Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/18657 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYBH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 mai 2019 – Tribunal d’Instance de PARIS – RG n° 11-19-002385
APPELANT
Monsieur [X] [S]
né le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 6] (11)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
assisté de Me Jean-Christophe POMMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0112
INTIMÉE
La société ARKEA DIRECT BANK dont l’une des enseignes est FORTUNEO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 384 288 890 00179
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l’ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Christophe BACONNIER, Président de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [X] [S] a ouvert dans les livres de la société Arkea Direct Bank exerçant sous l’enseigne Fortuneo, un compte de dépôt suivant convention du 16 novembre 2017.
Après avoir déposé un premier versement de 300 euros, le titulaire du compte a fait fonctionner celui-ci en ligne débitrice dès le mois de janvier 2018.
En l’absence de régularisation, la société Arkea Direct Bank a fait assigner M. [S] devant le tribunal d’instance de Paris, par acte d’huissier en date du 18 février 2019, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– 10 100,19 euros outre les intérêts au taux de 16 % à compter de la mise en demeure du 9 avril 2018 au titre du solde débiteur d’un compte de dépôt, avec capitalisation des intérêts échus,
– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Devant le premier juge, la forclusion a été mise dans le débat d’office.
Par jugement réputé contradictoire du 9 mai 2019 auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le tribunal d’instance de Paris a rendu la décision suivante :
« Déclare que l’action en paiement de la société Arkea Direct Bank n’est pas atteinte par la forclusion prévue à l’article R-312-35 du code de la consommation.
Condamne M. [S] à payer à la société Arkea Direct Bank la somme de 9 556,98 euros outre intérêts au taux légal à compter de ce jour.
Déboute la société Arkea Direct Bank de ses autres demandes.
Condamne M. [S] à payer à la société Arkea Direct Bank la somme de 300 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [S] aux dépens.
Ordonne l’exécution provisoire ».
Le tribunal a principalement retenu que le débiteur doit être condamné au paiement de la somme due en raison du solde débiteur du compte ayant pour titulaire M. [S], étant attestée par la convention d’ouverture de compte bancaire dans les livres de la société Arkea Direct Bank sous n° [XXXXXXXXXX04].
M. [S] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 7 octobre 2019.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 1er mars 2022, M. [S] demande à la cour de :
« Infirmer la décision déférée,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
DÉCLARER M. [S] non signataire de la convention d’ouverture du compte bancaire ouvert dans les livres de la société Arkea Direct Bank sous n° [XXXXXXXXXX04],
JUGER que M. [S] n’est pas titulaire du compte bancaire ouvert dans les livres de la société Arkea Direct Bank sous n° [XXXXXXXXXX04] abusivement au nom de M. [X] [S],
ORDONNER à la société Arkea Direct Bank de procéder à la clôture de la convention signée par société Arkea Direct Bank n° [XXXXXXXXXX04] ouverte abusivement au nom de M. [X] [S],
ORDONNER à la société Arkea Direct Bank qu’elle infirme la société Arkea Direct Bank de France et le FICP de ce que M. [S] n’a pas connu d’incident bancaire avec elle,
DIT que la société Arkea Direct Bank est entièrement responsable du préjudice subi par M. [S],
CONDAMNER la société Arkea Direct Bank à payer à M. [S] la somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts, compte tenu du préjudice subi,
A titre subsidiaire, si M. [S] était déclaré signataire de la convention d’ouverture de compte avec la société Arkea Direct Bank,
CONDAMNER la société Arkea Direct Bank à payer à M. [S] la somme de 10 100,19 euros à titre de dommages et intérêts outre les intérêts à taux légal à compter du 9 avril 2018, correspondant au solde débiteur inscrit dans un comte abusivement ouvert à son nom dans ses livres,
PRONONCER la compensation des sommes réciproquement dues entre M. [S] et la société Arkea Direct Bank,
CONDAMNER la société Arkea Direct Bank à payer à M. [S] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au taux légal à compter de ce jour, compte tenu du préjudice subi,
DÉBOUTER la société Arkea Direct Bank de ses demandes, fins et conclusions,
En toutes hypothèses,
CONDAMNER la société Arkea Direct Bank à payer à M. [S] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la société Arkea Direct Bank aux dépens de première instance et d’appel ».
M. [S] soutient que :
– il a été victime d’une usurpation d’identité qui est établie,
– il n’existe pas de lien contractuel entre lui et Fortuneo, la convention de compte produite par Fortuneo ne contient pas sa signature, ne renvoie pas à son adresse électronique, ni à son numéro de téléphone, ni à son adresse notamment,
– le préjudice qu’il a subi doit être indemnisé, du fait de son inscription au FICP.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 16 mars 2022, la société Arkea Direct Bank demande à la cour de :
« Voir déclarer M. [S] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions d’appel ; l’en débouter,
Voir confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, si M. [S] devait être déclaré comme non signataire de la convention d’ouverture de compte, le débouter de ses demandes de dommages et intérêts à hauteur de 10 100,19 euros et de 5 000 euros,
Voir condamner M. [S] à payer à la société Arkea Direct Bank la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Voir, en tout état de cause, condamner M. [S] à payer à la société Arkea Direct Bank la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Le voir condamner aux entiers dépens ».
