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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 NOVEMBRE 2023
N° RG 23/00951 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VVU2
AFFAIRE :
S.A.S. DOCAPOSTE
C/
S.A.S. XAMANCE
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 12 Janvier 2023 par lA Cour de Cassation
N° RG : 60 F-D
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 02.11.2023
à :
Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre civile) du 12 janvier 2023 cassant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 23 septembre 2020
S.A.S. DOCAPOSTE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI,Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 26037
Ayant pour avocat plaidant Me Edouard HELIOT, substitué par Me Marcinowski et Me Ebersolt, du barreau de Paris
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A.S. XAMANCE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
assistée de Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2371067
Ayant pour avocat plaidant Me Dominique STUCKI, du barreau de Paris
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport et Madame Marina IGELMAN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Mme Florence SCHARRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La société Docaposte, filiale de La Poste, a entrepris, en 2016 et 2017, des pourparlers avec la société Xamance, spécialiste de la gestion documentaire numérique en situation de concurrence de la société Docaposte, et partenaire exclusif de la société Orange, en vue de l’acquisition de Xamance.
Un audit de la société Xamance a été mis en ‘uvre à partir de janvier 2017 par la société Docaposte et ses conseils avec une data room électronique.
Par lettre du 10 avril 2017, la société Docaposte a notifié à la société Xamance l’arrêt des négociations.
Le 14 juin 2018, la société Orange Pro a notifié à la société Xamance la résiliation du contrat de référencement professionnel.
Le 13 décembre 2018, la société Orange Grand Public a notifié, à son tour, à la société Xamance la résiliation du contrat relatif à l’offre dédiée aux particuliers.
Faisant grief à la société Docaposte de lui avoir succédé dans la relation d’affaires avec la société Orange en utilisant des informations stratégiques obtenues dans le cadre de négociations pour son rachat, la société Xamance a saisi, par requête, le président du tribunal de commerce de Créteil aux fins de voir commettre un huissier de justice ayant mission d’effectuer des constatations permettant de recueillir des éléments de preuve de la violation, par la société Docaposte, de son obligation de loyauté.
Par ordonnance sur requête rendue le 15 mai 2019, modifiée par ordonnance rectificative du 19 juin 2019, le président du tribunal de commerce de Créteil a autorisé la société Xamance à faire pratiquer une mesure de constat dans les locaux de la société Docaposte sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, dans le but de recueillir des éléments de preuve de faits d’agissements déloyaux en vue d’une éventuelle action en indemnisation, et a désigné Maître [X] [N], huissier de justice.
Maître [N], accompagnée d’un expert en informatique, s’est rendue, les 4 et 5 juillet 2019, dans les bureaux de la société Docaposte et a procédé à la copie et au stockage de très nombreux documents figurant sur les serveurs et messageries de cette société.
Par acte d’huissier de justice délivré le 5 août 2019, la société Docaposte a fait assigner en référé la société Xamance aux fins d’obtenir principalement la rétractation de l’ordonnance sur requête.
Par ordonnance contradictoire rendue le 4 décembre 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil a :
– dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 15 mai 2019, modifiée par ordonnance rectificative du 19 juin 2019, ayant autorise la société Xamance à faire pratiquer une mesure de constat dans les locaux de la société Docaposte sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
– par conséquent, ordonné la levée du séquestre des pièces saisies les 4 et 5 juillet 2019 ;
– autorisé Maître [X] [N] – IP Fon Young de la selas Proesing à communiquer sans délai à la société Xamance les pièces saisies telles qu’elles sont visées par son procès verbal de constat;
– rejeté la demande de la société Docaposte visant à la restitution immédiate, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, des documents saisis par Maître [X] [N] – IP Fon Young de la selas Proesing ;
– rejeté la demande reconventionnelle de la société Xamance visant à voir ordonner la poursuite de l’intervention de l’huissier instrumentaire ;
– rejeté la demande reconventionnelle de la société Xamance visant à voir condamner la sas Docaposte à une amende civile d’un montant de 60 000 euros ;
– condamné la société Docaposte à payer à la société Xamance la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté la demande formée à ce titre par la société Docaposte ;
– condamné la société Docaposte aux dépens ;
– rejeté toutes autres demandes ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;
– liquidé les dépens a recouvrer par le greffe à la somme de 60,67 euros (dont TVA 20 %).
