail ne fait pas référence au transport scolaire, et qu’il a pu être affecté sur d’autres lignes en 2019. L’employeur soutient que le changement d’affectation relève de la simple modification des conditions de travail, que cette décision relève du pouvoir de direction de l’employeur sans avoir à en justifier. Au surplus, l’employeur précise que le changement d’affectation était justifié par la volonté d’éviter que le comportement du salarié, pouvant légitimement être perçu comme inapproprié, n’entraîne des tensions auprès des usagers. L’employeur note qu’aucun délai de prévenance ne devait être respecté, le salarié n’étant pas un conducteur scolaire.
En application des dispositions de l’article L. 1331-1 du code du travail, lorsque le changement d’affectation d’un salarié résulte de faits considérés par l’employeur comme fautifs, ce changement d’affectation caractérise une sanction disciplinaire.
En l’espèce, le contrat de travail initial du salarié prévoyait qu’il conduisait les cars de transports scolaires, cependant, le 30 mai 1995, il a été promu par avenant, conducteur de car, sans référence au transport scolaire. L’employeur pouvait donc affecter le salarié à un transport non scolaire en vertu de son pouvoir de direction.
Cependant, le 2 décembre 2019, concomitamment à sa convocation à entretien préalable, le salarié s’est vu changer d’affectation avec effet immédiat alors qu’il avait essentiellement un service de ramassage scolaire depuis plus de quatre ans.
En outre, après l’entretien préalable, le 8 janvier 2020, l’employeur lui a envoyé une lettre de rappel à l’ordre, lui reprochant une certaine familiarité et un comportement inapproprié face à de jeunes filles.
Au vu de la concomitance entre la convocation et le changement d’affectation, de la nature des faits reprochés au salarié lors de son entretien préalable puis par lettre de rappel à l’ordre, le changement d’affectation du salarié résulte de faits, une certaine familiarité et un comportement inapproprié avec de jeunes filles, considérés par l’employeur comme fautifs, l’absence de respect d’un délai de prévenance étant, par ailleurs, inopérant.
Par conséquent, il y a lieu de qualifier de sanction disciplinaire le changement d’affectation du salarié.
Sur la demande d’annulation et de réparation de la sanction
Le salarié indique qu’il n’a pas été entendu et n’a pas pu répondre aux accusations à son encontre, de sorte que la procédure disciplinaire n’a pas été respectée. Il ajoute que l’unique élément antérieur à la sanction est un courriel d’un parent d’élève, dont l’identité n’est pas vérifiable et qui n’a pas été témoin des propos rapportés par son fils, sans élément précis et/ou daté, sans reproche de gestes déplacés ou de conséquences de son comportement, ce courriel ne constituant pas un témoignage. Il conteste les éléments postérieurs produits, émanant du même salarié M. [V] qui nourrissait une rancoeur à son encontre, les attestations étant discutables, et un film ayant été réalisé sans le consentement des mineurs et de leurs parents. Il fait valoir, s’agissant de la jeune fille filmée, qu’elle prend l’initiative de lui faire un câlin et que ses relations avec elle sont quasi-familiales. Il ajoute qu’il était apprécié tant par les élèves que par leurs parents. Il conclut que la sanction est irrégulière, tant sur la forme que sur le fond. Il considère subir un préjudice résultant de l’humiliation d’accusations portées à son encontre et de l’atteinte à sa réputation tant professionnelle que personnelle auprès des usagers.
L’employeur soutient qu’il a respecté la procédure en l’absence de sanction disciplinaire. Il fait valoir que le rappel à l’ordre était justifié, que le comportement du salarié pouvait légitimement être perçu comme inapproprié par des tiers, lesquels pouvaient s’interroger quant à l’existence d’une ambiguïté entretenue par un adulte à l’encontre d’une adolescente. Il précise que les faits sont établis par la vidéo, et qu’un rappel à l’ordre a été notifié au salarié afin qu’il adopte un comportement courtois et approprié, conforme au règlement intérieur. L’employeur conclut que le salarié ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice, ni de son quantum.
Aux termes de l’article L. 1332-1 du code du travail, aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.
