Savoir-faire : 26 janvier 2024 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/01301

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Savoir-faire : 26 janvier 2024 Cour d’appel de Nîmes RG n° 23/01301
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26 janvier 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
23/01301

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01301 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IZCG

AV

PRESIDENT DU TJ DE PRIVAS

30 mars 2023 RG :22/00316

[M]

C/

S.A.R.L. RI2E REALISATION INDUSTRIE ENVIRONNEMENT ELECTRIQUE

Grosse délivrée

le 26 JANVIER 2024

à Me Emmanuelle VAJOU

Me Philippe PERICCHI

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 26 JANVIER 2024

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Président du TJ de Privas en date du 30 Mars 2023, N°22/00316

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Janvier 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2024.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [S] [M]

né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.R.L. RI2E REALISATION INDUSTRIE ENVIRONNEMENT ELECTRIQUE

immatriculée au RCS d’AUBENAS sous le n° 504 488 255

représentée par ses dirigeants en exercice domiciliés audit siège

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Audrey TURCHINO de la SELARL LEXAEQUO, Plaidant, avocat au barreau de LYON

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 04 Janvier 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 26 Janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’appel interjeté le 14 avril 2023 par Monsieur [S] [M] à l’encontre de l’ordonnance prononcée le 30 mars 2023 par le président du tribunal judiciaire de Privas, dans l’instance n°22/00316,

Vu le transfert du dossier, intervenu le 4 septembre 2023, de la 2ème chambre civile Section C vers la 4ème chambre commerciale,

Vu l’avis du 11 septembre 2023 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 11 janvier 2024,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 19 décembre 2023 par l’appelant et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 25 août 2023 par la S.A.R.L. Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E),intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l’ordonnance du 11 septembre 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 4 janvier 2024,

La société RI2E a pour activité la fabrication d’équipements de contrôle de processus industriels, l’achat et la vente de matériel électrique, l’automatisme et l’informatique et l’installation de courant fort et courant faible. Elle a été créée en 2008 par Monsieur [T] [J], Monsieur [Y] [N] et Monsieur [S] [M]. Par acte du 11 juillet 2014, les trois associés ont apporté l’intégralité de leurs parts sociales à la société PNB-INV qui est devenue l’associée unique de la société RI2E.

Lors de la création de la société RI2E, Monsieur [M] en était le gérant. Il a également occupé le poste de responsable technique du 1er juin 2008 au 19 octobre 2018, date à laquelle son contrat de travail a pris fin du fait de sa démission notifiée le 6 septembre 2018.

Le 23 avril 2015, Monsieur [J] a été désigné en qualité de gérant de la société RI2E, par décision de la société PNB-INV.

La société Cab Conception a quant à elle été constituée le 27 mars 2019 par Monsieur [V] [C] et la société Vinsol, détenue par la famille [C]. Elle a pour activité la conception et la fabrication de machines diverses et l’achat et la revente de matériel industriel. La société Vinsol a été désignée statutairement comme présidente de la société Cab Conception.

La société MPC-ACH, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 mai 2019 et ayant pour dirigeant Monsieur [M], détient 49% des parts sociales de la société Cab Conception tandis que la société Vinsol en détient 51%.

Par décision du 31 juillet 2020, les associés de la société Cab Conception ont désigné Monsieur [M] en qualité de directeur général.

La société Charlotte a pour activité l’acquisition, la location, l’aménagement, l’administration, l’exploitation et la cession de biens immobiliers ainsi que l’installation, l’exploitation et la gestion de tout parc photovoltaïque. Elle est détenue à hauteur de 49% par la SCI Charla, dont Monsieur [C] est le gérant. De son côté, la société MPC-ACH dirigée par Monsieur [M] détient 51% des parts de la société Charlotte.

Invoquant des actes de concurrence déloyale commis à son encontre par la société Cab-Conception et ses dirigeants et dont les sociétés Charlotte et MPC-ACH se seraient rendues complices, la société RI2E a déposé le 18 mars 2022 une requête aux fins de faire pratiquer des mesures de saisie-constat au domicile personnel de Monsieur [M].

Par ordonnance du 29 mars 2022, le président du tribunal judiciaire de Privas a fait droit à la requête de la société RI2E et prescrit que la mesure serait exécutée dans un délai de deux mois.

Par ordonnance du 21 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire de Privas a modifié cette ordonnance, en indiquant que la mesure d’instruction autorisée devrait, sous peine de caducité, être exécutée au plus le 31 décembre 2022.

Par exploit du 20 octobre 2022, Monsieur [S] [M] a fait assigner en référé la société RI2E devant le président du tribunal judiciaire de Privas aux fins de rétractation.