Par déclaration du 11 décembre 2019, la société Docaposte a interjeté appel de cette ordonnance.
Par un arrêt contradictoire rendu le 23 septembre 2020, la cour d’appel de Paris a :
– confirmé l’ordonnance entreprise,
– dit irrecevable la demande de la société Xamance tendant à ce que soit ordonnée la poursuite de l’intervention de l’huissier instrumentaire,
– condamné la société Docaposte aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile,
– l’a condamnée à payer à la société Xamance la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Docaposte a formé un pourvoi en cassation.
Par un arrêt rendu le 12 janvier 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance sur requête du 15 mai 2019, modifiée par ordonnance rectificative du 19 juin 2019 et, en conséquence, en ce qu’il a ordonné la levée du séquestre des pièces saisies les 4 et 5 juillet 2019 et autorisé M. [N] à communiquer sans délai à la société Xamance les pièces saisies telles que visées par son procès-verbal de constat, et en ce qu’il a rejeté la demande de la société Docaposte visant à la restitution immédiate, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, des documents saisis et condamné la société Docaposte aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 23 septembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;
– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles,
– condamné la société Xamance aux dépens ;
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Xamance et la condamné à payer à la société Docaposte la somme de 3 000 euros ;
– dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l’arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.
Par déclaration reçue au greffe le 10 février 2023, la société Docaposte a saisi la cour d’appel de Versailles.
Dans ses dernières conclusions déposées le 1er septembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Docaposte demande à la cour, au visa des articles 145, 493, 497, 700 du code de procédure civile, de :
‘- juger qu’il n’existait pas de motif légitime pour la société Xamance pour solliciter une mesure d’instruction in futurum ;
– juger qu’il n’existait pas de nécessité de déroger au principe du contradictoire ;
– juger que l’ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Créteil du 15 mai 2019 telle que modifiée par ordonnance rectificative du 19 juin 2019 et son exécution ont méconnu le secret des affaires ;
en conséquence,
– infirmer l’ordonnance rendue le 4 décembre 2019 par M. le président du tribunal de commerce de Créteil en toutes ses dispositions objet du présent appel ;
– rétracter l’ordonnance rendue le 15 mai 2019 modifiée par ordonnance rectification du 19 juin 2019 ;
– déclarer par voie de conséquence la nullité de tous les actes accomplis consécutivement, en particulier les opérations de saisies s’étant déroulées les 2 et 5 juillet 2019 ainsi que le constat d’huissier, accomplis en exécution de l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Créteil le 15 mai 2019 modifiée par ordonnance rectificative du 19 juin 2019 ;
– ordonner à la société Xamance de procéder à la restitution immédiate à la société Docaposte de tous les documents recueillis et du constat d’huissier opéré en exécution de l’ordonnance, de justifier de n’en avoir réalisé ni conservé aucune copie, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
en tout état de cause :
– condamner la société Xamance à verser à la société Docaposte la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.’
Dans ses dernières conclusions déposées le 4 septembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Xamance demande à la cour, au visa des articles 1104, 1112 et 1240 du code civil, 700 du code de procédure civile, L. 151-1 et suivants et R. 153-3 et suivants du code de commerce, de :
‘- déclarer la société Docaposte mal fondée en son appel et la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– déclarer que l’ordonnance du 15 mai 2019 n’encourt pas rétractation,
en conséquence :
– confirmer l’ordonnance du 4 décembre 2019 en ce qu’elle a :
– dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance du 15 mai 2019 modifiée par l’ordonnance du 19 juin 2019, ayant autorisé la sas Xamance à faire pratiquer une mesure de constat dans les locaux de la sas Docaposte sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
– rejeté la demande de la sas Docaposte visant à la restitution immédiate, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, des documents saisis par Me [X] [S] de la selas Proesing.
en tout état de cause,
– condamner la société Docaposte à payer à la société Xamance la somme de 25 000 euros au
titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Docaposte aux entiers dépens de l’instance,’.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la saisine de la cour
Analysant le dispositif de l’arrêt rendu par la Cour de cassation et se fondant sur les dispositions de l’article 624 code de procédure civile, la société Docaposte en déduit qu’elle peut devant la cour soulever à nouveau tous les arguments en faveur de la rétractation.
