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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/19238 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CETO6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2021 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2020017586
APPELANTE
S.A.S. AGICAP
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 823 248 703
représentée par Me Bertrand DUCASSE, avocat au barreau de PARIS, toque : R280
INTIMEE
S.A.S. FYGR
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 2]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Evreux sous le numéro 879 238 061
représentée par Me Coralline MANIER GALAS de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,toque P283
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère,
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère faisant fonction de Président, et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.
MM. [P] [F] et [J] [M] ont commencé à travailler sur un logiciel de gestion de trésorerie, dénommé Fygr, en avril 2019 et ont alors présenté leur projet à la société Mazars dans laquelle travaillait le second en juillet 2019.
La société Fygr a été immatriculée le 27 novembre 2019 et la première version de l’outil Fygr a vu le jour à compter du mois de janvier 2020. M. [F] en est le président et M. [M] le directeur général.
Parallèlement, M. [P] [F] a travaillé entre le 2 septembre 2019 et le 20 décembre 2019 pour la société Garantme, dirigée par M. [S] [D], avec pour mission d’évaluer la faisabilité du lancement d’un nouveau produit de caution GarantmePro.
Dans le cadre de GarantmePro, M. [F] a, à la demande de son employeur, sollicité différents acteurs du marché et décidé de tester la solution Agicap pour ses propres besoins de trésorerie. La société Garantme a finalement décidé de ne pas s’y abonner.
M. [F] a quitté la société Garantme le 20 décembre 2019 afin de se consacrer entièrement au développement de sa société Fygr.
Suivant lettres du 17 janvier 2020 adressées à M. [F] et à la société Fygr, la société Agicap leur a reproché d’avoir usé de man’uvres déloyales contraires aux négociations précontractuelles et d’avoir utilisé des informations confidentielles sur l’outil qu’elle développait. Elle reprochait notamment à M. [F] d’avoir occulté sa qualité de concurrent en se faisant passer pour un prospect, ce qui lui avait permis d’accéder gratuitement, dans le cadre des négociations, à la solution Agicap.
Suivant lettre de leur conseil du 28 janvier 2020, M. [P] [F] et la société Fygr ont contesté l’ensemble des griefs invoqués par la société Agicap.
Suivant lettre du 31 janvier 2020, la société Agicap, par l’intermédiaire de son conseil, a sollicité la communication de pièces relatives à Garantme et à M. [F], ce que ce dernier, avec la société Fygr, a refusé par lettre de son conseil du 7 février 2020 compte-tenu de la confidentialité attachée à ces informations et documents.
Suivant exploits des 7 mai 2020 et 12 mai 2020, la société Agicap a fait assigner M. [P] [F] et la société Fygr en réparation devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris :
s’est déclaré incompétent en ce qui concerne les demandes dirigées contre M. [P] [F] au profit du tribunal judiciaire de Paris,
s’est déclaré compétent pour connaître des demandes dirigées contre FYGR,
a dit que le greffe procédera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties,
a dit qu’en application de l’article 84 du code de procédure civile, la voie de l’appel est ouverte contre la présente décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification,
a dit qu’à défaut d’appel dans ce délai, le dossier à l’égard de M. [P] [F] sera transmis à la juridiction susvisée dans les conditions prévues par la loi,
a débouté la société Agicap de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société FYGR,
a condamné la société Agicap à payer à la société FYGR la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,
a condamné la société Agicap à payer à M. [P] [F] et à Fygr chacun la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
a condamné la société Agicap aux dépens, a rappelé que l’exécution provisoire était de droit.
La société Agicap a formé appel du jugement par déclaration du 2 novembre 2021 enregistrée le 9 novembre 2021.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 6 juillet 2022, la société Agicap demande à la cour, au visa des articles 1240, 1347 et 1348 du code civil, les articles L121-1 et L121-2 du code de la consommation, vu les articles 32-1 et 564 du code de procédure civile :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
o débouté la société Agicap de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société Fygr ; o condamné la société Agicap à payer à la société Fygr la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
o condamné la société Agicap à payer à Fygr la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
de le confirmer pour le surplus ;
Statuant autrement,
d’enjoindre à la société Fygr de supprimer son site internet ou à tout le moins de le modifier en profondeur afin qu’il ne ressemble plus autant à celui de la société Agicap, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de dix jours après la signification de l’arrêt à intervenir ;
d’enjoindre à la société Fygr de supprimer son application ou à tout le moins de la modifier en profondeur afin qu’elle ne ressemble plus autant à celle de la société Agicap, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de dix jours après la signification de l’arrêt à intervenir ;
de condamner la société Fygr à payer à la société Agicap la somme de 55.800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble commercial et du préjudice moral subis causés par son parasitisme économique et sa concurrence déloyale;
A titre principal :
‘ de condamner Fygr à verser la somme de 5.000 euros à Agicap à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi à cause des actes de concurrence déloyale de Fygr qui a payé Google Ads pour que le mot « Agicap » apparaissent dans les publicités pour Fygr ;
‘ d’ordonner la compensation entre cette condamnation et la condamnation d’Agicap en première instance à verser la somme de 5.000 euros à Fygr à titre de dommages-intérêts en réparation de son prétendu préjudice subi à cause des actes allégués de concurrence déloyale d’Agicap qui aurait payé Google Ads pour que le mot « Fygr » apparaissent dans les publicités pour Agicap ;
‘ de constater l’extinction des créances réciproques à hauteur de 5.000 euros.