Aux termes de l’article L. 1333-2 du code du travail, le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Il est établi que le 2 décembre 2019, le salarié a été sanctionné par un changement d’affectation, sans avoir été informé dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui. Ainsi, la procédure disciplinaire n’a pas été respectée par l’employeur, elle est donc irrégulière.
L’employeur verse aux débats une réclamation du 1er décembre 2019 d’un parent d’élève relatant les propos de son enfant de façon indirecte, se plaignant que le conducteur était très proche d’une élève, sans préciser l’identité de l’élève, ni la date des faits. Il produit également une vidéo montrant une jeune fille monter dans le bus et prendre l’initiative de faire la bise au conducteur et de lui faire un câlin. Il verse aux débats, en outre, trois courriers de M. [V], salarié, des 4, 9 et 12 décembre 2019, lesquels, soumis aux observations contradictoires des parties, doivent être retenus, la cour en appréciant la valeur probante. Il en ressort que ce dernier relate de façon indirecte les propos d’un élève quant à un comportement familier habituel avec une jeune fille qui le connaît et de façon générale avec les jeunes filles de façon imprécise, il ajoute avoir observé un comportement tactile inapproprié du salarié avec les collègues féminines de façon générale sans élément précis.
Le salarié critique le témoignage de M. [V], l’employeur recourant selon lui en cas de litige, à des attestations de complaisance de salariés, et M. [V] ayant déclaré à Mme [C], représentant syndical, avoir agi sur ordre de sa hiérarchie, cette dernière le confirmant dans son attestation.
Il produit, quant à lui, une pétition signée par environ quatre-vingt élèves ainsi qu’une pétition signée par une quinzaine de parents d’élèves déplorant son changement d’affectation et réclamant son retour à une affectation au ramassage scolaire. Il verse également aux débats trois attestations de parents d’élèves, anciens usagers de son service qui témoignent de sa courtoisie et de son professionnalisme.
Au vu des éléments produits par l’une et l’autre des parties, il est établi que le changement d’affectation du salarié est disproportionné, la vidéo montrant une jeune fille connaissant visiblement le salarié et prenant l’initiative de le saluer, les témoignages produits, indirects et imprécis n’étant pas suffisants pour caractériser un comportement inapproprié avec les jeunes filles.
La sanction prise étant irrégulière et disproportionnée, il convient donc de l’annuler.
Le salarié a subi, du fait de cette sanction irrégulière et disproportionnée, un préjudice moral résultant de l’atteinte à sa réputation au vu de la nature des accusations portées contre lui, qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme de 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts, somme que la société Ceobus sera condamnée à payer à M. [D] en réparation.
Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.
Sur le cours des intérêts
En application de l’article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires portent intérêts à compter du jour où elles sont allouées judiciairement.
Il convient de dire que les créances indemnitaires allouées par le conseil de prud’hommes produisent intérêts au taux légal à compter du jugement et les créances indemnitaires allouées par la présente cour produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit que le taux légal d’intérêts court à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
La capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière sera ordonnée.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
La société Ceobus succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra également régler une somme de 3 000 euros à M. [D] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Ceobus.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :
– dit que le taux légal d’intérêts court à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– débouté M. [Z] [D] de sa demande au titre de la sanction disciplinaire due au
changement d’affectation,
– débouté M. [Z] [D] de sa demande tendant à l’annulation de la sanction disciplinaire intervenue le 2 décembre 2019,
– débouté M. [Z] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi au titre du changement d’affectation,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que le changement d’affectation de M. [Z] [D] à compter du 2 décembre 2019 constitue une sanction disciplinaire,
Dit que la sanction est irrégulière et disproportionnée,
Annule le changement d’affectation de M. [Z] [D] à compter du 2 décembre 2019,
Condamne la société Ceobus à payer à M. [Z] [D] une somme de 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
Dit que les créances indemnitaires allouées par le conseil de prud’hommes produisent intérêts au taux légal à compter du jugement et les créances indemnitaires allouées par la présente cour produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière,
Condamne la société Ceobus aux dépens d’appel,
Condamne la société Ceobus à payer à M. [Z] [D] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Ceobus,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,