La société Xamance indique en réponse à titre liminaire que la cassation du 12 janvier 2023 est partielle, les quatre moyens soulevés par la société Docaposte ayant été rejetés et en déduit que la Cour de cassation a confirmé que la mesure d’instruction avait un motif légitime et que les circonstances établissant la nécessité de déroger au principe de la contradiction étaient établies.
Se fondant sur l’article 638 du code de procédure civile, elle fait valoir que la société Docaposte est en conséquence mal fondée à solliciter l’infirmation de l’ordonnance querellée sur ces deux points, le juge de renvoi ne pouvant pas statuer sur les chefs de la décision attaquée qui n’ont pas donné lieu à cassation.
Sur ce,
En vertu des dispositions de l’article 624 du code de procédure civile, ‘La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire’.
L’article 638 du même code dispose quant à lui que ‘l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation’.
Il résulte de ces textes que la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation.
En l’espèce, dans son arrêt du 12 janvier 2023, la Cour de cassation a ‘cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance sur requête du 15 mai 2019, modifiée par ordonnance rectificative du 19 juin 2019 et, en conséquence, en ce qu’il a ordonné la levée du séquestre des pièces saisies les 4 et 5 juillet 2019 et autorisé M. [N] à communiquer sans délai à la société Xamance les pièces saisies telles que visées par son procès-verbal de constat, et en ce qu’il a rejeté la demande de la société Docaposte visant à la restitution immédiate, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, des documents saisis et condamné la société Docaposte aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 23 septembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris’.
Dès lors que l’arrêt de la cour d’appel de Paris a été cassé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance sur requête, et nonobstant le rejet par la Cour de cassation des moyens tirés de l’absence de motif légitime et de justification à la dérogation au principe du contradictoire, c’est à juste titre que la société Docaposte en déduit qu’elle peut à nouveau, devant la cour de renvoi, arguer de tous les moyens susceptibles d’entraîner la rétractation de l’ordonnance litigieuse.
Sur la rétractation
La société Docaposte soutient que la société Xamance ne disposait d’aucun motif légitime de nature à justifier les mesures sollicitées, arguant en premier lieu d’une présentation partiale et erronée des faits, certaines pièces tronquées ayant été transmises au soutien de la requête.
Elle expose que des échanges ont eu lieu entre les parties jusqu’en avril 2017, que la société Xamance était parfaitement avertie du motif de l’arrêt des pourparlers et que la finalisation du contrat n’a jamais été envisagée, les parties étant en désaccord sur le prix et sur la chose, ce qui est selon elle démontré par la comparaison entre les projets de contrats V1,V2 et V3.
Arguant du principe de libre rupture des pourparlers, l’appelante précise qu’une clause expresse en ce sens avait été insérée dans la lettre d’intention signée par les deux parties et elle en déduit qu’aucune action en responsabilité ne peut donc être envisagée par la société Xamance sur ce fondement.
La société Docaposte souligne que la durée des négociations n’a pas été excessive au regard des usages, que seules 3 versions d’un projet de protocole d’accord ont été échangées et qu’une seule réunion de négociation a été organisée, ce qui démontre que sa responsabilité extra-contractuelle pour rupture brutale des négociations parvenues à un stade très avancé ne peut être engagée.
Affirmant que la lettre d’intention prévoyait la mise à sa disposition des contrats conclus entre les sociétés Xamance et Orange, qui a été effectuée le 12 janvier 2017, l’appelante indique que ces contrats n’ont été résilié par Orange que les 14 juin et 13 décembre 2018, soit très postérieurement à la rupture des pourparlers, que la société Orange pouvait librement y mettre fin et que la société Xamance ne justifie pas que l’accès à ces contrats aurait pu permettre un rapprochement entre Docaposte et Orange.
Elle soutient avoir des relations contractuelles nombreuses et importantes avec la société Orange puisqu’elles constituaient ensemble les P.T.T. originellement, et souligne que la société Xamance ne disposait d’aucune technologie particulière originale.
