REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 30 JUIN 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07968 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRVO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2021 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020023644
APPELANTS
Monsieur [Z] [N]
né le [Date naissance 6] 1987 à [Localité 10] (94)
chez Me [G] [N]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par Me Hervé BENCHETRIT de la SELARL FLG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1992, substitué par Me Laure RUMEAU, avocat postulant et plaidant
Monsieur [L], [W] [P]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 11]
[Adresse 4]
NETANYA (ISRAEL)
Représenté par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, avocat postulant
INTIMES
Monsieur [I] [J]
né le [Date naissance 3] 1993 à [Localité 12] (94)
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représenté par Me Pierre GIOUX de la SELARL LEXMEDIA, avocat au barreau de PARIS, toque : J140, avocat postulant
Présent et assisté de Me Corinne POURRINET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0096, avocat plaidant
S.A.R.L. AVITECH
RCS de CRETEIL sous le n° 820 823 797
[Adresse 5]
[Localité 10]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 804 et suivants du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er juin 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Déborah CORICON, Conseillère , chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Sophie MOLLAT, Présidente
Madame Isabelle ROHART, Conseillère
Madame Déborah CORICON, Conseillère
GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
– par défaut
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.
**********
La société Avitech est une société à responsabilité limitée créée le 9 juin 2016 et exerçant une activité de plomberie et serrurerie. Ses associés étaient M. [T] [R], également gérant, M. [Z] [N] et M. [L] [P].
Par acte du 13 juin 2016, M. [R] a cédé l’intégralité de ses parts de la société Avitech à M. [P], qui est devenu le même jour gérant de la société.
La société Avitech obtenait, le 25 juin 2019, la certification ‘RGE’ (reconnu garant de l’environnement).
Le 27 août 2019, la société concluait avec la Poste un contrat de distribution de plis publicitaires, sur la période allant du 6 septembre 2019 au 6 juin 2020. La société a envoyé, entre le 9 septembre et le 13 décembre 2019, 4 483 177 plis.
Par une décision d’assemblée générale du 1er octobre 2019, les associés ont décidé la cession de la totalité de leurs parts sociales à M. [I] [J] au prix de un euro, sa désignation en qualité de gérant, le changement de forme sociale en EURL et la mise à jour des statuts.
En sa qualité de gérant de la société Avitech, M. [I] [J] s’est vu assigné par La Poste, au titre de factures impayées par la société Avitech, pour un montant en principal de
1 521 645,61 euros.
M. [I] [J] a déposé une plainte le 25 mars 2020 pour usurpation d’identité, indiquant qu’il découvrait à l’occasion de cette assignation par La Poste l’existence de la société Avitech et ne pas connaître MM. [N] et [P]. Il contestait l’ensemble des actes ayant conduit à sa détention de la société, à la transformation de la société et à sa désignation en qualité de gérant.
Par acte du 4 juin 2020, M. [I] [J] a assigné M. [Z] [N], M. [L] [P] et la société Avitech aux fins de prononcer la nullité de la cession de parts sociales du 1er octobre 2019 entre MM. [N] et [P] d’une part et lui-même d’autre part, de l’assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 2019 et des statuts modifiés à cette date et la condamnation solidaire de MM. [N] et [P] à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et à hauteur de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel.
Par jugement du 26 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la nullité de la cession des parts sociales de la société Avitech par MM. [N] et [P] à M. [J], du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire de la société Avitech du 1er octobre 2019 ayant désigné M. [I] [J] en qualité de gérant de la société et des statuts dans leur version modifiée à cette date. Le tribunal a dit le jugement opposable à la société Avitech et lui a ordonné de prendre en compte ces décisions dans ses registres et de procéder aux demandes de rectification du registre du commerce et des sociétés qui s’en suivent.
Le tribunal de commerce de Paris a également condamné solidairement M. [Z] [N] et M. [L] [P] à payer à M. [I] [J] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et à la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens. Le tribunal a en outre ordonné la publication du dispositif du jugement dans un journal d’annonces légales aux frais de MM. [N] et [P].
