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26 janvier 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
23/01707
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01707 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I2KX
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE D’AUBENAS
09 mai 2023 RG :2022003506
S.A.R.L. REALISATION INDUSTRIEENVIRONNEMENT ELECTRIQUE RI2E
C/
S.A.S. MPC-ACH
Grosse délivrée
le 26 JANVIER 2024
à Me Philippe PERICCHI
Me Emmanuelle VAJOU
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 26 JANVIER 2024
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Tribunal de Commerce d’AUBENAS en date du 09 Mai 2023, N°2022003506
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 Janvier 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.R.L. REALISATION INDUSTRIE ENVIRONNEMENT ELECTRIQUE RI2E, société à responsabilité limitée (SARL), au capital de 102.000 €, inscrite au RCS d’AUBENAS sous le n° B 504 488 255, représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Audrey TURCHINO de la SELARL LEXAEQUO, Plaidant, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.A.S. MPC-ACH, Société par actions simplifiée immatriculée au RCS d’AUBENAS sous le n° 850 610 569, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, Plaidant, avocat au barreau de LYON
Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 04 Janvier 2024
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 26 Janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 17 mai 2023 par la S.A.R.L. Réalisation Industrie Environnement Electrique RI2E à l’encontre de l’ordonnance rendue le 9 mai 2023 par le président du tribunal de commerce d’Aubenas, dans l’instance n°2022003506,
Vu l’avis du 13 juin 2023 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 11 janvier 2024,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 23 août 2023 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 19 décembre 2023 par la S.A.S. MPH-ACH, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l’ordonnance du 13 juin 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 4 janvier 2024,
La société RI2E a pour activité la fabrication d’équipements de contrôle de processus industriels, l’achat et la vente de matériel électrique, l’automatisme et l’informatique et l’installation de courant fort et courant faible. Elle a été créée en 2008 par Monsieur [V] [Z], Monsieur [I] [K] et Monsieur [M] [U]. Par acte du 11 juillet 2014, les trois associés ont apporté l’intégralité de leurs parts sociales à la société PNB-INV qui est devenue l’associée unique de la société RI2E.
Lors de la création de la société RI2E, Monsieur [U] en était le gérant. Il a également occupé le poste de responsable technique du 1er juin 2008 au 19 octobre 2018, date à laquelle son contrat de travail a pris fin du fait de sa démission notifiée le 6 septembre 2018.
Le 23 avril 2015, Monsieur [Z] a été désigné en qualité de gérant de la société RI2E, par décision de la société PNB-INV.
La société Cab Conception a quant à elle été constituée le 27 mars 2019 par Monsieur [Y] [R] et la société Vinsol, détenue par la famille [R]. Elle a pour activité la conception et la fabrication de machines diverses et l’achat et la revente de matériel industriel. La société Vinsol a été désignée statutairement comme présidente de la société Cab Conception.
La société MPC-ACH, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 mai 2019 et ayant pour dirigeant Monsieur [U], détient 49% des parts sociales de la société Cab Conception tandis que la société Vinsol en détient 51%.
Par décision du 31 juillet 2020, les associés de la société Cab Conception ont désigné Monsieur [U] en qualité de directeur général.
La société Charlotte a pour activité l’acquisition, la location, l’aménagement, l’administration, l’exploitation et la cession de biens immobiliers ainsi que l’installation, l’exploitation et la gestion de tout parc photovoltaïque. Elle est détenue à hauteur de 49% par la SCI Charla, dont Monsieur [R] est le gérant. De son côté, la société MPC-ACH dirigée par Monsieur [U] détient 51% des parts de la société Charlotte.
Invoquant des actes de concurrence déloyale commis à son encontre par la société Cab-Conception et ses dirigeants et dont les sociétés Charlotte et MPC-ACH se seraient rendues complices, la société RI2E a saisi le 18 mars 2022 le président du tribunal de commerce d’Aubenas d’une requête aux fins de mesure d’instruction.
Par ordonnances des 24 mars 2022, 26 avril 2022 et 13 juillet 2022, le président du tribunal de commerce d’Aubenas a commis la société de commissaires de justice Belin Laurent Ortega, assistée d’experts techniciens en informatique, afin de se rendre dans les locaux du siège social de la société MPC-ACH pour se faire remettre et prendre copie de tous éléments d’information utiles créés ou modifiés au plus tôt le 20 octobre 2018 et au plus tard au jour d’exécution de la mesure, correspondant à des mots clés, à l’exception de documents ayant le caractère de secret des affaires.