La société Docaposte expose n’être pas concernée par la joint-venture Altergo, créée en 2017 à la suite d’un appel d’offre lancé par La Poste remporté par la société Orange, qui a pour activité les services de télécommunication et non les coffres-forts numériques.
Elle explique avoir été contactée par la société Orange pour organiser les modalités de migration des données clients Orange contenues sur le compte Xamance vers la plate-forme Digiposte.
L’appelante affirme ensuite qu’aucune action en violation des termes de la lettre d’intention ne pourrait être intentée sur le fondement de l’interdiction de la prise de contact avec les clientes de la société Xamance puisque cette interdiction a pris fin le 1er février 2017 et qu’elle ne couvre pas les relations d’affaires préexistantes.
S’agissant de l’interdiction de conservation et de transmission des données, la société Docaposte indique que seuls les contrats conclus avec la société Orange lui ont été transmis dans le cadre de la lettre d’intention et que la société Xamance ne justifie pas en quoi ces contrats auraient pu être utilisés pour entrer en relation avec la société Orange.
Elle soutient avoir négocié de bonne foi avec la société Xamance.
Arguant de l’absence de justification de la dérogation au principe du contradictoire, la société Docaposte affirme n’avoir pas été prévenue de la mise en demeure adressée par la société Xamance à Orange le 28 février 2019 et indique qu’en tout état de cause, le délai entre ce courrier et l’ordonnance lui aurait permis le cas échéant de faire disparaître des éléments de preuve.
Elle explique être une entité juridique distincte de la société La Poste, refusant que lui soient imputés les éventuels griefs à l’encontre de cette dernière en terme d’opacité.
Sur le caractère non légalement admissible de la mesure d’instruction, la société Docaposte soutient que la procédure sollicitée excède le cadre des mesures légalement admissibles en ce que la mesure ordonnée constitue une mesure d’investigation générale portant en outre une atteinte disproportionnée au respect du secret des affaires.
Reprenant les mots-clés, elle soutient que ceux-ci sont trop larges, d’autant qu’ils ont été utilisés indifféremment pour les documents issus de la data-room des autres documents saisis sur le serveur et les messageries professionnelles, la mesure ordonnée n’étant donc pas circonscrite aux faits litigieux et excédant ce qui est nécessaire à la recherche et à la conservation des preuves utiles au procès en vue duquel la mesure a été sollicitée, ce qui justifie la rétractation de l’ordonnance.
La société Docaposte fait ensuite valoir que certains documents saisis contiennent des informations stratégiques et commerciales sur son activité, couverts par le secret des affaires et sans rapport avec le litige avec la société Xamance, la circonstance que celle-ci n’ait plus d’activité à ce jour étant inopérante. Elle en déduit que la mesure ordonnée a nécessairement porté une atteinte disproportionnée à ses droits et qu’elle ne constitue donc pas une mesure légalement admissible.
Elle expose que la levée de séquestre a eu lieu et que la procédure prévue aux articles R. 153-1 et suivants du code de commerce ne peut donc plus être mise en oeuvre.
La société Xamance soutient que, pour obtenir la rétractation de l’ordonnance, il appartient à la société Docaposte de rapporter la preuve que les règles du code de commerce sur le secret des affaires n’ont pas été respectées lors de l’extraction par l’huissier de justice et que cette violation du secret des affaires résultait d’une rédaction lacunaire de l’ordonnance.
Elle affirme qu’il n’est pas démontré que les documents saisis répondent aux critères de l’article L. 151-1 du code de commerce définissant le secret des affaires.
Exposant avoir cessé toute activité commerciale depuis l’année 2020, la société Xamance indique qu’il ne peut exister aucun risque d’exploitation ou de détournement des pièces à son profit, soulignant en outre que les dirigeants de la société Docaposte, présents lors de la saisie, n’ont fait part à l’huissier d’aucune critique quant à une possible atteinte au secret des affaires.
La société Xamance soutient que l’intégralité des pièces obtenues dans le cadre de l’ordonnance litigieuse et versées aux débats devant les juges du fond concernent strictement le litige l’opposant à la société Docaposte.