A titre subsidiaire, si la cour ne voulait pas condamner Fygr et prononcer la compensation :
‘ d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a partiellement fait droit à la demande reconventionnelle de Fygr et a condamné Agicap à verser la somme de 5.000 euros à Fygr à titre de dommages-intérêts en réparation de son prétendu préjudice subi à cause des actes allégués de concurrence déloyale d’Agicap qui aurait payé Google Ads pour que le mot « Fygr » apparaissent dans les publicités pour Agicap ;
o de débouter la société Fygr l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris sa demande reconventionnelle ;
– de condamner la société Fygr à payer à la société Agicap la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner la société Fygr aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 novembre 2022, la société Fygr demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 octobre 2021 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’il a :
o Débouté la société Agicap de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société Fygr ;
o Dit et jugé que la société Fygr n’a commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire à l’encontre de la société Agicap ;
o Jugé que la société Agicap a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Fygr en utilisant la dénomination sociale, la marque et la racine distinctive du nom de domaine réservé par Fygr pour déclencher une annonce publicitaire au profit du site Internet qu’elle exploite, ce qui provoque un détournement de la clientèle et Condamné en conséquence la société Agicap à payer à la société Fygr la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
o Condamné la société Agicap à payer à Fygr la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
Et statuant à nouveau :
‘ de condamner la société Agicap à payer à la société Fygr la somme de 10.000 euros pour procédure abusive ;
En tout état de cause :
‘ de condamner la société Agicap à payer à la société Fygr la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ de condamner la société Agicap aux dépens de première instance et d’appel.
*
La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 20 avril 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale
La société Agicap soutient en premier lieu que la société Fygr s’est rendue coupable de parasitisme économique à son égard. Elle fait valoir qu’il est évident au regard des visuels et fonctionnalités de l’outil Fygr, disponible depuis le mois de février 2020 que M. [F], créateur et gérant de Fygr, a utilisé l’accès privilégié à la solution Agicap obtenu par des man’uvres frauduleuses afin de parasiter la solution Agicap développée depuis 2016. Elle estime que la solution Fygr imite de façon frappante la solution Agicap en mettant en avant trois caractéristiques principales : suivi et prévision de trésorerie, catégorisation des flux bancaires et rapports de trésorerie personnalités. En outre, la solution Agicap constitue un actif économique obtenu par des investissements conséquents depuis plus de trois années. L’appelante relève en second lieu deux actes de concurrence déloyale commis par la société Fygr à son détriment.
La société Fygr fait valoir que bien d’autres sociétés ont développé les mêmes fonctionnalités qu’Agicap et que celle-ci ne peut se prévaloir d’une empreinte graphique originale. Elle soutient que la société Agicap ne peut interdire la commercialisation de tous les outils de prévision et de gestion de trésorerie dès lors qu’elle ne dispose d’aucun droit de propriété intellectuelle. Ainsi les éventuelles ressemblances entre les solutions Agicap et Fygr résultent uniquement d’éléments fonctionnels, présents dans de nombreux outils concurrents. Elle indique par ailleurs justifier des investissements faits pour développer son propre outil.
Aux termes de l’article 1240 du code civil :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Le parasitisme est l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
La société Agicap produit des captures d’écran des sites Agicap et Fygr afin d’en comparer les pages suivantes : écran d’accueil, présentation application, dashboard, banque et transaction, tableau de trésorerie, fonctionnalité de catégorisation.
De prime abord, il apparaît que le site Fygr n’est pas la copie servile du site Agicap. Si un encadré rouge figure sur les deux écrans d’accueil et que le contenu de l’encadré présente des similitudes « Gérez la trésorerie de votre entreprise en toute simplicité » (Agicap) et « Suivre et prévoir votre trésorerie n’a jamais été aussi facile » (Fygr), le reste du visuel est bien différent.