Par ordonnance du 30 mars 2023, le président du tribunal judiciaire de Privas a :

-Au principal, renvoyé les parties à se pourvoir comme elles en aviseront mais dès à présent;

-Dit n’y avoir lieu à prononcer l’irrecevabilité de la demande de la société RI2E tendant à voir juger que le séquestre provisoire est levé, prononcer l’acquisition de plein droit du séquestre provisoire et ordonner la remise des pièces détenues;

-Débouté Monsieur [S] [M] de sa demande de rétractation des ordonnances des 22 mars 2022 et 21 septembre 2022;

-Constaté la mainlevée totale du séquestre provisoire prononcé par ordonnance du 29 mars 2022

-Dit qu’il appartiendra au commissaire de justice désigné de remettre les pièces détenues en exécution de la mesure d’instruction du 6 octobre 2022 autorisée par ordonnances des 29 mars et 21 septembre 2022 et annexées à son procès-verbal de constat

-Rejeté toutes les autres demandes des parties;

-Rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit;

-Condamné Monsieur [S] [M] aux dépens;

-Condamné Monsieur [S] [M] à payer à la société Réalisation Industrie Environnement Electrique la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 14 avril 2023, Monsieur [S] [M] a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelant demande à la cour, au visa des articles 490, 496, 497, 73 et suivants, 16 du code de procédure civile, des articles L. 151-1 et suivants, R. 153-1 et suivants du code de commerce, de :

Statuant sur l’appel qu’il a formé à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 30 mars 2023 par le président du tribunal judiciaire de Privas,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

-Infirmer la décision entreprise des chefs suivants :

Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir comme elles en aviseront mais dès à présent;

Disons n’y avoir lieu à prononcer l’irrecevabilité de la demande de la société RI2E tendant à voir juger que le séquestre provisoire est levé, prononcer l’acquisition de plein droit du séquestre provisoire et ordonner la remise des pièces détenues;

Déboutons Monsieur [S] [M] de sa demande de rétractation des ordonnances des 22 mars 2022 et 21 septembre 2022;

Constatons la mainlevée totale du séquestre provisoire prononcé par ordonnance du 29 mars 2022;

Disons qu’il appartiendra au commissaire de justice désigné de remettre les pièces détenues en exécution de la mesure d’instruction du 6 octobre 2022 autorisée par ordonnances des 29 mars 2022 et 21 septembre 2022 et annexées à son procès-verbal de constat;

Rejetons toutes les autres demandes des parties;

Rappelons que l’exécution provisoire de la présenté décision est de droit;

Condamnons Monsieur [S] [M] aux dépens;

Condamnons Monsieur [S] [M] à payer à la société Réalisation Industrie Environnement Electrique la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Statuant à nouveau, à titre principal :

-Déclarer irrecevable le moyen de la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E) tendant à voir :

« Dire et juger que le séquestre provisoire fixé auxdites ordonnances est levé depuis le 7 novembre 2022 au plus tard, les pièces devant être transmises sans délai et nonobstant toute voie de recours à la société RI2E ».

« Prononcer l’acquisition de plein droit de la fin du séquestre provisoire à la date du 7 novembre 2022 et, en conséquence, ordonner la remise de l’intégralité des pièces détenue par le Commissaire de justice en exécution de la mesure d’instruction du 6 octobre 2022 et annexée à son procès-verbal de constat ».

-Débouter la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E) de toutes ses demandes, fins et conclusions;

-Déclarer la demande de Monsieur [S] [M] recevable et bien fondée;

-Rétracter les ordonnances rendues les 29 mars 2022 et 21 septembre 2022 à la requête de la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E).

-La débouter

-Prononcer la nullité des opérations de saisie effectuées en exécution de celles-ci le 6 octobre 2022

-Ordonner, en conséquence, la restitution dans le délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, les pièces saisies par la SCP Nicolas Tardy et Maître Lucie Dauzet, Commissaires de justice à Bagnols sur Cèze; et avec interdiction d’en conserver une copie ;

-Juger que quiconque ne pourra faire état ou exploiter ces pièces;

Si la cour ne rétractait pas les ordonnances rendues les 29 mars 2022 et 21 septembre 2022,

A titre subsidiaire et afin de ne pas porter préjudice au secret des affaires,

Sur la demande de mainlevée du séquestre,

Avant dire droit,

-Renvoyer l’examen de la demande de mainlevée du séquestre en chambre du conseil, dont les débats seront tenus hors la présence de la société RI2E et de ses représentants,

Préalablement à l’audience qui sera fixée,

-Ordonner par voie d’arrêt à intervenir à la SCP Nicolas Tardy et Lucie Dauzet, commissaires de justice à [Localité 6], qui ont procédé aux opérations de saisie, de remettre l’intégralité des pièces en leur possession, à la cour d’appel;

-Autoriser Monsieur [S] [M] à consulter ces pièces pour procéder à un tri des pièces séquestrées remises à la cour, en les regroupant en trois catégories, devant chacune comporter un inventaire précis des pièces contenues :

Catégorie A : les pièces pouvant être communiquées sans examen,

Catégorie B : les pièces concernées par le secret des affaires et que l’appelant refuse de communiquer,

Catégorie C : les pièces qui ne sont pas concernées par le secret des affaires mais que l’appelant refuse de communiquer,

pour établir un mémoire précisant de manière détaillée, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.