Arguant de l’absence de toute mesure de protection raisonnable pour conserver le caractère secret des documents saisis, l’intimée fait valoir que l’huissier a constaté que ces informations étaient à disposition de l’ensemble du personnel du groupe sans restriction, aucune barrière de sécurité ou mot de passe spécifique n’ayant été mis en place.
La société Xamance précise que la société Docaposte ne liste qu’un échantillon très limité de documents qui seraient selon elle protégés par le secret des affaires, ce qui laisse supposer que les autres pièces saisies ne sont pas concernées et ne permet pas de caractériser une atteinte disproportionnée à ses droits.
Elle en conclut que l’appelante ne justifie pas de l’existence d’une violation systématique du secret des affaires, qu’en outre ces documents pourraient lui être valablement communiqués si cette mesure respectait l’équilibre entre son intérêt légitime et la protection des secrets de la société Docaposte et qu’en tout état de cause, l’ordonnance critiquée n’encourt aucune rétractation globale.
La société Xamance affirme que la société Docaposte, qui n’a pas demandé l’aménagement de la mainlevée du séquestre, est irrecevable à invoquer la rétractation de l’ordonnance faute de remise au juge des pièces visées par l’article R. 153-3 du code de commerce.
Elle fait valoir que l’huissier a strictement respecté le périmètre des mesures autorisées par l’ordonnance sur requête, lesquelles étaient limitées, précises et pertinentes, grâce notamment à l’utilisation de mots-clés combinés entre eux et à l’exclusion des correspondances avec des avocats et des messageries personnelles.
Sur ce,
Selon l’article 145 du code de procédure civile : ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.
Il sera rappelé à titre liminaire que le juge est tenu d’apprécier les mérites de la requête au regard des seules conditions de l’article 145 et que le respect d’un devoir de loyauté à l’égard du juge et des autres parties n’apparaît pas au nombre de ces conditions.
Ainsi, pour apprécier la légalité et les mérites de la mesure d’instruction ordonnée, les développements de la société Docaposte sur le caractère déloyal de certaines pièces produites sont inopérants.
Sur le non-recours à une procédure contradictoire
Selon l’article 493 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Les mesures d’instruction prévues à l’article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.
Le juge saisi d’une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d’office, sur sa motivation ou celle de l’ordonnance. Il est nécessaire que soient exposés de manière explicite les motifs justifiant le non-recours à une procédure contradictoire. Cette motivation doit s’opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.
L’ordonnance vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête.
Après avoir exposé les agissements reprochés à la société Docaposte, la société requérante Xamance justifie ainsi son choix procédural :
‘ Les éléments dont dispose Xamance convergent vers l’hypothèse selon laquelle :
– Docaposte / La Poste (Digiposte) se sont servies des informations obtenues au travers des due diligence consécutives à la signature d’une lettre d’intention, notamment l’accès aux contrats de partenariat avec Orange, pour entrer en relation d’affaires avec cette société ;
– Orange était au courant de cette situation lorsqu’elle a décidé de contracter avec le groupe La Poste pour la solution Digiposte et a, à cette fin, résilié les conventions la liant avec Xamance.
Le 28 février 2019, Xamance a, par la voie de son avocat, adressé une mise en demeure à Orange Grand Public et une autre à Orange Pro interpellant ces anciens partenaires sur leur responsabilité au titre de leur complicité avec le groupe La Poste.
Il est donc fort probable que les services d’Orange aient alerté les interlocuteurs au sein de la division Digiposte sur le risque d’action judiciaire à l’encontre de Docaposte et La Poste ; dans cette hypothèse, Docaposte et La Poste risquent fort de tenter d’organiser leur mise hors de cause par tous moyens, notamment à travers la destruction de tous éléments sur Xamance (I) recueillis sur la data room électronique mise en place début 2017 lors des due diligence ou (II) relatifs à des échanges entre Docaposte et La Poste ou Smart Panda sur la stratégie de Xamance ou sur sa situation contractuelle avec Orange.
