6 février 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/14719

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6 février 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/14719

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 21/14719

N° Portalis 352J-W-B7F-CVQMP

N° MINUTE : 1

Contradictoire

Assignation du :
24 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 06 Février 2024
DEMANDEUR

Monsieur [K] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Jocelyn ZIEGLER de l’AARPI Ziegler Associés, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1012

DÉFENDERESSE

S.A. LA BANQUE POSTALE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, greffière.
Décision du 06 Février 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/14719 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVQMP

DÉBATS

A l’audience du 21 novembre 2023 tenue en audience publique devant M. NAVARRI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DULITIGE

Le 8 janvier 2020, M. [K] [N] a porté plainte pour le vol de ses documents d’identité.

Faisant valoir qu’il a été victime d’une usurpation d’identité dès lors que la personne qui a dérobé ses papiers d’identité a souscrit plusieurs crédits à la consommation et a ouvert un compte bancaire auprès de la BANQUE POSTALE, M. [N] a assigné cette dernière devant le tribunal de céans par acte d’huissier en date du 24 novembre 2021.

Par dernières conclusions en date du 6 mars 2023, M. [K] [N] demande de :

Vu l’article L. 561-2, L. 561-15, R. 561-10, R. 561-12 du code monétaire et financier,
Vu les articles 1113, 1231-3, 1240, 1241 et 1353 alinéa 2 du code civil,
Vu l’article 514 du code de procédure civile,
Vu l’article 1 de l’arrêté du 29 juillet 2009 – relatif aux relations entre les prestataires de services de paiement et leurs clients en matière d’obligations d’information des utilisateurs de services de paiement et précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt et les contrats-cadres de services de paiement,
Vu l’article 1er de l’arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l’article R. 561-12 du code monétaire et financier,
Vu le décret n° 2015-1 du 2 janvier 2015 mettant en œuvre la loi FATCA,
Vu les lignes directrices relatives à l’identification, la vérification de l’identité et la connaissance de la clientèle, publiées par l’ACPR le 16 décembre 2021,
Vu le 14e amendement de la constitution des Etats-Unis d’Amérique,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces produites,
A titre principal,
– CONDAMNER la société LA BANQUE POSTALE à payer à M. [N] la somme de 8 124,50 euros au titre de la réparation de son préjudice du fait du remboursement des crédits frauduleusement contractés ;
– CONDAMNER la société LA BANQUE POSTALE à payer à M. [N] la somme de 15 000 euros au titre de la réparation de son préjudice du fait de la perte de chance de pouvoir contracter divers crédits du fait de son inscription au registre FICP ;
– CONDAMNER la société LA BANQUE POSTALE à payer à M. [N] la somme de 15 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral ;
En tout état de cause,
– CONDAMNER la société LA BANQUE POSTALE à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– CONDAMNER la société LA BANQUE POSTALE aux entiers dépens de première instance en application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

M.[N] fait valoir :
– que la loi FATCA prévoit que les banques étrangères doivent faire preuve d’une vigilance accrue lorsqu’il s’agit d’un ressortissant américain ; qu’il a la nationalité américaine ; que M.[M] qui est l’auteur de l’usurpation d’identité dont il a été victime, a réussi à ouvrir un compte bancaire sans se présenter au guichet de la banque ; que le double degré de vérification, consistant dans l’obtention de différents documents détenus par les personnes de nationalité américaine, aurait pu permettre de déceler la fraude s’il avait été appliqué ;
– que les documents qui lui ont été dérobés n’étaient plus valables alors qu’ils ont servi à ouvrir un compte bancaire ;
– que la banque a manqué de vigilance ; qu’elle a commis une faute ;
– que la banque a une obligation de vigilance accrue dès lors qu’elle doit lutter contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme ;
– que la banque est soumise à la loi FATCA.

Par dernières conclusions en date du 29 mai 2023, LA BANQUE POSTALE demande de :

Vu l’article 1240 du Code civil ;
Vu les pièces versées aux débats ;
RECEVOIR LA BANQUE POSTALE en ses conclusions, l’y déclarant bien fondée ;
JUGER que LA BANQUE POSTALE n’a pas engagé sa responsabilité à l’égard de Monsieur [N] ;
DEBOUTER en conséquence Monsieur [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER Monsieur [N] à régler à LA BANQUE POSTALE la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [N] aux entiers dépens ;

A l’appui de sa demande la banque fait valoir :
– que l’obligation de vigilance renforcée ne concerne que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;
– que lors de l’ouverture du compte bancaire, la personne se présentant en personne au bureau de poste comme étant M. [N] lui a communiqué différents documents dont une carte nationale d’identité française ;
– que M. [N] ne prouve pas avoir la nationalité américaine ;
– que la personne qui a ouvert le compte bancaire a précisé qu’elle était de nationalité française ;
– que M. [N] n’établit pas l’existence d’une faute commise par la banque qui lui aurait causé un préjudice.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2023.

MOTIVATION

M. [N] évoque les obligations de la banque au titre des dispositions de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Toutefois, les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-2 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il résulte de l’article L. 561-18 du code monétaire et financier que la déclaration de soupçon mentionnée à l’article L. 561-15 est confidentielle et qu’il est interdit de divulguer l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès du service mentionné à l’article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l’auteur de l’une des opérations mentionnées à l’article L. 561-23 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l’article L. 561-36.
Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d’assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs.
Selon l’article L.561-30 du même code, sous réserve de l’application de l’article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l’article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d’autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s’en déduit que la victime d’agissements frauduleux ne peut pas se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier.
Dès lors, M. [N] n’est pas fondé à se prévaloir du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme pour réclamer une indemnisation à la banque pour une faute commise lors de l’ouverture du compte bancaire.

L’article 1240 du Code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Lors de l’ouverture du compte bancaire la personne se présentant au guichet de la banque comme étant M. [K] [N] a souscrit à une demande de formule de compte et a rempli un dossier à cet effet en mentionnant différents éléments sur son identité, son adresse et son activité professionnelle Elle a présenté une carte d’identité française qui était différente de celle dérobée à M. [K] [N], une facture ENGIE ainsi que deux bulletins de paie au nom de M. [K] [N].

Compte tenu des vérifications effectuées, M. [K] [N] ne prouve pas que la banque a commis une faute par un manquement à son devoir de vigilance.

M. [K] soutient que le décret n° 2015-1 du 2 janvier 2015 portant publication de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite « loi FATCA ») signé à [Localité 5] le 14 novembre 2013 imposait à la banque d’effectuer des diligences supplémentaires lors de l’ouverture du compte dès lors qu’il est de nationalité américaine et que cet accord doit lui être appliqué.

Cependant M. [K] [N] ne prouve pas avoir la nationalité américaine et la seule naissance à Tulsa Oklahoma aux USA ne permet pas de l’établir. D’ailleurs lors de ses différentes auditions par les services de police M. [N] a déclaré qu’il était de nationalité française.

Dès lors que la personne qui s’est présentée au guichet de la banque a produit une carte nationale d’identité française et a déclaré avoir la nationalité française, la BANQUE POSTALE n’a pas commis de faute en n’effectuant pas de diligences supplémentaires puisque aucun élément ne permettait d’établir que cette personne était de nationalité américaine et donc soumise à la loi FATCA.

Par conséquent il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation de M. [K] [N] portant sur le remboursement des crédits frauduleusement contractés ainsi que sur la perte de chance de pouvoir contracter divers crédits résultant de son inscription au registre FICP.

La demande d’indemnisation sur le fondement du préjudice matériel étant rejetée, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation sur le fondement du préjudice moral.

Partie perdante, M. [N] sera condamné aux dépens et à verser une somme de 1.500 euros à la BANQUE POSTALE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉBOUTE M. [K] [N] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE M. [K] [N] à verser une somme de 1500 euros à la BANQUE POSTALE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [K] [N] aux dépens.

Fait et jugé à [Localité 5] le 06 février 2024.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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