A titre infiniment subsidiaire,

-Prendre seule connaissance des pièces et si elle l’estime nécessaire ordonner une expertise et solliciter pour chacune des parties d’une personne habilitée à l’assister ou à la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection

-Décider de limiter la communication ou la production des pièces à certains des éléments

-Ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou dans une version confidentielle

-Restreindre pour chacune des parties au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou à la représenter

En tout état de cause,

-Débouter la société Réalisation Industrie Environnement Electrique (RI2E) de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de son appel incident.

-Condamner la société Réalisation Environnement Electrique (RI2E) à payer à Monsieur [S] [M] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

S’agissant de la recevabilité de la demande de levée du séquestre provisoire, l’appelant fait valoir que le moyen soulevé par l’intimée tiré du non respect du délai d’un mois pour saisir le tribunal, constituait une exception de procédure et devait être soulevé in limine litis. Au surplus, le moyen n’est pas fondé car la remise de l’assignation au greffe confère à la date de l’assignation la valeur de saisine. La juridiction a été saisie dans le délai fixé par l’article R.153-1, alinéa 2, du code de commerce alors que le séquestre provisoire n’était pas levé de plein droit.

Par ailleurs, l’appelant indique que la preuve d’un quelconque fait de concurrence déloyale n’est pas rapportée par l’intimée. Il n’est justifié ni d’un intérêt légitime, ni d’un litige plausible et crédible sur lequel pourrait influer le résultat de la mesure ordonnée. Une sollicitation commerciale rentre dans la vie quotidienne des affaires et le jeu normal de la concurrence. Monsieur [M] avait quitté ses fonctions salariées et sa démarche n’était pas illégitime. Il n’a rien dissimulé. Il n’y a rien d’anormal à ce qu’il ait disposé de certaines informations ou qu’il ait eu accès à certaines données. Il n’y a eu aucun rapport d’affaires, ni flux financier avec les sociétés évoquées par l’intimée, à l’exception de la société […] pour un montant modeste et de la société […] qui a travaillé de son plein gré avec l’appelant et pouvait avoir le souhait légitime de diversifier ses fournisseurs. L’intimée n’établit pas l’existence de manoeuvres frauduleuses, dolosives ou captatoires; une perte de chiffre d’affaires peut avoir d’autres raisons que l’apparition d’un concurrent sur le marché. Tant pour les appels d’offre que pour des marchés privés, des produits sont imposés. La société […] refusant de travailler en direct, il a été envisagé de passer par un distributeur et tout simplement, il lui a été demandé de donner les références des produits souhaités. Il n’est pas démontré que les prix pratiqués par la société […] à l’intimée soient impactés. Les prix ‘publics’ ne sont pas ceux que l’intimée s’est vue appliquer. Dans ce secteur d’activité, les fournisseurs sont communs et chacun a sa démarche qui lui est propre. L’immatriculation de la société Cab Conception au registre du commerce et des sociétés de Montpellier n’a rien d’extravagant, s’agissant d’un secteur potentiellement porteur. Le transfert de son siège social à [Localité 1] résulte de délibérations postérieures de plus d’un mois aux opérations de saisie. Depuis le mois de janvier 2021, elle avait immatriculé un établissement secondaire à la même adresse au registre du commerce et des sociétés d’Aubenas. Elle n’a rien dissimulé. Il existe une volonté de l’intimée d’éliminer Monsieur [M] de la société holding qui la détient et dont 33% des parts lui appartiennent toujours. L’intimée a pour objectif de s’approprier à bon compte toutes les informations relatives aux clients, relations d’affaires et prix pratiqués par la société Cab Conception. Par la généralité, la globalité et la disproportion des mots clés, il y a une atteinte intolérable à la protection du secret des affaires. Les mesures autorisées ne revêtent pas le caractère légalement admissible requis.

A titre subsidiaire, l’appelant expose que l’ordonnance dont appel a fait une interprétation et une application inexactes des articles R. 153-3 à R.153-10 du code de commerce. Aucun des éléments saisis n’est en sa possession ou ne lui a été communiqué. Il lui est impossible d’apporter une quelconque précision sur les données susceptibles de porter atteinte au secret des affaires. La demande de remise des pièces saisies à la cour d’appel et aux conseils des parties n’est que l’accessoire, la conséquence ou le complément des demandes formulées en première instance et tend à la même fin. Le délai de quinze jours proposé à titre infiniment subsidiaire par l’intimée n’est pas suffisant.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée demande à la cour, au visa des articles 145, 493, 564, 845 du code de procédure civile, des articles L. 151-1, R. 153-1 et suivants du code de commerce, de la requête du 18 mars 2022 et l’ordonnance du 29 mars 2022, de la requête du 1er septembre 2022 et l’ordonnance du 21 septembre 2022, de la saisine de la juridiction de première instance le 9 novembre 2022, de :

A titre principal,

-Confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

Disons n’y avoir lieu à prononcer l’irrecevabilité de la demande de la société RI2E tendant à voir juger que le séquestre provisoire est levé, prononcer l’acquisition de plein droit du séquestre provisoire et ordonner la remise des pièces détenues;

Déboutons Monsieur [S] [M] de sa demande de rétractation des ordonnances des 22 mars 2022 et 21 septembre 2022;

Constatons la mainlevée totale du séquestre provisoire prononcé par ordonnance du 29 mars 2022;

Disons qu’il appartiendra au commissaire de justice désigné de remettre les pièces détenues en exécution de la mesure d’instruction du 6 octobre 2022 autorisée par ordonnances des 29 mars 2022 et 21 septembre 2022 et annexées à son procès-verbal de constat;

Rejetons toutes les autres demandes des parties;

Rappelons que l’exécution provisoire de la présenté décision est de droit;

Condamnons Monsieur [S] [M] aux dépens;

Condamnons Monsieur [S] [M] à payer à la société Réalisation Industrie Environnement Electrique la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

-Condamner Monsieur [S] [M] à payer à la société RI2E la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d’appel;

A titre subsidiaire,

-Confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

Disons n’y avoir lieu à prononcer l’irrecevabilité de la demande de la société RI2E tendant à voir juger que le séquestre provisoire est levé, prononcer l’acquisition de plein droit du séquestre provisoire et ordonner la remise des pièces détenues;

Déboutons Monsieur [S] [M] de sa demande de rétractation des ordonnances des 22 mars 2022 et 21 septembre 2022;

Condamnons Monsieur [S] [M] aux dépens;

Condamnons Monsieur [S] [M] à payer à la société Réalisation Industrie Environnement Electrique la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le séquestre statuant à nouveau,

-Débouter, sans examen au fond, Monsieur [S] [M] de sa demande nouvelle en appel ci-dessous reproduite :

Ordonner par voie d’Arrêt à intervenir à la SCP Nicolas Tardy et Lucie Dauzet, Commissaires de justice à [Localité 7] qui ont procédé aux opérations de saisie, de remettre l’intégralité des pièces en leur possession, à la Cour d’appel;

Autoriser Monsieur [S] [M] à consulter ces pièces pour procéder à un tri des pièces séquestrées remises à la Cour, en les regroupant en trois catégories, devant chacune comporter un inventaire précis des pièces contenues :

Catégorie A : les pièces pouvant être communiquées sans examen,

Catégorie B : les pièces concernées par le secret des affaires et que l’appelant refuse de communiquer,

Catégorie C : les pièces qui ne sont pas concernées par le secret des affaires mais que l’appelant refuse de communiquer,

pour établir un mémoire précisant de manière détaillée, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.

-Débouter, sans examen au fond, Monsieur [S] [M] de sa demande de mise en oeuvre de la procédure de levée du séquestre provisoire faute de communication d’un mémoire conforme à l’article R.153-3 du code de commerce ;

-Ordonner la remise à la société RI2E de l’intégralité des pièces détenues par le commissaire de justice en exécution de la mesure d’instruction le 6 octobre 2022 et annexées à son procès-verbal de constat

Y ajoutant :

-Condamner Monsieur [S] [M] à payer à la société RI2E la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

-Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d’appel

A titre infiniment subsidiaire,

-Confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

Disons n’y avoir lieu à prononcer l’irrecevabilité de la demande de la société RI2E tendant à voir juger que le séquestre provisoire est levé, prononcer l’acquisition de plein droit du séquestre provisoire et ordonner la remise des pièces détenues;

Déboutons Monsieur [S] [M] de sa demande de rétractation des ordonnances des 22 mars 2022 et 21 septembre 2022;

Condamnons Monsieur [S] [M] aux dépens;

Condamnons Monsieur [S] [M] à payer à la société Réalisation Industrie Environnement Electrique la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le séquestre, statuant à nouveau,

-Fixer le délai de remise du mémoire conforme à l’article R153-3 du code de commerce par Monsieur [M] à la cour à quinze jours francs à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, sous peine d’irrecevabilité d’office de sa demande de levée du séquestre provisoire ;

-Fixer les conditions d’examen des pièces visées par le mémoire, conformément aux dispositions des articles L.153-1, L.153-2 et R.153-2 à R.153-9 du code de commerce ;

Y ajoutant :

-Condamner Monsieur [S] [M] à payer à la société RI2E la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’intimée réplique qu’elle rapporte la preuve d’indices sérieux s’agissant de l’existence de manoeuvres déloyales destinées à permettre à la société appelante de se placer dans son sillage, à couvert. En effet, la société Cab Conception a sollicité auprès de ses fournisseurs des conditions commerciales identiques, hors engagement de volumes. Ainsi Monsieur [M] a démarché la société […] alors qu’il n’était ni dirigeant, ni associé de la société Cab Conception. Monsieur [M] a également promis à l’un des clients historiques de la société RI2E, la société […], de lui fournir une solution identique mais avec des coûts plus attractifs. Le chiffre d’affaires réalisé par la société RI2E avec ce client a baissé au 4ème trimestre 2019 et au cours de l’année 2020 alors qu’il était en constante progression avant cette période. Elle a également fait le constat de l’érosion inexplicable du volume de ses ventes auprès d’autres clients majeurs. Elle a rapporté la preuve d’indices sérieux de l’existence d’un démarchage déloyal, fondé sur la reproduction servile de ses produits proposés à sa clientèle de manière ciblée et en connaissance de sa politique de prix. La vélocité avec laquelle la société Cab Conception a été en mesure de proposer les produits habituellement achetés par la société […] et répondant à ses besoins n’a été possible qu’en raison du détournement des données, documents et savoir-faire de la société RI2E. Monsieur [M] a pu, par le truchement d’une constitution de société à associée unique, immédiatement suivie d’une cession de titres à son bénéfice, demeurer invisible dans le cadre des activités concurrentes développées avec le concours de son cousin, Monsieur [C], lequel a agi directement ou indirectement via les sociétés contrôlées et dirigées par ses soins. Si l’action commerciale de Monsieur [M] au bénéfice de la société Cab Conception était parfaitement loyale et régulière, il a dû bénéficier d’un statut fiscal et social adéquat dès la création de cette structure ; or, aucun élément n’a été transmis sur ce point, confirmant l’opacité de son intervention. La fixation du siège social de la société Cab Conception à [Localité 9] n’a d’autre objectif que de dissimuler la participation de Monsieur [M]. La complexité des schémas structuraux et leur délocalisation volontaire, la multiplication des sites physiques susceptibles de loger les éléments probatoires recherchés, la nature des éléments de preuve susceptibles d’être appréhendés (données immatérielles essentiellement et notamment), la nature des éléments révélés à la société RI2E, le défaut de toute transparence quant à l’intervention de [S] [M] au sein des activités de la société Cab Conception, pendant près de deux ans, sont autant d’éléments justifiant le recours à une procédure non contradictoire.

L’intimée rétorque que la mission est parfaitement proportionnée et justifiée quant à son périmètre physique, matériel, intellectuel et temporel. Les listes de mots clés ont été strictement définies en appliquant des critères objectifs destinés à préserver les droits des parties requises, tout en les conciliant avec la nécessaire efficacité de la mesure. La mesure autorisée contient, notamment à la demande expresse de la société RI2E, de multiples garanties procédurales et de fond au bénéfice de la partie requise. Cette dernière n’a pas saisi la présente juridiction dans le délai prévu par l’ordonnance, la date de la saisine de la juridiction étant fixée au jour de l’enrôlement. La protection du séquestre provisoire fixée à un mois est perdue de manière irrévocable. Il est levé de plein droit depuis le 7 novembre 2022. Le secret des affaires ne peut constituer une invocation désincarnée susceptible d’empêcher toute mesure d’instruction. Pour permettre l’examen de ses prétentions, l’appelante aurait du solliciter la copie des éléments détenus par les commissaires de justice, le cas échéant, dans le cadre de l’application des articles 138 à 141 du code de procédure civile, puis dresser la liste des pièces pour lesquelles la protection est demandée. Ce n’est qu’à défaut d’obtention amiable que l’appelant pourrait envisager de saisir une juridiction aux fins de voir ordonner au tiers qu’est le commissaire de justice d’avoir à lui remettre les pièces demandées. La demande, nouvelle en cause d’appel, ne peut être accueillie, ni même examinée.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la demande en rétractation d’ordonnance

Aux termes de l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.

Selon ces dispositions tel qu’interprétées par la Cour de cassation (Civ., 1re, 13 juillet 2005, n°05-10.519, publié), le référé afin de rétractation ne constitue pas une voie de recours. L’instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire. L’objet de l’instance est donc de statuer sur les mérites de la requête. Le juge saisi d’une demande de rétractation d’une décision ayant ordonné une mesure, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

Il appartient au requérant de justifier de la recevabilité et du bien-fondé de sa requête et non au demandeur à la rétractation de démontrer que ces conditions ne sont pas réunies (Civ., 2è, 21 octobre 1987, n°86-14.978, publié).

Le juge de la rétractation doit apprécier la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire au jour où le juge des requêtes a statué.

En revanche, si les circonstances nouvelles apparues à la faveur de l’exécution de la mesure ordonnée ne sauraient justifier à posteriori la mesure prise, il résulte du principe dégagé, de manière constante, par la Cour de cassation que le juge de la rétractation doit apprécier l’existence d’un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant lui (notamment Civ., 2è, 17 mars 2016, n°15-13.343 et 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-24.586).

Il s’en suit que sont recevables les pièces n°39 et 40 communiquées par la société RI2E, à titre d’éléments de preuve, dans le cadre de la procédure de rétractation.

Sur le motif légitime:

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La mesure d’instruction doit aider à la préparation du procès ; le demandeur doit démontrer le caractère nécessaire de cette mesure au procès envisagé de sorte qu’elle doit être utile et nécessaire à l’amélioration de la situation probatoire des parties.

Le juge doit vérifier que l’action éventuelle au fond n’est pas vouée à l’échec ce qui le conduit à apprécier la potentialité d’un procès. Il doit s’assurer que la mesure demandée est légalement admissible et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes en présence. Le raisonnement du juge repose sur la certitude et l’évidence.

Le parasitisme est l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Com. 10/07/2018 n° 16-23.794).

En l’occurrence, le directeur commercial France de la société […] indique avoir été contacté par Monsieur [M] qui lui a proposé de travailler avec sa nouvelle structure sur les parafoudres, produits fournis à la société RI2E. Monsieur [I] précise qu’après un premier refus pour une question d’éthique, Monsieur [M] l’a relancé par téléphone et message électronique pour lui proposer d’acheter le matériel de la société […] par l’intermédiaire d’un distributeur local.

Il appartiendra, le cas échéant, à la juridiction du fond d’apprécier la valeur probante de ce témoignage, compte-tenu des liens d’amitié unissant son auteur à Monsieur [N], associé de la société RI2E, mais également du fait qu’il est corroboré par le message électronique adressé le 17 novembre 2020 par Monsieur [M] à la société […] afin d’obtenir des prix identiques à ceux consentis à la société RI2E, très inférieurs aux prix publics 2020 récapitulés dans un message électronique du 16 décembre 2022.

Ces documents laissent penser que Monsieur [M] pourrait avoir conservé et utilisé des informations et données confidentielles qu’il détenait dans le cadre de ses fonctions de responsable technique et ancien gérant de la société RI2E. L’utilisation de ces renseignements aurait eu vraisemblablement pour but de tirer profit des négociations entreprises par la société RI2E avec l’un de ses fournisseurs lui ayant permis de bénéficier de prix très avantageux, au regard du volume de commandes et de l’ancienneté de leur collaboration.

L’absence de stipulation d’une clause de non concurrence, de non sollicitation ou d’interdiction dans le contrat de travail de Monsieur [M] du 1er juin 2008 et l’avenant du 1er mai 2010 ne l’affranchissent pas de l’obligation de se comporter de manière loyale envers son ancien employeur, dans le cadre de sa nouvelle activité professionnelle, alors qu’au surplus, il est toujours associé à hauteur d’un tiers au sein de la société RI2E.

La société RI2E a reçu, par erreur, le 27 mars 2020 un message électronique de l’un de ses principaux clients, la société […] qui voulait passer commande d’un coffret électrique auprès de la société Cab Conception, par l’intermédiaire de Monsieur [M].

Il résulte également du témoignage du directeur général de la société […] qu’il a été approché en septembre 2019 par la société Cab Conception, représentée par Monsieur [M], qui lui a proposé de lui fournir des coffrets de protection électrique identique à ceux commercialisés par la société RI2E mais avec des coûts plus attractifs. Le représentant de la société […] précise avoir commencé à traiter avec la société Cab Conception, à partir de novembre 2019, et que les commandes de matériel auprès de cette société sont devenues de plus en plus importantes à compter de juin 2020. Ainsi, il affirme qu’alors que les achats auprès de la société RI2E s’étaient élevés à 725 000 euros environ en 2019, ils n’étaient plus que de 423 000 euros en 2020, des produits ayant été acquis pour 279 000 euros auprès de la société Cab Conception pour cette même année 2020. De même, en 2021, les achats de la société […] auprès de la société RI2E ont représenté 280 000 euros et 387 000 euros auprès de la société Cab Conception.

Au vu de ce témoignage, il existe des raisons plausibles de soupçonner que Monsieur [M], représentant la société Cab Conception, pourrait avoir utilisé, de manière déloyale, la connaissance, acquise dans le cadre de ses précédentes fonctions au sein de la société RI2E, des besoins techniques spécifiques de l’un des principaux clients de cette dernière et des tarifs qui lui étaient consentis.

Le motif légitime de voir ordonner une mesure d’instruction est donc caractérisé dès lors que la société RI2E fournit des indices concordants de possibles agissements parasitaires de la société Cab Conception consistant à tirer parti du savoir faire, des contacts et de l’expertise acquise par sa concurrente en vue de détourner sa clientèle. Ces indices sont suffisamment sérieux pour caractériser la potentialité d’une action au fond en concurrence déloyale, non manifestement vouée à l’échec, sur laquelle pourrait influer le résultat de la mesure d’instruction ordonnée.

Sur la dérogation au principe du contradictoire

L’article 493 dispose que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse».

En l’espèce, il résulte du témoignage du directeur général de la société […] qu’il aurait été approché dès le mois de septembre 2019 par Monsieur [M], pour le compte de la société Cab Conception. De même, les coordonnées téléphoniques figurant sur le dépôt du 29 juillet 2019 du nom de domaine cab-concept sont celles de Monsieur [M] comme étant identiques à celles énoncées sur le message électronique du 17 novembre 2020 qu’il a adressé à la société […].

Dès lors, Monsieur [M] s’est comporté comme le dirigeant de fait de la société Cab Conception bien avant qu’il en devienne officiellement le directeur général le 31 juillet 2020, cette nomination n’ayant été toutefois publiée que le 29 janvier 2021 et donc dévoilée aux tiers que six mois plus tard.

Monsieur [M] détient désormais 49% des actions de la société Cab Conception mais par le biais de la société MPC-ACH dont les statuts ont été signés le 24 avril 2019.

Par ailleurs, la société Cab Conception a été immatriculée le 10 mai 2019 au registre du commerce et des sociétés de Montpellier alors qu’il n’est pas justifié d’une activité économique exercée dans ce secteur géographique, au regard de sa seule participation à un salon incontournable pour les acteurs dans le domaine de l’énergie renouvelable et auquel la société RI2E était elle-même inscrite.

Au contraire, les éléments fournis par la société RI2E établissent que la société Cab Conception a, peu de temps après sa création, noué un partenariat commercial avec la société […] dont le siège social est à [Localité 8] (Ardèche), à proximité de celui de la société RI2E à [Localité 2]. D’ailleurs, la société Cab Conception a créé un établissement secondaire à [Localité 1] où elle a démarré officiellement son activité le 1er octobre 2020 et elle y a transféré son siège social à la suite de l’assemblée générale extraordinaire du 13 juillet 2022.

Par conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a considéré qu’au vu des soupçons de dissimulation de la place de Monsieur [M] dans la création et le développement de la société Cab Conception, induits par la nature des montages et opérations réalisées avec Monsieur [C], l’effet de surprise était indispensable pour prévenir le risque de dépérissement des éléments de preuve recherchés.

La nécessité de déroger au principe du contradictoire est ainsi parfaitement établie.

Sur la légalité de la mesure

La Cour de cassation a rappelé (Civ., 2è, 24 mars 2022, n°20-21.925) que constituaient des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi; qu’il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit de la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

Le secret des affaires n’est pas un obstacle absolu aux mesures d’instruction si le juge constate que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime, si les mesures demandées sont nécessaires à la protection des droits de la partie demanderesse qui les a sollicitées et si elles ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie.

En l’occurrence, la mesure d’investigation ordonnée n’a pas une portée générale mais a été circonscrite dans le temps, à la seule période postérieure au 20 octobre 2018 au cours de laquelle les agissements frauduleux sont susceptibles d’avoir été commis, à partir de la prise d’effet de la démission de Monsieur [M]. Les constats et saisies ont été également circonscrits dans leur objet, l’utilisation de mots clés constitués des noms des associés de la société RI2E, de certains de ses clients ou contacts clients avec lesquels une baisse du chiffre d’affaires a été constatée, de ses fournisseurs et sous-traitants, permettant de limiter la recherche et la collecte aux seuls documents en lien avec les faits allégués de concurrence déloyale.

La requérante n’a pas été autorisée à se faire communiquer l’intégralité du fichier clients de sa concurrente mais seulement les noms et coordonnées des clients qui sont communs aux deux sociétés et qui sont donc susceptibles d’avoir été détournés, à la suite des agissements frauduleux dénoncés. De même, la recherche avec l’utilisation du nom ‘[L]’, qui travaillerait avec tout le monde, était indispensable au succès des opérations de saisies et de constats dans la mesure où il s’agit du fournisseur des disjoncteurs que la société RI2E modifie pour les adapter aux besoins du client […] qui semble avoir été capté par la société Cab Conception.

La mesure d’investigation ordonnée n’a donc pas permis à la société requérante d’avoir accès à des informations générales se rapportant à l’intégralité de l’activité de production et de distribution de la société Cab Conception.

