Informations confidentielles : 30 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02839

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Informations confidentielles : 30 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02839
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02839 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDMWM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/01510

APPELANTE

Madame [T] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Steven THEALLIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A. DUALIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant

Madame Gwenaëlle LEDOIGT, Présidente de Chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE

ARRET :

– Contradictoire

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame LEDOIGT Gwenaelle, Présidente de Chambre et par Madame Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [T] [O] a été engagée par la société Dualis, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 juillet 2014, en qualité de secrétaire.

La société anonyme Dualis est la holding du groupe Dualis qui a pour activité le recrutement et l’intérim.

Travaillant initialement au siège de la société Dualis, Mme [T] [O] a été affectée, à compter du 3 juillet 2017, auprès de la société Groupagora Paris, les deux entités étant situées à la même adresse.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective  nationale des bureaux d’étude technique, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite Syntec), la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1 969,23 euros (moyenne sur les trois derniers mois).

La salariée a été placée en arrêt de travail du 5 novembre 2018 au 24 novembre suivant.

Le 13 novembre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 16 novembre suivant. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.

Le 29 novembre 2018, la salariée s’est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

“Pour rappel, vous avez été convoquée, par courrier du 13 novembre 2018, à un entretien préalable, en date du 26/11/2018, avec mise à pied conservatoire.

Nous faisons suite à cet entretien, qui s’est tenu le 26 novembre 2018, et au cours duquel nous vous avons exposé les motifs, qui nous amenaient à initier la présente procédure :

La découverte sur votre « bureau » informatique, de plusieurs documents professionnels et non professionnels sujet à caution.

Ensuite, il est apparu que vous routiez ces mêmes documents, sur votre messagerie personnelle.

Il s’avère aussi que vous pratiquiez des activités que l’on peut qualifier d’ésotérique, à l’encontre de vos collègues, traumatisant durablement les plus fragiles.

Afin de lever toutes ambiguïtés sur l’origine des documents découverts, le fait générateur étant les prises de photos de documents sensibles via votre téléphone portable et l’enregistrement de ces photos sur votre ordinateur.

Dans ces documents retrouvés, nous retrouvons, par exemple, des RIB de salariés, des lettres de licenciements cachetées (détournement de correspondances), plus grave, encore la liste des codes informatiques personnels de l’ensemble du personnel.

Le fait de retrouver le livre « Mein Kampf » d’Adolf Hitler en PDF, sur votre bureau, nous interpelle également, et ne correspond, en rien, aux valeurs de notre société.

Quant à la découverte d’enveloppe contenant des cheveux que l’on suppose appartenant à vos collègues, le tout accompagné de nombreux ouvrages de pratique de sorcellerie, provoque malaise et effroi, auprès de vos collègues directs.

Votre intention de nuire à notre société et à ses salariés est clairement établie.

En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement”.

Le 21 février 2019, Mme [T] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour voir dire son licenciement nul.

Le 27 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Activités diverses, a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes, débouté la société Dualis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laissé les dépens à la charge de Mme [T] [O].

Par déclaration du 17 mars 2021, Mme [T] [O] a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification à une date non communiquée.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 18 mai 2023, aux termes desquelles Mme [T] [O] demande à la cour d’appel de :

– recevoir Madame [O] en son appel, fins et conclusions

– infirmer le jugement du 27 novembre 2020 du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté Madame [O] de l’ensemble de ses demandes

Statuant à nouveau,

A titre principal :

– juger que le licenciement de Madame [O] est nul car résultant d’une violation de sa vie privée et d’une situation laissant supposer l’existence d’une discrimination

– condamner la S.A. Dualis aux sommes suivantes :

* 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul

* 4 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

* 400 euros au titre des congés payés sur préavis

* 2 196,44 euros à titre d’indemnité de licenciement

* 461,63 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

* 46,16 euros au titre des congés payés afférents

A titre subsidiaire,

– juger que le licenciement de Madame [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– condamner la S.A. Dualis aux sommes suivantes :

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle ni sérieuse

* 4 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

* 400 euros au titre des congés payés sur préavis

* 2 196,44 euros à titre d’indemnité de licenciement

* 461,63 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

* 46,16 euros au titre des congés payés afférents

En tout état de cause,

– débouter la S.A. Dualis de l’ensemble de ses demandes

– condamner la S.A. Dualis à 4 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonner la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi et dernier bulletin de salaire valant solde de tout compte) conformes à la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 50 euros par jour et document de retard

