Arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 23 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10620

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Arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 23 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10620
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 23 JANVIER 2024

N°2024/

Rôle N° RG 22/10620 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZVJ

[I] [O]

C/

MDPH DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le : 23/01/2024

à :

– Me Laura PETITET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

– MDPH DU VAR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de TOULON en date du 21 Juin 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 22/113.

APPELANT

Monsieur [I] [O]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-006795 du 12/10/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laura PETITET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

MDPH DU VAR, demeurant [Adresse 1]

dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d’être représentée à l’audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2024.

ARRÊT

par arrêt contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2024

Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 6 avril 2021, M. [O] a sollicité la Maison Départementale des Personnes Handicapées du Var aux fins d’obtenir le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés.

Le 26 août 2021, la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées a reconnu qu’il présentait un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 50% et inférieur à 80% mais considéré qu’il ne présentait pas de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Par courrier du 24 septembre 2021, M. [O] a formé un recours gracieux, qui par décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées en date du 16 décembre 2021, a été rejeté.

Par requête en date du 4 février 2022, M. [O] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Toulon de sa contestation.

Par jugement rendu le 21 juin 2022, le tribunal a :

– débouté M. [O] de son recours à l’encontre de la décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées en date du 16 décembre 2021,

– débouté M. [O] de sa demande tendant à l’ouverture du droit à l’allocation aux adultes handicapés dans le cadre de sa demande de prise en charge du handicap du 6 avril 2021,

– laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Par courrier recommandé expédié le 21 juillet 2022, M. [O] a interjeté appel du jugement.

A l’audience du 7 décembre 2023, M. [O] reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour-même. Il demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– infirmer la décision de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées en date du 16 décembre 2021,

– dire qu’il connaît une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi lui permettant d’obtenir le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés,

– prononcer l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés et enjoindre à la Maison Départementale des Personnes Handicapées du Var de lui allouer l’allocation à compter du mois d’avril 2021,

– condamner la Maison Départementale des Personnes Handicapées à verser à Maître Petitet, son avocat, la somme de1.800 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l’appelant indique qu’il lui est reconnu un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 50% et inférieur à 80% qu’il ne discute pas et explique que son instabilité professionnelle est due à son handicap. Il s’appuie sur des certificats médicaux pour démontrer que l’anxiété invalidante permanente, la perte de la force de sa main gauche, des douleurs régulières et les troubles dans les relations sociales qu’il présente ont un retentissement sur son emploi dès lors qu’il ne peut pas rester debout ou assis de façon prolongée et que ses relations sociales sont troublées. Il justifie avoir occupé des emplois de courte durée pour démontrer qu’il ne peut conserver un poste de façon durable, du fait de sa difficulté à entretenir des relations sociales normales avec les clients, ses collègues, sa hiérarchie et qu’il est contraint de postuler dans un autre restaurant ne connaissant pas son handicap pour espérer travailler quelques jours. Il fait valoir qu’il a une formation de serveur et que, sans son handicap, il serait aisément inséré dans le secteur de la restauration qui est actuellement en pénurie de main d’oeuvre.

La Maison Départementale des Personnes Handicapées, dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions adressées par courrier daté du 8 novembre 2023. Elle demande à la cour de confirmer le jugement.

Au soutien de sa prétention, elle fait valoir qu’il n’est pas démontré que le requérant soit dans une démarche personnelle avérée d’insertion professionnelle, les conséquences professionnelles de son handicap et les éléments pouvant les limiter, par l’aménagement de poste de travail, l’adaptation des conditions de travail ou tout autre aide dont la mise en place pourrait être envisagée, n’étant pas établies.

Il convient de se reporter aux écritures reprises oralement par les parties à l’audience pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L.821-1 du code de la sécurité sociale prévoit que toute personne dont l’incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé à 80 % perçoit, dans les conditions prévues au titre II du Livre VIII, une allocation aux adultes handicapés.

L’article L.821-2 poursuit en prévoyant que l’allocation au adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit les conditions suivantes :

– une incapacité permanente qui, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l’article L.821-1, est supérieure ou égale à 50 % conformément aux dispositions de l’article D.821-1 du code de la sécurité sociale,

– et une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, compte tenu de son handicap.

En l’espèce, il n’est pas discuté par les parties que M. [O] présente un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 50% et inférieur à 80%.

Il convient donc de vérifier si le requérant présente une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi dans un temps contemporain de la demande du 6 avril 2021.

L’article D.821-1-2 du Code de la sécurité sociale précise que :

‘ (…)1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d’accès à l’emploi. A cet effet, sont à prendre en considération:

a) Les déficiences à l’origine du handicap ;

b) Les limitations d’activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d’activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d’accès à l’emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d’une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d’accès à l’emploi.