En effet :
– toute détention à ce jour d’informations confidentielles sur Xamance par Docaposte ou La Poste serait constitutive d’une violation de la lettre d’intention du 8 décembre 2016 (…),
– toute trace de transmission par Docaposte d’informations sur Xamance à des tiers à cette société (…) engagerait également cette entreprise,
– tout document interne au groupe La Poste faisant état d’une adaptation de la stratégie Digiposte suite à l’audit de Xamance traduirait également un grave manquement aux obligations de Docaposte,
– enfin tout contact pris par Docaposte avec Orange à compter de la signature de la lettre d’intention (8 décembre 2016) serait une violation de l’article 6 de ce contrat.
Compte tenu du risque déclaré par Xamance d’action judiciaire, il est fort probable que tout détenteur de tels éléments tentera de les détruire dans les meilleurs délais. Il y a donc urgence à empêcher une dissimulation de preuve et Xamance est bien fondée à obtenir cette mesure de façon non contradictoire.’
Dans ces conditions, il sera retenu que l’ordonnance est motivée par renvoi à la nature des faits allégués de fautes contractuelles et extra-contractuelles commises par la société Docaposte à l’égard de la société Xamance et à l’attitude de la société Docaposte, ensemble, faisant craindre le risque de dissimulation de preuves et justifiant le recours à cette procédure non contradictoire, de sorte que la société requérante a donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport à un contexte précis et suffisamment décrit.
Sur le motif légitime
Il résulte de l’article 145 que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer le bien-fondé de l’action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu’il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.
Outre son caractère légitime, la mesure d’instruction visant à améliorer la situation probatoire du requérant, son utilité pour la recherche ou la conservation des preuves doit également être établie, étant souligné que sont sans incidence sur l’appréciation des mérites de la requête, les résultats de l’exécution des mesures sollicitées. En conséquence le motif légitime ne peut résulter de la saisie litigieuse et les développements de la partie requérante qui tenteraient de le caractériser de la sorte seront écartés.
Il sera également rappelé qu’il appartient à la partie requérante de justifier de ce que sa requête était fondée, et non aux demandeurs à la rétractation de rapporter la preuve qu’elle ne l’est pas.
En l’espèce, la société Xamance, qui démontre que la société Orange proposait sa solution de coffres forts numériques Xambox, verse aux débats :
– la lettre d’intention que lui a adressée la société Docaposte le 8 décembre 2016, relative au projet d’acquisition de Xamance au prix global de 7 millions d’euros, prévoyant notamment : ‘afin de nous permettre de disposer d’une meilleure connaissance de la société et de ses filiales, vous nous avez indiqué que nous aurions la possibilité de participer à une salle d’information électronique et de rencontrer les dirigeants de la société dans le cadre de sessions de travail. Dans le cadre de cette salle d’information, nos équipes et nos conseils devront notamment avoir accès aux comptes des trois derniers exercices sociaux de la société et ses filiales, de leur situation financière, fiscale, sociale, contractuelle, juridique et opérationnelle. (…)
Les informations confidentielles que nous serons amenées à échanger dans le cadre de l’étude du projet et des négociations y relatives ne pourront être communiquées à quiconque (…). Les informations confidentielles ne pourront être utilisées que pour les besoins de l’étude du projet et des négociations y relatives.
La lettre d’intention en vue du projet est analysée par ses signataires comme une déclaration d’intérêt qui n’engage pas ses signataires à réaliser le projet mais seulement à poursuivre les négociations de bonne foi.’ ;
– la justification que les contrats conclus entre les sociétés Xamance et Orange ainsi que de très nombreux documents ont été communiqués à la société Docaposte lors de la data room ;
– un courriel adressé le 30 mars 2017 par M. [B], dirigeant de la société Xamance à M. [Z], représentant de la société Docaposte dans les négociations, par lequel M. [B] s’inquiétait de ne pas avoir de nouvelles de la finalisation de la cession ;
– le courrier du président de Docaposte à M. [B] du 10 avril 2017 mettant fin aux pourparlers ;
– le ‘rapport de recherches et de veille’ établi par un détective privé le 7 octobre 2019, mandaté pour enquêter sur les relations entre les sociétés Docaposte et Orange, qui indique notamment :
‘ la solution de coffre-fort numérique Digiposte de Docaposte est utilisée par Orange dans le cadre des échanges de documents en ressources humaines pour le service Orange Expatriés, à destination des travailleurs expatriés du groupe. Il n’est pas possible de dater l’antériorité de la solution. La solution de coffre-fort numérique Digiposte est également proposée par Orange à ses clients (en remplacement de l’offre Xambox de Xamance). Aucun des articles n’est daté, il est difficile de déterminer l’ancienneté de l’offre Digiposte Premium chez Orange.’