La mesure d’instruction a été exécutée le 6 octobre 2022.
Par exploit du 19 octobre 2022, la S.A.S. MPC-ACH a fait assigner en référé la société RI2E devant le président du tribunal de commerce d’Aubenas aux fins de rétractation des ordonnances des 24 mars, 26 avril et 13 juillet 2022.
Par ordonnance du 9 mai 2023, le président du tribunal de commerce d’Aubenas a :
-Dit recevable et bien fondée la demande de rétractation de la société MPC-ACH;
-Dit recevable la demande de la société RI2E au titre de la levée du séquestre provisoire;
-Constaté que la juridiction a été saisie dans le délai fixé à l’article R. 153-1 alinéa 2 du code de commerce;
-Dit, en conséquence, que le séquestre provisoire n’était pas levé de plein droit au jour de la saisine de la juridiction;
-Dit que la société RI2E ne justifie pas d’un intérêt légitime à voir ordonner la mesure d’instruction sollicitée par requêtes du 18 mars 2022, du 13 avril 2022 et du 30 juin 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH;
-Rétracté les ordonnances rendues les 24 mars 2022, 26 avril 2022 et 13 juillet 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH à la requête de la société RI2E;
-Débouté la société MPC-ACH de sa demande tendant à voir ordonner la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies;
-Condamné la société RI2E à payer à la société MPC-ACH la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
-Débouté les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions;
-Condamné la société RI2E, qui succombe, aux dépens, dont ceux de greffe liquidés à la somme de 40,65 euros TTC.
Le 17 mai 2023, la S.A.R.L. Réalisation Industrie Environnement Electrique a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a dit recevable sa demande au titre de la levée du séquestre provisoire et débouté la société MPC-ACH de sa demande tendant à voir ordonner la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 145, 493, 564, 874, 875 du code de procédure civile, des articles L. 151-1, R. 153-1 et suivants du code de commerce, de la requête du 18 mars 2022 et l’ordonnance du 24 mars 2022, de la requête du 13 avril 2022 et l’ordonnance du 26 avril 2022, de la requête du 30 juin 2022 et l’ordonnance du 13 juillet 2022, de la saisine de la juridiction de première instance le 22 novembre 2022, de :
A titre principal,
-Débouter l’appel incident et confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
Disons recevable la demande de la société RI2E au titre de la levée du séquestre provisoire;
Déboutons la société MPC-ACH de sa demande tendant à voir ordonner la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies;
-Infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
Disons recevable et bien fondée la demande de rétractation de la société MPC-ACH;
Constatons que la juridiction a été saisie dans le délai fixé à l’article R. 153-1 alinéa 2 du code de commerce,
Disons en conséquence que le séquestre provisoire n’était pas levé de plein droit au jour de la saisine de la juridiction;
Disons que la société RI2E ne justifie pas d’un intérêt légitime à voir ordonner la mesure d’instruction sollicitée par requêtes du 18 mars 2022, du 13 avril 2022 et du 30 juin 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH;
Rétractons les ordonnances rendues les 24 mars 2022, 26 avril 2022 et 13 juillet 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH à la requête de la société RI2E;
Condamnons la société RI2E à payer à la société MPC-ACH la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Déboutons les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions;
Condamnons la société RI2E, qui succombe, aux dépens, dont ceux de greffe liquidés à la somme de 40,65 euros TTC.