2° La restriction pour l’accès à l’emploi est dépourvue d’un caractère substantiel lorsqu’elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l’article L.114-1du code de l’action sociale et des familles qui permettent de faciliter l’accès à l’emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d’être apportées aux besoins d’aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d’emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d’adaptation dans le cadre d’une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu’elle est d’une durée prévisible d’au moins un an à compter du dépôt de la demande d’allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n’est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l’application du présent article, l’emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s’entend d’une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi :

a) L’activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l’article L.243-4du code de l’action sociale et des familles ;

b) L’activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets hdu handicap du demandeur ;

c) Le suivi d’une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d’une décision d’orientation prise par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L.241-5 du code de l’action sociale et des familles.’

Il ressort du certificat médical établi le 4 février 2021 par le docteur [R], médecin généraliste, en vue de la demande d’allocation aux adultes handicapés litigieuse, que le requérant a besoin d’aide pour faire le ménage et entretenir les vêtements, et a besoin d’aide dans ses relations avec les autres. L’impossibilité de travailler signalée par le médecin est liée à une douleur continue, à la difficulté de tenir la position debout/assis/allongé de façon prolongée, de marcher et se baisser et de porter des charges lourdes, du fait de douleurs chroniques invalidantes lombarthrosiques.

S’il y est indiqué que le requérant présente un syndrome anxio-dépressif résultant de la difficulté de s’occuper de sa fille de trois ans, aucune incidence sur la situation professionnelle n’est constatée.

Néanmoins, il résulte du certificat médical du docteur [P], psychiatre, en date du 11 octobre 2021, qu’il suit régulièrement le requérant depuis le 24 juin 2021 pour des troubles psychopathologiques d’évolution ancienne et faisant toujours l’objet de traitements spécialisés. Le médecin explique qu’il présente un déséquilibre psychopathique grave à l’origine d’une instabilité socio-professionnelle sévère, de conduites à risques et d’addiction à l’alcool, au cannabis et aux opiacés. Il précise que, s’inscrivant dans une structure de personnalité borderline, la rémission due à la responsabilité qui lui a été donnée en obtenant la garde exclusive de sa fille de trois ans, demeure fragile et nécessite un étayage médico-social important. Il y est encore indiqué qu’ ‘il est anxieux, sujet à des fluctuations d’humeur et du caractère, des troubles du sommeil et son rapport à la réalité n’est pas toujours adapté’.

Il résulte de ces constatations médicales que l’incidence professionnelle du handicap de M. [O], lié à la difficulté de tenir la position debout/assis/allongé de façon prolongée et à ses conduites à risques, existe depuis plusieurs années au jour de la demande et est susceptible de durer plus d’un an après la demande du 6 avril 2021.

De surcroît, il est produit des certificats de travail permettant de vérifier que M. [O] a travaillé en qualité de serveur dans des restaurants à chaque fois différents :

– en 2018 :

– 3 jours du 31 avril au 2 mai 2018,

– en 2019 :

– 10 jours du 13 au 23 avril 2019,

– 10 jours du 1er au 10 mai 2019,

– 14 jours en période d’essai non concluante du 3 au 17 juin 2019,

– 3 jours du 1er au 4 juillet 2019,

– 14 jours du 11 au 25 juillet 2019,

– en 2021 :

– 2 mois du 1er juillet au 31 août 2021

– en 2023 :

– 9 jours du 9 au 18 janvier 2023.

Il justifie ainsi qu’au jour où la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées statuait, il avait multiplié les expériences professionnelles, sans être capable de conserver un emploi plus de quelques jours ou sur une période très courte, c’est-à-dire sans être capable de conserver un emploi stable, et objective donc l’analyse du psychiatre dans son certificat du 11 octobre 2021, selon laquelle l’intéressé ne peut conserver une activité professionnelle du seul fait de son handicap.

Les caractères substantiel et durable de la restriction de l’accès à l’emploi sont ainsi suffisamment établis par M. [O], et l’allocation aux adultes handicapés devra lui être attribuée sur le fondement de l’article L.821-2 du Code de la sécurité sociale.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

 

La Maison Départementale des Personnes Handicapées , succombant à l’instance, supportera les éventuels dépens de l’appel, en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.

En application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la Maison Départementale des Personnes Handicapées sera également condamnée à verser à Maître Petitet, avocat de M. [O] bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de1.800 euros à titre d’émoluments sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

PAR CES MOTIFS,

 

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [O] présente un taux égal ou supérieur à 50% et inférieur à 80% avec restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi qui lui ouvre droit à l’allocation aux adultes handicapés pendant trois ans à compter du 1er mai 2021,

Condamne la Maison Départementale des Personnes Handicapées à verser à Maître Petitet, avocat de M. [O], la somme de 1.800 euros à titre d’émoluments, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat,

Condamne la Maison Départementale des Personnes Handicapées aux dépens de la première instance et de l’appel.

 

La greffière La présidente

 


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