COUR D’APPEL
DE VERSAILLES
Code nac : 14C
N°
N° RG 22/03809 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VHXQ
( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)
Copies délivrées le :
à :
M. [S]
Me MAYET
EPS ERASME
PROCUREUR GENERAL
ORDONNANCE
LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous, Juliette LANÇON, conseiller à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d’hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assistée de Céline KOC, greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [D] [S]
EPS Erasme
comparant, assisté de Me Raphaël MAYET, avocat au barreau de VERSAILLES
APPELANT
ET :
EPS ERASME
143, avenue Armand Guillebaud
92161 ANTONY CEDEX
INTIME non comparant
ET COMME PARTIE JOINTE :
M. LE PROCUREUR GENERAL
A l’audience publique du 17 Juin 2022 où nous étions assistée de Madame Céline KOC, greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Monsieur [D] [S], né le 10 décembre 1986 à Pau a fait l’objet le 17 janvier 2022 d’une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d’une hospitalisation complète, au centre hospitalier Erasme à Antony, sur décision du directeur d’établissement, en application des dispositions de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, à la demande d’un tiers, en la personne de Monsieur [J] [S], son père.
Le 30 janvier 2022, Monsieur le directeur du centre hospitalier Erasme à Antony a saisi le juge des libertés et de la détention afin qu’il soit statué conformément aux dispositions des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.
Par ordonnance du 27 janvier 2022, le juge des libertés et de la détention de Nanterre a ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète.
La mesure d’hospitalisation sous contrainte a été levée le 3 février 2022 et un programme de soins était mis en place.
Par ordonnance du 14 février 2022, la cour a déclaré l’appel de Monsieur [D] [S] recevable, infirmé l’ordonnance entreprise, écarté le certificat médical circonstancié en date du 26 janvier 2022, envoyé par le centre hospitalier Erasme en cours de délibéré, dit n’y avoir lieu à statuer sur les moyens d’irrégularité soulevés et maintenu le programme de soins de Monsieur [D] [S].
Par requête du 25 mai 2022, le conseil de Monsieur [D] [S] sollicitait la mainlevée du programme de soins de ce dernier.
Par ordonnance en date du 31 mai 2022, le juge des libertés et de la détention de Nanterre a rejeté la requête en mainlevée du programme de soins contraints en date du 25 mai 2022.
Appel a été interjeté le 9 juin 2022 par le conseil de Monsieur [D] [S].
Monsieur [D] [S], l’établissement Erasme à Antony et Monsieur [J] [S] ont été convoqués en vue de l’audience.
Le procureur général représenté par Michel SAVINAS, avocat général, a visé cette procédure par écrit le14 juin 2022 et a dit que le certificat médical de situation du 30 mai 2022 n’est nullement contradictoire, que le document du 2 mai 2022 fourni par le docteur [J] ne peut s’analyser comme un certificat médical et qu’il ne ressort pas du certificat médical du docteur [J] du 7 mai 2022 que ce dernier ait examine le patient et dont le suivi peut être questionné dans la mesure où le patient a été placé en hospitalisation complète en janvier 2022 pour rupture de traitement.
L’audience s’est tenue le 16 juin 2022 en audience publique.
A l’audience, bien que régulièrement convoqué, le centre hospitalier Erasme n’a pas comparu.
Le conseil de Monsieur [D] [S] a demandé à la cour de lever le programme de soins de ce dernier, indiquant que les avis médicaux mensuels étaient des avis ne résultant pas de l’examen du patient, y compris celui du 30 mai 2022 du docteur [R] qui indique tout à la fois qu’il a examiné Monsieur [D] [S] et que le certificat est basé SUR des obervations dans la mesure où le patient n’a pas pu être convoqué. Il a ajouté que les seuls certificats médicaux résultant de l’examen de Monsieur [D] [S] sont ceux produits par le docteur [J], qui suit ce dernier en libre depuis plusieurs années.
Monsieur [J] [S], père du patient et tiers demandeur de la mesure inItiale, a souhaité qu’un courrier soit lu à l’audience. Il y était indiqué que pour lui l’obligation de soins est absolument nécessaire pour éviter un dégradation de son état, que son fils refusait sa maladie, qu’il y a un an le CMP d’Antony a transféré le dossier de suivi au docteur [J], que le suivi par ce médecin était assez lâche et qu’au bout d’un moment, son fils n’avait plus de traitement, que son état s’est dégradé se traduisant par une augmentation de son agréssivité et un accroissement d’un sentiment de persécution, qu’il a été hospitalisé et que l’expérience de suivi par le docteur [J] a donc déjà été faite et a conduit à une dégradation inquiétante de son état.
Monsieur [D] [S] a dit qu’il existait un conflit familial depuis 10 ans, qu’il n’était pas schizophrène mais qu’il avait des troubles anxieux, qu’il a porté plainte contre un commissaire qui a inventé une plainte à son encontre, que son père ne l’a pas défendu dans cette affaire, qu’il a besoin de soins mais pas à vie, qu’il prend un traitement mensuel avec une piqûre, qu’il peut faire cette piqûre chez le docteur [J], qui est son médecin psychiatre, qu’il a porté plainte contre usurpation d’identité, qu’il n’a pas été examiné par un médecin et qu’ils faisaient des faux contre lui.
L’affaire a été mise en délibéré.
Le centre hospitalier Erasme à Antony a communiqué en cours de délibéré un avis médical de situation en date du 16 juin 2022, qui sera écarté des débats, n’ayant pas été autorisé par le juge, en application de l’article 445 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’appel
L’appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
SUR LE FOND
Il convient de rappeler qu’au terme des dispositions de l’article L3211-2-1 du code de la santé publique une personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est dite en soins psychiatriques sans consentement. La personne est prise en charge :
1° Soit sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du présent code ;
2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1.
L’article L. 3212-7 du code de la santé publique dispose qu’à l’issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application du deuxième alinéa de l’article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l’établissement pour des périodes d’un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article.
Dans les trois derniers jours de chacune des périodes mentionnées au premier alinéa, un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires. Ce certificat médical précise si la forme de la prise en charge de la personne malade décidée en application de l’article L. 3211-2-2 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen de la personne malade, le psychiatre de l’établissement d’accueil établit un avis médical sur la base du dossier médical.
En l’espèce, Monsieur [D] [S] est sorti le 3 février 2022 en programme de soins. Il est versé au dossier les certificats mensuels du 21 février 2022, avec une décision de maintien du 21 février 2022, du 18 mars 2022, avec un décision de maintien du 21 mars 2022, avec une tentative de notification le 28 mars avec un refus de signer et du 19 avril 2022 avec une décision de maintien du 20 avril 2022. Ces certificats mensuels sont des avis médicaux, il est en effet indiqué dans l’avis du 30 mai 2022 du docteur [R] qu’à sa sortie le 02 février 2022, le patient demeure très revendiquant, son discours est plutôt cohérent et adapté à la réalité, il a eu une injection retard et à sa demande la prise en charge se poursuit sous la forme d’un programme de soin avec l’obligation de recevoir son traitement retard tous les 28 jours au CMP. Depuis le patient ne s’est pas présenté au CMP, il persiste des troubles du comportement en lien avec des idées de persécution centrées sur don père et l’hôpital. Il a néanmoins accepté l’injection retard qui a été réalisée lors d’une visite à domicile. Il est ainsi indiqué que les avis médicaux ont été rédigés en l’absence de Monsieur [D] [S], ce dernier ne s’étant pas présenté aux rendez-vous. Il est par contre venu au rendez-vous au mois de mai 2022 puisque le certificat médical en date du 20 mai indique le patient est informé de manière adapté à son état le 20 mai 2022 du projet de maintien de soins psychiatriques sous la forme définie par le présent certificat et a été mis à même de faire valoir ses observations par tout moyen adapté et de manière appropriée à cet état.
Le certificat médical du docteur [R] du 30 mai 2022 indique : Certificat établi sur la base d’observations. Devant le délai imparti, le patient n’a pas pu être convoqué pour ce certificat médical. Il est indiqué en tête de ce certificat que le docteur [R] a « examiné » Monsieur [D] [S] mais il est bien précisé que le certificat a été effectué sur la base d’observations, à la fois sur le parcours du patient qui est connu et suivi depuis de nombreuses années et lors des visites mensuelles réalisées, de sorte qu’il n’y a aucune irrégularité.