– condamner la S.A. Dualis aux dépens.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 19 juin 2023, aux termes desquelles la société Dualis demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement rendu le 27 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Paris

A titre principal,

– débouter Madame [O] de l’intégralité de ses demandes

– dire exempt de nullité et bien fondé le licenciement pour faute grave de Madame [O]

– considérer qu’il n’y a pas de violation du droit au respect de l’intimité et de la vie privée ni du droit au secret des correspondances

– considérer que son licenciement ne repose pas sur un motif discriminatoire

– la débouter de toutes ses demandes afférentes :

* dommages et intérêts pour licenciement nul

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

* congés payés sur mise à pied conservatoire

* indemnité compensatrice de préavis

* congés payés sur préavis

* indemnité de licenciement

A titre subsidiaire,

Sur le licenciement :

Si par extraordinaire, la cour d’appel ne retenait pas la faute grave du licenciement, il lui sera demandé de :

– dire que le licenciement repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse

– débouter Madame [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul

– ne condamner la société qu’au paiement des sommes suivantes :

* 5 907,69 euros (correspond à 3 mois de salaire) au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 2 174,36 euros à titre de l’indemnité de licenciement

* 3 938,46 euros au titre de l’indemnité de préavis et 393,84 euros au titre des congés payés afférents

* 461,63 euros de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et 46,16 euros de congés payés afférents

A titre infiniment subsidiaire,

Sur le licenciement :

Si par extraordinaire, la cour d’appel retenait la nullité du licenciement, il lui sera demandé de

– limiter le montant des dommages-intérêts à 6 mois de salaire, soit la somme de 11 815,38 euros

– ne condamner la société qu’au paiement des sommes suivantes :

* 2 174,36 euros à titre de l’indemnité de licenciement

* 3 938,46 euros au titre de l’indemnité de préavis et 393,84 euros au titre des congés payés afférents

* 461,63 euros de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et 46,16 euros de congés payés afférents

En toutes hypothèses :

– débouter Madame [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Madame [O] à verser à la société la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner Madame [O] aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le licenciement pour faute grave

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l’employeur d’alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.

L’employeur explique, qu’en l’absence de la salariée en raison d’un arrêt maladie,

Mme [M] [L] déléguée du personnel s’est connectée sur l’ordinateur professionnel de sa collègue car son propre poste était en panne. Il ajoute qu’en ouvrant l’onglet “internet” dudit ordinateur, Mme [L] s’est retrouvée directement sur une messagerie électronique, sans savoir qu’il s’agissait de la messagerie personnelle de la salariée. Constatant que les objets de certains mails présents à l’écran étaient d’ordre professionnel, Mme [M] [L] les a ouverts et s’est aperçu qu’il s’agissait de déroutages de mails professionnels sur la boite personnelle de la salariée. Ces mails contenaient des copies de documents internes à l’entreprise comme la liste des identifiants et mots de passe des boites mails de l’ensemble du personnel (pièce 9-3) et des données personnelles de salariés de la société (RIB, mutuelle, prévoyance, arrêt de travail) (pièces 9, 10, 11, 12, 13,14). En outre, il est apparu que la salariée avait photographié des correspondances dont elle n’était pas destinataire après les avoir décachetées puisqu’elle était en charge du courrier au secrétariat (pièces 10-3, 11).

La société intimée considère qu’en transférant sur son adresse personnelle des informations confidentielles appartenant à l’entreprise et des données relatives à la vie privée de ses collègues, à leur insu, Mme [T] [O] a commis une faute grave justifiant son licenciement.

De surcroît, elle ajoute que Mme [M] [L] a constaté la présence sur le bureau informatique du poste de la salariée d’un certain nombre de documents dont le livre Mein Kampf et des photos de membres du parti nazi célèbres. Or, la société intimée indique que la détention de ces documents sur un poste informatique lui appartenant est contraire à ses valeurs et que cela a jeté un grave trouble au sein de l’entreprise.