Statuant à nouveau,
-Débouter la société SAS MPC-ACH de l’intégralité de ses demandes ;
-Débouter la société SAS MPC-ACH de sa demande de rétractation des ordonnances des 24/03/2022, 26/04/2022 et 13/07/2022 ;
-Débouter la société SAS MPC-ACH de l’intégralité de ses demandes fondées sur le « décret n°2018-1126 » ;
-Prononcer l’acquisition de plein droit de la fin du séquestre provisoire à la date du 7/11/2022 et, en conséquence, ordonner la remise de l’intégralité des pièces détenues par le commissaire de justice en exécution de la mesure d’instruction le 6/10/2022 et annexées à son procès-verbal de constat ;
-Condamner la société SAS MPC-ACH à payer à la société RI2E la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel
A titre subsidiaire,
-Débouter l’appel incident et confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
Disons recevable la demande de la société RI2E au titre de la levée du séquestre provisoire;
Déboutons la société MPC-ACH de sa demande tendant à voir ordonner la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies;
-Infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
Disons recevable et bien fondée la demande de rétractation de la société MPC-ACH;
Constatons que la juridiction a été saisie dans le délai fixé à l’article R. 153-1 alinéa 2 du code de commerce,
Disons en conséquence que le séquestre provisoire n’était pas levé de plein droit au jour de la saisine de la juridiction;
Disons que la société RI2E ne justifie pas d’un intérêt légitime à voir ordonner la mesure d’instruction sollicitée par requêtes du 18 mars 2022, du 13 avril 2022 et du 30 juin 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH;
Rétractons les ordonnances rendues les 24 mars 2022, 26 avril 2022 et 13 juillet 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH à la requête de la société RI2E;
Condamnons la société RI2E à payer à la société MPC-ACH la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Déboutons les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions;
Condamnons la société RI2E, qui succombe, aux dépens, dont ceux de greffe liquidés à la somme de 40,65 euros TTC.
Statuant à nouveau,
-Débouter la société SAS MPC-ACH de l’intégralité de ses demandes ;
-Débouter la société SAS MPC-ACH de sa demande de rétractation des ordonnances des 24/03/2022, 26/04/2022 et 13/07/2022 ;
-Débouter, sans examen au fond, la société SAS MPC-ACH de sa demande nouvelle en appel ci-dessous reproduite :
Avant dire droit,
Renvoyer l’examen de la demande de mainlevée du séquestre en Chambre du Conseil, dont les débats seront tenus hors la présence de la société RI2E et de ses représentants,
Préalablement à l’audience qui sera fixée,
Ordonner par voie d’Arrêt à intervenir à la société civile professionnelle Belin Laurent Ortega, Commissaires de justice à [Localité 5] qui ont procédé aux opérations de saisie, de remettre l’intégralité des pièces en leur possession, à la Cour d’appel;
Autoriser la société MPC-ACH à consulter ces pièces pour procéder à un tri des pièces séquestrées remises à la cour, en les regroupant en trois catégories, devant chacune comporter un inventaire précis des pièces contenues :
Catégorie A : les pièces pouvant être communiquées sans examen,
Catégorie B : les pièces concernées par le secret des affaires et que l’appelant refuse de communiquer,
Catégorie C : les pièces qui ne sont pas concernées par le secret des affaires mais que l’appelant refuse de communiquer,
pour établir un mémoire précisant de manière détaillée, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.
-Débouter, sans examen au fond, la société SAS MPC-ACH de sa demande de mise en oeuvre de la procédure de levée du séquestre provisoire faute de communication d’un mémoire conforme à l’article R. 153-3 du code de commerce;
-Ordonner la remise à la société RI2E de l’intégralité des pièces détenues par le commissaire de justice en exécution de la mesure d’instruction le 6 octobre 2022 et annexées à son procès-verbal de constat;
-Condamner la société SAS MPC-ACH à payer à la société RI2E la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
-Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel
A titre infiniment subsidiaire,
-Débouter l’appel incident et confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
Disons recevable la demande de la société RI2E au titre de la levée du séquestre provisoire;
Déboutons la société MPC-ACH de sa demande tendant à voir ordonner la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies;
-Infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
Disons recevable et bien fondée la demande de rétractation de la société MPC-ACH;
Disons en conséquence que le séquestre provisoire ne peut être levé de plein droit;
Constatons que la société RI2E ne justifie pas d’un intérêt légitime à voir ordonner la mesure d’instruction sollicitée par requêtes du 18 mars 2022, du 13 avril 2022 et du 30 juin 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH;
