Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 26 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00410

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Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 26 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00410
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ARRÊT DU

26 Avril 2023

DB / NC

———————

N° RG 22/00410

N° Portalis DBVO-V-B7G -C73Z

———————

[B] [D] épouse [D]

[F] [D]

C/

SA FRANFINANCE

——————

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 193-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [F] [D]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 8] (Algérie)

de nationalité française, retraité

Madame [B] [D] épouse [D]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 7] (Algérie)

de nationalité française, retraitée

domiciliés ensemble : [Adresse 3]

[Localité 6]

représentés par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, DBM & AVOCATS, avocate plaidante au barreau de BORDEAUX

APPELANTS d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 05 avril 2022, RG 21/00224

D’une part,

ET :

SA FRANFINANCE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS NANTERRE 719 807 406

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Sylvia GOUDENÈGE-CHAUVIN, cabinet MARTIAL RLGC, avocate postulante au barreau d’AGEN

et Me Isabelle THULLIEZ, avocate plaidante au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMÉE

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 08 février 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

FAITS :

Selon bon de commande signé le 29 juillet 2019, [F] [D] a passé commande auprès de la SARL Sibel Energie (se dénommant également parfois NJCE) de la fourniture et de l’installation, sur une maison dont il est propriétaire à [Localité 6] (47), d’une centrale solaire photovoltaïque d’une puissance totale de 3 000 wc composée de 10 panneaux, pour un prix de 15 900 Euros TTC.

Il y est indiqué que l’électricité produite par la centrale est destinée à l’autoconsommation et que les démarches administratives (mairie, ‘Consuel’, démarches administratives auprès d’Enedis) font partie de la prestation.

Pour financer cette installation, le même jour, [F] [D] et son épouse [B] [D] épouse [D] (les époux [D]) ont souscrit un emprunt affecté d’une somme de 15 900 Euros auprès de la SA Franfinance, remboursable après différé d’amortissement de 4 mois, en 149 échéances de 168,50 Euros, assurance incluse, au taux débiteur annuel fixe de 4,70 %.

La centrale a été livrée et installée.

Le 23 août 2019, M. [D] a signé un procès-verbal de réception sans réserve de l’installation ainsi qu’une ‘attestation de livraison, demande de financement’ indiquant :

‘L’acheteur a demandé, conformément aux modalités légales (art. L. 312-7 du code de la consommation), la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services et autorise ainsi Franfinance à régler le vendeur en une seule fois.’

L’attestation de conformité a été établie le 9 septembre 2019 par la SARL Sibel Energie.

A compter de mai 2020, les époux [D] ont été défaillants dans les remboursements de l’emprunt.

Après mises en demeure restées infructueuses adressées à chacun des époux [D], la déchéance du terme de l’emprunt a été acquise.

Une injonction de payer la somme de 18 395,44 Euros a été rendue à leur encontre le 8 avril 2021.

Par acte du 12 mai 2021, les époux [D] ont fait opposition à cette injonction et l’affaire a été appelée, entre eux et la SA Franfinance, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Agen.

Les époux [D] ont sollicité, à titre principal, le prononcé d’un sursis à statuer dans l’attente des résultats d’une plainte qu’ils ont déclaré avoir déposée et, subsidiairement la résolution du contrat de crédit au motif qu’ils ne savent ni lire ni écrire.

Par jugement rendu le 5 avril 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Agen a :

– déclaré recevable l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer,

– mis à néant l’ordonnance portant injonction de payer,

– statuant à nouveau,

– débouté M. [D] [F] et Mme [D] [B] de leur demande de sursis à statuer,

– condamné solidairement M. [D] [F] et Mme [D] [B] à payer à la SA Franfinance la somme de 16 824,26 Euros selon décompte au 18 décembre 2020 avec intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure, outre un Euro au titre de la clause pénale,

– dit que les sommes versées antérieurement et non comptabilisées dans le présent décompte devront être déduites du montant de la condamnation,

– débouté M. [D] [F] et Mme [D] [B] de l’ensemble de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté le surplus des demandes,

– condamné M. [D] [F] et Mme [D] [B] in solidum aux entiers dépens,

– rappelé l’exécution provisoire.

Le tribunal a estimé que la lettre de plainte simple déposée entre les mains du procureur de la République d’Agen ne mettait en cause que la SARL NJCE et non la banque ; que le contrat principal n’était pas susceptible d’annulation faute de mise en cause de cette société ; qu’en apposant leur signature sur le contrat de crédit, les époux [D] se sont engagés ; et qu’il n’existait aucun manquement au devoir de mise en garde auquel le banquier était tenu.

Par acte du 20 mai 2022, [F] [D] et [B] [D] épouse [D] ont déclaré former appel du jugement en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu’ils citent dans leur acte d’appel.

La clôture a été prononcée le 14 décembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 8 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions d’appelants notifiées le 22 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [F] [D] et [B] [D] épouse [D] présentent l’argumentation suivante :

– Il est nécessaire de surseoir à statuer sur la demande de la SA Franfinance :

* ils ont déposé plainte à l’encontre de la SARL Sibel Energie pour escroquerie le 13 décembre 2019 auprès du procureur de la République.

* une enquête a été ouverte par le parquet sous le n° 2007800054 et le procureur d'[Localité 6] s’est dessaisi au profit de celui de Bobigny où se trouve le siège social de la SARL Sibel Energie.

* la décision qui sera rendue sur cette plainte pénale aura une influence nécessaire sur le bien fondé des demandes présentées par la SA Franfinance compte tenu que l’article L. 311-1-11° du code de la consommation dispose que le contrat principal et le crédit affecté constituent une opération commerciale unique.

– Le contrat de prêt est nul : ils ne savaient ni lire ni écrire lorsqu’ils ont signé le contrat de prêt.

– La banque a manqué à son obligation de mise en garde :

* elle prétend avoir consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, mais ne produit qu’un document tronqué pour en justifier.

* elle a omis de prendre en compte le remboursement en cours de leur emprunt immobilier.

* finalement, le crédit leur a été accordé sans vérification de leur solvabilité.

Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :

– réformer le jugement,

– ordonner un sursis à statuer dans l’attente de la procédure pénale en cours suite à la plainte qu’ils ont déposé à l’encontre de la société NJCE,

– rejeter les demandes présentées par la SA Franfinance,

– subsidiairement :

– prononcer la nullité du contrat de crédit,

– très subsidiairement :

– prononcer la résolution du contrat de crédit,

– condamner la SA Franfinance à leur payer la somme de 17 037,21 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et financier,

– ordonner la compensation entre les sommes qu’ils doivent à la SA Franfinance et ces dommages et intérêts,

– en tout état de cause :

– condamner la SA Franfinance à leur payer la somme de 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux dépens.

*

* *

Par conclusions d’intimée notifiées le 5 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SA Franfinance présente l’argumentation suivante :

– La demande de sursis à statuer n’est pas justifiée :

* l’article 4 du code de procédure pénale ne prévoit la possibilité de surseoir à statuer que si l’action publique est mise en mouvement et si la décision à intervenir sur le plan pénal est susceptible d’exercer une influence sur la solution du procès civil.

* les époux [D] ont signé les documents contractuels en toute connaissance de cause.

– Le contrat de prêt ne peut être résolu :

* il a été signé régulièrement.

* elle a accordé le crédit sollicité au vu des déclarations effectuées par les emprunteurs qui n’ont pas déclaré supporter des charges particulières.

Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples ‘dire et juger, constater’ qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elle demande à la Cour de :

– confirmer le jugement

– condamner solidairement les époux [D] à lui payer la somme de 17 037,21 Euros avec intérêts au taux de 4,70 % l’an à compter du 11 décembre 2020,

– subsidiairement, en cas d’annulation du contrat de crédit,

– les condamner solidairement à lui payer la somme de 15 900 Euros,

– en toute hypothèse :

– les condamner solidairement à lui payer la somme de 2 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux dépens incluant le coût de la procédure d’injonction de payer.

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MOTIFS :

1) Sur la demande de sursis à statuer :

En premier lieu, il est constant que les époux [D] se sont limités à déposer plainte devant le procureur de la République d'[Localité 6] par lettre du 13 décembre 2019.

Ils n’ont ainsi pas mis en mouvement l’action publique.

En deuxième lieu les griefs formulés par les époux [D], dans cette plainte, à l’encontre de la SARL Sibel Energie ne sont pas susceptibles d’aboutir, dans la présente instance, à l’annulation ou la résolution du bon de commande signé le 29 juillet 2019 faute de mise en cause de cette société.

En troisième lieu, dès lors qu’il est constant que les époux [D] ont signé le contrat de crédit affecté et donné instruction à la SA Franfinance de verser le capital emprunté à la SARL Sibel Energie, les griefs qu’ils formulent à l’encontre des préposés de cette société dans leur lettre de plainte n’imposent pas la suspension de l’instance en paiement intentée par la SA Franfinance.