– une attestation de fin d’activité établie par un expert-comptable le 8 mars 2019 mentionnant : ‘l’activité [ de la société Xamance] est irrémédiablement compromise. Cette situation résulte de la dénonciation du 14 juin 2018 par la société orange du contrat qui représentait 97 % du chiffre d’affaires de la société Xamance.
En conséquence :
– l’effectif est passé de 15 employés à 5 aujourd’hui avec deux procédures de départ en cours,
– l’EBE mensuel est passé de +54 ke sur janvier 2018 à -7 ke en décembre 2018,
– pas de nouveaux contrats, produits ni capacité de développement.’
Les faits reprochés ne sont pas pour autant établis, la recherche de preuves est donc légitime et apparaît utile, compte tenu du déroulement chronologique des faits : communication des documents confidentiels et stratégiques de la société Xamance à la société Docaposte (janvier et février 2017), rupture des pourparlers entre les sociétés Xamance et Docaposte (avril 2017), résiliation par la société Orange de ses contrats avec la société Xamance (courant 2018) et fourniture par la société Orange, par l’intermédiaire de la société Docaposte de services similaires à ceux qui étaient proposés par la société Xamance (2019).
Dès lors que la société Xamance reproche à la société Docaposte sa mauvaise foi et argue d’une collusion frauduleuse entre les sociétés Orange et Docaposte, la circonstance que le projet d’acquisition ait inclus une clause de libre rupture des pourparlers ou que les éléments recueillis par la société Docaposte pendant les négociations aient légitimement remis en cause sa volonté d’acquérir la société Xamance sont inopérants, les pièces produites par la requérante rendant plausible une action en responsabilité.
Ces éléments de preuve ainsi réunis par la société Xamance sont de nature à constituer le motif légitime nécessaire pour justifier la mesure in futurum en application de l’article 145 précité.
Dans ces conditions, l’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à rétractation.
Sur les mesures ordonnées
Au sens de ce même article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile ; elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur.
Le juge de la rétractation peut modifier la mission en la complétant ou l’amendant afin qu’elle soit limitée dans son étendue et dans le temps.
Le secret des affaires ou même la protection de la vie privée, ne constituent pas un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie au regard de l’objectif poursuivi.
Aux termes de l’ordonnance du 15 mai 2019 rectifiée le 19 juin 2019 l’huissier a été autorisé à : ‘-effectuer toutes constatations utiles et se faire remettre copie informatique et/ou support écrit, imprimé ou autre concernant toutes les données figurant sur les serveurs et autres supports de stockage de Docaposte, notamment les messageries professionnelles de M. [I] [Z], [G] [D], [C] [U] et [L] [W] permettant de démontrer la violation par la société Docaposte de ses obligations à l’encontre de la société Xamance ;
– à cet effet, recueillir sur les serveurs ou tout autre support de Docaposte tous éléments concernant Xamance créés, retraités, transmis ou reçus par Docaposte issus de la data room Xamance et tous documents, emails ou autres correspondances à usage interne ou externe créés, retraités, transmis ou reçus par Docaposte répondant aux caractéristiques décrites aux paragraphes A et B ci-dessous et mentionnant les mots-clés (pris seuls ou associés les uns aux autres ) listées aux paragraphes A et B ci -dessous :
A/ en premier lieu, les constatations concerneront les éléments permettant d’établir la violation par la société Docaposte de l’interdiction de conservation, de transmissions et/ ou d’utilisation des données issues de la réalisation des due diligence Xamance, ou créées ou retraitées grâce à celles-ci. Ces éléments concernent Xamance et sont issus de la data room électronique ‘X Men’ ayant été mise en place par la société Xamance avec l’aide du cabinet Adler au profit de Docaposte et des auditeurs des due diligence UGGC et Accuracy (voir liste des documents figurant dans le tableau figurant au A du 2.4.3 ci-dessus) [ soit les mots clés : Data room OU Due diligence OU Audit OU Xmen ET Xam ou Ader] ;