L’avis médical établi le 13 juin 2022 par le docteur [Y] pour la cour indique : avoir constaté au cours des visites à domicile mensuelles, la dernière en date du 20 mai et des téléconsultations régulières, la dernière en date du 10 juin 2022. Patient suivi depuis plusieurs années. Récente hospitalisation dans le cadre d’une rupture de traitement, pour troubles du comportement et syndrome délirant persécutif auquel il adhère complètement. Monsieur [S] est dans le déni de ses troubles et est très réticent à prendre un traitement, nécessaire pour apaiser ses troubles. Il reste très opposant aux soins. A noter un antécédent de passage à l’acte suicidaire grave en 2012 dont il porte encore les séquelles.
Il est également indiqué le patient a été informé, de manière adaptée à son état, le 10/06/2022 en téléconsultation, du projet de maintien des soins psychiatriques sous la forme définie par le présent certificat et a été mis à même de faire valoir ses observations par tout moyen adapte et de manière appropriée à cet état.
En conséquence, même si les avis mensuels n’ont pu être rédigés toujours après avoir examiné le patient, ce dernier a été vu à domicile par les psychiatres qui ont donc assuré son suivi.
Le conseil de Monsieur [D] [S] verse aux débats un certificat médical du docteur [H] en date du 16 avril 2016 qui indique que Monsieur [D] [S] possède ce jour l’intégralité de ses fonctions intellectuelles, son jugement, son attention, sa mémoire et son orientation temporo-spatiale sont dans la norme, comme ses facultés cognitives, et au total il ne présente ce jour, et en dehors de toute antériorité, aucune maladie mentale, ni délirante, ni hallucinatoire, ni dépressive. Il convient de préciser que ce certificat date de 2016 et ne peut en aucun cas attester de l’état de santé actuel de Monsieur [D] [S].
Il est versé également un document du docteur [J] en date du 2 mai 2022 indiquant « je vous fais parvenir un certificat concernant Monsieur [D] [S] afin que je puisse assurer le programme de soins sont il serait l’objet » et un certificat médical du 7 mai 2022 qui dit « je soussigné certifie suivre monsieur [S] depuis de nombreuses années. J’assumais l’abord psychologique, le CMP recevant ce patient uniquement par un traitement médicamenteux. Il y a quelques mois, à la demande du CMP, j’ai assuré aussi le traitement médicamenteux lorsque sans prévenir ce même CMP a subitement décidé de reprendre à sa charge ce patient. Il s’en ait suivi un imbroglio préjudiciable et perturbant. Je sollicite la possibilité de « conduire » ce programme de soins ». Il convient en premier lieu de noter que le docteur [J] qui est psychiatre et psychothérapeute de ville n’indique pas avoir examiné Monsieur [S] sur son état actuel, à la différence du docteur [Y]. Ensuite, le docteur [J] indique suivre Monsieur [D] [S] sur le volet psychologique, ce qui est différent du volet psychiatrique et avoir été à un moment en charge du traitement médicamenteux qui lui avait été confié par le CMP d’Antony. Il ressort des pièces de la procédure que lorsque Monsieur [S] a été suivi pour le traitement médicamenteux par le docteur [J], il l’a arrêté et a rechuté, ce qui a entraîné un nouveau placement en hospitalisation complète en janvier 2022, ce qui interroge sur la pertinence d’un suivi par ce médecin de ville.
Au contraire, il ressort des différents certificats médicaux au dossier établis par les psychiatres du CMP de l’hôpital d’Antony que ces derniers, lorsque Monsieur [D] [S] ne s’est pas présenté au CMP pour ses rendez-vous mensuels, qu’ils se sont rendus à son domicile pour assurer la continuité du programme de soins dont ils estiment que Monsieur [D] [S] a besoin, qu’ils ont également eu recours à des téléconsultations et qu’il surveillent le traitement médicamenteux. Ces médecins concluent à la nécessité de poursuivre le programme de soins actuels.
En conséquence, les deux certificats médicaux précités des 30 mai et 10 juin 2022 sont suffisamment précis et circonstanciés pour justifier que le programme de soins de Monsieur [D] [S] soit maintenu.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance réputée contradictoire,
Déclarons l’appel du conseil de Monsieur [D] [S] recevable,
Confirmons l’ordonnance entreprise,
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Juliette LANÇON, conseiller
Céline KOC, greffier
LE GREFFIERLE CONSEILLER