Sur la suite de l’analyse comparative des deux sites internet, face au principal grief de la société Agicap qui considère avoir été copiée pour ce qui concerne ses trois caractéristiques principales (suivi et prévision de trésorerie, catégorisation des flux bancaires et rapports de trésorerie personnalisés), la société Fygr verse aux débats un tableau comparatif des fonctionnalités des solutions concurrentes d’Agicap. Ce tableau a été produit par Agicap dans une instance l’opposant à la société IPT Technologie sur l’outil Treso by iPaidThat. L’appelante a en effet attrait en justice d’autres concurrents sur le marché tels que les sociétés éditant les outils Zenfirst, CashFlow et iPaidThat.
Il en ressort qu’une autre société « Tréso by iPaidThat » présente exactement et en intégralité les mêmes fonctionnalités que la solution Agicap, à savoir sur l’agencement du menu principal, le nom des rentrées et sorties de flux, le nom du solde des rentrées/sorties, le code couleur, le style des graphiques et le nom du scénario par défaut. Les autres solutions concurrentes présentées ‘ dont celle de Fygr puis « Module Trésorerie Quickbooks France » « Rocket Chart » « Cashview by Cashlab » et « Turbopilot » comportent d’une à trois fonctionnalités identiques à celles de la solution Agicap. En outre la fonction « dashboard » figure sur des outils tels que RocketChart, Qonto, Cash Flow FrogFloat App, Cenario, Businest, CashFlowTool, Caflou et ZenFirst, dont les visuels sont versés aux débats à titre de comparaison. Chacun de ces outils présente un graphique de trésorerie affichant les encaissements, les décaissements et le solde de trésorerie.
Plusieurs outils du marché (Qonto, CIC, QuickBooks) présentent une section banque avec la liste des opérations bancaires remontées automatiquement depuis les ocmptes en banque de l’utilisateur avec des informations (date, intitulé, montant) et une possibilité de filtrage. Les outils RocketChart, Cash Flow Frog, Float App, CashFlowTool, ZenFirst et Fluidly permet, comme la solution Fygr, de consulter les soldes de trésorerie qui affichent le consolidé de l’ensemble des comptes bancaires de l’entreprise au jour J. La solution Fygr et les solutions RocketChart, Fluidly, Float App, Cash Flow Frog et ZenFirst présenent un tableau de trésorerie récapitulant les principaux encaissements et décaissements et enfin tant la solution Fygr que la solution ZenFIrst donnent la possibilité d’afficher les informations sur le graphique et dans le tableau de trésorerie en fonction des différents comptes bancaires.
La partie « catégorisation » de Fygr est similaire à celle des outils QuickBooks, FinAPI et Zoho.
Il résulte de cette description de nombreux outils concurrents de la solution Agicap que ceux-ci présentent plus ou moins de caractéristiques communes avec celle-ci et la solution Fygr, sans que la société Agicap ne puisse donc se prévaloir d’une quelconque appropriation de ces fonctionnalités communes aux outils de gestion de trésorerie et dont la présentation peut différer. Les outils décrits ne concernent pas seulement la simple comptabilité analytique comme le soutient l’appelante mais sont des outils de gestion de trésorerie, comme la solution Agicap.
La société Agicap échoue ainsi à démontrer que les choix opérés constitueraient une création intellectuelle propre à ses fondateurs que la société Fygr aurait parasitée par l’intermédiaire de M. [P] [F]. Si les connections de ce dernier sur l’outil Agicap pour le compte de GarantMe sont réelles, il n’est pas prouvé qu’il en aurait tiré profit pour utiliser son savoir-faire et exploiter les investissements réalisés depuis plusieurs années par Agicap.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Agicap au titre du parasitisme.
Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la consommation :
« Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7. »
En vertu de l’article L. 121-2 du même code :
« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
(…) »
La société Agicap critique tout d’abord le fait que la solution Fygr ait été commercialisée à un prix bien moindre que le sien, ce qui lui aurait fait perdre bon nombre de clients potentiels ainsi qu’en témoigne le procès-verbal de constat d’huissier établi le 9 mars 2021. Celui-ci retrace les comptes-rendus des commerciaux et conseillers clients recensant leurs échanges avec différentes sociétés, clients et prospects d’Agicap.