Rétractons les ordonnances rendues les 24 mars 2022, 26 avril 2022 et 13 juillet 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH à la requête de la société RI2E;
Condamnons la société RI2E à payer à la société MPC-ACH la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;
Déboutons les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions;
Condamnons la société RI2E, qui succombe, aux dépens, dont ceux de greffe liquidés à la somme de 40,65 euros TTC
Statuant à nouveau,
-Débouter la société SAS MPC-ACH de l’intégralité de ses demandes;
-Débouter la société SAS MPC-ACH de sa demande de rétractation des ordonnances des 24/03/2022, 26/04/2022 et 13/07/2022
-Fixer le délai de remise du mémoire conforme à l’article R. 153-3 du code de commerce par la société SAS MPC-ACH à la cour à quinze jours francs à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, sous peine d’irrecevabilité d’office de sa demande de levée du séquestre provisoire;
-Fixer les conditions d’examen des pièces visées par le mémoire, conformément aux dispositions des articles L. 153-1, L. 153-2, R. 153-2 à R. 153-9 du code de commerce;
-Condamner la SAS MPC-ACH à payer à la société RI2E la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
-Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir qu’elle rapporte la preuve d’indices sérieux s’agissant de l’existence de manoeuvres déloyales destinées à permettre à la société Cab Conception de se placer dans son sillage, à couvert. En effet, la société Cab Conception a sollicité auprès de ses fournisseurs des conditions commerciales identiques, hors engagement de volumes. Ainsi Monsieur [U] a démarché la société […] alors qu’il n’était ni dirigeant, ni associé de la société Cab Conception.
Monsieur [U] a également promis à l’un des clients historiques de la société RI2E, la société […], de lui fournir une solution identique mais avec des coûts plus attractifs. Le chiffre d’affaires réalisé par la société RI2E avec ce client a baissé au 4ème trimestre 2019 et au cours de l’année 2020 alors qu’il était en constante progression avant cette période.
Elle a également fait le constat de l’érosion inexplicable du volume de ses ventes auprès d’autres clients majeurs. Elle a rapporté la preuve d’indices sérieux de l’existence d’un démarchage déloyal, fondé sur la reproduction servile de ses produits proposés à sa clientèle de manière ciblée et en connaissance de sa politique de prix. La vélocité avec laquelle la société Cab Conception a été en mesure de proposer les produits habituellement achetés par la société […] et répondant à ses besoins n’a été possible qu’en raison du détournement des données, documents et savoir-faire de la société RI2E. Monsieur [U] a pu, par le truchement d’une constitution de société à associée unique, immédiatement suivie d’une cession de titres à son bénéfice, demeurer invisible dans le cadre des activités concurrentes développées avec le concours de son cousin, Monsieur [R], lequel a agi directement ou indirectement via les sociétés contrôlées et dirigées par ses soins. Si l’action commerciale de Monsieur [U] au bénéfice de la société Cab Conception était parfaitement loyale et régulière, il a dû bénéficier d’un statut fiscal et social adéquat dès la création de cette structure ; or, aucun élément n’a été transmis sur ce point, confirmant l’opacité de son intervention.
La fixation du siège social de la société Cab Conception à [Localité 4] n’a d’autre objectif que de dissimuler la participation de Monsieur [U]. La complexité des schémas structuraux et leur délocalisation volontaire, la multiplicationdes sites physiques susceptibles de loger les éléments probatoires recherchés, la nature des éléments de preuve susceptibles d’être appréhendés (données immatérielles essentiellement et notamment), la nature des éléments révélés à la société RI2E, le défaut de toute transparence quant à l’intervention de [M] [U] au sein des activités de la société Cab Conception, pendant près de deux ans, sont autant d’éléments justifiant le recours à une procédure non contradictoire.
L’appelante précise que les agissements sciemment dérobés à la vue du public par la société Cab Conception et ses fondateurs n’ont pu être dissimulés qu’avec la participation active de la société SAS Charlotte et de la société MPC-ACH. Dès lors, es qualité d’instruments ayant présidé à l’orchestration d’une entreprise de concurrence déloyale, ces sociétés sont susceptibles d’être demeurées le réceptacle d’informations et d’éléments permettant de révéler les actes commis et leur ampleur.
La qualité de partie requise dans le cadre des mesures d’instruction autorisées ne constitue pas nécessairement le préalable à la qualité de partie dans la procédure au fond à intervenir.
L’appelante indique que la mission est parfaitement proportionnée et justifiée quant à son périmètre physique, matériel, intellectuel et temporel. Les listes de mots clés ont été strictement définies en appliquant des critères objectifs destinés à préserver les droits des parties requises, tout en les conciliant avec la nécessaire efficacité de la mesure. La mesure autorisée contient, notamment à la demande expresse de la société RI2E, de multiples garanties procédurales et de fond au bénéfice de la partie requise. Cette dernière n’a pas saisi la présente juridiction dans le délai prévu par l’ordonnance, la date de la saisine de la juridiction étant fixée au jour de l’enrôlement. La protection du séquestre provisoire fixée à un mois est perdue de manière irrévocable. Il est levé de plein droit depuis le 7 novembre 2022.
Le secret des affaires ne peut constituer une invocation désincarnée susceptible d’empêcher toute mesure d’instruction. Pour permettre l’examen de ses prétentions, l’intimée aurait du solliciter la copie des éléments détenus par les commissaires de justice, le cas échéant, dans le cadre de l’application des articles 138 à 141 du code de procédure civile, puis dresser la liste des pièces pour lesquelles la protection est demandée. Ce n’est qu’à défaut d’obtention amiable que l’intimée pourrait envisager de saisir une juridiction aux fins de voir ordonner au tiers qu’est le commissaire de justice d’avoir à lui remettre les pièces demandées. La demande, nouvelle en cause d’appel, ne peut être accueillie, ni même examinée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée forme appel incident et demande à la cour, au visa des articles 490, 496, 497, 73 et suivants, 16 du code de procédure civile, des articles L. 151-1 et suivants, R. 153-1 et suivants du code de commerce, de :
Statuant sur l’appel formé par la société RI2E, à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 9 mai 2023 par le tribunal de commerce d’Aubenas,
Le déclarant recevable et non fondé,
Déclarant recevable et bien fondé l’appel incident de la concluante,
-Infirmer la décision entreprise des chefs suivants :
‘Dit recevable la demande de la société RI2E au titre de la levée du séquestre provisoire’
‘Débouté la société MPC-ACH de sa demande tendant à voir ordonner la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies’
‘Débouté la société MPC-ACH de ses plus amples demandes, fins et conclusions’.
Statuant à nouveau, à titre principal :
-Juger irrecevable le moyen de la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E) tendant à voir :
‘Déclarer recevable la demande de la société RI2E au titre de la levée du séquestre provisoire’;
-Confirmer au surplus la décision entreprise;
Et en conséquence,
-Débouter la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E) de toutes ses demandes, fins et conclusions;
-Déclarer la demande de la société MPC-ACH recevable et bien fondée;
-Rétracter les ordonnances rendues les 24 mars, 26 avril et 21 septembre 2022 à la requête de la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E)
-La débouter;
-Prononcer la nullité des opérations de saisie effectuées en exécution de celles-ci le 6 octobre 2022;
-Ordonner, en conséquence, la restitution dans le délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, les pièces saisies par la SCP Belin Laurent Ortega, commissaires de justice à [Localité 5] et avec interdiction d’en conserver une copie ;
-Juger que quiconque ne pourra faire état ou exploiter ces pièces;
Si la cour ne rétractait pas les ordonnances rendues les 24 mars, 26 avril et 21 septembre 2022,
A titre subsidiaire et afin de ne pas porter préjudice au secret des affaires,
Il est demandé à la cour d’appel de :
Sur la demande de mainlevée du séquestre,
Avant dire droit,
-Renvoyer l’examen de la demande de mainlevée du séquestre en chambre du conseil, dont les débats seront tenus hors la présence de la société RI2E et de ses représentants,
Préalablement à l’audience qui sera fixée,
-Ordonner par voie d’arrêt à intervenir à la SCP Belin Laurent Ortega, Commissaires de justice à [Localité 5] qui ont procédé aux opérations de saisie, de remettre l’intégralité des pièces en leur possession, à la cour d’appel;
-Autoriser la société MPC-ACH à consulter ces pièces pour procéder à un tri des pièces séquestrées remises à la cour, en les regroupant en trois catégories, devant chacune comporter un inventaire précis des pièces contenues :
Catégorie A : les pièces pouvant être communiquées sans examen,
Catégorie B : les pièces concernées par le secret des affaires et que l’appelant refuse de communiquer,
Catégorie C : les pièces qui ne sont pas concernées par le secret des affaires mais que l’appelant refuse de communiquer,
pour établir un mémoire précisant de manière détaillée, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires
A titre infiniment subsidiaire,
-Prendre seule connaissance des pièces et si elle l’estime nécessaire ordonner une expertise et solliciter pour chacune des parties d’une personne habilitée à l’assister ou à la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection
-Décider de limiter la communication ou la production des pièces à certains des éléments
-Ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou dans une version confidentielle
-Restreindre pour chacune des parties au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou à la représenter
En tout état de cause,
-Débouter la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E) de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de son appel incident
-Condamner la société Réalisation Environnement Electrique (RI2E) à payer à la société MPC-ACH la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
S’agissant de la recevabilité de la demande de levée du séquestre provisoire, l’intimée fait valoir que le moyen soulevé par l’appelante tiré du non respect du délai d’un mois pour saisir le tribunal, constituait une exception de procédure et devait être soulevé in limine litis.
Au surplus, le moyen n’est pas fondé car la remise de l’assignation au greffe confère à la date de l’assignation la valeur de saisine. La juridiction a été saisie dans le délai fixé par l’article R.153-1, alinéa 2, du code de commerce alors que le séquestre provisoire n’était pas levé de plein droit.
Par ailleurs, l’intimée rétorque que la preuve d’un quelconque fait de concurrence déloyale n’est pas rapportée par l’appelante. Il n’est justifié ni d’un intérêt légitime, ni d’un litige plausible et crédible sur lequel pourrait influer le résultat de la mesure ordonnée. Une sollicitation commerciale rentre dans la vie quotidienne des affaires et le jeu normal de la concurrence. Monsieur [U] avait quitté ses fonctions salariées et sa démarche n’était pas illégitime. Il n’a rien dissimulé. Il n’y a rien d’anormal à ce qu’il ait disposé de certaines informations ou qu’il ait eu accès à certaines données. Il n’y a eu aucun rapport d’affaires, ni flux financier avec les sociétés évoquées par l’appelante, à l’exception de la société […] pour un montant modeste et de la société […] qui a travaillé de son plein gré avec la société Cab Conception et pouvait avoir le souhait légitime de diversifier ses fournisseurs. L’intimée n’établit pas l’existence de manoeuvres frauduleuses, dolosives ou captatoires; une perte de chiffre d’affaires peut avoir d’autres raisons que l’apparition d’un concurrent sur le marché. Tant pour les appels d’offre que pour des marchés privés, des produits sont imposés. La société […] refusant de travailler en direct, il a été envisagé de passer par un distributeur et tout simplement, il lui a été demandé de donner les références des produits souhaités. Il n’est pas démontré que les prix pratiqués par la société […] à l’intimée soient impactés. Les prix ‘publics’ ne sont pas ceux que l’intimée s’est vue appliquer. Dans ce secteur d’activité, les fournisseurs sont communs et chacun a sa démarche qui lui est propre. L’immatriculation de la société Cab Conception au registre du commerce et des sociétés de Montpellier n’a rien d’extravagant, s’agissant d’un secteur potentiellement porteur. Le transfert de son siège social à [Localité 1] résulte de délibérations postérieures de plus d’un mois aux opérations de saisie. Depuis le mois de janvier 2021, elle avait immatriculé un établissement secondaire à la même adresse au registre du commerce et des sociétés d’Aubenas. Elle n’a rien dissimulé. Il existe une volonté de l’intimée d’éliminer Monsieur [U] de la société holding qui la détient et dont 33% des parts lui appartiennent toujours.
L’intimée a pour objectif de s’approprier à bon compte toutes les informations relatives aux clients, relations d’affaires et prix pratiqués par la société Cab Conception.
Par la généralité, la globalité et la disproportion des mots clés, il y a une atteinte intolérable à la protection du secret des affaires. Les mesures autorisées ne revêtent pas le caractère légalement admissible requis.
L’intimée précise qu’elle n’est qu’une société purement financière de prise d’intérêts et participations. Elle n’a aucune activité commerciale. Le fait que son actionnariat soit lié à celui de la société Cab Conception ne constitue pas un motif suffisant d’instauration d’une mesure d’instruction à son encontre.
