Informations confidentielles : 30 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02393

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Informations confidentielles : 30 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02393
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 NOVEMBRE 2023

N° RG 21/02393 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVCC

AFFAIRE :

[C] [F]

C/

S.A.S. IDEMIA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 18/02862

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Carole JOSEPH WATRIN

Me Martine DUPUIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [C] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

BELGIQUE

Représentant : Me Carole JOSEPH WATRIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0791

APPELANT

****************

S.A.S. IDEMIA FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentants : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Justine CORET de la SCP AyacheSalama, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

La société Idemia France, dont le siège social est situé [Adresse 3] à [Localité 4] dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans le secteur d’activité de la fabrication de cartes électroniques assemblées.

Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Elle conçoit et produit des cartes à puce pour des applications telles que les passeports, cartes SIM, cartes bancaires. Les salariés de la société sont amenés à manipuler des données sensibles nécessitant un haut niveau de confidentialité, qui sont sauvegardées selon 5 niveaux de sécurité allant du moins confidentiel (niveau 1) au plus confidentiel (niveau 5).

M. [C] [F], né le 25 septembre 1974, a été engagé par la société Oberthur Card Systems selon contrat de travail à durée indéterminée du 24 octobre 2007 à effet au 3 décembre 2007, en qualité d’ingénieur recherche et développement (R&D), moyennant une rémunération mensuelle forfaitaire brute de 3 231 euros sur 13 mois.

A compter du 1er mars 2013, le contrat de travail de M. [F] a été transféré à la société Idemia France.

En sa qualité d’ingénieur R&D, M. [F] implémentait (installait) des algorithmes sur des cartes à puce et devait, une fois son travail terminé, le sauvegarder sur un serveur de niveau 3 et parfois de niveau 4.

Par courrier du 5 juillet 2018, la société Idemia France a notifié à une mise à pied à titre conservatoire à M. [F] et l’a convoqué à un entretien préalable qui s’est déroulé le 16 juillet 2018.

Par courrier du 20 juillet 2018, la société Idemia France a notifié à M. [F] son licenciement pour faute dans les termes suivants :

« Par lettre remise en main propre contre décharge du 5 juillet 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue de votre éventuel licenciement pouvant aller jusqu’à votre licenciement pour faute grave, fixé au 16 juillet 2018.

Dans le même temps, et compte tenu de la gravité des faits qui vous étaient reprochés, vous avez été mis à pied à titre conservatoire jusqu’à ce qu’une décision soit prise vous concernant. Au cours de cet entretien auquel vous vous êtes présenté assisté de M. [O] [G] (délégué syndical), nous vous avons exposé les griefs qui nous conduisaient à envisager une telle mesure à votre encontre.

Ces griefs sont exposés ci-après.

1. Vous exercez, au sein de la société Idemia France, les fonctions d’Ingénieur Recherche et Développement, statut Cadre, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

A ce titre, vous êtes en charge, notamment, de développer des algorithmes pour le compte des différents clients de notre société. Ce faisant, vous êtes amené à traiter, quotidiennement, des données éminemment sensibles et confidentielles. C’est précisément la raison pour laquelle vous êtes lié, en votre qualité d’Ingénieur R&D, par une stricte obligation de confidentialité et de secret professionnel vis-à-vis de toutes les informations auxquelles vous avez accès dans le cadre de vos fonctions.

Cette obligation de confidentialité est expressément prévue par votre contrat de travail mais aussi par des règles internes spécifiques destinées à la protection des données sensibles.

Vous travaillez d’ailleurs dans une « zone à régime restrictif » au sein d’Idemia France, impliquant un accès restreint et hautement sécurisé. Vous avez ainsi l’obligation, à l’instar de l’ensemble des salariés rattachés au département R&D, de veiller au strict respect des règles de sécurité internes destinées à protéger les données sensibles et confidentielles traitées quotidiennement par le service auquel vous appartenez.