Il est cependant établi qu’à ses débuts, le logiciel Agicap était commercialisé à un prix nettement inférieur. Aujourd’hui plus cher que la solution Fygr il est également plus abouti par l’ajout de nouvelles fonctionnalités qui ne sont pas présentes dans la solution Fygr. Le choix des clients d’opter pour une solution moins chère mais moins développée n’est pas le reflet d’un acte de concurrence déloyale de la part de la société Fygr.
La société Agicap invoque en outre un encart figurant le 14 janvier 2020, soit à une date à laquelle la solution Fygr n’était pas encore disponible sur le marché, sur le site Fygr consistant dans le témoignage emphatique du président de la société GarantMe sur les mérites de la solution Fygr. Certes à cette date M. [F] était censé avoir quitté depuis peu la société Garantme et donc, dans les mois précédant cette attestation, avoir été en charge de tester la solution Agicap pour le compte de son employeur. Mais la société Agicap ne démontre pas les conséquences de ce seul témoignage présent sur le site de Fygr sur le comportement de potentiels clients. La solution Fygr a ensuite été disponible très peu de temps après.
Il en ressort que la société Agicap ne démontre pas que la société Fygr aurait commis des actes de concurrence déloyale à son encontre et toutes ses demandes, d’injonction de suppression ou modification de son site internet et de son application, ainsi que de dommages-intérêts, seront rejetées. Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle de la société Fygr et la demande subséquente de la société Agicap
La société Fygr reproche à la société Agicap d’avoir fait figurer le mot Fygr dans ses publicités et sollicite, s’agissant d’un acte de concurrence déloyale, indemnisation. Elle a adressé à Agicap par l’intermédiaire de son conseil le 28 mai 2020 une lettre de mise en demeure accompagnée d’un procès-verbal de constat d’huissier du 22 mai 2020.
La société Agicap lui a répondu de façon circonstanciée par lettre de son conseil du 3 juillet 2020, accompagnée d’un constat d’huissier du 18 juin 2020. Elle indique aussi qu’entre le 1er et le 28 mai 2020, lorsque le mot clef « Agicap » était tapé sur un moteur de recherche, 16,84 % des publicités générées renvoyaient vers le site de Fygr. En outre dès le mois de juillet 2020, la publicité critiquée par Fygr n’apparaissait plus.
La société Agicap indique avoir recouru à la possibilité qu’offre légalement Google Ads à tout annonceur de payer le placement de publicité en fonction de certains mots clefs tapés sur les moteurs de recherche par les internautes. Elle explique, constat d’huissier à l’appui, avoir souscrit au service Google Ads pour que les liens publicitaires vers son site internet apparaissent à côté des résultats de recherche lorsque de multiples mots clefs sont tapés sur un moteur de recherche y compris le mot Fygr.
L’annonce est placée par Google Ads dans un espace distinct de celui contenant les résultats de la recherche. Agicap n’a pas demandé à ce que le mot « Fygr » soit compris dans la publicité pour Agicap.
Or Agicap démontre que Fygr a eu recours au même système. En effet, en 2022 une annonce publicitaire « Fygr ‘ Gestion de trésorerie – Agicap » au-dessus de laquelle figurait le nom de domaine Fygr conduisant vers son site internet apparaissait en cas de saisie du mot Agicap sur le moteur de recherche Google. Après mise en demeure officielle de Agicap du 18 mars 2022, Fygr a répondu le 29 mars 2022 que cette annonce était une erreur de paramétrage de son prestataire et avait rapidement disparu.
La demande d’Agicap afin d’obtenir des dommages-intérêts à ce titre et de compensation est recevable dans la mesure où c’est un fait nouveau postérieur au jugement qui la justifie.
Ainsi il n’est démontré ni par Agicap ni par Fygr que chacune d’elles aurait fait en sorte auprès de Google Ads que le nom de son concurrent apparaisse dans l’annonce publicitaire avec un renvoi vers son propre site internet. La société Agicap sera déboutée de sa demande de condamnation et de compensation à ce titre et le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Agicap à payer à la société Fygr la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de la société Fygr pour procédure abusive
La société Fygr estime que la société Agicap a fait dégénérer son droit d’agir en justice en abus. La société Agicap a cependant voulu faire valoir ses droits et saisi la justice afin de voir reconnaître ses prétentions. Le fait qu’elle ait échoué ne constitue pas un abus du droit d’agir en justice et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Fygr de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Agicap succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, mais il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées sauf en celle qui condamne la société Agicap à payer à la société Fygr la somme de 5.000 euros ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DEBOUTE la société Fygr de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
DEBOUTE la société Agicap de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et de sa demande de compensation ;
CONDAMNE la société Agicap aux dépens ;
LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres frais engagés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT