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ARRÊT DU
12 SEPTEMBRE 2023
PF/CO
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N° RG 22/00150 –
N° Portalis DBVO-V-B7G-C7DX
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[W] [GN]
C/
SAS LOMALY
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n°131 /2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le douze septembre deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Nathalie CAILHETON, greffier
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
[W] [GN]
né le 19 août 1986 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Laurence BOUTITIE, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Sabine CHERIFI substituant à l’audience Me David KOUBBI, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUCH en date du 17 janvier 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 21/00038
d’une part,
ET :
LA SAS LOMALY prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant inscrit au barreau de TOULOUSE et par Me Judith LEVY, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
d’autre part,
A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 20 juin 2023 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assistée de Chloé ORRIERE, greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Valérie SCHMIDT et Benjamin FAURE, conseillers, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [W] [GN] a été engagé le 13 novembre 2019 par la société Lomaly, qui exploite le supermarché Intermarché à [Localité 3], en qualité de comptable. Il a été promu directeur de magasin par avenant n°2 du 30 avril 2015 à son contrat de travail à durée indéterminée à temps plein (cadre niveau 7) à effet au 1er mai 2015.
La convention collective nationale est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
Les gérants étaient M. et Mme [A].
M. [GN], recruté en 2009 dans le cadre d’un contrat de professionnalisation de comptabilité, a évolué dans la société jusqu’à être nommé directeur par avenant du 30 avril 2015.
Mme [I] [G], salariée, a épousé M. [GN].
M. [GN] a été licencié pour faute grave le 18 novembre 2019.
Par requête du 8 avril 2021, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch en contestation de son licenciement et en paiement de différentes indemnités.
Par jugement du 17 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement de M. [GN] pour faute grave était justifié,
– débouté M. [GN] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [GN] à payer à la société Lomaly la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis à la charge de M. [GN] les éventuels dépens de l’instance.
Par déclaration au greffe du 22 février 2022, M. [GN] a régulièrement déclaré former appel du jugement en indiquant les chefs du jugement critiqué qu’il cite dans sa déclaration d’appel.
Par ordonnance du 15 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a fait droit à l’incident soulevé par M. [GN] et a ordonné la jonction des procédures 22/0091 et 22/00150 sous le numéro 22/00150.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 06 avril 2023 et l’affaire a été fixée au 20 juin 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
I- Moyens et prétentions de M. [W] [GN]:
Selon dernières conclusions enregistrées au greffe le 28 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens de l’appelant, M. [W] [GN] demande à la cour de :
I. A titre principal
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 17 janvier 2022 en ce qu’il a dit que son licenciement notifié le 23 août 2019 pour faute grave était justifié et bien fondé
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 17 janvier 2022 en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes
Et, statuant à nouveau
– Juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, ni la moindre faute grave ;
En conséquence,
– Condamner la société Lomaly à lui payer les sommes suivantes (portant intérêt légal à compter de la requête introductive d’instance) :
– indemnité conventionnelle de licenciement (calculée en incluant le préavis non effectué) : 8 011,62 € ;
– indemnité conventionnelle de préavis (3 mois) : 7 982,45 € en brut ;
– indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 798,25 € en brut ;
– salaire afférent à la mise à pied conservatoire (9 au 23 août 2019, soit 15 jours) : 1 242,83 € en brut ;
– indemnité compensatrice de congés payés sur salaire afférent à la mise à pied conservatoire : 124,29 € en brut ;
– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : à titre principal, 63 860,00 € (24 mois de salaire) ; à titre subsidiaire, 26 608,00 € (10 mois de salaire, barème) ;
II. A titre subsidiaire
Si par extraordinaire la cour venait à constater l’absence de faute grave, mais retiendrait néanmoins la cause réelle et sérieuse de licencier, il lui est demandé :
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 17 janvier 2022 en ce qu’il a dit que son licenciement notifié le 23 août 2019 pour faute grave était justifié et bien fondé
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 17 janvier 2022 en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes ;
Et, statuant à nouveau
– Condamner la société Lomaly à lui payer les sommes suivantes (portant intérêt légal à compter de la requête introductive d’instance) :
– indemnité conventionnelle de licenciement (calculée en incluant le préavis non effectué) : 8.011,62 € ;
– indemnité conventionnelle de préavis (3 mois) : 7 982,45 € en brut ;
– indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 798,25 € en brut ;
– salaire afférent à la mise à pied conservatoire (9 au 23 août 2019, soit 15 jours) : 1242,83 € en brut ;
– indemnité compensatrice de congés payés sur salaire afférent à la mise à pied conservatoire : 124,29 € en brut ;
– indemnité équivalente à un mois de salaire, au titre du licenciement irrégulier : 2 568,51 € en brut ;
III. En tout état de cause :
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 17 janvier 2022 en ce qu’il l’a condamné à payer à la société Lomaly la somme de 1 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et mis à sa charge les éventuels dépens de l’instance ;