Ces règles vous ont été communiquées lors de votre embauche et figurent sur l’Intranet de l’entreprise. Elles s’imposent obligatoirement à tout employé qui travaille pour la R&D en France au sein de notre société.

Comme vous le savez, ces règles ont instauré 5 niveaux de sécurité des données, classés du moins confidentiel (niveau 1) au plus confidentiel (niveau 5).

Pour chaque niveau, la réglementation interne détaille le socle minimum des règles de sécurité physique et informatique qui doivent être respectées ; les règles de protection diffèrent selon les catégories de données sensibles concernées (comme par exemple les codes sources). Il est ainsi précisé, au terme de la réglementation interne, que toute classification de niveau 4 ne doit faire l’objet d’aucune déclassification.

A chaque donnée traitée par les Ingénieurs R&D, correspond un niveau de confidentialité. Il est par exemple précisé que les différents codes sources des opérateurs téléphoniques sont classés au niveau 4 (IP4).

2.Un accord de confidentialité a été signé par la société Idemia France avec le client concerné par l’incident, répondant à un niveau d’exigence élevé en termes de sécurité. Afin de répondre aux exigences de sécurité du client, l’algorithme et sa spécification au format papier ont donc été protégés, selon notre processus interne de sécurité « IP Protection », par une classification de niveau 4.

Chacun des ingénieurs R&D qui avaient vocation à travailler sur le développement de l’algorithme de ce client devait impérativement respecter ce niveau de sécurité.

Or, le 2 juillet 2018 vous avez sauvegardé l’algorithme du client en question sur le serveur de niveau 3 (IP3) au lieu du serveur du niveau 4 (IP4).

L’erreur a été constatée deux jours plus tard par vous-même et a été immédiatement signifiée par votre supérieur hiérarchique, conformément aux procédures en vigueur, à l’officier de sécurité Recherche et Développement ainsi qu’à votre management.

L’algorithme en cause, du fait de votre négligence, est ainsi resté deux jours sur un serveur offrant un niveau de protection et de sécurité inférieur à celui sur lequel la société s’était engagée vis-à-vis de son client, ouvrant la possibilité à des salariés ayant une habilitation inférieure d’accéder à des informations confidentielles pour lesquelles ils n’avaient pas une telle accréditation.

En déclassifiant un algorithme de Niveau 4 (IP4) d’un opérateur téléphonique client, vous avez enfreint les règles internes de protection.

Votre négligence, en plus de traduire une violation manifeste de vos obligations contractuelles et des règles de sécurité internes, a exposé notre société à la mise en cause de sa responsabilité, votre comportement ayant constitué un manquement caractérisé à l’engagement de confidentialité souscrit par Idemia France auprès du client concerné par l’incident.

Si nous n’avions pas pris les mesures nécessaires, votre négligence aurait pu entacher la réputation de notre société ainsi que les bonnes relations commerciales avec l’un de nos plus gros clients.

3.Ceci ne constitue malheureusement pas un acte isolé au regard des différentes mises en garde dont vous avez fait l’objet depuis plusieurs mois, qui avaient pour objet de vous alerter sur la nécessité de remédier sans délai aux différents manquements que nous constations régulièrement dans l’exercice de vos fonctions.

Le 29 mai 2018, vous aviez au surplus d’ores et déjà négligé de classer, à la fin de votre journée de travail, la spécification de ce même algorithme dans l’armoire forte dédiée à la protection de ce type de documentation, ce qui avait conduit M. [R] [K] à vous notifier une mise en garde.

Vous n’avez manifestement pas souhaité en tenir compte.

4. Nous déplorons au surplus, depuis plusieurs semaines, un manque d’implication caractérisé de votre part dans l’exercice de vos tâches, qui s’est traduit par des erreurs répétées inadmissibles pour un cadre de votre niveau.

5. Lors de notre entretien du 16 juillet dernier, vous avez reconnu vos erreurs ; vous avez toutefois tenté de minimiser l’importance du dernier incident du 2 juillet dernier en arguant qu’il s’agissait d’une simple erreur humaine sans intention volontaire. Votre réaction démontre une incompréhension totale des enjeux de votre poste au regard de notre organisation.

Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés.

Nous avons donc pris la décision de vous licencier pour faute simple. (‘) »

Par requête reçue au greffe le 30 octobre 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de condamnation de la société Idemia France au versement des sommes à caractère indemnitaire suivantes :

– 40 463,80 euros, correspondant à 10 mois de salaires, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Idemia France avait, quant à elle, demandé que M. [F] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 30 juin 2021, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– dit que le licenciement de M. [C] [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [C] [F] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la société Idemia de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [C] [F] aux éventuels dépens.

M. [F] a interjeté appel de la décision par déclaration du 21 juillet 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, M. [F] demande à la cour de :

– dire M. [F] recevable et fondé en l’appel interjeté à l’encontre du jugement rendu le 30/06/2021 par le conseil de prud’hommes de Nanterre, section encadrement, qui a dit que le licenciement de M. [C] [F] reposait sur une cause réelle et sérieuse, débouté M. [C] [F] de l’intégralité de ses demandes, l’a condamné aux éventuels dépens,

– infirmer le jugement de tous ses chefs,

Statuant à nouveau,

– dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement dont M. [F] a fait l’objet,

– débouter la société Idemia France de toutes ses fins mal fondées,

– condamner la société Idemia France à verser à M. [F] les sommes suivantes :

. la somme de 40 463,80 euros, correspondant à 10 mois de salaires, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. la somme de 3 000 euros, par instance, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que ces condamnations seront assorties des intérêts légaux et capitalisation,

– fixer le salaire de référence de M. [F] à 4 046,38 euros bruts,

– condamner la société Idemia France aux entiers dépens des instances.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2023, la société Idemia France demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 30 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :

. dit que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,

. débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes,

. condamné M. [F] aux éventuels dépens,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Idemia de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

– juger que la faute simple alléguée à l’appui du licenciement de M. [F] est avérée,

– juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Statuant à nouveau,

– condamner M. [F] à verser à la société Idemia France, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [F] aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 5 juillet 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 29 septembre 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur le licenciement

M. [F] soutient que son licenciement a été prononcé pour faute grave mais que le fait que son préavis lui a été réglé constitue une reconnaissance du fait que la faute n’était pas grave. Il souligne que sa mise à pied a eu lieu moins d’une semaine après qu’il a demandé un congé sabbatique, lequel lui a été refusé après l’entretien préalable. Il estime qu’aucun des deux griefs retenus dans la lettre de licenciement ne permet de justifier ce dernier.

La société répond qu’au cours de l’année 2018, elle a déploré un certain nombre de manquements de M. [F] dans l’exercice de ses fonctions, liés à des retards répétés dans la conduite de projets et à de graves négligences de sa part, qui l’ont conduite à le licencier.

Le licenciement de M. [F] a été prononcé pour faute simple et non pour faute grave, de sorte que le salarié a perçu une indemnité compensatrice pour le préavis non effectué, en application de l’article L. 1234-5 du code du travail.

Il résulte de l’article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.

L’article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l’espèce, la lettre de licenciement invoque deux griefs.

1 – sur le non-respect des règles de sécurité interne et la violation de l’obligation de confidentialité

La lettre de licenciement reproche à M. [F] d’avoir le 2 juillet 2018 sauvegardé l’algorithme d’un client sur le serveur de niveau 3 au lieu du serveur de niveau 4, la situation offrant un niveau de sécurité inférieur à celui sur lequel la société s’était engagée envers le client ayant duré deux jours, ce qui constitue une négligence qui est une violation manifeste des obligations contractuelles du salarié et des règles de sécurité interne, exposant la société à une mise en cause de sa responsabilité.

La société précise que la classification de niveau 4 n’a pas de caractère exceptionnel et ne peut faire l’objet d’aucune déclassification. Elle indique dans ses conclusions que l’erreur de M. [F] a été constatée deux jours plus tard par la société et reconnue par le salarié.

