Informations confidentielles : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/10616

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Informations confidentielles : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/10616
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Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 16 NOVEMBRE 2023

(n° /2023)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/10616 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHZOE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2023 du Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2022F00666

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.S. TOUNETT LA CLARTE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Ivan HECHT substituant Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

à

DEFENDEUR

S.A.R.L. CABINET PRECLAIRE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Anna ORLIKOVSKAYA collaboratrice de Me Eric SIMONNET de la SELARL SIMONNET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0839

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 11 Octobre 2023 :

Le 28 février 2022, la société Century 21 CERIM, syndic de la copropriété de la Résidence du château située [Adresse 2] à [Localité 6] (Seine et Marne), a notifié à la société Tounett La Clarté la décision de mettre fin au contrat d’entretien conclu le 1er février 2006, avec effet au 30 juin 2022, et l’a informée qu’une mise en concurrence des prestations serait organisée.

Lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 4 avril 2022, il a, notamment, été décidé de ne pas renouveler le contrat de syndic avec la société Century 21 CERIM, de nommer en ses lieu et place la société Cabinet Préclaire et de résilier le contrat de nettoyage conclu avec la société Tounett La Clarté.

A la suite de l’appel d’offre lancé par le nouveau syndic, la société Tounett La Clarté n’a pas été retenue.

Contestant l’appel d’offre, la société Tounett La Clarté a fait assigner, par acte du 3 août 2022, la société Cabinet Préclaire, devant le tribunal de commerce d’Evry afin d’obtenir la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi.

Par jugement du 25 mai 2023, le tribunal de commerce d’Evry a :

– débouté la société Tounett La Clarté de l’ensemble de ses demandes,

– condamné celle-ci à payer à la société Cabinet Préclaire la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;

– condamné cette société au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Par déclaration du 15 juin 2023, la société Tounett La Clarté a relevé appel de ce jugement.

Par acte du 26 juin 2023, elle a fait assigner en référé, devant le premier président de cette cour, la société Cabinet Préclaire afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement critiqué.

Aux termes de ses conclusions déposées et développées à l’audience, la société Tounett La Clarté demande de :

– rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Cabinet Préclaire ;

– en conséquence, déclarer sa demande recevable ;

– juger que le jugement rendu en matière de préservation du secret des affaires ne bénéficie pas de l’exécution provisoire ;

– juger que l’appel interjeté produit un effet suspensif sur le jugement déféré ;

– juger recevable sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire ;

– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire ;

– à tout le moins, suspendre l’exécution provisoire le temps que l’affaire soit définitivement jugée par la cour ;

– débouter la société Cabinet Préclaire de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Aux termes de ses conclusions déposées et développées à l’audience, la société Cabinet Préclaire demande de :

– déclarer irrecevable la demande de la société Tounett La Clarté tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire ;

– à titre subsidiaire, rejeter l’ensemble des demandes de cette société ;

– la condamner au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

SUR CE

Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Au cas présent, la société Tounett La Clarté, tout en soutenant avoir fait des observations sur l’exécution provisoire en première instance puisqu’elle a sollicité le bénéfice de cette mesure, fait valoir que le jugement entrepris, rendu en matière de préservation du secret des affaires, ne bénéficie pas de l’exécution provisoire de sorte que l’appel a un effet suspensif.

Elle indique encore justifier de moyens sérieux de réformation du jugement puisque la procédure qu’elle a engagée porte sur le secret des affaires qui a été violé par la société Cabinet Préclaire, que le tribunal ne s’est pas livré à une appréciation in concreto s’agissant des actes déloyaux employés par cette dernière, qui sont constitutifs d’une violation de ce secret. Elle rappelle avoir appris que dans le cadre de l’appel d’offre, des informations confidentielles la concernant ont été portées à la connaissance d’une société concurrente lui ayant permis, de façon déloyale, d’adresser une nouvelle proposition afin de pouvoir remporter le marché de nettoyage.

Enfin, elle fait état de conséquences manifestement excessives induites par l’exécution provisoire puisque la communication aux membres du conseil syndical d’un tableau comparatif mentionnant les prix et détails des entreprises candidates à l’appel d’offre dont elle-même, et de son devis porte atteinte au principe du secret des affaires. Elle invoque un risque de perte de futurs marchés puisque son chiffrage et ses modalités de calculs, couverts par le secret des affaires, sont désormais connus des tiers. Elle considère que l’exécution provisoire de la décision pourrait porter atteinte de façon irrémédiable à la confidentialité des données lui appartenant et, donc, à ses intérêts commerciaux et financiers. Elle expose enfin, que son préjudice est constitué par les frais exposés pour sa participation à l’appel d’offre et la perte sérieuse de chance d’avoir pu obtenir le marché.

