Savoir-faire : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01159

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Savoir-faire : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01159
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18 janvier 2024
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/01159

S.A.S. EP2D AIR PROCESS

C/

S.A.S. DELTA NEU

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

N° RG 21/01159 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FYVX

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 11 décembre 2020,

rendue par le tribunal de commerce de Mâcon – RG : 201900061

APPELANTE :

S.A.S. EP2D AIR PROCESS prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social sis :

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Anthony LATHUILLE-NICOLLET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.S. DELTA NEU représentée par son représentant légal la société ARC MANAGEMENT, elle-même représentée par son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

assistée de la SELAS LARTIGUE – TOURNOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 septembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,

Michèle BRUGERE, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 16 Novembre 2023 pour être prorogée au 14 décembre 2023 puis au 21 décembre 2023 et au 18 Janvier 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Delta Neu exploite une activité de conception et d’assemblage de matériels destinés à la filtration industrielle et au traitement de l’air.

Elle a embauché M. [M] [D] le 29 janvier 1988 en qualité de technicien d’agence et M. [A] [F] le 22 mai 2001, en qualité d’ingénieur technico-commercial.

MM [F] et [D] ont démissionné de leur emploi avec effet au 31 mars 2016.

Le 27 janvier 2016, ils ont fait l’acquisition du fonds de commerce de fabrication d’équipements aérauliques et frigorifiques industriels exploité par une société Watthom Equipement et ont immatriculé le 27 avril 2016, la SAS EP2D Air Process (EP2D) dont ils sont devenus respectivement président et directeur général.

En octobre 2016, M. [E] [N], salarié de la société Delta Neu, a démissionné de son poste de responsable du pôle nucléaire et a rejoint la société EP2D, suivi des MM [H] [Z] [B], dessinateur projeteur, et [C] [I], technico-commercial en décembre 2017 et janvier 2019.

Se prévalant de soupçons d’actes de concurrence déloyale, la société Delta Neu a obtenu du président du tribunal de commerce de Mâcon, par ordonnance du 14 novembre 2016, l’autorisation de faire pratiquer par un huissier de justice des mesures d’instruction au siège social de la société EP2D.

Ces mesures de constat ont été diligentées le 12 décembre 2016.

Sur l’assignation délivrée par la société Delta Neu le 19 août 2019 en indemnisation d’actes de concurrence déloyale et par jugement du 11 décembre 2020, le tribunal de commerce de Mâcon a :

– rejeté l’exception d’irrecevabilité,

– condamné la société EP2D Air Process à payer à la société Delta Neu la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts,

– rejeté toutes autres demandes,

– condamné la société EP2D Air Process au paiement de la somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société EP2D Air Process aux dépens.

Suivant déclaration au greffe du 15 décembre 2020, la société EP2D a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions, telles qu’elle les a énumérées dans son acte d’appel.

Par ordonnance du 11 mai 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal correctionnel de Lille sur les poursuites pénales engagées à l’encontre de MM [F] et [D] en suite de la plainte déposée à leur encontre le 4 novembre 2019 par la société Delta Neu, des chefs de vol et d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé des données (STAD).

Au terme de sa décision définitive intervenue le 6 juillet 2021, le tribunal correctionnel de Lille a relaxé MM [F] et [D] des faits d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, a requalifié les faits de vol en abus de confiance, les a déclarés coupables et condamnés à une peine d’amende

Prétentions et moyens de la société EP2D:

Au terme de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 28 juin 2023, la société EP2D demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société EP2D à la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts en ayant retenu une soustraction frauduleuse et une utilisation de documents internes protégés appartenant à la société Delta Neu ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté toutes autres demandes et condamné la société EP2D au paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

statuant à nouveau :

– débouter la société Delta Neu de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société Delta Neu à payer à la société EP2D la somme de 10.000 euros pour procédure abusive ;

en tout état de cause :

– condamner la société Delta Neu à verser à la société EP2D la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société EP2D conteste l’utilisation de documents internes à la société Delta Neu aux motifs que :

– le tribunal correctionnel n’a pas retenu l’infraction de vol ou d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé des données et a rejeté les prétentions de la partie civile considérant que les faits d’abus de confiance n’avaient généré aucun préjudice,

– il n’y a eu aucun craquage, ni utilisation de logiciel ou de feuilles de calcul,

– les données en cause ne constituent pas un savoir faire spécifique à la société Delta Neu s’agissant de feuilles de calcul sous Excel basées sur des formules mathématiques connues de tous, relevant du domaine public et utilisés par tous les professionnels du secteur,

– la mise en page ou la compilation de ces formules ne peut donner lieu à une protection au titre du secret des affaires ou du droit de propriété intellectuelle.

Elle conteste les griefs de :

– violation des clauses de confidentialité notamment en l’absence de copie, reproduction, exploitation de documents ou logiciels appartenant à Delta Neu, ou d’autres éléments recueillis lors de la mesure d’instruction,

– utilisation de données tarifaires et de devis de Delta Neu comme constitutive d’actes de concurrence déloyale.

Sur l’appel incident :

Elle soutient que :

– il n’y a eu de sa part aucun démarchage systématique de la clientèle, en dehors de prises de contact exempts de procédés déloyaux et conformes aux principes de libre entreprise et de libre concurrence,

– elle n’a pas procédé au démarchage direct des salariés de Delta Neu qui l’ont rejoint,

– il n’existe pas de ressemblance entre les sites internet et les éléments figuratifs utilisés par chacune des parties pouvant fonder le grief de parasitisme,

– il n’existe aucun élément caractérisant une atteinte à l’image de la société Delta Neu.

Elle conteste le préjudice de la société Delta Neu arguant de l’inexistence d’un lien de causalité entre les fautes alléguées et la baisse de chiffre d’affaires invoquée, dont elle estime qu’elle n’est que ponctuelle et non structurelle.

Prétentions et moyens de la société Delta Neu :

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2023, la société Delta Neu entend voir :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a estimé que la société EP2D Air Process a commis des actes de concurrence déloyale délibérés vis-à-vis de la société Delta Neu ;

– infirmer le jugement entrepris sur le montant de la condamnation,

– statuant à nouveau :

– condamner la société EP2D Air Process à verser à la société Delta Neu une somme de 610.547 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, et celle de 10.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral, liés aux actes de concurrence déloyale ;

– débouter la société EP2D Air Process de ses demandes reconventionnelles comme non fondées ;

– condamner la société EP2D Air Process à verser à la société Delta Neu une somme de 40.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement de tous les constats d’huissier et experts informatiques ;

– condamner la société EP2D Air Process en tous les dépens qui pourront être recouvrés par la SCP Soulard-Raimbault.

La société Delta Neu se prévaut de :

– la violation par ses anciens salariés, devenus dirigeants de la société ED2D, de la clause de confidentialité insérée dans leur contrat de travail,

– la conservation par eux de données stratégiques et confidentielles qu’elle avait mises au point,

– craquage des codes de protection de l’accès à des fichiers et logiciels de calcul élaborés par elle,

– l’utilisation auprès de clients des données tarifaires et des devis de la société Delta Neu,

– la condamnation pénale de MM [F] et [D] du chef d’abus de confiance qui caractérise nécessairement des actes de concurrence déloyale.

Elle critique le jugement en ce qu’il n’a pas retenu :

– le démarchage ciblé de ses clients historiques par MM [F] et [D] en entretenant la confusion sur leur qualité de salariés de Delta Neu,

– le parasitisme par imitation des outils de promotion de Delta Neu,

– le débauchage de trois autres salariés,

– l’atteinte à son image par la majoration des prix des prestations réalisées en sous traitance pour elle.

Concernant la réparation de ses préjudices, elle soutient que :

– les logiciels techniques copiés constituent un outil de travail stratégique élaboré par elle, constituant un savoir-faire,

– la captation de ces données technologiques et industrielles a permis à la société EP2D de réaliser en quelques mois un chiffre d’affaires conséquent,

– dans le même temps, elle a elle-même subi dès 2016, une baisse corrélative de plus de 2.700.000 euros de son chiffre d’affaires et une perte sur son résultat de plus de 800.000 euros.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des moyens des parties.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 août 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le principe de la liberté du commerce autorise le commerçant à gérer à sa convenance son entreprise sur un marché concurrentiel et lui confère la liberté d’attirer la clientèle, y compris de ses concurrents, sans engager sa responsabilité.

Par ailleurs, la liberté du travail permet à tout salarié qui n’est pas lié à son ancien employeur par une clause de non-concurrence, d’exercer à l’expiration de son contrat de travail la même activité pour le compte d’un nouvel employeur.

A l’aune de ces principes, ne peut être constitutif de concurrence déloyale, que l’exercice fautif de ces libertés, conduisant notamment à détourner la clientèle d’un concurrent, à nuire à ses intérêts par des moyens contraires à la loi, aux usages loyaux du commerce ou à l’honnêteté professionnelle.

1°) sur les faits de concurrence déloyale et de parasitisme :

– la violation de la clause de confidentialité :

La société EP2D, à l’enseigne Wattohm, a été immatriculée le 27 juin 2016 au RCS pour une activité de commercialisation, conception, fabrication, assemblage, pose, installation, maintenance, entretien, réparation de matériel et équipement industriel d’aspiration, dépoussiérage, extraction, ventilation, traitement de l’air, domaine d’activité dans lequel intervient également la société Delta Neu.

Selon les termes de leur contrat de travail respectif, MM [F] et [D] étaient soumis à une clause de confidentialité leur faisant interdiction de divulguer à des tiers tous les procédés, matériels de fabrication et /ou méthodes commerciales quelque soit leur forme, dont ils pourraient avoir connaissance à l’occasion de leurs fonctions, ni de les utiliser et exploiter pour leur compte personnel ou en dehors des besoins de leur activité au sein de la société Delta Neu.

La clause stipulait expressément qu’elle continuerait à s’appliquer après cessation du contrat de travail.

Il résulte du procès verbal de constat du 12 décembre 2016 et des échanges de courriels recueillis à cette occasion dans le système d’information de la société EP2D, particulièrement ceux échangés les 22 avril, 16 juin, 15 juillet, 18 et 19 septembre 2016 que :

– d’une part que MM [F] et [D] ont conservé, après la cessation de leur contrat de travail pour la société Delta Neu, des fichiers informatiques contenant des données techniques, méthodes de calcul, base de chiffrage/ tarifs que leur employeur ne leur avait mis à disposition que pour les seuls besoins de leur fonction,

– d’autre part, qu’au mépris de la clause de confidentialité, ils ont recherché et obtenu le déverrouillage des protections de ces documents pour « modifier les feuillles de calcul et les mettre aux couleurs de Wattohm » et les utiliser pour les besoins de l’activité de la société EP2D.

Le fait, ainsi que l’a jugé le tribunal correctionnel de Lille dans sa décision du 6 juillet 2021, que l’obtention de ces fichiers informatiques soit dépourvue de caractère frauduleux est indifférent, dès lors que l’utilisation qui en a été faite contrevient aux termes de la clause de confidentialité de leur contrat de travail et revêt ainsi un caractère déloyal.

Il est tout aussi inopérant que ces fichiers et feuilles de calcul puissent ne pas constituer un savoir-faire particulier et utilisent des formules mathématiques ou physiques connues de tous. En effet, l’utilisation de ces outils dans leur configuration mise en ‘uvre et éprouvée par sa concurrente est de nature à avoir procuré à la société EP2D un avantage concurrentiel indû en lui faisant économiser le temps et/ou l’argent nécessaires à l’élaboration ou l’acquisition de ses propres outils de calcul.

Les termes même de l’un des courriels :« même si ce n’est pas bien c’est génial’ », ne laissent aucun doute sur la parfaite connaissance par les dirigeants de la société EP2D du caractère déloyal de leur démarche ce d’autant qu’il peut être relevé dans un courriel du 2 juin 2016 que M. [F] avait préalablement, fait état de la possibilité d’acquérir la licence d’utilisation de logiciels de calcul « Thermexcel » et que la société EP2D a finalement commandés en décembre 2016 et utilisés par la suite.

Confirmant la décision des premiers juges, la cour considère que sont ainsi établis à l’encontre de la société EP2D des faits de parasitisme constitutifs de concurrence déloyale.

– le parasitisme :

S’il ressort enfin de courriels des 22 avril et 6 octobre 2016 que MM [F] et [D] ont fait usage des tarifs et de devis de la société Delta Neu pour établir les offres tarifaires et devis de la société EP2D, les termes de ces échanges ne permettent de constater que leur volonté de présenter des conditions de prix identiques à celle de leur concurrente et de faire ressortir les spécificités de leur proposition, sans qu’il puisse en être tiré la démonstration d’une confusion créée dans l’esprit de la clientèle commune, ainsi qu’il est allégué par la société Delta Neu.

La société Delta Neu fait également grief à la société EP2D de s’être placée dans son sillage commercial en copiant son référencement sur internet.

Si elle en veut pour preuve un courriel de M [D] à M. [N] du 20 septembre 2016 lui demandant s’il a conservé la liste des mots clés pour le référencement du site de la société Delta Neu par les moteurs de recherche qu’il avait contribué à élaborer, ce seul courriel est insuffisant pour établir que la société EP2D s’est effectivement servie des mêmes mots clés pour son propre référencement.

Par ailleurs, l’examen des pages du site internet de l’enseigne Wattohm et de la plaquette commerciale de la société Delta Neu ne permet pas de caractériser un acte de parasitisme, la description d’activités et de prestations similaires par deux sociétés intervenant dans la même branche d’activité.

C’est donc avec raison que les premiers juges ont écarté ces autres griefs de parasitisme.

– le débauchage de salariés :

Il est constant que trois salariés de la société Delta Neu, MM [N], [Z] [B] et [I] ont été embauchés par la société EP2D à compter des 3 octobre 2016, 1er décembre 2017 et 28 janvier 2019.

Il sera observé que ces embauches n’ont aucun caractère concomitant.

De plus, la société EP2D justifie du recrutement de deux de ces salariés par voie d’annonces sur le site « Le Bon Coin » et par l’intermédiaire d’un cabinet de recrutement.

La société Delta Neu ne rapporte aucune preuve d’actes de débauchage de ses salariés par la société EP2D.

– le démarchage de clients :

En vertu des principes ci-dessus rappelés tenant à la liberté du commerce, le simple démarchage de la clientèle d’un concurrent ne constitue pas un acte de concurrence déloyale.

Les éléments recueillis lors de la mesure de constat du 12 décembre 2016 ne permettent pas de caractériser le démarchage par la société EP2D de la clientèle de la société Delta Neu par l’usage de procédés déloyaux et ce reproche ne peut être retenu.

– l’atteinte à l’image de la société Delta Neu :

Si dans un courriel du 30 novembre 2016, en réponse à une demande de prix d’un client, M. [F] a pu donner pour instruction de multiplier le prix par trois s’agissant d’une offre pour Delta Neu, ce seul élément, sorti de son contexte, est insuffisant à prouver une volonté de la société EP2D de nuire à sa concurrente alors que d’autres échanges versés aux débats (courriel du 21 novembre 2016) montrent qu’elle a pu renvoyer des clients vers la société Delta Neu en la présentant en des termes élogieux (société réputée, très sérieuse, disponible).

L’atteinte à l’image de la société Delta Neu n’est en conséquence pas établie.

2°) sur l’indemnisation :

Il résulte de ce qui précède que seul le grief tiré de l’utilisation des outils de calcul de la société Delta Neu au mépris de la clause contractuelle de confidentialité ouvre droit à indemnisation et qu’il ne peut donc être fait droit à la demande d’indemnisation d’une atteinte non démontrée à l’image et à la réputation de la société Delta Neu.

Ainsi qu’il a été précédemment indiqué par la cour, la détention et l’utilisation des données techniques de la société Delta Neu a procuré à la société EP2D un avantage concurrentiel en lui faisant profiter de l’expérience de sa concurrente et en facilitant ainsi le démarrage de son activité jusqu’au mois de décembre 2016.

La société Delta Neu soutient que cet avantage déloyal est la cause de la baisse de chiffre d’affaires qu’elle a enregistrée à hauteur de 2.785.915 euros en 2016, année de création de la société EP2D, et elle se prévaut d’une corrélation entre ces pertes et le chiffre d’affaires réalisé par cette dernière sur son premier exercice à concurrence de 3.342.000 euros.

Elle chiffre le préjudice en résultant pour elle à la perte d’un résultat d’exploitation de 814.00 euros entre les exercices 2015 et 2016, ramenée à 610.577 euros sur neuf mois pour la période du 1er avril au 31 décembre 2016.

Cependant, si l’effet facilitateur de l’utilisation de données de calcul éprouvées a permis à la société EP2D de capter plus rapidement et efficacement une clientèle, la seule comparaison des chiffres d’affaires des deux sociétés est insuffisante à établir le lien de causalité à hauteur du préjudice allégué.

En effet, il doit être tenu compte du fait que d’une part, la société EP2D n’est pas une création ex nihilo mais qu’elle a repris le fonds de commerce de la société Wattohm Equipement, présente sur le marché depuis 1986 et qui exploitait une clientèle propre ; que de seconde part, le premier exercice comptable de la société EP2D porte sur 18 mois, du 1er avril 2016 au 30 septembre 2017, alors que si ses statuts sont du 13 avril 2016, il résulte des mentions de son extrait Kbis qu’elle n’a démarré son activité que le 10 juin suivant.

En outre, parmi les éléments recueillis lors des mesures d’instruction du 12 décembre 2016, figurent (pièce 11-3 produite par la société Delta Neu) des tableaux d’évolution du chiffre d’affaires des sociétés Wattohm Equipement, puis EP2D entre janvier 2013 et octobre 2016 , ainsi que diverses pièces comptables.

Ces données chiffrées permettent de constater que si les résultats cumulés de la société EP2D sur la période du mois d’avril à octobre 2016 se sont élevés à 1.737.357 euros, au 12 décembre 2016, son portefeuille des commandes clients ne présentait qu’un total de 210.863,94 euros de chiffre d’affaires pour les opérations enregistrées depuis le 2 juin 2016 et correspondant à la seule activité de la société EP2D et de ses associés, le reste du chiffre d’affaires se trouvant en réalité lié à la facturation de l’activité antérieure à la cession de la société Wattohm Equipement.

Le document fait en outre apparaître un taux de marge moyen de 54 % sur ces affaires pour un montant cumulé de 113.400 euros.

La société Delta Neu ne rapporte pas la preuve du lien de causalité direct entre le montant total de la perte de résultats sur son exercice 2016 et les faits de concurrence déloyale commis par la société EP2D à compter du mois de juin 2016.

En conséquence, compte tenu des éléments comptables produits et de la part de l’avantage concurrentiel dans la production de la marge brute réalisée entre juin et décembre 2016, la cour évaluera la réparation du préjudice causé à la société Delta Neu à la somme de 28.000 euros et réformera le jugement en ce sens.

3°) sur la demande reconventionnelle de la société EP2D :

Des actes de concurrence déloyale ayant été caractérisés à l’encontre de la société EP2D, la procédure engagée par la société Delta Neu n’est pas fautive et elle ne peut donner lieu à indemnisation d’un abus du droit d’agir en justice.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Mâcon en date du 11 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la société EP2D Air Process à payer à la société Delta Neu la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts,

statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS EP2D Air Process à payer à la SAS Delta Neu la somme de 28.000 euros à titre de dommages-intérêts,

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

DEBOUTE la SAS Delta Neu de sa demande complémentaire en cause d’appel fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS EP2D Air Process aux dépens de l’instance d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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