A titre subsidiaire, l’intimée expose que l’ordonnance dont appel a fait une interprétation et une application inexactes des articles R. 153-3 à R.153-10 du code de commerce. Aucun des éléments saisis n’est en sa possession ou ne lui a été communiqué. Il lui est impossible d’apporter une quelconque précision sur les données susceptibles de porter atteinte au secret des affaires. La demande de remise des pièces saisies à la cour d’appel et aux conseils des parties n’est que l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes formulées en première instance et tend à la même fin. Le délai de quinze jours proposé à titre infiniment subsidiaire par l’appelante n’est pas suffisant.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur la levée du séquestre provisoire
L’article R. 153-1 du code de commerce prévoit que si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance, en application de l’article 497 du code de procédure civile, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire est levée et les pièces sont transmises au requérant.
La société RI2E soulève le non respect par la société requise du délai d’un mois prescrit par l’article R. 153-1 du code de commerce et elle en conclut que le séquestre provisoire a été levé de plein droit depuis le 7 novembre 2022.
En l’occurrence, le moyen invoqué par la société RI2E tend à faire déclarer la société requise irrecevable en sa demande de maintien du séquestre provisoire, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, en lui opposant un délai préfix. En application des articles 122 et 123 du code de procédure civile, il s’agit d’une fin de non-recevoir qui pouvait être proposée en tout état de cause.
L’ordonnance critiquée sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable la société RI2E en sa demande au titre de la levée du séquestre provisoire.
L’article R. 153-1 précité impose un délai d’un mois non pas pour introduire une instance mais pour saisir le juge aux fins de modification ou de rétractation de son ordonnance, faute de quoi le séquestre provisoire est levé de plein droit .
Aux termes de l’article 857 du code de procédure civile, le tribunal est saisi par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.
En l’occurrence, l’assignation aux fins de rétractation des ordonnances des 29 mars et 21 septembre 2022 a été délivrée le 20 octobre 2022 à la société RI2E, soit dans le délai d’un mois suivant la signification du 6 octobre 2022 de la décision autorisant la mesure d’instruction. Toutefois, l’assignation n’a été remise au secrétariat-greffe que le 9 novembre 2022, postérieurement à l’expiration du délai d’un mois précité.
Par conséquent, l’ordonnance critiquée sera infirmée en ce qu’elle a constaté que la juridiction avait été saisie dans le délai fixé à l’article R. 153-1 alinéa 2 du code de commerce et dit, en conséquence, que le séquestre provisoire ne pouvait être levé de plein droit.
2) Sur la demande en rétractation d’ordonnance
Aux termes de l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.
Selon ces dispositions tel qu’interprétées par la Cour de cassation (Civ., 1re, 13 juillet 2005, n°05-10.519, publié), le référé afin de rétractation ne constitue pas une voie de recours. L’instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire. L’objet de l’instance est donc de statuer sur les mérites de la requête. Le juge saisi d’une demande de rétractation d’une décision ayant ordonné une mesure, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.
Il appartient au requérant de justifier de la recevabilité et du bien-fondé de sa requête et non au demandeur à la rétractation de démontrer que ces conditions ne sont pas réunies (Civ., 2è, 21 octobre 1987, n°86-14.978, publié).
Le juge de la rétractation doit apprécier la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire au jour où le juge des requêtes a statué.
En revanche, si les circonstances nouvelles apparues à la faveur de l’exécution de la mesure ordonnée ne sauraient justifier à posteriori la mesure prise, il résulte du principe dégagé, de manière constante, par la Cour de cassation que le juge de la rétractation doit apprécier l’existence d’un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant lui (notamment Civ., 2è, 17 mars 2016, n°15-13.343 et 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-24.586).
Sur le motif légitime:
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
La mesure d’instruction doit aider à la préparation du procès ; le demandeur doit démontrer le caractère nécessaire de cette mesure au procès envisagé de sorte qu’elle doit être utile et nécessaire à l’amélioration de la situation probatoire des parties.
Le juge doit vérifier que l’action éventuelle au fond n’est pas vouée à l’échec ce qui le conduit à apprécier la potentialité d’un procès. Il doit s’assurer que la mesure demandée est légalement admissible et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes en présence. Le raisonnement du juge repose sur la certitude et l’évidence.
En l’espèce, la société MPC-ACH, constituée par Monsieur [U] et son épouse, détient 49% des parts sociales de la société Cab Conception suspectée d’avoir commis des faits de concurrence déloyale au préjudice de la société RI2E.
Pour autant, l’objet social de la société MPC-ACH tel qu’il ressort de l’extrait Kbis versé au débat est limité à la prise de tous intérêts et participations dans toutes sociétés et affaires commerciales, industrielles, financières ou immobilières notamment par souscription ou acquisition de toutes valeurs mobilières, parts d’intérêts ou autres droits sociaux, la constitution de toutes sociétés, le placement de ses fonds disponibles soit en valeurs soit en prêts, le financement des affaires dans lesquelles elle est intéressée, direction, gestion, contrôle et coordination de ses filiales et participations.
L’attestation de l’expert-comptable de la société requise et la communication de ses comptes annuels 2020 à 2022 confirment qu’elle n’est qu’une société holding de prise d’intérêts
et participations et il n’est pas rapporté la preuve d’indices de l’exercice d’une activité commerciale ayant possiblement parasité celle de la société requérante.
De plus, il n’existe aucune raison sérieuse de soupçonner, eu égard à la nature de l’objet social et de l’activité effective de la société requise, qu’elle soit susceptible de détenir des documents ou informations nécessaires à la démonstration des agissements reprochés à la société Cab Conception. L’utilité pour la manifestation de la vérité de la mesure d’instruction ordonnée n’est pas avérée.
Par conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a constaté que la société requérante ne justifiait pas du motif légitime exigé par l’article 145 du code de procédure civile. Il convient donc de confirmer l’ordonnance de référé critiquée du 9 mai 2023 en ce qu’elle a prononcé la rétractation des ordonnances rendues les 24 mars 2022, 26 avril 2022 et 13 juillet 2022 à l’encontre de la société MPC-ACH, à la requête de la société RI2E.
3) Sur la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies
L’instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie, en l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet (Civ., 2è, 27 septembre 2018, n°17-20.127, publié). Ainsi le juge saisi d’une demande de rétractation n’a pas le pouvoir de statuer sur les litiges portant sur les modalités d’exécution de la mesure d’instruction. En revanche, il appartient au juge qui fait droit à une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance prescrivant une mesure d’instruction de tirer les conséquences de la perte de fondement de cette mesure.
Par conséquent, la nullité des mesures d’instruction exécutées sur le fondement des ordonnances sur requête rétractées sera prononcée et la restitution des pièces saisies ordonnée dans un délai de huit jours suivant la signification du présent arrêt, avec interdiction d’en conserver une copie, sans qu’il n’y ait besoin d’assortir cette injonction de faire d’une astreinte.
Bien que le séquestre provisoire ait été levé de plein droit le 7 novembre 2022, l’ordonnance doit être confirmée en ce qu’elle a débouté la partie requérante de sa demande tendant à voir ordonner la remise à elle-même de l’intégralité des pièces détenues par le commissaire de justice en exécution de la mesure d’instruction annulée.
4) Sur les frais du procès
L’appelante succombant, elle sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’intimée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’elle a :
-constaté que la juridiction avait été saisie dans le délai fixé à l’article R. 153-1, alinéa 2, du code de commerce et dit, en conséquence, que le séquestre provisoire ne pouvait être levé de plein droit,
-débouté la société MPC-ACH de sa demande tendant à voir ordonner la nullité des opérations de saisie et la restitution des pièces saisies
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Constate l’acquisition de plein droit de la fin du séquestre provisoire à la date du 7 novembre 2022
Prononce la nullité des opérations de saisie effectuées le 6 octobre 2022 en exécution des ordonnances rétractées
Ordonne, en conséquence, la restitution à la société MPC-ACH dans le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision, des pièces saisies, avec interdiction d’en conserver une copie
Juge que quiconque ne pourra faire état ou exploiter ces pièces
Y ajoutant,
Condamne la société RI2E aux entiers dépens d’appel,
Condamne la société RI2E à verser à la société MPC-ACH une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,