Informations confidentielles : 7 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01111

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Informations confidentielles : 7 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01111
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 07 DECEMBRE 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01111 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDB4J

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F18/03683

APPELANT

Monsieur [J] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Khalil MIHOUBI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237

INTIMÉE

S.A.S. VIVETIC

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume DESMOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R153

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, rédactrice

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [R] a été engagé par la société Vivetic suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 juin 2015. Il exerçait les fonctions de directeur commercial.

Par lettre datée du 16 août 2017, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 août suivant et l’a mis à pied à titre conservatoire, puis par lettre datée du 6 septembre 2017, lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par lettre datée du 11 septembre 2017, le salarié a contesté le bien-fondé de son licenciement.

Au cours du mois de septembre 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny aux fins d’obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer diverses indemnités au titre du licenciement qu’il estime dénué de cause réelle et sérieuse.

Après une radiation de l’affaire suivie d’une réintroduction au rôle, les premiers juges, par jugement mis à disposition le 2 décembre 2020, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, ont dit que le licenciement repose sur une faute grave, ont débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes, ont débouté la société Vivetic de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ont condamné M. [R] aux dépens.

Le 18 janvier 2021, M. [R] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 18 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [R] demande à la cour d’infirmer le jugement, statuant à nouveau, de déclarer que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, de condamner la société Vivetic à lui verser les sommes suivantes :

* 30 516,93 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 3 051,69 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 140 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 71 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral causé par les circonstances vexatoires du licenciement,

de dire que les sommes de nature salariale produiront intérêt de droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et que les sommes de nature indemnitaire produiront intérêt de droit à compter de l’arrêt à intervenir, d’ordonner à la société Vivetic de lui délivrer une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie conformes et de condamner ladite société à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 7 juin 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Vivetic demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement repose sur une faute grave, de juger que le licenciement pour faute grave est justifié, de débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes et de condamner celui-ci au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 6 juin 2023.

MOTIVATION

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour faute grave notifié au salarié, qui fixe les limites du litige, d’une longueur de quatre pages, énonce les faits suivants :

– un comportement inacceptable à l’égard de Mme [C] [F], responsable marketing et commercial, ayant conduit à sa démission le 4 juillet 2017 ;

– la volonté exprimée auprès de M. [U] [K], salarié d’un sous-traitant, de créer sa propre société en prenant les clients de Vivetic et en débauchant des clients ‘lourds’ comme lui afin de désorganiser Vivetic ;

– la tenue de propos similaires début juillet 2017 auprès de M. [Z] [P], salarié d’un sous-traitant ;

– le dénigrement de la société Vivetic et la délivrance d’informations confidentielles, auprès de Mme [V], dirigeante de la société CPE, cliente de la société Vivetic ;

– la suppression de sa messagerie professionnelle d’un grand nombre de mails professionnels importants pour la société qui n’ont pu être retrouvés qu’avec l’intervention d’un informaticien ;

– des contacts avec des investisseurs pendant son temps de travail pour Vivetic et en utilisant son mail professionnel Vivetic, afin d’organiser le rachat de l’entreprise par ses soins au détriment de son activité de directeur commercial salarié de Vivetic, des informations à ce sujet et des informations confidentielles données à la société cliente, Toosla ;

– le refus de pilotage de la régularisation contractuelle pour le client Argus de la presse connaissant des difficultés de règlement, qualifié d’insubordination ;

– l’absence de transmission de ‘reporting’ mensuel avec les actions à entreprendre et les solutions pour les difficultés d’impayés rencontrées depuis le début d’année 2017 ;

– l’indication faite dans un mail à M. [N], directeur général de la société Intelcia, le 13 mars 2017 qu’il est ‘sur le marché avec une mobilité totale. Si tu as des besoins, on peut en parler’ ;

– le temps passé à travailler pour sa société ‘Oswego’ pendant son temps de travail Vivetic, sans effectuer son travail de directeur commercial pour lequel il est rémunéré ;

– le refus de formaliser les projets d’avenants 2017 pour ses deux commerciaux de décembre 2016 à mars 2017 alors que ce travail relève de sa mission, qualifié d’insubordination ;

– l’absence de signature de client grand compte depuis août 2016 et la non-atteinte prévisible des objectifs de Chiffre d’Affaires HT annuel (CA) 2017 et de nouveaux clients 2017 en dépit des moyens de développement mis à disposition, le CA ‘nouveaux clients’ facturés à fin juillet 2017 étant d’environ 71 Keuros alors que l’objectif annuel de ses commerciaux est de 850 Keuros et que celui-ci a été de plus de 2 millions réalisés en 2016, l’absence de prospects et la tenue irrégulière de réunions commerciales, et ce, malgré des alertes faites à plusieurs reprises.

Le salarié soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que les griefs sont fallacieux et mensongers, qu’il a fourni un excellent travail pendant deux ans, que la société ne s’est jamais plainte de lui, qu’il était engagé en transparence avec la société Vivetic sur un projet de rachat de cette société, que le licenciement est concomitant au rachat final de l’entreprise avec l’arrivée d’une nouvelle dirigeante qui ne voulait manifestement plus travailler avec lui.

L’employeur fait valoir que le licenciement est fondé sur une faute grave, que le salarié a adopté un comportement inapproprié à l’encontre d’une collaboratrice, qu’il a commis plusieurs actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société après que son offre de rachat ait été refusée, qu’il s’est abstenu d’exercer ses fonctions de directeur commercial et que ce désinvestissement a eu pour conséquence une activité commerciale famélique en 2017 dont la chute drastique par rapport à l’année précédente a mis en péril l’entreprise.

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur qui l’invoque.

Au soutien de la faute grave, la société produit en particulier aux débats :

– une lettre manuscrite de Mme [C] [F], accompagnée de sa pièce d’identité, qui expose de manière circonstanciée les difficultés relationnelles qu’elle a rencontrées avec le salarié en se référant à des faits précis, notamment le mardi 11 avril 2017 où, en présence de ses commerciaux [B] et [W], celui-ci lui a reproché en criant fortement sur elle, de ne pas lui avoir donné une nouvelle affaire, de l’empêcher, lui et ses commerciaux, de subvenir à sa famille, payer son loyer et ses crédits et d’être à l’origine d’échanges houleux entre lui et la dirigeante, [O] [A], et un lundi en réunion PPPE où celui-ci a adopté un comportement humiliant à son encontre devant son ‘staff’ en la reprenant et la rabaissant, indiquant qu’elle ne supportait plus de collaborer avec lui et de se faire humilier et qu’elle avait alors décidé de ‘tout laisser tomber, de démissionner car il appréciait de me blesser publiquement y compris devant des fournisseurs’ ;

– une attestation rédigée manuscritement par M. [U] [K], salarié de la société Vivetic, datée du 24 juillet 2017, relatant de manière très précise et circonstanciée une discussion tenue deux ou trois mois plus tôt avec le salarié au cours de laquelle celui-ci avait cherché à le convaincre en lui proposant de créer une structure en prenant des clients, précisément nommés, de la société Vivetic, puis lui avait demandé d’appeler [Y] [V] pour lui demander de retirer son offre de rachat de Vivetic, ce qu’il n’avait pas fait ;

– une attestation manuscrite rédigée par M. [Z] [P], salarié de la société Vivetic, datée du 27 juillet 2017, relatant en des termes précis une conversation avec le salarié le 5 juillet 2017 sur le site de Tana à Madagascar au cours de laquelle celui-ci lui avait indiqué que son offre de rachat de la société Vivetic avait été refusée et lui avait exposé son projet personnel de monter un réseau de ‘call center’, qu’il lui manquait une présence sur Madagascar passant par un client à fort chiffre d’affaires et l’avait interrogé sur la faisabilité de récupérer [D], le plus gros client de Vivetic et son degré d’implication sur le sujet ;

– une attestation rédigée par Mme [Y] [V], datée du 27 juillet 2017, dirigeante de la société CPE, relatant précisément un entretien avec le salarié tenu le 17 mai 2017, au cours duquel celui-ci lui avait fait part de la démotivation de M. [K], directeur des opérations de la société Vivetic et de sa probable volonté de quitter l’entreprise, de l’absence totale de développement de la société Vivetic en 2017 suite à son incapacité à contracter avec de nouveaux clients, de problèmes récurrents de la société Vivetic dans le développement de ses activités en raison de l’atteinte de la taille critique de son site de production à Madagascar, de ses difficultés à y recruter de nouveaux collaborateurs et de la nécessité de recentrer ses activités et le comité de direction en France, du fait que ces propos avaient suscité une perte de confiance de sa part et qu’elle avait souhaité s’entretenir de la réalité de cette situation avec les dirigeants de Vivetic, ce qui avait été fait lors de réunions qui s’étaient tenues les 10 et 12 juillet 2017 au cours desquelles les propos du salarié avaient été démentis ;

– un procès-verbal dressé par un huissier de justice daté du 1er août 2017 accompagné de nombreux courriels issus de la messagerie professionnelle du salarié, dont il ressort en particulier que celui-ci a supprimé de nombreux courriels de sa boîte professionnelle qui n’ont pu être retrouvés que par l’intervention d’un spécialiste, que le salarié a initié des échanges de courriels avec la société Toosla, client de la société Vivetic en juin 2017, auprès de laquelle le projet de rachat de l’entreprise par le salarié a été abordé, qu’il a durant son temps de travail pour la société Vivetic contacté des investisseurs et des partenaires via sa messagerie professionnelle notamment les 5, 6 et 17 avril, 28 mai 2017, afin d’organiser le rachat de l’entreprise par ses soins et en délivrant notamment des informations confidentielles sur la situation financière de la société, qu’il a dans un courriel envoyé à partir de son adresse professionnelle Vivetic du 13 mars 2017 indiqué à M. [N], directeur général de la société Intelcia, concurrent direct de la société Vivetic, qu’il était ‘sur le marché avec une mobilité totale. Si tu as des besoins, on peut en parler’, qu’il a utilisé son compte professionnel Vivetic pour le compte de sa société ‘Oswego’ le 19 juin 2017 en envoyant une convocation à l’assemblée générale pour l’approbation des comptes ;

– un courriel adressé le 30 mars 2017 par Mme [O] [A], dirigeante de la société Vivetic, au salarié en lui rappelant sa mission principale de porter le chiffre d’affaires de la société Vivetic au-delà de 11 millions d’euros pour l’année 2017, en l’interrogeant précisément sur les recouvrements dans les contrats avec le client Argus et en lui demandant de consacrer son temps de travail à Vivetic ;

– un courriel de Mme [A] le 25 avril 2017 au client Argus lui adressant le contrat cadre afférent à leur collaboration ;

– des échanges de courriels sur des avenants aux contrats de travail des commerciaux du salarié le 5 avril 2017 pour lesquels le salarié a indiqué qu’il n’a pas de remarque de son côté ;

– un courriel du 27 avril 2017 de Mme [A] au salarié l’alertant sur le niveau du chiffre d’affaires de 3,6 millions d’euros à fin avril alors que l’objectif est de dépasser 11 millions, et lui rappelant précisément ses demandes, les refus qu’il a opposés et notamment le besoin pour l’entreprise de collaborer avec Mme [C] [F], écrivant : ‘tu la définis de ‘nulle’ et refuses de travailler avec elle sur cet enjeu stratégique pour Vivetic’ et lui formulant des demandes précises afin de rectifier ces constats ;

– des tableaux détaillés sur le chiffre d’affaires de la société Vivetic en 2017 corroborant les énonciations portées dans la lettre de licenciement.

L’argumentation développée en défense par le salarié et les pièces qu’il produit ont trait à son projet de rachat de la société Vivetic par le biais de sa propre société, considérant qu’en définitive si la société a pu être rachetée, c’est grâce à son travail et les résultats qu’il a obtenus et qu’il a été évincé suite à l’arrivée de Mme [V], la nouvelle dirigeante.

Ce faisant, le salarié ne discute par la matérialité et le contenu des pièces produites par la société Vivetic, sus-analysées, qui établissent les griefs énoncés dans la lettre de licenciement.

Il résulte des constatations qui précèdent que le salarié, malgré des alertes de la dirigeante, a commis des manquements à ses obligations contractuelles, en particulier à son obligation générale de loyauté, d’une importance telle qu’ils rendaient impossible son maintien dans l’entreprise.

Le licenciement est par conséquent justifié par une faute grave.

S’agissant de sa demande d’indemnisation d’un préjudice distinct, le salarié se borne à invoquer de manière générale des griefs calomnieux portant atteinte à son image et un licenciement dans des circonstances vexatoires sans toutefois citer de faits précis et sans établir par le moindre élément un préjudice subi du fait des manquements allégués.

Le salarié sera débouté de l’ensemble de ses demandes et le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, le salarié sera condamné aux dépens d’appel et à payer à la société la somme de 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [J] [R] aux dépens d’appel,

CONDAMNE M. [J] [R] à payer à la société Vivetic la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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