M. [F] répond que le 2 juillet 2018 il a enregistré son travail sur le serveur de niveau 3 habituel au lieu du serveur de niveau 4 qui était exceptionnel, oubliant la règle dont il avait connaissance ; que lorsqu’il s’est rendu compte de son erreur, il a prévenu immédiatement son supérieur hiérarchique afin de réduire au maximum les risques d’atteinte à la sécurité des données en question, qui ont été réaffectées au niveau de sécurité adéquat. Il estime que le risque que des informations confidentielles puissent être divulguées était nul dès lors que seuls certains salariés ont accès au serveur de niveau 3 et que son erreur n’a eu aucune conséquence préjudiciable pour la société, un risque hypothétique ne pouvant valablement fonder son licenciement.

Le contrat de travail de M. [F] le soumet au secret professionnel (pièce 1 du salarié).

M. [F] reconnaît en outre qu’il avait connaissance des règles générales de confidentialité en vigueur au sein de la société et qu’il avait signé électroniquement le document qui explique le processus de développement au sein du groupe dont il fait partie et comment traiter et sauvegarder les différents algorithmes en fonction de leur niveau de confidentialité.

L’attestation de M. [Y] [A], ancien employé au sein du même groupe que M. [F], qui indique que certains membres de l’équipe ne connaissaient pas le point de procédure pour ce type d’implémentation et que les règles ont été rappelées par mail envoyé à toute l’équipe après le licenciement de M. [F], est dès lors inopérante.

M. [F] était accrédité pour les niveaux 3 et 4.

Il reconnaît avoir commis une erreur en oubliant le niveau de sauvegarde requis le 2 juillet 2018, de sorte que le grief est matériellement établi.

Cette erreur constitue une violation des règles de confidentialité définies avec le client, qui exposait les données de ce dernier à un accès plus large que prévu, peu important qu’un nombre plus réduit de salariés soient accrédités pour le niveau 3, et qui exposait la société à un risque de mise en cause de sa responsabilité, peu important qu’il ne se soit pas matérialisé en l’espèce.

Le fait que ce soit M. [F] qui ait signalé son erreur, comme il le prétend et comme l’a indiqué la société dans la lettre de licenciement, et non la société qui s’en soit aperçue, comme elle le prétend dans ses écritures, n’est pas déterminant.

La lettre de licenciement mentionne que les faits ne constituent pas un acte isolé car M. [F] a fait l’objet de différentes mises en garde depuis plusieurs mois, ayant pour objet de l’alerter sur la nécessité de remédier sans délai à ses divers manquements. Elle cite sa négligence le 29 mai 2018 à classer à la fin de sa journée de travail la spécification du même algorithme dans l’armoire forte dédiée à la protection de ce type de documentation, ce qui avait conduit M. [K] à lui notifier une mise en garde.

La société produit en pièce 3 un courriel adressé le 29 mai 2018 par M. [K] à M. [F] lui demandant : ‘Pourrais-tu penser à remettre la spécification Vodafone dans l’armoire forte quand tu pars le soir. C’est un engagement que nous avons auprès de ce client et que nous devons respecter.’

M. [F], qui ne commente pas ce fait, ne conteste pas la matérialité de cet oubli.

2 – sur le manque d’implication et les erreurs répétées

La lettre de licenciement reproche à M. [F] un manque d’implication caractérisé de sa part dans l’exercice de ses tâches, se traduisant par des erreurs répétées, inadmissibles pour un cadre de son niveau.

La société explique que dès le début de l’année 2018 elle a constaté un manque d’implication patent de M. [F] dans l’exercice de ses fonctions, se traduisant par des retards dans la restitution de ses travaux, un suivi lacunaire de ses dossiers et des prises de congés sans considération du niveau d’avancement des projets dont il avait la responsabilité et des équipes avec lesquelles il était amené à travailler.

Elle se réfère à un courriel envoyé le 25 janvier 2018 à M. [F] par son supérieur M. [E] concernant un retard et aux remarques similaires de sa hiérarchie fin 2016, faisant valoir que les arguments de M. [F] tentant de faire croire à une responsabilité collective sont inopérants.

M. [F] répond que lorsqu’il a demandé des précisions sur les motifs du licenciement, la société s’est bornée à lister principalement ses demandes de départ en congés tardives, ce qui n’a rien à voir avec les griefs isolés mentionnés dans la lettre de licenciement, soulignant que ses demandes de congés avaient à l’époque été validées par son supérieur hiérarchique.

Il fait valoir que le conseil de prud’hommes ne pouvait se baser, pour justifier la rupture, sur des griefs qui ne figuraient pas dans le courrier de licenciement. Il estime en tout état de cause que la société ne peut faire porter sur lui seul la responsabilité collective du retard sur le projet RSA, qu’il travaillait en aval dans le projet et que la communication était parfois complexe avec son manager qui se trouvait à [Localité 5] tandis que lui-même travaillait à [Localité 6]. Il indique encore que les faits sont majoritairement prescrits et qu’ils ne peuvent être invoqués dès lors qu’ils sont de nature différente et que certains ont déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires. Il souligne enfin qu’il a été promu ‘senior engineer’ en 2015, ce qui démontre que la société était plus que satisfaite de son travail.

L’article L. 1232-6 du code du travail prévoit que la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.

Il ressort des articles L. 1235-2 et R. 1233-2-2 du code du travail que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, soit à la demande du salarié formée dans les 15 jours de la notification, l’employeur disposant pour répondre d’un délai de 15 jours après réception de la demande. La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l’espèce, le licenciement a été notifié à M. [F] par courrier recommandé du 20 juillet 2018. Par courrier du 3 août 2018, adressé dans les 15 jours de cette notification, M. [F] a demandé à son employeur des précisions sur les mises en garde dont il aurait fait l’objet et sur les divers manquements et le manque d’implication de sa part évoqués dans la lettre de licenciement (pièce 5 du salarié).

La société a répondu par courrier du 13 août 2018, dans les 15 jours de la réception de la demande du salarié, en précisant qu’il est reproché à M. [F] de ne pas respecter les délais de réalisation de ses projets, de ne pas informer sa hiérarchie sur l’état d’avancement des projets sur lesquels il travaille, de solliciter des congés sans respecter un délai de prévenance suffisant, de surcroît sans tenir compte du niveau de réalisation de ses travaux et des conséquences de ce retard sur les équipes intervenant sur le même projet.

Ces précisions illustrent les mises en garde dont le salarié a fait l’objet et son manque d’implication et ne constituent donc pas des griefs qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement.

La société produit en pièce 3 un échange de courriels entre M. [F] et son supérieur M. [E] du jeudi 25 janvier 2018. A 10 h 56, M. [F] a informé M. [E] qu’une version 100 % fonctionnelle du RSA allait pouvoir être livrée. Il a sollicité par ailleurs un congé pour le lendemain après-midi en exposant que pensant que ‘ça serait large vis-à-vis du RSA’, il avait pris la semaine précédente un billet de train pour partir le vendredi 26 janvier 2018 après-midi, en faisant l’erreur de ne pas poser sa demi-journée directement ; qu’il s’était dit qu’il agirait en fonction de la revue de projet et que s’il n’y avait pas quelque chose de fonctionnel, il l’aurait ‘dans l’os’ ; que la version RSA étant fonctionnelle, il demandait cette demi-journée de congé. M. [E] lui a répondu que ce n’était ‘pas trop son genre’ de refuser une demi-journée de congé et qu’il n’y avait donc pas de problème pour le lendemain, précisant ‘à condition de faire une vraie demi-journée demain matin’, déplorant cependant le retard dans la version finale du RSA qui aurait dû être disponible fin novembre 2017 à l’origine.

S’agissant du retard dans le projet RSA, M. [F] produit en pièce 11 une attestation de M. [A] qui écrit ‘je précise que je travaillais avec [C] sur le projet dit ‘RSA’ à la fin 2017-2018. Ce projet était intégré à un projet plus important, qui occupait 6 personnes (soit la plus grande partie de l’équipe), et dont les différentes composantes étaient fortement interconnectées’.

Il en ressort que le projet RSA étant porté par une équipe, M. [F] ne pouvait être tenu pour seul responsable du retard global du projet mais il lui appartenait néanmoins de faire son propre travail dans les délais requis afin de ne pas faire prendre du retard au projet.

Le retard dans la pose des congés est avéré dès lors que M. [F] avait pris un billet de train à l’avance sans poser la demi-journée de congé correspondante, ce qu’il qualifie lui-même d’erreur. Il importe peu que le congé en cause n’ait pas été refusé par le supérieur hiérarchique.

La société produit des courriels datés de 2016 et 2017 dans lesquels M. [E] reproche à M. [F] des faits similaires : retard dans son travail et pose de congés à la dernière minute :

– le 15 décembre 2016, il lui écrit : ‘le fait que tu arrives après 10 h le matin a un impact sur l’avancement du travail d'[D] car il ne peut pas te joindre lorsqu’il a des questions à te poser. Vu le retard actuel du RSA et la pression qu’il y a sur ce projet, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps comme cela. Merci donc de faire un effort de ce côté.’ (pièce 15 de la société),

– le 8 février 2017 : M. [F] a émis une demande d’absence pour RTT le mercredi 8 février 2017 à 12h02 pour le vendredi 10 février après-midi, en ayant réservé plusieurs semaines auparavant un billet de train non échangeable. M. [E] lui ayant demandé si le RSA serait terminé le vendredi matin, M. [F] a indiqué qu’il ne pouvait pas lui répondre. M. [E] s’est étonné d’une part du fait que M. [F] souhaite prendre des congés sans pouvoir être certain que le développement serait terminé et d’autre part du retard dans le projet, qu’il découvrait (pièce 16),

– le 27 avril 2017, M. [F] a demandé une journée de RTT pour le lendemain. M. [E] a validé le congé en lui demandant toutefois de s’y prendre plusieurs jours à l’avance à l’avenir (pièce 17) et lui a indiqué le 28 avril qu’il aurait pu relivrer un projet suite aux modifications faites par un collègue, avant de partir en congés (pièce 18),

– le 16 mai 2017, M. [E] lui a écrit : ‘quand nous sommes sur le point de livrer un nouveau code pour le projet dont tu es en charge et même si tu as prévu de partir à 17h30, ça serait bien que tu restes quelques minutes supplémentaires pour pouvoir faire la livraison du projet qu’il faut absolument rendre ce soir. [M] et [V] ont travaillé dur et toi tu t’en vas… Cela n’est pas acceptable’ (pièce 19).

L’article L. 1332-4 du code du travail prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Le délai de deux mois court à compter de la date de convocation à l’entretien préalable.

Toutefois, le fait antérieur à deux mois peut être pris en considération dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

En l’espèce, les faits datant de 2016 et 2017 peuvent être invoqués par la société dès lors qu’ils sont de même nature que les retards et poses de congés sans délai de prévenance suffisant reprochés dans la lettre de licenciement et son courrier explicatif.

Le grief est dès lors établi, sans qu’il y ait lieu d’examiner des faits remontant aux années 2009 à 2011 qui n’ont pas été visés dans le courrier de l’employeur explicitant les motifs du licenciement.

Il est ainsi établi que M. [F] a commis des faits fautifs en relation avec sa vie professionnelle, qui sont d’une certaine gravité et rendent impossible la continuation du travail.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [F] repose sur une cause réelle et sérieuse et qu’il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et frais irrépétibles.

M. [F], qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens d’appel et sera condamné à payer à la société Idemia France une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sa demande formée du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Nanterre,

Y ajoutant,

Condamne M. [C] [F] aux dépens d’appel,

Condamne M. [C] [F] à payer à la société Idemia France une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [C] [F] de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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