B/ en second lieu, les constatations concerneront les documents (autres que ceux issus de la data room Xamance), emails ou autres correspondances à usage interne ou externe établis ou reçus par Docaposte mentionnant le nom ‘Xamance’ ou ‘Xambox’ de nature à établir la preuve d’une utilisation des informations relatives à Xamance obtenues au travers des due diligence dans le cadre des négociations menées avec Orange pour le remplacement de Xamance dans le cadre des conventions de partenariat. Cela concerne les données relatives à Xamance elle-même ou Xambox figurant sur les ordinateurs, supports de stockage et serveurs de Docaposte et obtenues, créées ou retraitées par le groupe La Poste au travers des due diligence consécutives à la lettre d’intention du 8 décembre 2016. Ce filtrage sera opéré par l’utilisation des mots-clés figurant dans le tableau du B du 2.4.3 ci-dessus.[ soit les mots clés : Data room OU Due diligence OU Audit OU Xmen ET Xam ou Ader associés à Cloud Pro OU Orange] ;
C/ en outre, recueillir sur les serveurs ou tout autre support de Docaposte tous documents, emails ou autres correspondances démontrant une prise de contact avec Orange au cours de la période située entre le 8 décembre 2016 et le 14 juin 2018, lesdites constatations étant opérées par un filtrage à travers l’utilisation des seuls mots-clés (pris seuls ou associés) figurant dans le tableau du C du 2.4.3 ci-dessus.’ [ soit les mots clés : Verveur et Ahsaakou] ;
La recherche de ces documents est légitime au regard des faits allégués de violation par la société Docaposte de ses obligations à l’égard de la société Xamance et celle-ci ne dispose pas d’autres moyen d’accéder à ces informations.
Est ensuite donnée à l’huissier une mission d’identification des documents saisis grâce à des mots clés, se rattachant par un lien direct aux faits allégués.
Eu égard au nombre limités de mots-clés, à l’exclusion formelle des correspondances privées ou échangées avec un avocat, et à la période restreinte visée par l’ordonnance, il apparaît que la mesure est nécessaire à la protection des droits de la société Xamance et proportionnée aux objectifs poursuivis.
L’article L. 151-1 du code de commerce dispose que ‘est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret’.
L’article R. 153-1 du même code prévoit que ‘lorsqu’il est saisi sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ou au cours d’une mesure d’instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires.
Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l’article 497 du code de procédure civile dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10″.
Enfin, l’article R.153-3 précise qu”à peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :
1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ;
2° Une version non confidentielle ou un résumé ;
3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.
Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce’.
Force est de constater en l’espèce que la société Docaposte n’a formé devant le juge de la rétractation aucune demande liée à la mise en oeuvre de la procédure prévue aux articles R. 153-1 et suivants du code de commerce. De même, elle affirme que certaines pièces saisies portent atteinte à son secret des affaires sans aucunement étayer ses allégations et alors qu’en outre, que sont sans incidence au stade de l’examen des mérites de la requête, les résultats de l’exécution des mesures sollicitées par la requérante.
Au regard du caractère limité de la saisie, et notamment du fait qu’elle ne concerne que des documents antérieurs au 14 juin 2018 et qu’elle comporte des mots-clés restreints et en lien direct avec la société Xamance (les mots clés étant au surplus associés entre eux), il convient de dire que l’atteinte au secret des affaires de la société Docaposte n’est pas disproportionnée mais qu’elle est limitée aux nécessités de la recherche des preuves en lien direct avec le litige.
En conséquence, sera confirmée l’ordonnance qui a rejeté la demande de rétractation formée par la société Docaposte et ordonné la levée du séquestre.
Sur les demandes accessoires
L’ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles accordés en première instance.
Parties perdantes, la société Docaposte ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d’appel.
L’équité commande d’accorder à l’intimée la somme de 10 000 euros fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance querellée ;
Y ajoutant,
Condamne la société Docaposte à payer à la société Xamance la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Dit que la société Docaposte supportera la charge des dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,