Et, statuant à nouveau
– Condamner la société Lomaly au paiement de la somme de 5 000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, M. [GN] fait valoir que :
– il existe une irrégularité de procédure dans le courrier de convocation à l’entretien préalable qui tient à l’adresse erronée de la DIRRECTE compétente et à l’adresse de la mairie de son lieu de domicile à [Localité 2]
– ces deux irrégularités lui ont causé un préjudice certain car il n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un conseiller inscrit
– sur les griefs contenus dans la lettre de licenciement :
– il conteste toute déficience managériale et manque de communication
– il produit plusieurs attestations de salariés alors que l’employeur ne produit qu’une seule attestation émanant d’une cliente mécontente de la préparation d’une commande. Il n’était pas responsable car non chargé de la préparation et cette attestation confirme au contraire sa communication avec les équipes
– les attestations de Mme [C] et Mme [P] du 5 août 2019 produites en défense sont identiques et rédigées le même jour très en amont du licenciement ce qui suppose que des salariés avaient connaissance de son licenciement probable. Ceci caractérise un licenciement vexatoire
– la communication par WhatsApp, SMS, telegram n’est pas surprenante de nos jours et se pratique dans de nombreuses sociétés lorsque les employés n’ont pas de poste fixe avec un ordinateur
– les fiches de souhait des congés payés étaient validées par chaque salarié et la direction et les deux attestantes ne peuvent soutenir que leur validation était compromise par une mauvaise communication
– l’attestation de Mme [K] est vague et dénuée de force probante. Bien au contraire, les échanges de SMS qu’il communique établissent qu’il supervisait le point de vente en toute transparence et que les gérants ne se sont jamais plaints en dix ans
– il a toujours été à l’écoute de ses équipes et de leurs besoins, sans avoir jamais refusé de mettre en ‘uvre l’ensemble des moyens exigés par le bien-être au travail. Il donnait ainsi une suite favorable à toutes les demandes de réunions qui lui étaient présentées ou bien il en proposait de lui-même
– l’agression verbale à l’encontre de Madame [U] [K] n’est pas démontrée
– il existe des liens de proximité entre les attestants qui mettent en doute la force probante de leurs attestations
– il existe un manque de concordance entre la lettre de licenciement et l’attestation de Mme [H] au sujet de l’agitation de Mme [K] après la prétendue altercation
– sur l’agression de M. [O] : il conteste cette attestation en raison de ses liens de parenté avec la gérante, Mme [A], qui est sa mère
– sur la gestion déficiente des points de vente :
– l’employeur met en avant une perte d’exploitation de 99 802,69 euros pour 2017
– or, le compte de résultat de la société met en exergue une baisse des charges d’exploitation de 116 903,24 euros ce qui est contradictoire
– il lui est reproché une chute du résultat du point de vente de 150 395,42 euros à -146 108,79 euros entre 2016 et 2017
– or, les gérants ont procédé en 2016 à un abandon de compte courant d’associé avec une clause de retour à meilleure fortune à hauteur de 232.449,72 € et une augmentation de la rémunération des dirigeants en 2017
– les chiffres de 2018 ne peuvent pas fonder un licenciement survenu en 2019
– le résultat de 2017 était quasiment « à l’équilibre » avec celui de l’exercice 2016
– outre un exercice 2018 en nette amélioration et un 1er quadrimestre de l’exercice 2019 en grande progression.
– aucune « gestion catastrophique » ne lui est imputable
– l’employeur ne pouvait pas engager de poursuite disciplinaire pour ces faits qui relèveraient éventuellement d’une insuffisance professionnelle
– avoir outrepassé ses fonctions le 4 juillet 2019 :
– en offrant 72 couteaux en inox à M. [E] alors même que ce don avait été dûment autorisé par les gérants, présents sur le point de vente. Il s’agissait de plus d’un usage en guise de publicité aux associations de la région qui organisaient des concours
– il met en doute la valeur probante de l’attestation de M. [E] en tant qu’ami personnel de Mme [A]
– une défaillance dans la transmission des précommandes sans information préalable du personnel perturbant ainsi la gestion des stocks et la modification des quantités commandées sans information du personnel entraînant une perte anormale de marchandise
– elles étaient éditées et communiquées au personnel par Mme [A] elle-même ce qui est confirmé par les attestations qu’il produit
– il soulève l’identité rédactionnelle, fautes d’orthographe comprises, des attestations de Mme [C] et [P] et leur défaut de force probante
– aucun reproche ne lui a jamais été adressé pendant toute la relation contractuelle
II- Moyens et prétentions de la société Lomaly :
Selon dernières conclusions enregistrées au greffe le 27 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens de l’intimée, la société Lomaly demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 17 janvier 2022 en ce qu’il a :
– jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [GN] était justifié et bien fondé ;
– débouté Monsieur [GN] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné Monsieur [GN] à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– mis à la charge de Monsieur [GN] les éventuels dépens de l’instance ;
Et statuant à nouveau,
– Condamner Monsieur [GN] à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société Lomaly fait valoir que :
– sur la régularité de la procédure : aucun préjudice n’est démontré concernant les erreurs d’adressage
– sur les griefs :
– l’agression de Mme [K]
– contrairement à ce que soutient le salarié, les attestations de Mme [K] et de Mme [H] correspondent au grief contenu dans la lettre de licenciement
– agression et menace vis à vis de M. [O]
– l’attestation de M. [O] est corroborée par celle de Mme [H]
– l’attestation de Mme [Z] n’est pas probante car elle n’était pas physiquement présente lors de la discussion
– le dépôt de main courante du salarié le 16 août, quelques jours avant son licenciement, n’avait d’autre but que de se constituer une preuve à soi-même
– relation privée avec une salariée, Mme [G]
– Mme [L] atteste de l’inégalité de traitement entre Mme [G] et les autres salariés ainsi que du comportement inapproprié de cette dernière et de M. [GN] sur le lieu de travail lors de l’absence des gérants du 17 au 21 juin 2019 ce qui est confirmé par l’attestation de Mme [K]
– l’erreur de date des faits, 21 juin au lieu du 20 juin, ne remet pas en cause leur véracité
– le salarié ne nie pas les faits mais les minimise
– le salarié ne peut se défausser étant directeur de sa responsabilité au sujet de la commande incomplète de Mme [S] en déclarant qu’il était absent à cette période
– la mauvaise gestion du point de vente associée à un manque de communication des équipes
– les chiffres présentés par le salarié sont incomplets
– le salarié n’est concerné que par le point de vente car le reste de l’activité fonctionne en quasi-totale autonomie
– les résultats en 2018 sont dus à l’intervention des gérants qui l’ont soutenu ayant eux-mêmes constaté ses difficultés en 2017 et qui ont diminué leur rémunération
– il ne s’agit pas d’insuffisance professionnelle comme le salarié tente de le présenter mais de fautes dans sa gestion
– l’abandon de compte avait comme but d’améliorer la situation comptable du point de vente et son amélioration ne provient pas de sa compétence
– les problèmes de marges et la gestion des précommandes
– Mme [P] et Mme [C] attestent de l’envoi tardif des précommandes par le salarié ce qui avait pour effet d’augmenter les invendus
– elle produit les grilles de précommandes validées et signées par le salarié
– pour la période de juillet à septembre 2019, les commandes étaient faites largement en amont et le salarié ne peut soutenir qu’il n’était pas responsable du fait de son absence pour mise à pied depuis le 9 août 2019
– le salarié modifiait les commandes sans vérifier les rayons et sans échanger avec les équipes ce qui allait à l’encontre de la bonne gestion des rayons
– le salarié affirme sans fondement que les gérants faisaient leurs courses personnelles dans le magasin
– les quatre attestations qu’il produit sont empreintes de partialité
– Mme [D] et Mme [G] ont reçu un avertissement de Mme [A] en raison de leur comportement à son égard que le salarié n’avait pas voulu sanctionner
– Mme [D] a démissionné
– le manque de communication :
– bien que directeur, le salarié échangeait avec ses équipes par textos
– Mme [K], Mme [P] et Mme [C] en attestent
– le défaut de management des équipes :
– le salarié ne sanctionnait pas les manquements des employés
– Mme [C] et Mme [P] en attestent : le salarié faisait preuve de partialité
– notamment le 7 juin suite aux agissements de Mmes [G] et [D], les gérants ont eux-mêmes infligé un avertissement aux deux salariées
– la désinvolture du salarié
– un apprenti a tenu seul un rayon avec une employée saisonnière pendant la période estivale
– le salarié a offert à une association un lot de couteaux d’un montant de 443 euros sans en informer au préalable les gérants
– M. [E] atteste du fait que les gérants n’ont pas été consultés
– les inégalités de traitement
– elle se traduit par la rédaction des plannings avantageant certains salariés comme Mme [F] et M. [G]au détriment des autres
– Mme [C] et Mme [P] le confirment
– les attestations présentées par le salarié proviennent de son groupe d’amis Facebook et ne sont pas objectives
– son comportement au sein des rayons et l’usage de son téléphone portable
– Mme [K] atteste de l’usage du téléphone portable dans les rayons par certains employés et de son comportement désinvolte dans la structure
– Mme [L] en atteste aussi
– les réflexions et la divulgation d’informations personnelles
– elle produit les attestations de Mme [L], Mme [P] et Mme [C]
– sur l’instauration d’un climat dégradé
– Mme [L] et Mme [C] attestent avoir quitté la société en raison du comportement du directeur
– la volonté de nuire
– la société a dû faire face à un manque évident de personnel en raison d’arrêts de travail de plusieurs salariés simultanément et de démissions
– la société a été contrôlée en l’espace d’un mois par les URSSAF (8 janvier 2020) et la DIRRECTE (11 février 2020)
Sur les demandes indemnitaires
– elles sont excessives en particulier celle en dommages et intérêts représentant 24 mois de salaire alors que le salarié ne dispose que de 9 ans et 10 mois d’ancienneté et qu’il ne rapporte pas l’étendue d’un préjudice subi
– sa demande en dommages et intérêts ne pourrait donc excéder le plafond prévu par l’article L.1235-3 du code du travail
– en raison de la faute grave, l’indemnité de licenciement est exclue
– il n’est pas non plus fondé à réclamer un rappel de salaire et une indemnité compensatrice de préavis
MOTIVATION :
A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas – hormis les cas prévus par la loi – de droit à la partie qui les énonce.
I- Sur le licenciement :
Par courrier du 23 août 2019, qui fixe les limites du litige, M. [W] [GN] a été licencié pour faute grave en ces termes :
« Monsieur,
Suite à I’entretien que nous avons eu Ie 19 août 2019 nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave, sans préavis et sans indemnité.
En ce qui concerne Ies motifs de Iicenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés Iors de l’entretien précité, à savoir :
Vous êtes embauché au sein de notre société en 2009 en qualité de comptable.
En 2015, vous avez bénéficié d’une formation a’n de devenir Directeur de notre point de vente, conformément à vos souhaits d’évolution que vous nous aviez confiés.
Ayant toujours été satisfait de votre travail en qualité de comptable, nous avons placé notre entière confiance en vous pour devenir Directeur de notre structure, qui ne compte que 17 salariés.
C’est ainsi que le 01/05/2015, vous deveniez Directeur de notre point de vente.
S’agissant d’un point de vente de petite taille, nous vous avons confié la gestion du magasin temps sur Ie plan commercial que sur le plan social.
Le 8 août dernier, vous avez agressé verbalement Madame [U] [K] en tenant des propos diffamatoires à son égard dans le bureau de la comptabilité.
Vous avez évoqué des faits de nature personnelle n’ayant rienà voir avec la gestion de l’entreprise.
Nous avons retrouvé Madame [K] en pleurs légitimement choquée et désirant quitter l’entreprise ne voulant plus vous croiser.
Le même jour, vous avez également agressé Monsieur [V] [O] que vous avez menacé de « lui mettre sur la gueule à la sortie du travail».
Vous avez proféré des menaces envers monsieur [O] au beau milieu du magasin en présence d’une salariée, Madame [M] [H] et de clients qui ont bien évidemment été choqués par vos propos.
En parallèle, nous avons constaté une augmentation du turn-over au sein de notre entreprise et plusieurs salariés ont manifesté leur intention de démissionner. lls se sont alors confiés à nous sur plusieurs incidents ayant trait à vos décisions ou à votre comportement au sein du magasin, engendrant ainsi un stress permanent pour eux et caractérisant une gestion catastrophique du magasin.
Face à cette situation, nous avons décidé de vérifier ces affirmations et avons découvert plusieurs manquements graves.
Nous relevons en premier lieu une très mauvaise gestion du point de vente et un manque flagrant de communication.
Le 4 juillet dernier vous avez offert à titre de lots pour des animations à Monsieur [Y] [E] responsable du camping de [4], 72 couteaux en inox de marque vivo d’une valeur de 443 €, sans nous consulter.
Par ailleurs, vous donnez systématiquement des précommandes à remplir aux salariés le jour même, parfois moins d’une heure avant la validation, alors que vous savez que la gestion des stocks exige de procéder aux précommandes et aux commandes suffisamment à I’avance.
Une fois les précommandes communiquées, vous modi’ez les quantités à commander en rajoutant des produits ou en enlevant certains, sans en informer le personnel qui n’a donc aucune visibilité sur le stock existant ce qui impacte indéniablement leur travail. »
Ainsi, par exemple, le 12 avril 2019 pour le prospectus du mois de juillet 2019, il a été rajouté des quantités sur les commandes qu’avait déjà faites les salariés qui les géraient et cela à leur insu. Ce manque de communication a engendré des pertes sur les rayons traditionnels. ll n’y avait aucun échange car Mr [GN] prenait des décisions seul sans se concerter avec le personnel rattaché a ces rayons qui connaissait ses besoins.
Cela a eu pour conséquence une forte quantité de perte notamment sur la ligne traditionnelle et libre-service. De même, lorsque vous n’aviez pas commandé assez, les salariés étaient dans I’ incapacité de tenir sur le nombre de jours annoncés dons nos diffusions commerciales les promotions, ceci en raison du manque de produits. Ce qui a provoqué un mécontentement des clients.
Par ailleurs, la casse et la perte en produits frais est anormalement importante. Nous avons constaté sur les 3 derniers mois 7789 € de perte en mai, 6557 € en juin et 5958 € en juillet, ce qui est deux fois trop élevé par rapport aux ratios de gestions que vous connaissez parfaitement en votre qualité d’ancien comptable.
Ceci a bien entendu occasionné une diminution importante de marge.
A titre d’exemple sur le premier quadrimestre 2019, nous déplorons ainsi une perte de marge de 45 160 €.
Ceci pas bien évidemment sur la situation économique anormal du point de vente.
Lorsque les salariés venaient vers vous pour vous demander de résoudre les situations constatées, ceux-ci nous ont indiqué que vous ne leur avez à aucun moment communiqué un quelconque conseil ou mis en place une quelconque action correctrice, vous limitant alors dire « j’y ré’échis et je te dis». Vous n’êtes bien évidemment jamais revenu vers eux malgré leurs demandes incessantes et répétées.
Cela fait pourtant partie de vos missions essentielles en votre qualité de directeur de notre point de vente.
En cette qualité, vous aviez pour mission principale d’assurer la pérennité de notre entreprise et de participer à son développement, ce que vous nous aviez toujours confirmé avoir à coeur.
Ce management de chaotique se traduit aussi par un manque ‘agrant de communication puisque vous n’informiez jamais le personnel tant des nouveautés en cours, que des problèmes rencontrés, des commandes, ou des nouvelles embauches etc.
Nous avons ainsi constaté que vous ne procédiez que par l’envoi de texto pour communiquer avec le personnel. Ce mode de communication n’est pas efficient puisqu’il laisse la place à des incompréhensions et ne permet pas de diffuser l’information à tous Ies salariés, comme ce fut Ie cas par exemple pour Ies validations de congés payés.
Cette mauvaise gestion se traduit également par I’absence de soutien que vous êtes censé apporter à vos équipes et par I’absence réelle de management du personnel.
En effet, vous avez à plusieurs reprises refusé d’aider des salariés en dif’culté dans la réalisation de leurs missions, ce qui n’est pas acceptable compte tenu du poste que vous occupez.
Vos responsabilités exigent en effet que vous trouviez des solutions aux difficultés des salariés et que leur veniez en aide au besoin en Ies accompagnant à leur demande.
Pourtant, le 15 mai 2019, vous avez refusé d’aider Madame [C] à réaliser un devis pour 60 personnes alors que cette dernière vous l’avez expréssement demandé. Celle-ci nous a fait part de ses difficultés avec vous et de votre refus catégorique et non justifié de I’aider, nous conduisant ainsi à devoir palier votre inaction et l’aider nous-mêmes à le réaliser.
De la même manière, vous avez refusé de former Madame [K] comptable nouvellement arrivée au sein de notre point de vente. A titre d’exempIe, Madame [K] vous a, a plusieurs reprises, ces derniers mois, demandé de l’aider sur la mensualisation de GROUPAMA et pour gérer l’absence pour maladie en date de mars 2019 de Monsieur [G]. Or, nous avons reçu le 10 août une plainte du salarié indiquant que ses salaires n’avaient toujours pas été communiqués à Ia sécurité sociale. Lorsque nous en avons demandé la raison à Madame [K], cette dernière nous a indiqué que vous aviez toujours éludé sa demande, de sorte que cette situation n’est à ce jour toujours pas traitée.
D’une manière générale, vous refusez systématiquement de partager vos connaissances avec l’ensemble des salariés sur Ies logiciels du magasin, ce qui Ies rend dépendants de vos actions, trop souvent tardives. Or, ces informations doivent faire l’objet d’une communication régulière auprès des salariés afin de garantir un travail de qualité et d’assurer le développement de notre société.
Ce manque de communication et ce refus volontaire d’aider vos subordonnés contreviennent directement à vos responsabilités à la mission que nous vous avions confiée et que nous attendions de vous voir remplir au regard de la con’ance que nous vous accordions.
En outre, nous sommes au regret de constater que vous ne prenez aucune décision en matière de management.
Ainsi, lorsqu’un con’it entre salariés éclatait ou qu’un manquement était commis, vous n’avez jamais sanctionné contrairement à ce que vous nous affirmiez.
Vous nous avez ainsi garanti à plusieurs reprises que vous sanctionnerez Ies salariés commettant des manquements. Or, après vérification, nous constatons que vous n’avez quasiment jamais prononcé de sanction disciplinaire, laissant libre champ à des dérives au sein du point de vente.
C’est ainsi que certains salariés n’ont jamais été sanctionnés alors qu’ont été constatés des manquements fautifs tels que l’absence de nettoyage des rayons des réserves des chambres froides, l’utilisation du portable dans le magasin, le retrait des périmés en rayon…
De la même manière et à titre d’exempIe, le vendredi 7 juin 2019, Madame [G] ainsi que Madame [D] ont demandé une réunion au bureau de la direction avec vous Mme [A] et Mr [A], se plaignant que Madame [A] Directrice Générale leur supérieure, ne les aidait pas à finir la mise en rayon avec elles le jeudi 8 juin ; vous vous êtes contenté de sourire à cet acte d’insubordination. Sachant que le jeudi 8 juin vous étiez la, Mme [G] et Mme [D] auraient dû vous demander de les aider.
Nous avons attendu que vous sanctionniez ces comportements. Face à votre inaction, nous avons dû intervenir et notifier un avertissement à chacune en date du 13 juin 2019, ceci à votre place.
Nous avons dû intervenir en votre lieu et place face à votre inaction.
Ceci n’est pas tolérable et met en péril la situation de notre entreprise, tant d’un point de vue économique que managérial.
Vous n’êtes pas sans savoir que notre entreprise dépend de son image de marque. Le fait que vous n’effectuiez pas correctement la gestion des stocks et que vous ne sanctionniez pas les manquements incitant indéniablement nos clients à se tourner vers la concurrence où ils pourront trouver les produits qu’ils souhaitent et un environnement commercial propre et exempt de toute saleté de périmés ou tensions.
Ce ne sont malheureusement pas les seuls faits que nous ayons à vous reprocher.
En effet, nous avons constaté que vous aviez commis des manquements particulièrement graves, pouvant impacter notre entreprise de manière conséquente.
Nous avons également été informés que votre gestion du personnel est basée sur de profondes inégalités de traitement, ce que nous ne pouvons tolérer.
A titre d’exemple, nous avons relevé que vous accordiez des faveurs à certains salariés dont Madame [G], Madame [F], notamment en aménageant leurs plannings au détriment des autres salariés.
De même, le samedi, certains commencent à 13h alors que d’autres commencent systématiquement à 13h45 ou 14H.
Pire encore, vous avez favorisé Madame [F], arrivée le 15 avril 2019, pour lui accorder des matinées ou des après-midi ou encore des semaines de congés sans solde (du 12 au 14 juillet et de 22 au 28 juillet 2019) alors qu’elle venait d’intégrer récemment notre entreprise, et ceci pour qu’elle puisse occuper par ailleurs un autre poste dans une autre entreprise, ceci au détriment de notre point de vente.
Monsieur [N] [G], frère de [I] [G], en contrat CDI étudiant qui devait travailler tous les week-ends n’assurait plus tous les week-ends notamment en mai et juin 2019, ce qui constitue du favoritisme.
De la même manière, nombre de salariés ont souligné que vous leur adressiez des ré’exions sur leur manière de travailler et que vous leur demandiez toujours plus quand, au contraire, vous ne demandiez rien aux salariés favorisés par vos soins, qui n’effectuaient pas correctement ou entièrement leurs missions.
Vous avez d’ailleurs été a plusieurs reprises aperçu en train de chahuter avec certains salariés dans les rayons et dans la réserve, les empêchant ainsi de travailler et cautionnant ceci. C’est ainsi que vous avez été aperçu en train de discuter longuement avec Madame [D], Madame [G], Madame [Z] et Monsieur [G] pendant la semaine on nous étions en congés du 17 au 24 juin 2019.
De la même manière, vous avez autorisé certains salariés somme Madame [I] [G], Madame [GS] [D], à avoir leur téléphone portable sur eux et à l’utiliser dans les rayons alors que vous aviez affiché une note de service indiquant que les téléphones devaient rester dans les vestiaires.
Ce traitement inégalitaire des salaries est intolérable. Outre le fait qu’il fasse courir un risque juridique évident à notre entreprise, votre conduite véhicule auprès des salariés une image déplorable de la Direction et entache notre image en qualité d’employeur, vos fonctions étant les plus élevées au sein de l’entreprise et demandant en toute logique une parfaite impartialité.
En outre, ces conditions déplorables de management ont engendré un climat social extrêmement dégradé, montant les salariés les uns contre les autres, ce qui nous ne pouvons cautionner.
Il apparaît également que vous contrevenez volontairement aux règles établies au sein de notre point de vente.
C’est ainsi que nous avons constaté que vous laissez régulièrement Monsieur [GR] [B], apprenti au sein de notre point de vente depuis le 8 juillet 2018, seul dans les rayons avec une employée saisonnière et sans lui expliquer les procédures à suivre et notamment celle relative a la rotation des stocks entre les réserves et les rayons ou nous avons constaté que plusieurs cartons de produits frais entiers n’étaient pas mis à Ia vente et engendrait de la perte inutile.
Nous avons pourtant toujours indiqué que les apprentis et plus généralement les personnes en formation devaient bénéficier d’un suivi accru de la part de leur responsable et qu’ils ne devaient à aucun moment être laissés en autonomie sans indications et explications claires de la procédure à suivre.
Ce comportement, en contraventions avec nos obligations légales, est susceptible d’entraîner des conséquences non négligeables pour l’entreprise. En effet, en ne sachant pas comment procéder, il aurait pu commettre une erreur notamment en termes de date de péremption et ainsi exposer l’entreprise à des sanctions financières et à un risque pénal, ce que nous ne pouvons admettre.
Plus grave, plusieurs salariés nous ont signalé que vous aviez eu des ébats amoureux avec Madame [I] [G], votre subordonnée, dans les bureaux même de la Direction pendant nos congés le 21 juin 2019 et ce durant votre temps de travail et celui de la salariée concernée, ce que nous ne saurions tolérer à tous les niveaux.
Pendant ce temps la commande de l’école [5] n’était pas faite et il manquait des articles, ce qui n’a pas manqué d’occasionner le mécontentement de la cliente.
Madame [R] responsable de I’association a en effet relevé le manque de sérieux de l’entreprise et est partie à la concurrence alors qu’il s’agissait d’une ‘dèle cliente.
Cela constitue un manquement grave a vos obligations professionnelles aussi élémentaires qu’essentielles, lesquelles exigent de réserver votre temps de travail effectif strictement à vos obligations professionnelles.
Par ailleurs, compte tenu du poste que vous occupez, il est impératif que vous adoptiez une attitude exemplaire et responsable à tout moment et plus spécifiquement au sein de nos locaux.
Vous avez également divulgué certaines informations personnelles concernant d’autres salariés à Madame [G], notamment concernant Madame [C].
Vous avez ainsi révélé à Madame [G] que Madame [C] avait des problèmes personnels et financiers, ce qui ne la regarde pas et est strictement confidentiel.
D’une manière générale, les salariés nous ont indiqué que vous répétiez systématiquement à votre cercle proche (et notamment votre compagne) ce qu’ils vous confiaient ce qui est intolérable.
En votre qualité de Directeur, vous avez une obligation de confidentialité et ne devez en aucun cas divulguer les informations confidentielles des salariés. Nous vous faisions d’ailleurs entièrement confiance à ce sujet n’ayant jamais un tel comportement lorsque vous étiez comptable.
Ce manquement contrevient directement à vos obligations professionnelles et morales.
Enfin, vous avez à plusieurs reprises imposé des directives contraires à celles que nous avions établies, vous positionnant à notre place et plaçant ainsi les salariés en position dif’cile.
ll s’agit d’un acte d’insubordination manifeste que nous ne pouvons tolérer.
D’une manière générale, votre comportement intolérable nuit gravement de notre entreprise.
En effet, d’un point de vue commercial, nous constatons une baisse significative des marges comme exposé ci-avant.
D’un point de vue managérial, votre comportement a eu pour conséquence de générer une mauvaise ambiance, de graves tensions entre les salariés et plus graves, une vague de démissions et de ruptures conventionnelles sans précédent.
C’est ainsi que nous avons dons le même temps reçu les démissions de Mesdames [L], [T] et [X].
Certains salariés nous ont également fait part de leur intention de quitter la société car ils ne pouvaient plus supporter l’ambiance déplorable du magasin. Plusieurs demandes de rupture conventionnelles nous ont été faites par Mesdames [Z] et [C] et Monsieur [J], tous invoquant les mêmes motifs.
Un tel comportement est inadmissible et ne correspond en aucun cas au comportement que nous attendions d’un Directeur de magasin, lequel se doit d’exercer ses fonctions avec professionnalisme, impartialité et en adéquation avec les directives données par les dirigeants.
Nous ne saurions donc tolérer plus longtemps vos pratiques.