Sur ce même bureau informatique, il a, également, été relevé la présence de fichiers, présumés professionnels, dont il est apparu qu’ils avaient trait à la pratique de l’ésotérisme et la sorcellerie. Cette découverte a créé un émoi au sein des employés de la société et ce d’autant plus qu’il a été retrouvé dans un tiroir du bureau de l’appelante deux enveloppes contenant des cheveux, pouvant laisser penser à des pratiques occultes. Mme [M] [L] atteste du malaise qui a frappé l’ensemble du personnel présent (pièce 17), ainsi que Mme [S] [P], responsable d’agence (pièce 18) et Mme [D] [G], responsable commerciale (pièce 19).

Considérant qu’en sa qualité d’employeur, elle était tenue de veiller à la sécurité et à la santé mentale de ses salariés, la société Dualis affirme qu’elle n’avait pas d’autre choix que de procéder au licenciement de la salariée.

Mme [T] [O] répond que les explications de l’employeur sur la façon dont

Mme [M] [L] aurait découvert, sans l’avoir recherché, des messages se trouvant sur sa messagerie personnelle sont parfaitement fantaisistes. En effet, cette salariée ne peut valablement prétendre avoir confondu l’interface de la messagerie professionnelle de Mme [T] [O] avec celle de sa messagerie personnelle alors que les deux pages de présentation sont complètement différentes, comme en témoignent les captures d’écran figurant aux pages 12 et 13 de ses conclusions.

La salariée appelante accuse l’employeur de s’être délibérément livré à une violation du secret de sa correspondance privée, portant ainsi atteinte à une liberté fondamentale protégée par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.

Mme [T] [O] affirme, en outre, que cette intrusion dans sa boite mail personnelle a été réitérée par l’employeur puisque un courriel produit par ce dernier comporte une date d’impression postérieure à sa convocation à l’entretien préalable (pièce 12).

Concernant la nature des tranferts de données qui lui sont reprochés, la salariée appelante précise qu’il lui arrivait d’utiliser son téléphone portable pour “scanner” certains documents avant de les envoyer via sa messagerie personnelle sur son ordinateur professionnel pour les archiver.

S’agissant de la détention de fichiers contenant le livre Mein Kampf et des ouvrages ésotériques, la salariée rappelle que la détention de ces livres n’est pas interdite, qu’elle les a consultés par curiosité historique et qu’elle n’a jamais tenu des propos à caractère fascistes et/ou antisémite sur son lieu de travail. Concernant la découverte dans son meuble de travail d’une enveloppe contenant des cheveux, la salariée stigmatise le procès en sorcellerie que veut lui faire l’employeur et elle rappelle que l’émoi du personnel de l’entreprise, dont il prétend être le protecteur n’a été généré que par la diffusion qu’il a bien voulu donner des “découvertes” qu’il avait faites sur son poste de travail.

Enfin, la salariée estime que la fouille dont son ordinateur et son poste de travail ont fait l’objet en son absence présentent une coincidence dans le temps avec le fait qu’elle se soit pacsée avec un collègue de travail et avec son arrêt de travail à la suite du décès de son père. Elle estime donc qu’elle a été victime d’une discrimination de la part de l’employeur qui rend, également, nul le licenciement.

S’agissant de la violation de la correspondance privée de la salariée, la cour observe que si l’employeur affirme que tous les fichiers et courriels de l’ordinateur professionnel d’un salarié sont présumés avoir un caractère professionnel sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels, il commet une confusion entre plusieurs notions car si les fichiers présents sur l’ordinateur professionnel d’un salarié sont bien présumés avoir un caractère professionnel, il en va différemment des messageries. Concernant la messagerie professionnelle du salarié, l’employeur est bien autorisé à avoir accès à tous les messages, y compris en l’absence du salarié, sauf ceux qui sont identifiés comme personnels. En revanche, les courriels adressés ou reçus par le salarié sur sa messagerie personnelle, sont nécessairement à caractère privé et couverts par le secret des correspondances, y compris lorsque la messagerie personnelle a été installée par le salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur.

Dès l’instant où un employeur consulte la messagerie personnelle d’un salarié, il est de mauvaise foi car il prend sciemment connaissance de messages qui ne lui sont pas destinés et le délit de violation du secret des correspondances prévu par l’article 226-15 du code pénal est susceptible d’être caractérisé dans une telle hypothèse.

