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ARRET
N°
[X]
C/
Association APEI DE [Localité 2] [20]
copie exécutoire
le 10 janvier 2024
à
Me Fabing
Me Carpentier
LDS/MR/IL
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 10 JANVIER 2024
*************************************************************
N° RG 22/04614 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ISRK
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SAINT QUENTIN DU 26 SEPTEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 20/00143)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [F] [X]
[Adresse 16]
[Localité 3]
Représenté par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIMEE
Association APEI DE [Localité 2] [20]
[Adresse 12]
[Localité 2]
Représentée par Me Nathalie CARPENTIER de la SCP ANAJURIS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DEBATS :
A l’audience publique du 22 novembre 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Madame Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 10 janvier 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 10 janvier 2024, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
L’APEI de [Localité 2] [20] (l’association ou l’employeur) et plus particulièrement son établissement l’ESAT L’envol, a pour activité l’aide à la personne par le travail. Elle compte plus de 10 salariés.
Elle applique la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
Elle a embauché M. [X], à compter du 19 mai 2014, en qualité de chef d’atelier de l’ESAT L’envol, statut cadre, classe 2, niveau 3 à raison de 35 heures hebdomadaires.
Le 23 janvier 2020, la directrice, Mme [H], a adressé au salarié un avertissement à propos du comportement adopté par ce dernier lors d’une sortie extérieure du personnel le 19 décembre 2019.
Le 3 août 2020, le salarié a été licencié pour faute grave, l’association lui faisant grief en substance de s’être introduit, à plusieurs reprises dans la boite e-mail de Mme [H] et d’autres salariés, à leur insu.
Se disant victime de harcèlement moral, ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Quentin le 24 décembre 2020.
Par jugement du 26 septembre 2022, le conseil a :
– maintenu l’avertissement du 23 janvier 2020,
– dit que le licenciement de M. [X] reposait sur une faute grave,
– débouté ce dernier de toutes ses demandes,
– débouté l’association de ses prétentions,
– condamné le salarié aux dépens.
M. [X], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par conclusions notifiées le 18 avril 2023, demande à la cour de :
– infirmer le jugement sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de l’association,
– statuant à nouveau, juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
ce faisant,
– condamner l’association APEI de [Localité 2] [20] à lui payer :
– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
– 47 440,20 euros au titre des sujétions,
– 4 744,02 euros de congés payés y afférents,
– 39 555,44 euros brut à titre de rappel de salaire sur sa reprise d’ancienneté conventionnelle,
– 3 955,54 euros de congés payés y afférents,
– 2 985,05 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,
– 298,50 euros de congés payés y afférents,
– 20 146,98 euros au titre du travail dissimulé,
– 1 000 euros de dommages intérêts pour mesure vexatoire et injustifiée,
– 20 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
– 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour défaut de prévention des risques psychosociaux,
– 67 156,60 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 13 431,32 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 343,13 euros brut de congés payés y afférents,
– 40 081,68 euros net au titre de l’indemnité de licenciement,
– l’exécution provisoire du jugement à intervenir sur l’ensemble des dispositions nonobstant appel et sans caution,
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le remboursement par l’employeur à Pôle emploi de tout ou partie des indemnités de chômage dans la limite de six mois d’indemnités conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,
– dire que ces sommes porteront intérêt de droit à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– condamner l’association en tous les frais et dépens.
L’association APEI de [Localité 2] [20], aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 juin 2023, demande à la cour de :
– juger M. [X] irrecevable et dans tous les cas mal fondé en son appel,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
– condamner M. [X] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
En cours de délibéré, à la demande de la cour, M. [X] a produit le détail du calcul qui l’amène à demander la somme de 2 985,05 euros au titre des heures supplémentaires.
Le 28 novembre 2023, l’employeur a versé aux débats trois nouvelles pièces dont il déduit qu’il n’en ressort pas que M. [X] ait réalisé les heures supplémentaires qu’il revendique.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
A titre liminaire, il convient de relever que l’employeur ne présente aucun moyen au soutien de sa demande d’irrecevabilité de l’appel de sorte que l’appel sera déclaré recevable.
1/ Sur les demandes tenant à l’exécution du contrat de travail :
1-1/ Sur la reprise d’ancienneté et les demandes financières en découlant :
M. [X], au visa de l’article 38 de la convention collective, soutient qu’il devait bénéficier d’une reprise d’ancienneté à hauteur de 22 années au regard de ses compétences et de son expérience professionnelle de 33 années avant son embauche par l’association dans des emplois de qualification technique identique ou assimilable à celui de chef d’atelier dans des établissements ou service de nature différente de celle de l’association ; qu’il n’a jamais prétendu être titulaire d’un BTS mais seulement y avoir concouru et que ce point est sans rapport avec sa demande ; que les règles sur la reprise d’ancienneté sont appliquées de manière arbitraire et discriminatoire dans l’association, certains salariés ne remplissant pas les conditions en bénéficiant alors que d’autres les remplissant n’en bénéficient pas ; que la régularisation intervenue selon avenant du 1er mars 2017 n’a été que partielle puisque sa reprise d’ancienneté justifiait le coefficient 871,20 de la grille des cadres de classe II, niveau 3 ; que ses réclamations à ce sujet sont restées vaines et qu’il est donc fondé à réclamer un rappel de salaire pour la période non prescrite et des dommages-intérêts au regard du préjudice subi.
L’employeur réplique que M. [X] ne remplissait pas les conditions prévues par l’article 38 de la convention collective à savoir un diplôme de niveau 3 contrairement à ce qu’il a fait figurer sur son curriculum vitae au moment de son embauche et une expérience professionnelle antérieure spécifique aux fonctions de chef d’atelier dans un établissement médico social ou autre en qualité de salarié ainsi qu’il l’a reconnu lui-même dans un courrier du 29 juin 2020, les pièces qu’il verse aux débats pour justifier de son parcours professionnel étant sans lien avec ces fonctions ou insuffisantes ; que les salariés cités par M. [X] à titre de comparaison remplissaient tous les conditions requises par la convention collective et que l’avenant qui a promu le salarié répondait à une volonté de valoriser le travail réalisé et les formations suivies et non à régulariser une quelconque reprise d’ancienneté.