Lors de l’entretien du 19 août dernier, vous avez refusé de vous expliquer tout au long de nos échanges.
Vous vous êtes contenté à l’issue de l’entretien d’indiquer que vous n’étiez pas d’accord avec l’ensemble des faits, sans autre explication.
Cette attitude n’est dans de nature à modifier l’appréciation que nous faisons des faits, compte tenu notamment des multiples témoignages que nous avons pu recueillir.
Nous considérons que ces événements constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l’entreprise. De ce fait nos relations contractuelles prennent fin à la date de la présente lettre.
Nous vous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période durant laquelle nous vous avions mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. (…)»
Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Toutefois, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ,même pour la durée limitée du délai-congé.
Il ressort de la lettre de licenciement plusieurs manquements tenant :
– au comportement de M. [GN] au sein de la société :
– des propos diffamatoires tenus à l’encontre d’une salariée, Mme [U] [K] le 8 août 2019
– des menaces verbales à l’encontre de M. [O] le 8 août 2019
– un comportement inapproprié sur le lieu de travail
– un management cahotique
– une mauvaise gestion du point de vente
– une absence de réel management : manque de communication et absence de soutien des équipes
– l’absence de sanction des comportements fautifs des salariés
– des inégalités de traitement
– une atteinte aux règles établies au sein du point de vente
qui ont entraîné le départ de six salariés par voie de démissions ou ruptures conventionnelles dans une société en comptant 17.
1. sur le comportement du salarié :
– propos diffamatoires tenus à l’encontre d’une salariée, Mme [U] [K], le 8 août 2019
L’employeur verse à l’appui de ce grief la dénonciation de ces faits par la salariée le 9 août 2019 et l’attestation de Mme [H] qui déclare le 26 juin 2020 : « ce même jour (8 août 2019) j’ai également surpris M. [GN] sortir du bureau de la comptable, Mme [K], quand je suis allée la voir au même moment. Mme [K] était dans un état d’agitation important, très peinée de ce que M. [GN] a proféré à son sujet. De plus ces menaces n’avaient rien de professionnel mais personnel et n’avaient pas lieu d’être »
Il est établi que le directeur, M. [GN], s’est déplacé dans le bureau de Mme [K] et que la salariée a réagi à cette visite en la relatant par écrit aux gérants.
Aucun propos n’a été proféré en public et ils ne sont corroborés par aucune autre attestation si ce n’est celle de Mme [H] qui atteste que sa collègue était « très peinée ».
Le grief, non établi en sa matérialité, ne peut donc servir de base au licenciement du salarié.
– des menaces verbales à l’encontre de M. [O] le 8 août 2019,
L’employeur produit outre l’attestation de M. [O] : « M. [GN] est venu vers moi dans le rayon le 8/8/2019 pour me menacer de « me mettre sur la gueule à la sortie du travail » pour cause qu’il avait entendu dire que je voulais lui faire du mal physiquement ainsi qu’à sa maison. (…) « , l’attestation de Mme [H] du 26 juin 2020 qui déclare avoir été témoin d’une « mésentente » entre les deux protagonistes : « l’altercation a été très virulente mais M. [O] a gardé son calme face aux menaces évoquées contre lui et l’entreprise. »
La cour constate d’une part, que M. [O] est le fils de la gérante Mme [A] et que le salarié a, à cet égard et à bon droit, mis en doute sa force probante sans demander toutefois de l’écarter.
Cependant, l’attestation de la salariée présente corrobore les menaces proférées par le directeur à l’encontre du salarié.
Le simple fait de proférer des menaces de la part du directeur à l’encontre d’un salarié est constitutif d’une faute.
En conséquence, la cour considère que le grief est fondé.
– son comportement déplacé sur le lieu de travail en l’absence des gérants, l’employeur produit les attestations de Mme [K] du 5 août 2019 qui déclare : « aucun respect de ses collègues au vu de certains ébats amoureux dans les bureaux avec Mme [G] » ; « ‘ n’avaient aucune retenue.. », Mme [G] était assise sur ses genoux en présence d’autres collègues.
Ce témoignage est suffisamment circonstancié pour établir la réalité du grief pour lequel le salarié se limite à contester la date. Le terme ébats est excessif en ce que les faits correspondent davantage à des manifestations publiques amoureuses. Néanmoins, ce comportement de la part d’un directeur d’entreprise est constitutif d’une faute.
Le grief est fondé.
2- un management cahotique
– une mauvaise gestion du point de vente et un manque de communication
L’employeur produit l’attestation de M. [E], fournisseur, qui atteste avoir reçu de M. [GN] trente à quarante couteaux pour servir de lots lors de l’organisation d’un concours.
L’attestant indique clairement que le gérant l’a invité à contacter M. [GN] et qu’il y a procédé.
Il ne peut être par conséquent reproché au salarié, qui est aussi le directeur, d’avoir fait don de ces objets sans consulter les gérants.
En conséquence, ce grief n’est pas fondé.