La société intimée fait, par ailleurs, valoir que même si l’on devait retenir que la preuve des agissements de la salariée a été obtenue de manière illicite, il conviendrait de juger qu’il n’existait pas d’autre moyen pour l’employeur de rapporter la preuve du caractère fautif de ses actes et que l’atteinte portée au secret de la correspondance était proportionnée au but poursuivi.

Cependant, la cour retient que l’employeur ne soutient pas qu’il avait des soupçons sur des agissements frauduleux de la salariée et qu’il a dû consulter sa messagerie pour vérifier qu’elle procédait à des transferts irréguliers de données mais il prétend, qu’en l’absence de Mme [T] [O], sa messagerie personnelle aurait été ouverte, de manière involontaire, par une autre salariée.

Cette présentation ne peut qu’être considérée comme fallacieuse, puisqu’il est démontré par la salariée que les messageries professionnelles et personnelles présentaient des interfaces complètement différentes qui excluaient toute confusion. De surcroit, il appert que l’employeur n’a pas consulté uniquement les derniers mails se trouvant dans la boite de la salariée mais également des courriels plus anciens qui ne pouvaient pas apparaître sur la page d’accueil. Mme [M] [L] n’hésite, d’ailleurs, pas à mentionner dans son attestation (pièce 17 employeur) : “Tout document sensible et possible nuisible…à la société était répertorié sur sa boite mais depuis des années”.

Ces investigations commises durant un arrêt maladie de la salariée et dont les résultats ont été portées à la connaissance de ses collègues de travail présents, constituent un procédé déloyal, dont l’employeur ne pouvait faire usage pour fonder un licenciement disciplinaire. Ce procédé ne peut en aucune manière être justifié par l’invocation par l’employeur de son droit à la preuve puisqu’il apparaît que c’est pour rechercher des éléments fautifs et non pour en rapporter la preuve que la société intimée a entrepris de violer la correspondance de la salariée. Enfin, les circonstances dans lesquelles cette fouille du poste de travail de la salariée et de son bureau se sont déroulées, en présence de ses collègues, qui ont été informés des “découvertes” faites, ont entraîné une atteinte disproportionnée à la vie privée de la salariée.

A titre surabondant, il sera encore rappelé que la sinple possession sur son ordinateur d’ouvrages ne faisant pas l’objet d’interdiction et dont il n’est pas justifié que la salariée aurait fait un usage abusif sur son lieu de travail ne peut fonder un licenciement disciplinaire.

Le licenciement sera donc dit nul et le jugement déféré infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes de ce chef.

Au titre de l’indemnité pour licenciement nul, conformément à l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsqu’il est constaté que le licenciement est entaché par une des nullités prévues au deuxième alinéa de cet article, dont le harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il est en droit de revendiquer une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 28 ans, de son ancienneté d’un peu plus d’un an dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de la justification du fait qu’elle n’a pas retrouvé un emploi dans les premières années qui ont suivi son licenciement, il convient d’allouer à la salariée, en réparation de son entier préjudice, la somme de 11 815 euros.

La salariée peut, également, légitimement prétendre à l’allocation des sommes suivantes :

– 2 174,36 euros à titre d’indemnité de licenciement

– 3 938,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 393,84 euros au titre des congés payés afférents

– 461,63 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

– 46,16 euros au titre des congés payés afférents.

Il sera ordonné à la société Dualis de délivrer à Mme [T] [O] dans le mois suivant la notification de la présente décision les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, dernier bulletin de salaire) conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

2/ Sur les autres demandes

La société Dualis supportera les dépens de première instance et d’appel et sera condamnée à payer à Mme [T] [O] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare Mme [T] [O] recevable en son appel,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit nul le licenciement de Mme [T] [O],

Condamne la société Dualis à payer à Mme [T] [O] les sommes suivantes :

– 11 815 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul

– 2 174,36 euros à titre d’indemnité de licenciement

– 3 938,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 393,84 euros au titre des congés payés afférents

– 461,63 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

– 46,16 euros au titre des congés payés afférents

– 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Ordonne à la société Dualis de délivrer à Mme [T] [O] dans le mois suivant la notification de la présente décision les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, dernier bulletin de salaire) conformes à la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Dualis aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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