Sur ce,
La règle « à travail égal, salaire égal » oblige l’employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Le principe d’égalité de rémunération s’applique dans la mesure où les salariés sont placés dans une situation identique.
La notion de travail de valeur égale s’entend des travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
L’article 38 de la convention collective dispose :
« L’embauchage à chacun des emplois définis en annexe de la présente convention est prononcé en principe sur la base du salaire de début.
Quand il résultera d’une mesure d’avancement, il sera tenu compte obligatoirement de la majoration d’ancienneté acquise par le salarié, conformément aux dispositions de l’article 39 ci-après.
Le classement dans le nouvel emploi sera alors prononcé à la majoration d’ancienneté correspondant au salaire égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui dont l’intéressé bénéficiait dans son précédent emploi. En outre lorsque cet avenant ne lui procurera pas une augmentation supérieure à celle résultant de l’avancement normal dans l’ancien emploi, l’intéressé conservera dans son nouvel échelon de majoration d’ancienneté, l’ancienneté qu’il avait acquise dans l’échelon de son ancien emploi à concurrence de la durée moyenne exigée.
Quand il résultera d’un recrutement direct, il sera tenu compte des antécédents professionnels et de la situation acquise dans les conditions suivantes :
‘ recrutement de personnel ayant exercé des fonctions identiques ou assimilables dans des établissements de services de même nature : prise en compte de l’ancienneté des fonctions dans sa totalité
‘ recrutement de personnel ayant exercé des fonctions identiques ou assimilables dans des établissements ou services de nature différente pour les emplois nécessitant un diplôme professionnel ou une qualification technique : prise en compte de l’ancienneté dans lesdites fonctions dans la limite de 2/3 de l’ancienneté acquise au moment de l’engagement.
Seuls les services accomplis après l’obtention du diplôme ou la reconnaissance de qualification seront pris en compte ‘ ».
C’est à tort que l’employeur prétend qu’une expérience hors le secteur médico-social ne peut être comptabilisée au titre de la reprise d’ancienneté alors que l’article 38 alinéa 6 prévoit précisément l’inverse.
Il est acquis que M. [X] n’avait aucune expérience préalable à son embauche dans une entreprise ou association de même nature. Il relève donc de l’application de l’article 38 alinéa 6.
Ce texte impose comme condition de la reprise d’ancienneté l’obtention d’un diplôme de niveau III par la personne recrutée ou une qualification technique laquelle, pour donner un sens à l’alinéa 7, doit s’entendre comme un certificat de qualification professionnelle juridiquement reconnue qui est une certification créée et délivrée par une branche professionnelle qui atteste de la maîtrise de compétences liées à un métier.
M. [X] n’est pas titulaire du diplôme de BTS F3 électrotechnique contrairement à ce qu’il a mentionné sur son curriculum vitae remis au moment de son embauche. A défaut de diplôme technique de niveau III requis pour un emploi de chef d’atelier, il doit justifier d’une qualification technique reconnue ce qu’il ne fait pas.
Il en résulte qu’il n’était pas en droit de prétendre à une reprise d’ancienneté par application de l’article 38 précité sauf à démontrer que d’autres salariés dans la même situation que lui en ont bénéficié.
Or, au vu de leur curriculum vitae, tous les salariés auxquels il se compare étaient titulaires du diplôme requis, ainsi :
Mme [H], directrice d’établissement, a obtenu un DUT ;
M. [U], moniteur d’atelier, est titulaire d’un CAP/BEP ;
M. [J], cuisinier, a le CAP de charcutier ;
M. [E], ouvrier qualifié-cuisinier, est titulaire d’un CAP de cuisinier ;
M. [L], agent d’entretien-ouvrier qualifié, est également titulaire d’un CAP électricité du bâtiment ;
M. [X], comptable-technicien supérieur, a obtenu un BTS de comptabilité ;
M. [Z], moniteur d’atelier-montage électriques, est titulaire d’un BEP électrotechnique option électricien d’équipement.
Quant à M. [O], ancien directeur, s’il atteste avoir été favorisé par rapport aux exigences de la convention collective en matière de reprise d’ancienneté, il ne dit rien de semblable s’agissant du diplôme et aucun élément ne permet de contredire l’employeur lorsqu’il affirme que celui-ci avait les diplômes nécessaires.
Ainsi, aucun autre salarié ne s’étant trouvé dans une situation comparable à celle de M. [X], l’existence d’une rupture d’égalité de traitement n’est pas établie.
1-2/ Sur la demande de majoration de l’indemnité de sujétion :
M. [X], au visa de l’article 12-2 de l’annexe 6 de la convention collective et excipant de deux missions particulières confiées par l’association ou la direction à savoir la gestion du domaine informatique de l’ESAT et la prise en charge des activités économiques de production et de commercialisation pour l’ensemble des ateliers de l’ESAT, revendique un rappel de salaire de 47 440,20 euros plus les congés payés afférents.
Pour s’y opposer l’association soutient que la seule sujétion imposée à M. [X] à l’embauche correspondait à une indemnité de gestion et de responsabilité qui lui a été payée ; qu’aucun avenant ou annexe à son contrat de travail n’a prévu une autre mission particulière ; qu’il ne s’est jamais vu confier la mise en place d’un parc informatique et n’en a pas été à l’initiative ; qu’il était seulement autorisé à procéder tous les trimestres à la vérification du changement par les salariés de leur mot de passe et en cas de difficulté à les y aider ; que les projets de mise en place du parc informatique, de la vidéo surveillance et de l’imprimante, de même que la maintenance ont été confiés à une société extérieure (AIG) ainsi qu’en témoigne l’importance du montant des factures réglées à ce prestataire ; que veiller à ce que le parc informatique soit opérationnel, s’assurer que les codes du personnel soient bien changés tous les trimestres, être le lien entre le prestataire de services, la direction et les clients à l’occasion de l’exécution des projets décidés relèvent manifestement des fonctions de chef d’atelier et ne constituent en aucun cas une mission particulière relevant d’une sujétion spécifique, s’ajoutant aux fonctions déjà dévolues.
Sur ce,
L’article 12 de l’annexe 6 de la convention collective applicable prévoit que les cadres ayant des missions de responsabilité dans un établissement et subissant une ou plusieurs des sujétions en raison notamment des activités économiques de production et de commercialisation et/ou d’une mission particulière confiée par l’association ou la direction bénéficient d’une indemnité de fonction dont le montant est fixé par l’association en fonction du nombre et de l’importance des sujétions, dans les limites suivantes :
« Pour les cadres de la classe 2, elle est comprise entre 15 et 135 points.
L’indemnité ne peut être inférieure à 80 points pour le cadre exerçant son activité dans un établissement ou service à fonctionnement continu avec hébergement.
Si ce cadre est soumis à au moins une autre sujétion, le montant de l’indemnité ne pourra être inférieur à 100 points.
Si un cadre est soumis à au moins 2 sujétions, le montant de l’indemnité ne pourra être inférieur à 70 points ».
A la lecture de ses bulletins de paie, il apparaît que M. [X] percevait l’indemnité de gestion et de responsabilité de 80 points prévue à son contrat de travail.
Cette sujétion résulte expressément de la fiche de poste et de la délégation de pouvoirs annexée à son contrat de travail. Aucune autre sujétion n’est contractualisée par écrit.
Toutefois, il résulte des nombreuses pièces versées aux débats par M. [X] (attestation de Mme [G], échanges de courriels, devis, bons de commandes) que celui-ci, faisant preuve à ce sujet de compétences élargies, avait un rôle très important au sein de l’association en matière d’informatique. Ainsi, il s’était vu remettre les droits de modification et réinitialisation des mots de passe et logins, choisissait le matériel, demandait et acceptait des devis, passait des commandes, gérait les relations avec le prestataire informatique et assurait de petits dépannages.S’il n’était effectivement pas le prestataire informatique qui installait, paramétrait, assurait l’aide au démarrage du nouveau matériel, il était à l’évidence le référent informatique de l’établissement.
Cette mission excédait celles figurant dans sa fiche de poste et sa délégation de pouvoir, y compris celles de veiller à la bonne marche de l’établissement, participer activement à l’élaboration et la mise en place du projet d’établissement, veiller à l’application des procédures et protocoles convenus, proposer toute action nécessaire en vue d’améliorer l’organisation de l’établissement
Elle constituait, de fait, une sujétion particulière qui méritait une rémunération particulière en plus de celle déjà reconnue.
Il y a lieu de lui accorder à ce titre une majoration de 20 points, soit pour la période de juin 2014 à juillet 2020, la somme de 5 581,20 outre 558,12 euros au titre des congés payés afférents.
S’agissant de la prise en charge des activités économiques de production et de commercialisation pour l’ensemble des ateliers de l’ESAT, M. [X] produit des graphiques, quelques échanges de messages électroniques à propos notamment de commandes ainsi que deux attestations, toutes pièces qui, en l’absence de tout développement sur le contenu de la mission alléguée, ne permettent pas d’établir qu’elle excédait ce qui était prévu à sa fiche de poste en la matière.
Il convient donc de rejeter la demande de ce chef.
1-3/ Sur les heures supplémentaires :
Il convient d’ores et déjà d’écarter des débats les pièces 104 à 106 produites par l’employeur après l’audience qui sont sans lien avec la demande de la cour en cours de délibéré et qui n’ont pas été soumises au débat.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
L’employeur étant seul en charge du contrôle du temps de travail du salarié, il ne saurait être reproché au salarié de n’avoir formé aucune réclamation au cours de l’exécution du contrat de travail ni de ne pas s’être pré-constitué une preuve de son temps de travail.
En l’espèce, M. [X] soutient qu’il a accompli un nombre considérable d’heures supplémentaires qui n’ont pas été déclarées sur ses fiches de paie, que les heures supplémentaires sont systématiquement reportées sur l’année suivante alors qu’il n’existe pas de demande de report de sa part.
Il verse aux débats des bulletins de paie pour 2019 et 2020, des plannings hebdomadaires rectifiés portant mention du nombre d’heures accomplies hebdomadairement, d’un nombre d’heures reportées, d’un total théorique et d’un total effectué au mois et d’un solde avant report qui font apparaître l’accomplissement d’heures supplémentaires.
Ces éléments, émanant pour certains de l’employeur lui-même, sont suffisamment précis pour permettre à ce dernier d’y répondre en y apportant les siens.
Celui-ci se borne à répondre que le salarié a toujours commencé ses journées à 9h tout en déclarant arriver à 8H30 et que son statut de cadre lui laissait une certaine latitude pour organiser sa journée.
Or, ces allégations et les quelques feuilles de planning conformes à celles produites par M. [X] et une seule demande de report d’heures pour l’année 2017 ne sont pas de nature à contredire les affirmations et éléments produits par le salarié dont il résulte l’accomplissement d’heures de travail au-delà de la durée légale de travail.
Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que M. [X] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé.
L’association sera donc condamnée au paiement des sommes précisées au dispositif avec intérêts au taux légal à compte de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes.
1-4/ Sur le travail dissimulé :
L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d’heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l’espèce, la volonté de dissimulation de la part de l’employeur n’est pas caractérisée au regard du faible nombre d’heures supplémentaires accomplies et de la liberté dont jouissait le salarié en qualité de cadre.
La demande de ce chef sera rejetée par confirmation du jugement.
1-4/ Sur la contestation de l’avertissement du 23 janvier 2020 :
Le 23 janvier 2020, Mme [H] a infligé à M. [X] un avertissement rédigé en ces termes : « ‘Je fais suite à notre entretien du mercredi 15 janvier lors duquel nous avons abordés votre attitude le jour de la sortie de fin d’année de l’Esat qui s’est déroulée le 19 décembre 2019(‘)
Pour rappel, le jeudi 19 décembre 2019, vous n’avez pratiquement adressé la parole à personne, vous vous êtes isolé à l’arrivée du groupe, vous avez fait la tête toute la journée, vous me dites que vous n’étiez pas bien psychologiquement ce jour-là et j’ose espérer que vous prendrez d’autres dispositions la prochaine fois plutôt que de donner cette image négative à l’ensemble des personnes présentes.
Vous reconnaissez également que ces faits ne sont pas admissibles car il vous décrédibilise aux yeux de tous et cette attitude est inacceptable de la part d’un cadre de l’Association.
Vous vous êtes engagé à ce que de tels agissements cessent définitivement.
Le respect des personnes est une valeur essentielle au sein de nos établissements, je considère que les faits relèvent d’un avertissement qui sera porté à votre dossier.
J’ose espérer que des faits similaires ne se reproduisent plus et que vous puissiez à l’avenir, tirer des enseignements positifs de ces difficultés mais aussi de notre entretien ».
M. [X] soutient qu’il a participé au repas de [R] en respectant les valeurs de l’association puisqu’il s’est assis à la table des retraités et qu’il rencontrait à ce moment-là des difficultés psychologiques dont il avait avisé l’employeur.
Ce dernier fait valoir que le règlement intérieur impose aux salariés d’adopter un traitement conforme à l’éthique de l’association, bienveillant envers les personnes accueillies et que le comportement de M. [X] le jour de la fête n’a pas été conforme à ces principes puisqu’il a délibérément montré ne pas vouloir s’occuper des usagers handicapés et qu’en tout état de cause, il n’y aurait pas lieu d’allouer à M. [X] des dommages-intérêts car la sanction notifiée est mineure, n’a eu aucune incidence sur la situation professionnelle alors que, par ailleurs, le préjudice moral allégué est un préjudice « à retardement » en considération du délai mis à le contester.
Une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu’en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l’employeur, qui a la charge de fournir les éléments retenus pour prendre la sanction par application de l’article L.1333-1 du code du travail, le salarié fournissant pour sa part les éléments à l’appui de ses allégations.
Selon l’article L.1332-2 du code du travail le conseil des prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou disproportionnée à la faute commise.
En l’espèce, l’employeur produit trois attestations concordantes d’où il résulte que M. [X] a adopté un comportement choquant le jour de la sortie de fin d’année, s’isolant volontairement, ne faisant pas sa part du travail d’encadrement des personnes handicapées, donnant une mauvaise image de l’association ce qui a alimenté les conversations du jour.
M. [X], qui avait contesté cet avertissement par écrit le 9 mars 2020, verse pour sa part aux débats l’attestation de Mme [D] qui relate qu’il était dans un état de détresse évident lors de la sortie du 19 décembre, ce dont personne ne s’est soucié, mais qu’il était néanmoins présent avec le groupe de retraités. Elle ne contredit donc pas directement les témoignages produits par l’association sur son comportement mais conforte sa version sur une possible explication psychologique.
M. [X] vise sa pièce n°6 pour soutenir que l’employeur était avisé de son mal-être pourtant il s’agit d’une lettre du 9 mars 2020, donc postérieure à la sortie et à la sanction.
Quelle que soit l’explication au comportement de M. [X] celui-ci était contraire au règlement intérieur qui fait obligation aux salariés de se montrer bienveillants et respectueux vis à vis des personnes handicapées et de leur famille et de respecter l’éthique de l’association.
L’employeur était donc en droit de le sanctionner par un avertissement.
La demande de ce chef sera rejetée par confirmation du jugement.
1-5/ Sur le manquement à l’obligation de sécurité et le harcèlement moral :
A titre liminaire, la cour relève que M. [X], en dehors de l’absence de mise en ‘uvre de mesures de prévention qui sera examinée plus loin, invoque les mêmes faits au soutien de sa demande au titre de la violation de l’obligation de sécurité et du harcèlement moral sans faire état de préjudices distincts de sorte qu’il ne peut solliciter deux indemnisations en application du principe de la réparation intégrale qui implique ni perte ni profit pour le salarié.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce M. [X] invoque une mise à l’écart, son remplacement officieux anticipé par un moniteur d’atelier, une stigmatisation et une attitude vexatoire ayant impacté ses conditions de travail et sa santé psychique.
Il affirme ainsi que, jusqu’au terme de son contrat, :
il a subi une sanction injustifiée et blessante,
ses prérogatives professionnelles ont été réduites sans explication l’empêchant de réaliser l’ensemble de ses missions et de ses fonctions,
il a été exclu de toutes les réunions de travail concernant les usagers,
la direction a refusé de le former à l’accompagnement des personnes en situation de handicap malgré ses demandes et ses besoins au regard de sa fiche de poste alors que d’autres salariés, venant pourtant du secteur médico-social ont bénéficié de formations,
les stagiaires ne lui sont plus présentés alors qu’il le sont à d’autres salariés,
il n’a pas été destinataire des v’ux de la présidente contrairement aux autres cadres,
la directrice organise les congés et le télétravail et remplit ses propres feuilles de congé à sa place,
les calendriers et plannings étaient gérés entre l’éducatrice et la directrice, lui-même n’étant pas informé,
il a été privé d’informations ou les a reçus systématiquement avec quatre à six mois de retard sur les projets d’accompagnement personnel des travaux de l’Esat,
un moniteur, M. [M], a signé le 21 novembre 2019, un avenant à son contrat de travail ayant pour objectif son remplacement lors de ses absences ce dont il n’a pas eu connaissance par la direction mais par son remplaçant lui-même et ce dont les équipes n’ont pas été informées, ce moniteur n’étant ni polyvalent ni compétent,
la directrice lui a menti sur la raison pour laquelle elle ne l’a pas prévenu de son absence et a, en revanche, prévenu M. [M], lequel, de manière prévisible, a été nommé à son poste après son licenciement.
S’agissant de l’accession aux formations à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, M. [X] ne produit pas les « nombreuses demandes » qu’il prétend avoir présentées et qui lui aurait été refusées, mais, au contraire, produit une liste de formations dont il a bénéficié. De plus, la formation pour l’obtention du certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale dont il dit avoir été injustement privée, ne lui était pas accessible à défaut d’être titulaire d’un diplôme de niveau III.
Ce fait n’est donc pas matériellement établi.
S’agissant de sa mise à l’écart, le salarié se prévaut d’une attestation de Mme [R], éducatrice, produite par l’employeur, aux termes de laquelle celle-ci reconnaît qu’elle a cessé de lui transmettre des informations et de l’inviter aux réunions de bilan de stage et d’entretiens d’admission compte tenu de son comportement inapproprié, ce qui est confirmé par le fait qu’il n’a été destinataire d’aucun message concernant les usagers, la préparation de réunion ou autres sujets par l’intermédiaire du logiciel de communication interne « Signe » entre mars 2019 et le 22 juin 2020.
Il produit les attestations dans le même sens de Mme [D], Mme [G] et M. [A], ce dernier concluant qu’il a été mis à l’écart de tout l’aspect médico-social, géré par Mme [H] et les éducateurs ainsi que des échanges de messages électroniques montrant qu’il n’était pas destinataire de certaines informations le concernant telles que les mouvements au sein des ateliers, un déménagement, les plannings, les réceptions ou les vacances des usagers et s’en plaint à Mme [H].
Cette exclusion de la prise en charge médico-sociale est d’ailleurs reconnue par cette dernière dans une lettre versée aux débats par l’employeur aux termes de laquelle elle indique s’en être personnellement chargée au regard des carences du salarié.
Dans ses fiches de poste de 2015 et 2017, M. [X] avait pour missions, au titre de ses « fonctions d’animation et d’encadrement », notamment, de participer à l’admission et à la sortie des personnes accueillies dans les établissements, d’organiser les relations avec les familles des personnes admises dans l’établissement et au titre de ses « fonctions d’animation et des activités de production et de sa gestion », de coordonner les actions des professionnels intervenants et d’organiser les plannings.
Aussi, contrairement à ce que soutient l’employeur, les faits présentés par le salarié ne constituent-ils pas seulement un recentrage sur ses fonctions de chef d’atelier mais une modification de celles-ci.
Le salarié démontre également que M. [M] a assumé une partie de ses responsabilités : ainsi, il résulte d’un message de M. [K], éducateur, en février 2020 que c’est en compagnie de M. [M] qu’il a participé à une réunion avec la communauté d’agglomération pour échanger autour d’un partenariat. Il résulte également d’autres messages de juin 2020, que c’est à M. [K] que Mme [H] s’est adressée pour l’attribution des véhicules de service et pour une commande. Par ailleurs, il est établi qu’un avenant au contrat de travail de M. [M], en date du 21 novembre 2019, le désigne comme le remplaçant de M. [X] en son absence ce qui n’est pas à l’ordre du jour de la réunion du 26 novembre suivant et qu’il a été désigné en qualité de chef d’atelier après son départ le 29 septembre 2020. L’employeur ne justifie pas des modalités d’information de M. [X] à ce sujet qui le concernait pourtant de près et ne s’explique pas sur les autres faits rapportés par le salarié.
Ce dernier produit un certificat du docteur [N] du 28 novembre 2019 faisant état de doléances à propos d’une irritabilité, d’insomnies d’endormissement et de bouffées d’angoisse, un avis d’arrêt de travail du 30 juin 2020 et ses prolongations avec les mentions « souffrance morale au travail » et « état dépressif réactionnel ». Contrairement à ce que soutient l’employeur, ces documents, contemporains des faits, établissent l’existence des souffrances psychiques alléguées en l’absence d’autre explication démontrée.
Les faits ainsi présentés, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Il a été précédemment dit que le comportement de M. [X] lors de la sortie de fin d’année justifiait l’avertissement infligé.
S’agissant des autres faits, l’employeur se borne, en substance, outre à vainement en contester la matérialité, à les dire justifiés par le manque de savoir-faire et de savoir-être du salarié. Or, une éventuelle insuffisance professionnelle, si elle pouvait conduire à une mise en garde voire un licenciement, ne saurait justifier une mise à l’écart et un amoindrissement des fonctions au profit d’un tiers, qui plus est subordonné, confinant à une modification unilatérale du contrat de travail.
Ainsi, à l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. [X] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est donc établi.
Au regard du préjudice causé, l’association sera condamnée à payer à M. [X] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts de droit à compter du présent arrêt.
1-6/ Sur la demande au titre de la prévention du harcèlement moral :
M. [X] argue que l’association ne justifie d’aucun moyen de prévention des risques psychosociaux qui aurait pu permettre d’éviter une atteinte à sa santé et se prévaut de deux alertes à la présidente des 9 mars et 29 juin 2020.
L’association répond que cette demande semble faire double emploi avec celle fondée sur la violation de l’obligation de sécurité, que si le président n’a pas répondu aux deux courriers c’est parce que Mme [H] l’avait fait et que le salarié n’a pas daigné donner suite à la proposition d’entretien du directeur général.
L’article L.1152-4 du code du travail précise que l’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, ce qui constitue une déclinaison de l’obligation de sécurité qui pèse sur lui par application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
En l’espèce, aux termes de deux lettres des 9 mars et 29 juin 2020, M. [X] a dûment alerté le président de l’association sur la situation de harcèlement moral qu’il vivait sans obtenir de réaction de sa part. De plus, l’employeur ne justifie d’aucune mesure de prévention au sein de l’association.
Toutefois, M. [X] n’établit pas que ces manquements lui aient causé un préjudice distinct de celui déjà réparé au titre du harcèlement moral lui-même.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.
2/ Sur la rupture du contrat de travail :
La lettre de licenciement qui lie les parties et le juge est ainsi motivée : « (‘) J’ai été amenée le 8 juin 2020 à 13 h 09, à envoyer via ma boite de messagerie, un projet de courrier vous concernant, pour avis à Monsieur [V], Directeur Général, à Madame [B] chargée des ressources humaines ainsi qu’à Madame [P], Directrice Générale adjointe,
Au terme de celui-ci, il vous était demandé un certain nombre d’explications sur des comportements qui, depuis quelques temps, m’interpellaient.
J’ai eu la surprise de recevoir de vous, le 9 juin suivant à 8 h 52, un mail dans lequel de façon tout à fait surprenante, vous répondez à divers points abordés dans le projet de courrier, alors que celui-ci ne vous avait pas encore été adressé, pour être toujours en cours de validation.
Cette singularité m’a amenée à m’interroger sur la sécurité des boîtes mails de messagerie, affectées à chaque service et membre du personnel.
Il a donc été décidé de faire procéder à des investigations techniques qui, dans un souci de confidentialité et de transparence, ont été confiés à 2 sociétés extérieures indépendantes et spécialisées en cyber- sécurité et en informatique, à savoir :
‘ la société UNUMKEY (UNK) ayant son siège social [Adresse 7] à [Localité 21].
‘ la société E-PROGEST ayant siège social [Adresse 11].
La société UNK a proposé la mise en place d’un outil spécifique permettant de monitorer ma messagerie, au moyen d’un mail intégrant les éléments suivants :
‘ Une image
Aussitôt que cette image est chargée par le client de messagerie, l’outil se met en alerte et enregistre les données relatives à la requête.
‘ Un lien
Dès que ce lien est consulté, l’outil émet une alerte et enregistre les données relatives à la requête correspondante.
‘ Un fichier
Ce fichier est téléchargé via le lien évoqué précédemment. Si ce fichier est ouvert, l’outil récupère le nom d’utilisateur du système d’exploitation qui a effectué l’action.
La société UNK a donc réalisé un modèle de mail contenant l’image et le lien vers le fichier hébergé sur un serveur lui appartenant.
Un mail qui intégrait les éléments techniques ci-dessus détaillés et donc un fichier dénommé « rapport », a été envoyé de ma boite mail le 3 juillet 2020 à 17 h 37, vers celles de Monsieur [V] Directeur Général de l’APEI et de Madame [P] Directrice Générale adjointe, qui étaient informés des modalités et raisons de cet envoi.
Ce procédé technique, devait permettre de vérifier si des personnes extérieures aux destinataires de ce mail, allaient le consulter et d’identifier les adresses IP,
Les résultats de monitoring ont été sans appel.
En effet, la société UNK a constaté que durant la matinée du 3/7/2020, ce mail confidentiel et interne à la Direction et le fichier mentionné en annexe, ont fait l’objet des consultations suivantes, avec identification des adresses IP et utilisateurs.
Heure Adresse I.P Navigateur Système Utilisateur
08 : 53 : [Numéro identifiant 9] Chrome Windows 10 [F]
08 : 35 : [Numéro identifiant 17] Chrome Windows 10 [F]
08 : 42 : [Numéro identifiant 14] Chrome Windows 10 [F]
08 : 44 : [Numéro identifiant 18] Chrome Windows 10 [F]
08 : 47 : [Numéro identifiant 8] Chrome Windows 10 [F] [X]
08 : 55 : [Numéro identifiant 1] Internet explorer Windows 10 [F]
08 : 57 : [Numéro identifiant 15] Chrome Windows 10 [F]
09 : 01 : [Numéro identifiant 5] Chrome Windows 10 [F] [X]
09 : 29 : [Numéro identifiant 6] Edge Windows 10 [C]
09 : 29 : [Numéro identifiant 13] Chrome Windows 10 [I]
09 : 31 : [Numéro identifiant 10] Chrome Windows 10 [I]
09 : 39 : [Numéro identifiant 4] Chrome Windows 10 [C]
Dans son rapport, UNK précise que « [F] I » correspond au nom de l’utilisateur « [F] [X] » et « [I] 1 ” », correspond au nom court de l’utilisateur « [I] [Y]
Il ressort de ces éléments techniques que vous avez, le 3/7/2020 et à plusieurs reprises, ouvert ce mail strictement confidentiel et sur lequel vous n’aviez aucun droit d’accès et tenté d’ouvrir l’annexe, ce que vous n’avez pas pu matériellement faire puisqu’il fallait une autorisation explicite de l’utilisateur pour aller chercher ces images dans le corps du message du mail.
Ne parvenant pas à vos fins, vous avez certainement demandé le soutien technique de Monsieur [I] [Y], qui s’avère être le représentant légal de la société ASSISTANCE NFORMATIQUE & GESTION (AIG) ayant siège social [Adresse 19] à [Localité 2], prestataire informatique habituel de l’ESAT service commercial, lequel, toujours sans la moindre autorisation de la Direction, et sur, semble-t-il, votre sollicitation, s’est également introduit dans cette boîte mail et a tenté de charger, pour votre compte, l’image mise en place.
La société UNK a conclu en ces termes, son rapport, dont nous vous avons donné connaissance lors de votre entretien préalable :
« En l’espace d’une demi-journée de monitoring nous avons pu constater une consultation illicite du mail envoyé par Madame [H] à Monsieur [V] et Madame [P].
Il semble qu’une ou plusieurs personnes aient utilisé le réseau TOR pour accéder à ce mail et cliquer sur le lien. Cependant le fichier a été ouvert avec d’autres navigateurs ce qui nous permet de récupérer 2 adresses IP en France et 2 utilisateurs « [F] [X] » et «[I] [Y]» (les noms courts de ces utilisateurs étant [F] et « [I] »
Les doutes sur l’intégrité de la messagerie de l’APEI semblent donc fondés. Des personnes extérieures au destinataire des mails peuvent effectivement les consulter.
Afin de compléter ces investigations, la société E PROGEST Informatique a été chargée de procéder le 6/7/2020, à ma demande, à l’extraction des journaux de connexion des boîtes mail de l’ESAT de l’APEI de [Localité 2].
À cette fin, je lui ai communiqué les 2 adresses IP publiques dont la vôtre, qui avaient été identifiées par le cabinet UNK comme étant responsables des intrusions durant la matinée du 3 juillet 2020, pour lui permettre de vérifier si elle les retrouvait dans les logs (fichiers stockant les historiques).
Une fois cette extraction faite et les listing sortis, la société E-PROGEST Informatique a établi un compte rendu d’intervention, relatant en ces termes les anomalies constatées à la sécurité de la messagerie :
«…L ‘extraction, annexée au présent document fait apparaître à des dates différentes des accès depuis les réseaux TOR basés à l’international , puis également des accès depuis au moins l’une des 2 adresses publiques transmise »
Plus précisément l’adresse IP identifiée est la vôtre.
Il est donc également techniquement établi, que vous vous êtes frauduleusement introduit d’autres jours que le 3/7/2020 dans ma boîte mail, pour consulter mes mails et les fichiers annexés, ce qui vous a d’ailleurs permis d’accéder au mail confidentiel du 8/6/2020 contenant, en annexe, le projet de courrier qui devait vous êtes adressé après validation.
De plus, cette extraction a confirmé que vos intrusions se sont étendues aux boites mails du service de sous-traitance, du service de blanchisserie et repassage, de Madame [T] [R], éducatrice spécialisée et de Monsieur [A], Moniteur d’atelier et ce, à l’insu de leur titulaire.
Vous violez donc, depuis des semaines si ce n’est des mois, ma confiance et celle des autres membres de la Direction et du personnel de l’ESAT, en consultant les mails internes sans aucune autorisation, mais également ceux de vos collègues de travail et de l’ensemble des services de cet Établissement, et avez accès, dans ces conditions frauduleuses, à des données confidentielles en recourant, au besoin, et de façon toute aussi déloyale, à la société d’informatique fournisseur de l’ESAT commerciale.
Ces agissements, non seulement constituent une faute professionnelle grave et caractérisée, mais également un délit pénal prévu par l’article 323-1 du code pénal.
Par ailleurs les investigations techniques mises en ‘uvre tant par les sociétés UNK que E PROGEST Informatique, ont généré un coût significatif pour l’ESAT.
L’activité de l’ESAT de l’APEI de [Localité 2] a, de plus, été désorganisée, les mots de passe des comptes utilisateurs des boites de messagerie de tous les salariés ayant dû être modifiés.
Par ailleurs tous les codes d’accès des serveurs (physiques et virtuels) ont dû être modifiés, le tout dans l’urgence.
Ces mesures s’imposaient d’autant plus, que vous avez, le dernier jour de votre activité avant votre arrêt maladie, débarrassé du tiroir de votre bureau l’ensemble des codes d’accès des serveurs des machines physiques (photocopieurs et autres) et virtuelles de l’Établissement, qui s’y trouvaient habituellement.
Lors de l’entretien préalable, vous avez contesté avoir emmené le cahier sur lequel ces informations figuraient.
Or je n’ai pas retrouvé ce cahier dans le tiroir de votre bureau, alors que jamais personne ne se permet de venir dans votre bureau, pour y retirer, sans votre accord, ce qui s’y trouve.
Vous m’avez par ailleurs précisé, que je pouvais demander ces informations à la société AIG.
Vous comprendrez que du fait de l’implication de celle-ci dans les intrusions sans autorisation dans ma boite mail, il n’était pas envisageable de la solliciter
En tout état de cause ces informations confidentielles qui sont la propriété de I ‘ESAT, devaient obligatoirement rester dans cet Établissement.
L’intrusion dans la boîte mail d’un tiers sans son consentement, tombe sous le coup de la loi et notamment des dispositions de l’article 323- 1 du code pénal.
L’Association APEI a enfin dû faire procéder à la mise en sécurité de l’ensemble de ses données, alors qu’une inquiétude persiste quant à l’utilisation que vous avez pu faire des données que vous avez récoltées dans les boites de messageries équipant les différents services ou professionnels de l’ESAT.
Le maintien de votre contrat de travail s’avère impossible en considération de la gravité de ces faits (…) ».
Il est donc notamment reproché à M. [X] :
d’avoir début juin 2020, à l’insu de la directrice de l’ESAT pénétré sur sa boite mail pour prendre connaissance d’un message que celle-ci avait adressé en qualité de directrice au directeur général, mail qui était constitué d’un projet de courrier devant lui être ultérieurement adressé et qui était soumis à l’aval du directeur général,
d’avoir tenté de forcer un fichier qui du fait de la sécurité technique apposée était en fait inviolable et d’avoir demandé à un tiers spécialisé en informatique de tenter de le faire à sa demande,
de s’être introduit dans les boites mail de divers services et collègues de travail et ce, toujours à l’insu des détenteurs desdites boites.
Le salarié, au soutien de la contestation de son licenciement, met en doute l’intégralité du rapport de la société UNK qui a procédé aux investigations aux motifs que celle-ci ne dispose pas d’accréditation en matière de cybersécurité et qu’elle est devenue le prestataire de l’association et argue que cette dernière a mis en place un procédé déloyal visant à le piéger avec le concours d’un tiers.
Il affirme qu’il n’a en aucune manière « hacké » la boite email de la directrice puisqu’elle l’avait habilité et même incité à consulter ses messages ; que la directrice elle-même n’a pas respecté le RGPD, exigeant que le système soit ouvert à tous par le partage des boites email et réduisant ainsi à néant la sécurité informatique et qu’il avait l’habitude de consulter toutes les messageries, y compris en l’absence de leur titulaire, au su de tous, cela faisant partie de son travail.
Il soutient encore que rien ne prouve que son courriel du 9 juin 2020 était une réponse à une lettre qu’il n’avait pas encore reçue ; qu’il ne l’a jamais reconnu lors de l’entretien préalable ; que le fait que son mot de passe ait été utilisé ne prouve en rien qu’il soit l’auteur de l’intrusion car il était partagé et que l’employeur ne prouve pas la compromission d’autres boites email de la direction.
Il en conclut que ce grief est en définitive une nouvelle mesure vexatoire alors qu’il était en arrêt maladie pour souffrance au travail.
L’employeur répond que le fait que M. [X] soit chargé de la vérification des mots de passe ne l’autorisait pas à s’introduire dans une boite mail de la direction à des fins personnelles pour prendre connaissance d’un courrier susceptible ou non de le concerner, le tout alors qu’il était en arrêt maladie, ni de solliciter les services d’un tiers pour le faire ; que le règlement intérieur qui définit les conditions d’utilisation des messageries, prohibe le comportement de M. [X] ; que la RGPD, à laquelle le salarié a été formé, fait de même ; que l’utilisation du réseau Tor, qui a pour objet d’anonymiser la source en cas de messagerie instantanée démontre que M. [X] voulait rester anonyme et avait une intention malveillante ; que le procédé de détection mis en place (monitoring) n’a rien de déloyal en ce qu’il n’est pas attentatoire à la vie privée du salarié comme n’ayant pas été introduit dans sa boite email, qu’il ne le visait pas personnellement et qu’il était, en tout état de cause indispensable et proportionné à l’exercice de son droit à la preuve ; que les investigations menées ont permis de démontrer en outre que M. [X] s’était introduit d’autres jours que le 3 juillet 2020 dans la messagerie de Mme [H] mais également dans celles d’autres services, notamment celle de Mme [R] avec laquelle il était en conflit, à l’insu de leurs détenteurs et que M. [X] a reconnu les faits lors de l’entretien préalable.
Il ajoute que la restitution des mots de passe et login n’a pas été spontanée.
Il conclut que le licenciement est justifié par une faute grave et n’est pas en lien avec un quelconque harcèlement moral.
Sur ce,
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Elle s’apprécie in concreto, en fonction de l’ancienneté du salarié, de la qualité de son travail et de l’attitude qu’il a adoptée pendant toute la durée de la collaboration.
C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail. Le doute doit profiter au salarié.
La loyauté, qui doit présider aux relations de travail, interdit à l’employeur de recourir à des artifices et stratagèmes pour placer le salarié dans une situation qui puisse ultérieurement lui être imputée à faute.
Toutefois, l’illicéité ou la déloyauté d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, en vérifiant que le procédé employé était indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte aux droits du salarié est strictement proportionnée au but poursuivi.
Le secret de la correspondance dont la violation est pénalement sanctionnée, le RGPD et le règlement intérieur de l’association prohibent toute introduction dans la messagerie d’un tiers pour des raisons personnelles sans son autorisation.
En l’espèce, M. [X], qui n’ignorait pas ces règles, ne justifie d’aucune autorisation en ce sens, le fait que la directrice lui ait transféré le 27 mai 2020 un fichier « We transfer » émanant de « [Courriel 22] » assorti du message « [F] si tu peux faire quelque chose », qu’il ait obtenu les droits de modification et réinitialisation des mots de passe et logins ou que Mme [G] atteste qu’il avait mis en place un partage des mails sans plus de précision, étant dépourvu de toute force probante à cet égard. Or, il reconnaît à plusieurs reprises qu’il avait l’habitude de consulter les boites emails de tous les salariés, y compris l’intégralité de celle de Mme [H], contenant forcément des éléments sensibles compte tenu de la fonction de sa titulaire. Aucun élément ne permet non plus d’établir que Mme [H] était informée ou en tout cas consciente d’une telle immixtion.
Cet aveu constitue d’ores et déjà la preuve de l’un des griefs qui lui est fait (violation de la confiance de la direction et des autres salariés en consultant pendant des mois les emails internes sans autorisation).
La mise en place d’un système de monitoring tel qu’expliqué dans la lettre de licenciement, par une entreprise dont la compétence, la qualité du travail et l’impartialité ne sont pas utilement remises en cause par M. [X], afin de vérifier la bonne confidentialité de la messagerie de la directrice de l’association ne constitue pas un procédé de preuve déloyal.
En effet, le monitoring de messagerie n’a pas été installé sur la boite email de M. [X] de sorte qu’il ne visait pas à sa surveillance et ne donnait pas accès à ses messages et données personnelles. De plus, M. [X] affirmant qu’il avait libre accès à la correspondance électronique de Mme [H] et aux pièces jointes, ne peut invoquer avoir été déloyalement incité à commettre une faute en consultant le message créé pour le monitoring.
En tout état de cause, au regard de l’importance de l’intérêt à sauvegarder (protection des données à caractère personnel et sensibles pour l’association, secret de la correspondance) et de l’absence d’autre moyen de preuve à la disposition de l’employeur, la mise en place d’un procédé de monitoring de la boite email de Mme [H] ne porte pas atteinte au caractère équitable de la procédure en ce qu’elle était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.
Le rapport de la société UNK et l’attestation sur l’honneur rédigée par M. [X] dans l’intérêt de M. [Y], établissent avec certitude que dans la matinée du 3 juillet 2020, M. [X], qui était pourtant en arrêt maladie, a, à plusieurs reprises, consulté un message adressé par M. [V] à Mme [H] et tenté d’ouvrir la pièce qui y était jointe, que n’y parvenant pas, il a eu recours au service d’un salarié de la société AID et que ces consultations ont été faites notamment grâce à un logiciel visant à préserver l’anonymat de leurs auteurs.
La preuve est ainsi rapportée d’une violation du secret de la correspondance directement de la part du salarié qui en avait nécessairement conscience au vu du logiciel employé, pour des motifs personnels, et par un tiers à l’entreprise à sa demande.
Par ailleurs, le listing de la société E-progest, non utilement critiqué, produit par l’association, montre de nombreuses connexions depuis l’adresse IP de M. [X] à la messagerie de Mme [H] dans le courant du mois de juin 2020 ainsi qu’à d’autres messageries, notamment celle de M. [A].
Le fait que la sécurité informatique soit mise à mal dans l’entreprise par la faute de la directrice n’est pas démontré par les pièces produites par M. [X] mais, en tout état de cause, cela ne l’autorisait pas à en profiter et, dès lors qu’il était en possession de tous les mots de passe en raison de sa sujétion liée à l’informatique, cela n’a eu aucune incidence sur la réalité et la gravité de ses fautes.
Ces faits rendaient impossible le maintien du salarié dans l’association au regard de leur caractère pénalement répréhensible et de la perte de confiance induite.
Ainsi, au vu des éléments produits, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, la cour considère que le licenciement de M. [X] est justifié par une faute grave sans aucun lien avec le harcèlement moral dont il a été victime.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
3/ Sur la demande au titre de la résistance abusive et les frais du procès :
M. [X] ne présente aucun moyen au soutien de sa demande au titre de la résistance abusive qui sera rejetée.
Chacune des parties succombant à son tour conservera ses dépens de première instance et d’appel et ses frais irrépétibles.
Il n’y a pas lieu à exécution provisoire d’un arrêt d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes aux titres de l’indemnité de sujétions, des heures supplémentaires et du harcèlement moral,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare l’appel recevable,
Ecarte les pièces 104 à 106 de l’association APEI [20],
Dit que M. [X] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées,
Dit que M. [X] a été victime de harcèlement moral,
Condamne l’association APEI de [Localité 2] [20] à payer à M. [F] [X] les sommes de :
– 2 985 ,05 euros au titre des heures supplémentaires et 298,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 5 581,20 euros au titre de l’indemnité de sujétions et 558,12 euros au titre des congés payés y afférent,
– 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Dit que les condamnations de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et que les demandes de nature indemnitaire portent intérêts de plein droit au taux légal à compter de la décision qui les prononce,
Rejette toute autre demande,
Dit que chaque partie conservera ses dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.