Par déclaration notifiée par RPVA le 23 avril 2021, M. [P] a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 mars 2021. M. [N] a interjeté appel par déclaration du 12 mai 2021.
*****
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2021, M. [L] [P] demande à la cour de :
– REFORMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 26 mars 2021 RG 2020023644
Y faisant droit,
A titre principal :
– CONSTATER que la preuve de la falsification de la signature de M. [I] [J] n’est pas rapportée,
– DEBOUTER M. [J] de l’intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire :
– AVANT DIRE DROIT enjoindre à l’agence bancaire Société Générale de Nogent-sur-Marne de produire les documents attestant d’un changement de signature effectué par M. [I] [J] en sa qualité de nouveau gérant de la société Avitech ;
– SURSEOIR A STATUER dans l’attente de la production des documents attestant d’un changement de signature effectué par M. [I] [J].
En tout état de cause :
– CONDAMNER M. [J] aux entiers dépens ;
– CONDAMNER M. [J] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.’
*****
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2022, M. [Z] [N] demande à la cour de :
– REFORMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 26 mars 2021 RG 2020023644,
– Le RECEVOIR dans ses écritures,
Y faisant droit,
A titre principal :
– CONSTATER son absence de responsabilité,
A titre subsidiaire :
– CONDAMNER M. [P] à le relever indemne de toute condamnation,
– CONDAMNER M. [P] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral,
– CONDAMNER M. [P] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice financier.
En tout état de cause :
– CONDAMNER solidairement M. [P] et M. [J] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code du CPC,
– CONDAMNER solidairement M. [P] et M. [J] aux entiers dépens de l’instance.
*****
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2022, M. [I] [J] demande à la cour de :
– Déclarer M. [L] [P] irrecevable et en tout état de cause infondé en son appel,
– Déclarer M. [Z] [N] infondé en son appel,
– Confirmer le jugement redu par le Tribunal de commerce de Paris le 26 mars 2021 dans toutes ses dispositions,
– Débouter M. [L] [P] et M. [Z] [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,
– Condamner in solidum M. [L] [P] et M. [Z] [N] à lui payer la somme complémentaire de 10 000 euros, au titre de la procédure d’appel, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– Condamner in solidum M. [L] [P] et M. [Z] [N] aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être directement poursuivi par Maître Pierre Giaux dans les conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l’appel de M. [L] [P]
M. [I] [J] demande à la cour de déclarer l’appel de M. [L] [P] irrecevable puisqu’il ne fait que reprendre dans ses conclusions les arguments qu’il avait développés en première instance et ne critique pas les motifs du jugement.
M. [P] réplique qu’aucun grief n’est invoqué au soutien des irrégularités invoquées à propos de ses écritures. Il ajoute que la constitution d’avocat a été régularisée lors de l’audience du 10 décembre 2020 et que les mentions manquantes ont été ajoutées.
Il ressort des écritures de M. [P] que celui-ci demande, dans son dispositif, la réformation du jugement dont il a interjeté appel. Si les motifs de ses conclusions ne critiquent pas le jugement attaqué mais se bornent à exposer des moyens et des arguments, il n’en demeure pas moins que la cour est valablement saisie par de telles conclusions.
Sur la nullité de la cession de parts sociales de la société AVITECH
* M. [L] [P] fait valoir que M. [J] ne rapporte pas la preuve de ce qu’il ne le connaissait pas, qu’ils ont échangé par téléphone dès les mois de septembre 2019, et ce jusqu’à la conclusion de la cession de parts sociales ; que M. [J] devrait produire ses relevés téléphoniques afin de permettre à la cour de vérifier ces propos.
Il ajoute que les plaintes déposés contre lui par M. [J] n’ont fait l’objet d’aucune poursuite et n’ont donc aucune valeur probante, que la production d’un document unique portant la signature de M. [J] ne saurait constituer une preuve, celui-ci pouvant faire varier sa signature et que seule une expertise graphologique permettrait de confirmer un faux
M. [P] fait aussi valoir que M. [J] a consenti à la cession et qu’il a dans ce cadre transmis sa pièce d’identité et un justificatif de domicile, qu’il produit. Il souligne que M. [J] n’a jamais déclaré la perte de sa carte nationale d’identité et que le justificatif de domicile argué de faux par M. [J], a pu être fabriqué par ce dernier.
Enfin, s’agissant de l’argument de M. [J] selon lequel il n’est pas vraisemblable que MM. [P] et [N] lui aient cédé leurs droits d’associés pour 1 euro, M. [P] explique que M. [J] recherchait une société certifiée ‘RGE’ (reconnu garant de l’environnement) et a choisi la société Avitech et que dans la mesure où la société était endettée, il avait donné son accord pour la céder au prix d’un euro.
Il souligne que la cession et les actes subséquents ont été déposés au greffe du tribunal de commerce le 29 novembre 2019, date à laquelle il ne se trouvait pas en France
Enfin, il explique avoir tenté d’obtenir auprès de la banque de la société un document attestant du changement de signature effectué par M. [J] mais qu’un refus lui a été opposé, seul M. [J] pouvant solliciter ce document en sa qualité de gérant. Il affirme qu’il a cependant pu retrouver des échanges de courriels entre M. [J] et Mme [V], conseillère bancaire, que démontrent la mauvaise foi de M. [J], confortée par une sommation de communiquer les documents attestant du changement de la titularité du compte bancaire qui a été adressée au conseil de M. [J] à laquelle il n’a pas déféré.
Subsidiairement, M. [L] [P], qui précise avoir mis tous les moyens à sa disposition pour prouver sa bonne foi, demande à la cour, avant dire droit, d’enjoindre à l’agence bancaire qui détient le compte de la société de produire le document attestant d’un changement de signature du titulaire du compte bancaire.
* M. [I] [J] rappelle que le consentement est l’une des conditions de validité du contrat et qu’une cession de parts sociales est nulle lorsqu’une des conditions requises pour sa validité n’est pas remplie. Il fait valoir qu’il appartient à celui qui se prévaut d’un acte contesté de rapporter la preuve de son authenticité, conformément à l’article 1353 du code civil qui fait peser la charge de la preuve sur le demandeur à l’allégation.
Il fait valoir qu’en l’espèce, il n’a pas consenti et n’a jamais participé à la cession de parts sociales du 1er octobre 2019 et n’a pas non plus signé le procès-verbal d’assemblée générale du 1er octobre 2019 ou les statuts modifiés à cette date. Il considère que les documents produits par M. [P] pour tenter de prouver le contraire sont faux.
M. [I] [J] rappelle le contexte des arnaques à ‘l’isolation à 1 euro’, à laquelle se seraient livrés MM. [P] et [N] au sein de la société Avitech, et indique que c’est dans ce contexte que les actes litigieux ont été établis à son insu.
M. [J] indique que les adresses déclarées dans les actes litigieux par MM. [P] et [N] et la société Avitech ne sont pas réelles, ce qui conforte le caractère frauduleux de la cession, puisque les lettres recommandées qui leur ont été adressées sont revenues comme non délivrées et les diligences de l’huissier n’ont pas permis de les localiser.
M. [J] indique ne pas avoir signé les actes litigieux et verse des exemples de sa vraie signature, laquelle diffère. Il rappelle que le tribunal a procédé à une vérification d’écriture conformément aux articles 287 et suivants du code de procédure civile et qu’il a constaté que les signatures apposées sur les actes en litige diffèrent.
M. [J] indique par ailleurs ne jamais avoir eu de contact avec les appelants et n’avoir jamais entretenu la moindre relation personnelle ou d’affaires avec eux, et que ce n’est pas à lui d’apporter la preuve d’un fait négatif.
Il précise qu’il n’a jamais remis à M. [P] de copie de sa pièce d’identité ou de facture FREE, laquelle est selon lui un faux puisqu’il n’est pas abonné chez cet opérateur et que la facture est postérieure à la cession de parts sociales et au dépôt de l’acte au CFE.