L’ordonnance a encadré le sort des documents, fichiers saisis en prévoyant leur séquestration provisoire entre les mains de l’huissier désigné et l’exclusion des correspondances entre la partie requise et ses avocats, notaires et commissaires de justice.

Dans ces circonstances, la saisie ordonnée ne porte pas une atteinte excessive aux droits de la société Cab Conception et de Monsieur [M], au regard du but poursuivi de parvenir à la manifestation de la vérité.

La société requérante a justifié de la recevabilité et du bien-fondé de sa requête en mesure d’instruction qui est légalement admissible et n’entraîne pas une atteinte disproportionnée aux intérêts antinomiques en présence ; l’ordonnance de référé du 30 mars 2023 sera confirmée en ce qu’elle a débouté Monsieur [M] de sa demande en rétractation des ordonnances des 29 mars 2022 et 21 septembre 2022 et de ses demandes subséquentes en nullité des opérations de saisie et restitution des documents saisis.

2) Sur la levée du séquestre provisoire

L’article R. 153-1 du code de commerce prévoit que si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance, en application de l’article 497 du code de procédure civile, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire est levée et les pièces sont transmises au requérant.

La société RI2E soulève le non respect par la société requise du délai d’un mois prescrit par l’article R. 153-1 du code de commerce et elle en conclut que le séquestre provisoire a été levé de plein droit depuis le 7 novembre 2022.

En l’occurrence, le moyen invoqué par la société RI2E tend à faire déclarer la société requise irrecevable en sa demande de maintien du séquestre provisoire, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, en lui opposant un délai préfix. En application des articles 122 et 123 du code de procédure civile, il s’agit d’une fin de non-recevoir qui pouvait être proposée en tout état de cause.

L’ordonnance critiquée sera donc confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable la société RI2E en sa demande de constat de levée de plein droit du séquestre provisoire.

L’article R. 153-1 précité impose un délai d’un mois non pas pour introduire une instance mais pour saisir le juge aux fins de modification ou de rétractation de son ordonnance, faute de quoi le séquestre provisoire est levé de plein droit

Aux termes de l’article 857 du code de procédure civile, le tribunal est saisi par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

En l’occurrence, l’assignation aux fins de rétractation des ordonnances des 29 mars et 21 septembre 2022 a été délivrée le 20 octobre 2022 à la société RI2E, soit dans le délai d’un mois suivant la signification du 6 octobre 2022 de la décision autorisant la mesure d’instruction. Toutefois, l’assignation n’a été remise au secrétariat-greffe que le 9 novembre 2022, postérieurement à l’expiration du délai d’un mois précité.

Par conséquent, l’ordonnance critiquée sera également confirmée en ce qu’elle a retenu que le séquestre provisoire avait été levé de plein droit au jour de sa saisine et dit qu’il appartiendrait au commissaire de justice désigné de remettre les pièces détenues en exécution de la mesure d’instruction du 6 octobre 2022.

3) Sur les demandes subsidiaires au titre de la protection du secret des affaires

Monsieur [M] demande pour la première fois en cause d’appel d’ordonner à la SCP de commissaires de justice qui a procédé aux opérations de saisie, de remettre l’intégralité des pièces en sa possession à la cour d’appel et de l’autoriser à consulter ces pièces pour procéder à un tri des pièces séquestrées remises à la cour, en les regroupant en trois catégories, devant chacune comporter un inventaire précis des pièces contenues, pour établir un mémoire précisant de manière détaillée, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.

L’article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’occurrence, la demande subsidiaire présentée par Monsieur [M] tend à la protection du secret des affaires tout comme celle formulée en première instance de voir ordonner une expertise et solliciter l’avis pour chacune des parties d’une personne habilitée à l’assister ou à la représenter afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection. La demande énoncée en procédure d’appel n’est que le complément nécessaire de celle soumise au juge de première instance.

Toutefois, le séquestre provisoire ayant été levé de plein droit, faute de saisine du juge dans le délai requis, les demandes subsidiaire et infiniment subsidiaire de Monsieur [M] tendant à la protection du secret des affaires ne sont pas recevables. Il convient, par conséquent, d’ordonner la remise à la société RI2E de l’intégralité des pièces détenues par le commissaire de justice en exécution de la mesure d’instruction du 6 octobre 2022 .

4) Sur les frais du procès

L’appelant qui succombe sera condamné aux dépens de l’instance d’appel.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’intimée et de lui allouer une indemnité de 2 000 euros, à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l’ordonnance en ses dispositions soumises à la cour

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes subsidiaire et infiniment subsidiaire de Monsieur [M] au titre de la protection du secret des affaires

Ordonne, par conséquent, la remise à la société RI2E de l’intégralité des pièces détenues par le commissaire de justice en exécution de la mesure d’instruction du 6 octobre 2022

Condamne Monsieur [M] aux entiers dépens d’appel,

Condamne Monsieur [M] à payer à la société RI2E une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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