La société Arkea Direct Bank soutient que :
– la convention est valablement formée entre les parties et le moyen selon lequel la société Arkea Direct Bank aurait dû procéder aux vérifications de l’identité est infondé,
– M. [S] ne démontre pas le préjudice qu’il a subi.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 22 mars 2022.
L’affaire a été appelée à l’audience du 17 mai 2022.
Lors de l’audience, l’affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 30 juin 2022 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu le jugement du tribunal d’instance, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur les liens contractuels entre M. [S] et la société Arkea Direct Bank
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [S] est bien fondé à soutenir qu’il n’a pas passé le contrat litigieux au motif que l’usurpation d’identité est établie par sa pièce n° 15.
Et c’est en vain que la société Arkea Direct Bank soutient que « si la Cour décidait que M. [X] [S] né le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 6] (11) n’est pas le signataire et le titulaire du compte courant, force serait néanmoins de constater qu’à l’origine c’est lui-même qui a contribué à son propre préjudice et au début de l’escroquerie » (sic) ; en effet la cour retient que M. [S] a seulement été victime d’agissements frauduleux dont il n’est pas responsable.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a déclaré que l’action en paiement de la société Arkea Direct Bank n’est pas atteinte par la forclusion prévue à l’article R. 312-35 du code de la consommation et en ce qu’il a condamné M. [S] à payer à la société Arkea Direct Bank la somme de 9 556,98 euros outre intérêts au taux légal à compter de ce jour, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute la société Arkea Direct Bank de sa demande de confirmation du jugement.
Sur les dommages et intérêts demandés par M. [S]
En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que M. [S] apporte suffisamment d’éléments de preuve pour établir les manquements allégués à l’encontre de la société Arkea Direct Bank ; en effet il est suffisamment prouvé par M. [S] que la société Arkea Direct Bank n’a pas fait de vérification suffisante avant l’ouverture du compte de dépôt litigieux par X se disant [X] [S] dès lors qu’elle a accepté de procéder à cette ouverture en ligne sans recourir à un processus sécurisé de signature électronique certifiée (certificat de PSCE).
Et c’est en vain que la société Arkea Direct Bank soutient qu’aucune faute n’a été commise dans le cadre de l’ouverture du compte litigieux dès lors qu’elle n’a pas l’obligation de vérifier l’identité du cocontractant, et que « M. [S] est à l’origine de son propre préjudice puisqu’il a volontairement transmis ses propres documents par internet à un tiers inconnu » ; en effet la cour retient que le processus mis en ‘uvre par la société Arkea Direct Bank pour la vérification de l’identité du cocontractant était défaillant puisqu’il a rendu possible l’ouverture d’un compte par un escroc qui a emprunté l’identité de M. [S] ; en outre la cour retient que rien ne permet d’imputer à M. [S] une faute à l’origine de l’escroquerie dont il a été victime dès lors que la transmission électronique de justificatifs divers est indispensable pour nombre de contrats.
Il résulte aussi de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice subi par M. [S] du chef des manquements retenus à l’encontre de la société Arkea Direct Bank doit être évaluée à la somme de 5 000 euros au motif que M. [S] a subi des tracas pendant 5 ans du fait de son inscription au fichier des incidents de paiements par la société Arkea Direct Bank.
C’est donc en vain que la société Arkea Direct Bank soutient que M. [S] ne prouve pas son préjudice.
Compte tenu de ce qui précède, la cour condamne la société Arkea Direct Bank à payer à M. [S] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les dommages et intérêts demandés par la société Arkea Direct Bank
Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société Arkea Direct Bank n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir le manquement allégué à l’encontre de M. [S] ; en effet comme la cour l’a retenu plus haut, rien ne permet d’imputer à M. [S] une faute à l’origine de l’escroquerie dont il a été victime dès lors que la transmission électronique de justificatifs divers est indispensable pour nombre de contrats ; le moyen de ce chef est donc rejeté.
Sur les autres demandes
La cour condamne la société Arkea Direct Bank aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Arkea Direct Bank à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la société Arkea Direct Bank à payer à M. [X] [S] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute la société Arkea Direct Bank de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne la société Arkea Direct Bank à payer à M. [X] [S] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
Condamne la société Arkea Direct Bank aux dépens de première instance et d’appel.
La greffièreLe président