La société Cabinet Préclaire soulève l’irrecevabilité de la demande en faisant valoir que la société Tounett La Clarté n’a pas fait d’observations devant les premiers juges pour faire écarter l’exécution provisoire du jugement, alors que demanderesse à l’action, elle a expressément sollicité le prononcé de cette mesure.

Elle soutient que la procédure engagée par la société Tounett La Clarté ne concernait pas la préservation du secret des affaires et que le tribunal n’a d’ailleurs pas statué sur une demande de communication ou de production de pièce couverte par un tel secret.

Enfin, elle conteste tout moyen sérieux de réformation ainsi que l’existence invoquée de conséquences manifestement excessives nées postérieurement à la décision entreprise.

Il apparaît des explications des parties, de la lecture du jugement entrepris et des pièces produites que l’action engagée devant le tribunal de commerce d’Evry par la société Tounett La Clarté à l’encontre de la société Cabinet Préclaire tend à obtenir la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en lien avec la faute qu’aurait commise cette dernière consistant, selon la demanderesse, en une violation du secret des affaires, violation constituée par la divulgation d’éléments protégés au titre de ce secret.

L’article R.153-8 du code de commerce dispose que lorsqu’elle intervient avant tout procès au fond, la décision statuant sur la demande de communication ou de production de la pièce est susceptible de recours dans les conditions prévues par l’article 490 ou l’article 496 du code de procédure civile. Le délai d’appel et l’appel exercé dans ce délai sont suspensifs lorsque la décision fait droit à la demande de communication ou de production. L’exécution provisoire ne peut être ordonnée.

Cependant, ce texte ne saurait s’appliquer à l’action engagée par la société Tounett La Clarté, qui ne tend pas à la communication ou la production de pièces couvertes par un secret des affaires, mais s’analyse en une action en responsabilité civile de sorte que les dispositions de l’article 514 du code de procédure civile lui sont applicables.

La société Tounett La Clarté ne s’y était d’ailleurs pas trompée puisqu’elle avait sollicité, en première instance, le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement et que dans le cadre du présent référé, elle demande l’arrêt de cette mesure, sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile, reconnaissant implicitement que le jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.

Il ressort tant de l’assignation que des conclusions signifiées par la société Tounett La Clarté en première instance mais aussi des termes du jugement critiqué, que cette dernière a sollicité le prononcé de l’exécution provisoire du jugement sans aucune distinction entre ses prétentions et celles formées à son encontre à titre reconventionnel par la société Cabinet Préclaire.

Le fait d’avoir demandé l’exécution provisoire de la décision n’équivaut pas à des observations au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile sur les condamnations dont elle pouvait faire l’objet, lesquelles s’entendent de moyens propres à faire écarter le prononcé de cette mesure.

Ainsi, pour être recevable en sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire, la société Tounett La Clarté doit démontrer, conformément à l’article 514-3 susvisé et sur lequel elle se fonde, l’existence d’un moyen sérieux de réformation du jugement et de conséquences manifestement excessives survenues depuis cette décision.

Or, force est de constater qu’elle ne fait état d’aucune conséquence manifestement excessive résultant de l’exécution provisoire du jugement, qui serait apparue depuis son prononcé.

En tout état de cause, il est relevé que les conséquences manifestement excessives invoquées qui seraient induites par le comportement fautif reproché dans la procédure au fond à la société Cabinet Préclaire, sont sans lien avec l’exécution provisoire du jugement.

Dans ces conditions, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est pas recevable.

Sur la demande de dommages et intérêts procédure abusive

L’action en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou encore de légèreté blâmable. Ces exigences n’étant pas satisfaites en l’espèce, la société Cabinet Préclaire sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en ses prétentions, la société Tounett La Clarté sera condamnée aux dépens.

Il sera alloué à la société Cabinet Préclaire, contrainte d’exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclarons irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société Tounett La Clarté ;

Rejetons la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Cabinet Préclaire ;

Condamnons la société Tounett La Clarté aux dépens et à payer à la société Cabinet Préclaire la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente

 


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