En conséquence, le jugement qui a refusé de surseoir à statuer doit être confirmé.

2) Sur la demande d’annulation du contrat de crédit :

Les époux [D] ont régulièrement apposé leur signature sur le contrat de crédit, les documents annexes, et M. [D] a signé l’ordre de versement du capital emprunté à la SARL Sibel Energie.

Ils n’apportent strictement aucune preuve de leurs affirmations selon lesquelles ils se seraient engagés sans comprendre la portée de leurs engagements.

En effet, il ne suffit pas de prétendre ne pas savoir lire ni écrire pour obtenir annulation de contrats régulièrement signés, les personnes dans cette situation pouvant se faire assister et, en tout état de cause, devant se faire expliquer les documents avant de les signer.

D’ailleurs :

– dans sa lettre de plainte, Mme [D] a expliqué avoir demandé à sa fille de l’inscrire sur une annonce publicitaire pour faire installer des panneaux photovoltaïques et c’est suite à cette annonce qu’elle a été contactée par la SARL Sibel Energie, ce qui atteste que les époux [D] ont voulu faire installer ce type de matériel.

– ils ne contestent pas avoir accepté la livraison et l’installation de la centrale photovoltaïque, ce qui atteste de leur connaissance de la commande passée et de son financement.

Le jugement qui a rejeté la demande d’annulation du contrat de crédit doit être confirmé.

Les époux [D] doivent par conséquent être condamnés à payer les sommes restant dues, incluant l’indemnité contractuelle de 1 297,10 Euros qui n’a aucun caractère manifestement excessif de sorte que le jugement doit être réformé sur le montant alloué.

3) Sur l’obligation de mise en garde :

En sus du contrat de crédit affecté, la SA Franfinance dépose aux débats la ‘fiche d’informations et de conseils sur l’assurance emprunteur’ et la notice d’information du contrat d’assurance groupe auxquels les époux [D] ont adhéré.

Chacun des époux [D] a signé la fiche ‘d’informations européennes normalisée en matière de crédit aux consommateurs et les explications requises par la réglementation’ qui mentionne en son en-tête ‘un crédit vous engage et doit être remboursé, vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager’ et détaille le crédit proposé.

Ils ont également signé une ‘fiche de dialogue’ dans laquelle ils ont mentionné que M. [D] dispose mensuellement de ressources de 1 000 Euros et son épouse de 600 Euros et qui précise qu’ils ne remboursent pas d’emprunt immobilier, de sorte qu’ils ne sont pas recevables à prétendre désormais le contraire.

A cette fiche ont été joints les justificatifs d’identité des époux [D] ainsi que leur avis d’imposition 2018 et une facture EDF.

La banque dépose également la justification de la consultation du fichier national recensant les incidents de remboursement des crédits aux particuliers, étant précisé qu’il est constant qu’alors les époux [D] n’y étaient pas inscrits.

Au vu de ces éléments, l’octroi d’un crédit avec remboursements mensuels de 168,50 Euros générait d’autant moins de risque d’endettement, que la centrale photovoltaïque destinée à l’autoconsommation allait permettre aux emprunteurs de faire des économies d’électricité en produisant la leur.

En l’absence de risque d’endettement, la SA Franfinance n’était tenue d’aucune obligation de mise en garde.

Le jugement doit également être confirmé sur ce point.

Enfin, l’équité permet de condamner les appelants à payer à l’intimée la somme de 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

– CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :

– condamné solidairement M. [D] [F] et Mme [D] [B] à payer à la SA Franfinance la somme de 16 824,26 Euros selon décompte au 18 décembre 2020 avec intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure, outre un Euro au titre de la clause pénale,

– dit que les sommes versées antérieurement et non comptabilisées dans le présent décompte devront être déduites du montant de la condamnation,

– STATUANT A NOUVEAU sur le point infirmé,

– CONDAMNE solidairement [F] [D] et [B] [D] épouse [D] à payer à la SA Franfinance :

1) 17 037,21 Euros avec intérêts au taux de 4,70 % l’an à compter du 11 décembre 2020 au titre des sommes restant dues sur l’emprunt souscrit le 29 juillet 2029,

2) 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– CONDAMNE solidairement [F] [D] et [B] [D] épouse [D] aux dépens de l’appel.

– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.

La Greffière, Le Président,

 


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