M. [J] affirme en outre ne jamais avoir voulu acquérir la société Avitech, dans la mesure où le prix de cession de la société était d’un euro alors que son capital social est de 15 000 euros et que l’objet social de la société lui est complètement étranger. Il n’exerce pas son activité dans ce secteur et selon lui, l’argument selon lequel il aurait été à la recherche d’une société certifiée RGE est grotesque.
M. [J] conteste aussi avoir chargé M. [P] de se charger des formalités de dépôt auprès du greffe.
M. [J] conteste également avoir sollicité le changement du titulaire du compte bancaire de la société Avitech et avoir rencontré la chargée de compte de l’agence. Il indique qu’il ne peut pas produire un document qu’il ne détient pas et que la sommation de communiquer qui lui a été faite est vaine. Il nie également avoir rencontré Mme [V], la chargée du compte bancaire de la société et estime que si elle prétend le contraire, c’est parce que quelqu’un s’est présenté à elle sous son identité. Les échanges d’e-mails versés aux débats prétendument signés par lui sont faux puisqu’il s’agit de l’adresse électronique de M. [P] qui a lui-même adressé les mails à Mme [V] pour obtenir des informations.
Enfin, il conteste avoir agi au nom de la société Avitech après la cession des parts sociales en signant le bail commercial pour le compte de la société en novembre 2019 et en déposant les actes au greffe en juin 2020. Selon lui, il ressort des termes et des conditions du bail qu’il a été conclu par M. [P], en qualité de gérant statutaire et de caution solidaire de la société ; il ressort également des courriers de récépissé du dépôt du dossier au CFE que M. [P] a déposé le dossier puisque le centre de formalités lui réclame personnellement des éléments manquants.
Aux termes de l’article 1128 du code civil, le consentement des parties est une condition nécessaire à la validité d’un acte. La charge de la preuve de la nullité de l’acte de cession et du procès-verbal de l’assemblée générale repose sur M. [J], qui l’invoque.
Ces actes, tous deux datés du 1er octobre 2019, sont produits par M. [N] qui indique que sa signature a été imitée par M. [P], avec son accord, ce que reconnaît M. [P]. En revanche, M. [P] indique que les signatures de M. [J] sont véritables car il était présent et partie aux actes.
Cependant, il y a lieu de constater que les signatures de M. [J] diffèrent entre ces deux actes, que le justificatif de domicile qu’il aurait produit ce jour là ne correspond pas à son adresse et a une date postérieure à la date de la cession, que le courriel qu’il aurait envoyé à la conseillère bancaire le 21 janvier 2020 émane d’une adresse de la société Avitech et non pas de la messagerie de M. [J], et qu’il ne disposait d’aucun intérêt à acquérir, même pour un euro, une société qui était en train de faire distribuer plus de 4 millions de plis par la Poste moyennant le prix de 1 399 845, 61 euros restant à régler, étant en outre souligné que M. [J] n’a aucun diplôme ni aucune compétence dans le secteur d’activité de l’isolation.
En outre, le bail commercial conclu par la société Avitech le 1er novembre 2019 a été négocié et signé par M. [P], alors qu’il était censé ne plus être associé et dirigeant de la société. De même, les formalités effectués auprès de l’agence française de l’habitat pour le compte de la société Avitech, en juin et juillet 2020, comportent le nom de M. [P] et non pas celui de M. [J].
Pour s’opposer à ces éléments de preuve rapportés par M. [J] quant à son absence de participation aux actes en litige, M. [P] indique être en possession d’une copie de la carte nationale d’identité de M. [J], ce qui ne constitue pas une preuve suffisante pour établir la participation de M. [J] aux actes en litige. La cour remarque en outre que M. [P] n’est pas en mesure de produire un seul échange écrit entre M. [J] et lui-même attestant de leurs discussions sur cette cession, ni même tout simplement attestant du fait qu’ils se connaissent.
La circonstance que la société Avitech détienne une certification RGE, que toute société peut obtenir, n’est pas de nature à donner, contrairement à ce que soutient M. [P], une vraisemblance économique à cette cession à 1 euro d’une société endettée à hauteur de 1,4 millions d’euros auprès de la Poste et ne détenant pas d’actifs.
Enfin, la chronologie des actes passés par la société Avitech, et notamment la conclusion quelques jour avant la cession de la société, d’un contrat de distribution de plis publicitaires avec la Poste, dont l’exécution s’est poursuivie après la cession, engendrant une dette que M. [P], signataire dudit contrat en qualité de gérant, n’a jamais eu l’intention de régler, démontre l’intention frauduleuse qui a animé ce dernier lors de la rédaction des actes en litige.
Il en ressort que M. [J] rapporte la preuve de ce qu’il n’était pas partie à l’acte de cession du 1er octobre 2019 ni à l’assemblée générale du même jour actant cette cession et le désignant comme gérant, que les premiers juges ont annulés à bon droit, le consentement de M. [J] faisant défaut, ainsi que les statuts modifiés à la suite de cette assemblée générale frauduleuse.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement concernant ces nullités et l’injonction faite à la société Avitech de procéder aux rectifications que ces nullités imposent.
Sur les demandes de M. [Z] [N]
M. [N] explique qu’il ne souhaitait plus être associé de la société Avitech et a donc donné mandat verbal à M. [P] de céder l’intégralité de ses parts sociales et d’effectuer les formalités afférentes à la cession, l’existence du mandat étant notamment corroborée par les dissemblances de signatures entre celles figurant sur ses actes d’état civil et les actes du 1er octobre 2019 et l’aveu judiciaire de M. [P].
Il indique que comme l’a relevé le tribunal, M. [P] a commis une faute intentionnelle à l’égard de M. [J] en procédant à une cession de parts sociales frauduleuse en usurpant l’identité d’un tiers ; que le tribunal aurait donc du, constatant d’une part l’existence du mandat et, d’autre part, la faute intentionnelle de M. [P], condamner ce dernier à la réparation exclusive du préjudice de M. [J].
Il fait en outre valoir qu’il n’a commis aucune faute ni aucun acte positif à l’origine du préjudice subi par M. [J], n’étant pas intervenu personnellement ni dans la cession de parts, ni à l’assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 2019, comme en attestent les signatures des documents et fait valoir qu’aucune instruction de procéder à des manoeuvres frauduleuses n’a été donnée par lui à M. [P] qui a agi en contravention des termes de son mandat. Il explique par ailleurs qu’il n’existe pas d’obligation à la charge du mandant de procéder au contrôle des actes passés par le mandataire pour son compte mais que l’obligation de rendre des comptes incombe au contraire au mandataire, au titre de son obligation de loyauté.
M. [N] indique enfin qu’il n’avait pas de raison de douter des actes passés pour son compte par M. [P], qui ont été enregistrés par lui, et que M. [P] produisait la carte d’identité de M. [J], lequel ne parvient pas à démontrer qu’elle a été obtenue frauduleusement, aucune suite n’ayant été donnée à sa plainte pénale pour usurpation d’identité.
M. [P] indique que M. [N], qui s’était totalement désintéressé de la société Avitech, lui avait donné un pouvoir verbal pour céder les parts de la société.
A titre subsidiaire, M. [N] demande à la cour de le relever indemne des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et de condamner M. [P] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice financier.
M. [N] considère en effet que M. [P] a commis de nombreux manquements contractuels à son préjudice, sur le fondement des articles 1992 et 1993 du code civil relatifs aux obligations du mandataire et l’article 1104 du code civil relatif à la bonne foi contractuelle.
Il rappelle que M. [P] était investi du mandat de céder ses parts sociales et qu’il ressort du jugement de première instance que ce dernier aurait usurpé l’identité de M. [J] pour procéder à la cession des parts sociales et que si tel est le cas, M. [P] s’est affranchi des termes et de l’esprit du mandat qui lui a été confié qui impliquait nécessairement une cession régulière des parts sociales. M. [N] considère donc que cet événement ne relève pas d’une gestion normale du mandat et a manqué à son obligation de rendre compte au mandant.
M. [J] considère que M. [N], en tant que mandant, doit répondre des actes de son mandataire à son égard et est engagée par les faits dommageables de M. [P] en application de l’article 1998 du Code civil. Il fait valoir que M. [N] ne démontre pas que M. [P] ait agi hors du mandat de vente qui lui a été confié, qu’il se serait personnellement désintéressé de la société Avitech dès 2017 comme il le prétend, que M. [N] s’est gardé de solliciter l’annulation de la cession de parts sociales passée par M. [P] prétendument à son insu et qu’en tout état de cause, M. [N] a commis une faute de négligence en se désintéressant du sort de ses parts sociales dans la société Avitech et en ne contrôlant pas le mandat sur le devenir de ses parts sociales.
MM. [P] et [N] indiquent avoir conclu un mandat verbal donnant pouvoir à M. [P] de céder les parts sociales de M. [N].
Il apparaît que M. [P] a, dans l’exécution de sa mission, commis une faute en procédant à une cession frauduleuse puisque passée avec un tiers dont l’identité a été usurpée.
Cependant, il apparaît que M. [N], qui reconnaît avoir eu connaissance de la cession litigieuse, a également commis une faute. S’il pouvait confier mandat à M. [P] de céder ses parts sociales, il ne pouvait accepter de laisser celui-ci imiter sa signature et aurait donc dû soit signer l’acte de cession lui-même, soit fournir un pouvoir donnant l’autorisation à M. [P] de signer pour son compte ladite cession, ce qu’il n’a pas fait. Il en résulte que celui-ci s’est totalement désintéressé de la cession de la société dans laquelle il était pourtant associé, et que le mandat allégué ne saurait le soustraire de sa responsabilité de veiller à ce que ses parts soient cédées dans un acte comportant sa signature ou à tout le moins mentionnant et comportant en annexe un pouvoir écrit désignant M. [P] comme le représentant dans l’acte de cession.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a refusé de faire droit à sa demande de mise hors de cause.
Il y a également lieu, au regard de la faute qu’il a commise, de ne pas faire droit à ses demandes subsidiaires tendant à être relevé indemne de toute condamnation ou à voir condamné M. [P] à lui verser des dommages et intérêts.
Sur le préjudice subi par M. [I] [J]
M. [J] considère que l’usurpation de son identité dans la cession des parts de la société Avitech lui a causé un préjudice moral d’anxiété, que les faits l’ont obligé à consacrer du temps et de l’énergie à des procédures contentieuses pénales et civiles. Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement qui a condamné in solidum MM. [P] et [N] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice matériel.
C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu l’existence d’un préjudice moral résultant de sa mise en cause injustifiée dans des affaires relevant de la société Avitech, et un préjudice financier résultant du temps passé et des frais engagés pour faire cesser cette situation et évalué le montant de ces préjudices à la somme de 20 000 euros (10 000 euros par préjudice).
Cependant, il y a lieu de distinguer entre la responsabilité de M. [P], auteur des actes en litige, et celle de M. [N], qui relève plus de la négligence et de les condamner séparément à réparer le préjudice causé à M. [J].
Ainsi, M. [P] sera condamné à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices, et M. [N] la somme de 5 000 euros.
Sur les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
M. [P] demande sur le fondement la condamnation de M. [J] à lui payer la somme de 2 000 euros.
M. [N] sollicite la condamnation solidaire de MM. [J] et [P] à lui payer la somme de 4 000 euros.
M. [J] sollicite la condamnation in solidum de MM. [P] et [N] à lui payer la somme de 10 000 euros sur ce fondement.
Il y a lieu de condamner in solidum MM. [P] et [N], qui succombent en leur appel, à payer la somme de 10 000 euros à M. [J] sur le fondement des dispositions de el’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les conclusions de M. [L] [P],
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné in solidum M. [Z] [N] et M. [L] [P] à payer à M. [I] [J] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [L] [P] à payer la somme de 15 000 euros à M. [I] [J],
Condamne M. [Z] [N] à payer la somme de 5 000 euros à M. [I] [J],
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute M. [Z] [N] et M. [L] [P] de leurs autres demandes,
Condamne in solidum M. [Z] [N] et M. [L] [P] à payer à M. [I] [J] la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [Z] [N] et M. [L] [P] aux entiers dépens d’appel.
La greffière La présidente