– une mauvaise gestion des stocks entraînant une perte de marge
L’employeur produit le compte d’exploitation 2018 et 2017. Il produit aussi les attestations de Mme [C] : « M. [GN] nous donne des précommandes à remplir le jour-même voire une heure avant la validation. Il modifie les quantités écrites soit en rajoute, soit en enlève, sans même nous prévenir. Donc soit nous avons beaucoup de casse, soit je n’arrive pas à faire les six jours de promotion par manque de produits. (‘) Il ne fonctionnait que par textos pour plannings ou autres (…) » et de Mme [P] : « M. [GN] nous donnait les précommandes à remplir le jour même des fois en moins d’une heure. Puis il modifiait les quantités commandées donc par exemple, il en rajoutait 6 sans nous informer. Donc beaucoup de casse sur la ligne traditionnelle et libre service. Il ne fonctionnait que par textos (…) »
Contrairement à ce que soutient le salarié, il ne s’agit pas d’une insuffisance professionnelle mais d’une faute qui lui est reprochée dans la mesure où la perte de marge dont justifie l’employeur par la production des comptes d’exploitation 2017 et 2018 résulte de ses décisions de modifier unilatéralement les quantités sans en informer les employés concernés.
M. [GN] produit trois attestations d’employés, Mme [Z], Mme [D] et M. [J] selon lesquelles Mme [A] leur donnait seule les précommandes souvent avec retard.
Ces trois attestations sont en contradiction totale avec celles versées par l’employeur dont les similitudes rédactionnelles sont soulevées par le salarié.
L’ensemble de ces attestations étant contradictoire ne peut fonder le grief.
En revanche, les compte-rendus d’entretien individuels 2018 font état d’un salarié qui donne toute satisfaction et dont le bloc de compétence « gestion du point de vente » est maîtrisé. Aucun recadrage ne lui a jamais été adressé. Il apparaît également qu’il est à l’écoute du personnel et qu’il veille au bien être de ses collaborateurs contrairement au manque de communication et au refus d’aider les équipes soulevés par l’employeur.
En conséquence ce grief n’est pas fondé.
– des inégalités de traitement entre les salariés et un manque d’application de son pouvoir disciplinaire
L’employeur produit les attestations de Mme [C] et de Mme [P] qui, outre leurs similitudes dans les termes employés, sont en totale contradiction avec celles produites par le salarié, Mme [D] et M. [J] ce qui corrobore l’observation des premiers juges à savoir l’existence de deux groupes de salariés en opposition. L’ensemble de ces attestations étant contradictoire ne peut fonder le grief.
– une atteinte aux règles établies au sein du point de vente
L’employeur invoque la situation de l’apprenti, [B] [GR], laissé seul sans formateur pendant la période estivale avec une étudiante saisonnière.
Il ressort des attestations produites émanant de l’apprenti lui-même, de l’étudiante saisonnière, de Mme [D] et de Mme [F] que l’apprenti était en effet en binôme avec une saisonnière et qu’il ne bénéficiait par conséquent d’aucun encadrement professionnel obligatoire pour sa formation.
Le grief est fondé.
Cependant, les fautes ne sont pas suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La cour infirme le jugement déféré et prononce le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
II- Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :
Aux termes de l’article L.1234-9 du code du travail, ‘le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée licencié alors qu’il compte 8 mois ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul ‘de cette indemnité’ sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminées par voie réglementaire’.
L’ancienneté du salarié était de 9 ans et 10 mois à la date de la rupture.
Le montant de son salaire fixé à 2 660,82 euros brut mensuel n’est pas contesté par l’employeur.
En considération de ces éléments, la société Lomaly sera condamnée à payer à M. [GN] la somme de 8.011,62 € € au titre d’indemnité légale de licenciement.
La cour infirme le jugement entrepris de ce chef.
Sur le préavis et les rappels de salaire
Si la procédure aboutit à un licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le salarié est fondé à obtenir paiement des salaires pendant la période de mise à pied conservatoire qui n’est justifiée que si les faits commis rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La cour infirme le jugement déféré et condamne la société Lomaly à payer à M. [GN] 7.982,45 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 798,25 € des congés payés sur préavis afférents, 1.242,83 € au titre des rappels de salaire afférents à la mise à pied conservatoire (9 au 23 août 2019, soit 15 jours) et 124,29 des congés payés afférents.
III- Sur la procédure de licenciement :
Pour confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [GN] de sa demande en dommages et intérêts, il suffira de rappeler que le cumul des indemnités pour non-respect de la procédure avec les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse étant interdit, il n’y a pas lieu d’examiner la question de l’adresse erronée de la DIRRECTE et de la mairie sur la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement.
Sur les demandes annexes :
Les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation.
M. [GN], dont la succombance est prédominante, sera condamné aux dépens d’appel.
La cour confirme le jugement de première instance en ce qu’il a condamné M. [GN] à payer à la société Lomaly la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le condamne à lui payer la somme de 2 000 euros sur le même fondement en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 17 janvier 2022 en ce qu’il a
– débouté M. [W] [GN] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure irrégulière
– mis à la charge de M. [GN] les éventuels dépens de l’instance,
– condamné M. [GN] à payer à la société Lomaly la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
INFIRME le jugement du 17 janvier 2022 en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. [GN] pour faute grave était justifié,
– débouté M. [GN] de sa demande au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés, des rappels de salaire afférents à la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
PRONONCE le licenciement de M. [W] [GN] pour cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Lomaly à payer à M. [GN] les sommes de :
– 8.011,62 € € au titre d’indemnité légale de licenciement
– 7.982,45 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 798,25 € des congés payés sur préavis afférents,
– 1.242,83 € au titre des rappels de salaire afférents à la mise à pied conservatoire et 124,29 des congés payés afférents,
RAPPELLE que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation,
CONDAMNE M. [W] [GN] aux dépens d’appel,
CONDAMNE M. [W] [GN] à payer à la société Lomaly la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président etNathalie CAILHETON, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT