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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 16 JANVIER 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02549 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYO2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F17/00722
APPELANTE
Madame [Z] [B]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083
INTIMEE
S.C.S. MILLEIS PATRIMOINE devenue SA MILLEIS BANQUE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Djamel SEOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0810
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2023, en audience, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Z] [B], née en 1961, a été engagée par la société Barclays Patrimoine (anciennement dénomée Barclays Finance) devenue, à compter du mois de mai 2018, la S.C.S. Milleis Patrimoine puis suite à une transmission universelle de partimoine en date du 24 décembre 2020, la SA Milleis Banque, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 juillet 2010, en qualité de conseiller financier.
Elle a été soumise, par avenant en date du 18 novembre 2013, à une convention de forfait jours.
Par lettre datée du 2 septembre 2016, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 21 septembre 2016.
Mme [B] a ensuite été licenciée pour faute simple par lettre datée du 6 octobre 2016.
A la date du licenciement, Mme [B] avait une ancienneté de 6 ans et 2 mois, et la société Milléis patrimoine occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaire, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, et l’octroi de dommages et intérêts au titre des préjudices subis relatifs à l’exécution du contrat de travail, Mme [B] a saisi le 1er février 2017 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 21 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– déboute Mme [B] de l’ensemble de ses demandes,
– déboute la société Milleis patrimoine de sa demande reconventionnelle,
– condamne Mme [B] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 16 mars 2020, Mme [B] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 5 mars 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 décembre 2021, Mme [B] demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 21 janvier 2020 qui a débouté Mme [B] de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappels de salaires et de congés payés afférents, de dommages intérêts pour violation de l’article L. 1222-1 du code du travail, de rémunération au titre du forfait jours et d’indemnité pour travail dissimulé,
statuant à nouveau de ces chefs,
– condamner la société Milléis Patrimoine à verser à Mme [B] :
– 60.000 euros de rappel de salaire au titre du projet « Roméo », outre 6.000 euros au titre des congés payés afférents,
– 22.151,32 euros à titre de rémunération complémentaire au titre du forfait-jours, intégrant les congés payés et les majorations légales,
– 15.000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 19.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 20.000 euros au titre des préjudices subis relatifs à l’exécution du contrat de travail en application de l’article L. 1222-1 du code du travail,
en tout état de cause,
– débouter Milléis Banque de l’ensemble de ses demandes,
y ajoutant,
– ordonner la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir,
– condamner la société Milléis Patrimoine à verser à Mme [B] 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2023, la société Milleis Banque, venant aux droits de la société Milleis Patrimoine demande à la cour de :
– recevoir la société Milleis patrimoine en ses écritures et l’y déclarer bien fondée,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de paris le 21 janvier 2020 (n°RG F 17/00722) en ce qu’il a débouté Mme [B] de l’ensemble de ses demandes,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Milleis patrimoine de sa demande reconventionnelle,
ce faisant et statuant à nouveau,
– condamner la salariée à verser à la société Milleis patrimoine la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [B] au paiement des entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 16 novembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur la demande de rappel de salaire au titre du projet Roméo:
Pour infirmation du jugement, la salariée rapporte, que payé exclusivement en fonction du chiffre d’affaires réalisé, chaque conseiller financier avait pour objectif d’augmenter sa clientèle, pour, de façon subséquente, augmenter les souscriptions et le commissionnement. À cet égard, Milleis avait mis en place un système dit des “orphelins”. Tout prospect de Milleis Patrimoine ayant conclu un contrat ou une souscription par l’intermédiaire d’un conseiller financier se trouvait affecté à ce conseiller pour l’ensemble des opérations. Mais, quand le conseiller financier de rattachement quittait Milleis Patrimoine, ses clients devenus “orphelins” étaient alors confiés à un conseiller financier en poste dans la même équipe, ce qui augmentait de facto la clientèle de ce dernier et sa rémunération. Dès lors, un conseiller financier avait deux vecteurs d’augmentation de sa clientèle : sa prospection personnelle et la réattribution des clients orphelins.
Or, en 2016, Milleis Patrimoine a entrepris de remettre en cause ce système en mettant en ‘uvre le chantier ROMEO “Réaffectation Orphelins Management Exploitation Organisation”. Il s’agissait, en l’espèce, de supprimer le principe de réaffectation automatique des orphelins aux conseillers financiers en obligeant ces derniers à abandonner une partie de leur clientèle pour obtenir des orphelins et à limiter les avoirs gérés. A cette fin, la société Milleis Milleis a soumis à ses collaborateurs un avenant mais, alors même que la salariée et la plupart de ses collègues ont refusé de le signer et ont saisi le conseil de prud’hommes, Milleis a organisé le transfert des clients orphelins vers MyBarclays (banque en ligne) ou Milleis Banque.
Considérant qu’elle a subi une modification de son mode de rémunération imposée par l’employeur en dépit de son désaccord, la salariée affirme avoir subi un préjudice qu’elle évalue à 60 000 euros.
La société réplique qu’il a été décidé à compter du mois de mai 2014 de suspendre la réaffectation automatique des clients orphelins, d’une part, car le comité d’entreprise de Milleis Patrimoine avait dénoncé le caractère subjectif des réattributions, d’autre part, parce que la société ayant cessé ses recrutements, la charge de travail allait devenir trop lourde pour les conseillers en place et, enfin, pour permettre d’alléger les tâches administratives des conseillers financiers. Ainsi, après présentation au comité d’entreprise, le 21 mai 2015, il a été proposé aux conseillers financiers de signer un avenant qui prévoyait que l’attribution de clients orphelins “Premier” et “Personnal à Potentiel Premier”, autrement dit les clients les plus rémunérateurs, se ferait en contrepartie de l’abandon de clients “Personnal” qui seraient transférés vers MyBarclays.
L’employeur soutient que le système avait pour objectif de recentrer les conseillers financiers sur des clients à haut potentiel en sortant de leur portefeuille des clients moins rémunérateurs mais qui mobilisaient du temps. Ce faisant, l’employeur considère qu’il n’a pas modifié la structure de la rémunération des salariés puisqu’il n’a jamais été prévu dans le contrat de travail des conseillers financiers, qu’en plus de leurs prospects, ceux-ci disposeraient d’un droit à rémunération sur les clients orphelins.
L’employeur invoque à cet égard la décision du tribunal de grande instance de Paris en date du 26 mars 2019, confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 11 février 2021 qui a jugé “qu’il ne ressort pas des pièces versées que les modalités de réaffectation de ces clients aient été contraires à l’intérêt de l’entreprise et des salariés, ni constitutives d’un manquement de l’employeur à l’une de ses obligations légales et particulièrement au respect des prérogatives légales du comité d’entreprise”.
La société Milleis Patrimoine expose encore qu’en sa qualité de mandataire de la société Milleis Banque, pour la promotion et la commercialisation de produits, Milleis Patrimoine n’était pas propriétaire de la clientèle prospectée.
Enfin, la société conteste l’assertion selon laquelle la mise en place du système ROMEO ne pouvait qu’entraîner une baisse de la rémunération des conseillers financiers et fait valoir que la salariée ne justifie d’aucun décompte de la créance salariale qu’elle évalue à 60 000 euros.
Au regard des explications données par les parties, du contrat de travail de la salariée et des décisions du tribunal de grande instance confirmées par la cour d’appel, la cour retient qu’il n’a jamais été prévu au contrat de travail de la salariée un droit à rémunération au titre de la réaffectation des clients orphelins.
Cette réaffectation qui intervenait en fonction des départs de conseillers financiers et des choix de réattribution de leurs clients, présentait un caractère parfaitement aléatoire et discrétionnaire qui ne permet pas de considérer qu’elle constituait un élément de rémunération ou même un usage permettant à la salariée d’asseoir des revendications salariales. Il est relevé que le système ROMEO n’a pas supprimé la possibilité d’augmenter le portefeuille client des salariés par l’apport de clients orphelins mais qu’il l’a conditionnée à l’abandon de clients moins rémunérateurs dont le traitement pouvait être effectué via la banque en ligne du groupe. Il n’est pas non plus démontré que la mise en place de ce système, à une époque où la banque ne recrutait plus de collaborateurs et où les départs n’allaient profiter qu’aux conseillers en poste, aurait provoqué une baisse de leur rémunération. L’absence d’explication de la salariée sur les modalités de calcul du montant de sa demande de rappel de salaires illustre sa difficulté à justifier d’un quelconque préjudice.
Par confirmation du jugement Mme [B] sera en conséquence déboutée de la demande faite à ce titre.
Sur la demande de rémunération complémentaire au titre de la convention de forfait-jours:
Pour infirmation du jugement qui l’a déboutée des demandes faites à ce titre Mme [B] fait valoir qu’ elle était soumise à une convention de forfait de 209 jours par an, sa rémunération étant exclusivement assise sur le chiffre d’affaires qu’elle réalisait. Elle affirme qu’elle a été amenée à travailler tous les ans au-delà du forfait, et ce, au bénéfice de l’employeur qui ne contrôlait pas le nombre de jours travaillés, ni les jours de repos pris par les salariés, ce qui a d’ailleurs été dénoncé par la représentation du personnel.
La salariée affirme ainsi qu’elle a travaillé 244 jours en 2023, 247 jours en 2014, 245 jours en 2015 et 239 jours en 2016 et que la société reste en conséquence redevable de la somme de 18 306,88 euros à titre de rappel de salaires, outre la somme de 1 830,68 euros au titre des congés payés afférents.
L’employeur réplique que la convention de forfait jours signée le 1er novembre 2013 est parfaitement valable, qu’elle repose sur un accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail applicable aux conseillers financiers en date du 16 décembre 2004, qu’il a mis en place un suivi régulier de la charge de travail via l’outil informatique “kiosque” et qu’il organisait des entretiens annuels au cours desquels était évoquée, systématiquement, la question de la durée du travail du salarié.
Il fait subsidiairement valoir que Mme [B] ne démontre pas avoir dépassé le nombre de jours prévus au forfait et que les demandes de rappel de salaire formées sont irrecevables comme prescrites pour la période antérieure au 6 octobre 2013.
En cas de litige relatif à l’existence jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d’une convention de forfait, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile.
Par ailleurs aux termes de l’article L 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La demande peut porter sur des sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat.
Il résulte enfin de la combinaison des articles L.3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible.
En l’espèce, la cour relève que Mme [B], bien qu’affirmant que la société Milleis Banque n’avait mis en place aucun suivi de la charge de travail, ne remet pas en cause la validité ou l’opposabilité de la convention de forfait en jours se limitant à solliciter le paiement des jours où elle affirme avoir travaillé au delà du nombre de jours prévu au forfait.
En ce qui concerne la prescription, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes le 1er février 2017, soit dans le délai de 3 ans suivant la rupture du contrat de travail intervenue le 6 octobre 2016.
S’agissant des salaires dus sur une période annuelle, puisque le décompte du nombre de jours travaillés dans le cadre du forfait en jours n’est connu qu’à la date de clôture de l’exercice, ce n’est qu’à la fin de l’année civile que la salariée peut former un rappel de rémunération au titre des jours travaillés au-delà du forfait sur l’année écoulée. Le contrat de travail ayant été interrompu en octobre 2016 , la salariée est recevable à solliciter un rappel de salaire au titre de l’intégralité de l’année 2013 sans que ne puisse lui être opposée la prescription sur la période antérieure au mois d’octobre 2013, les sommes éventuellement dues n’étant exigibles que le 31 décembre 2013.
Sur le fond, la cour constate, que la salariée fournit un décompte des journées travaillées pour les années 2013 à 2016, l’employeur étant quant à lui dans l’incapacité de produire le récapitulatif, pour chaque année litigieuse, du nombre de journées ou demi-journées travaillées, alors qu’il avait l’obligation d’établir un document de suivi. Il ne verse pas davantage aux débats les entretiens annuels de la salariée portant sur sa charge de travail et ne peut invoquer le fait qu’elle était parfaitement libre d’organiser son emploi du temps sans être soumise à un contrôle hiérarchique prenant pour se soustraire à ses obligations relatives au contrôle de la charge de travail.
Enfin, sa production de décompte de jours de RTT alloués sur l’année 2016 ne permet pas de contredire les allégations de la salariée sur le nombre de jours travaillés au-delà du forfait.
La société Milleis ne remplit en conséquence pas la charge de la preuve qui lui revient, Mme [B] ayant de son côté étayé sa demande en apportant à la cour des éléments précis.
Toutefois, la rémunération de Mme [B] étant exclusivement assise sur le chiffre d’affaires réalisé, il convient de considérer qu’elle a bien été rémunérée pour les jours travaillés au-delà du forfait.
La cour rappelle que selon l’article L. 3121-59 du code du travail (anciennement L. 3121-45), le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire. En l’absence de conclusion d’un tel accord, le juge fixe, dans le respect du minimum de 10 % le montant de la majoration applicable et la rémunération due en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu.
En l’espèce, en l’absence d’accord écrit entre les parties relatif à la renonciation aux jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire et, alors que l’absence de mise en ‘uvre par l’employeur d’un suivi de l’activité de ses salariés témoigne de son accord implicite pour la réalisation de jours de travail au-delà de forfait, il sera alloué à la salariée un rappel de majoration sur salaire de 10 % pour les jours detravail effectués au-delà du forfait de 209 jours, selon la règle de calcul suivante : [(rémunération annuelle/nombre de jours travaillés x 10 %) x nombre de jours au delà du forfait], soit une somme de 1 573,57 euros se décomposant comme suit:
2013: 442,92 euros
2014: 460,12 euros
2015: 384,58 euros
2016: 278,95 euros
sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé:
L’article 8121-5 du code du travail dispose quant à lui qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur,
– soit de soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité relative à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli,
– soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales.
Aux termes de l’article L8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8122-3 ou en commettant les faits prévus à l’article 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.
En l’espèce, le caractère intentionnel de dissimulation n’est pas établi dés lors qu’il n’est aucunement démontré que la société Milleis Banque avait connaissance du nombre de jours réellement travaillés par la salariée, aucune revendication n’ayant d’ailleurs été faite par cette dernière au cours de l’exécution du contrat de travail.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [B] de la demande faite à ce titre.
sur le licenciement:
Pour infirmation du jugement, Mme [B] conteste les griefs invoqués au soutien du licenciement, faisant en tout état de cause valoir qu’ils relèveraient plus d’une insuffisance professionnelle alors que son employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, elle expose qu’elle a dû travailler dans des conditions déplorables qui ont eu une incidence néfaste sur la qualité de son travail et rappelle qu’elle n’ a préalablement jamais fait l’objet d’un recadrage et a fortiori de sanctions.
La société Milleis Banque réplique que les faits sont établis et constitutifs d’une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l’article 1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’article L 1235-1 du même code précise qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si un doute subsiste il profite au salarié.
En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 6 octobre 2016 qui fixe les limites du litige Mme [B] a été licenciée pour faute simple son employeur lui reprochant:
– une quasi absence d’activité commerciale depuis le début de l’année 2016,
– le défaut de traitement et d’enregistrement dans les délais requis des quelques affaires commerciales réalisées depuis le début de l’année que Mme [B] a montré à sa hiérarchie le 31 août 2016,
– des comptes clients débiteurs qui n’ont pas été réalisés malgré les différentes relances du Centre Expertise Engagements et du directeur de bureau,
– des informations clients qui ont transité via une messagerie extérieure non sécurisée alors que cela est strictement prohibé dans le cadre de notre politique de sécurité des données clients.
S’agissant du 1er grief, à savoir l’insuffisance d’activité commerciale depuis le début de l’année 2016, la société Milleis Banque reproche plus précisément à la salariée une activité commerciale se résumant à 4 arbitrages réalisés et enregistrés sur des contrats d’assurance vie pour un montant total de 360 K€ et une seule vente réalisée et enregistrée en mars 2016 pour un montant de 11 K€. Elle souligne l’absence de quête de nouveaux clients Premier et de démarche prospective. La société conclut en faisant valoir que Mme [B] est très en deçà de ses objectifs minima contractuels qui sont de 160 K€ de production mensuelle et des directives de la Direction commerciale qui exige la planification de 12 rendez-vous commerciaux hebdomadaires.
La société Milleis Banque qui se limite à affirmer sans en rapporter la preuve que la salariée aurait reconnu lors d’un entretien managérial tenu le 31 août 2016 ‘avoir arrêté son activité, avoir rencontré un total de 11 prospects et de 2 clients en juillet et en août et avoir réalisé 8 affaires commerciales’, ce que la salariée conteste formellement, ne produit aucun élément relatif à l’activité de Mme [B], aux objectifs qui lui auraient été assignés , aux directives de la direction commerciale et à l’activité des autres conseillers financiers et ne justifie aucunement avoir rappelé à l’ordre sa salariée sur la quasi absence d’activité qui aurait pourtant selon elle perduré pendant 10 mois, de sorte que ce grief qui relèverait en outre plus d’une insuffisance professionnelle que d’une faute, ne peut être retenu.
S’agissant des 2ème et 3ème griefs, à savoir, en premier lieu, le défaut de traitement et d’enregistrement dans les délais des 8 affaires que Mme [B] aurait, lors de l’entretien managérial en date du 31 août 2016, affirmé avoir réalisées sur la période du 13 juillet au 19 août 2016, et en second lieu le défaut de traitement de plusieurs comptes débiteurs malgré les multiples relances depuis plusieurs mois notamment en date des 2 et 3 septembre 2016, la société Milleis Banque qui se plaint du laxisme de la salariée procède encore une fois par simple affirmation , ne verse aucun élément aux débats relatifs aux dossiers et aux comptes débiteurs concernés et ne justifie pas des relances qu’elle aurait adressées à la salariée en septembre 2016.
S’agissant enfin du dernier grief, à savoir le fait d’avoir transmis à des partenaires externes, le 30 août 2016, par une messagerie extérieure des informations confidentielles concernant un client en violation des règles internes relative à la sécurité des données clients, la société Milleis Banque ne justifie pas des mails du 30 août 2016 et des informations confidentielles qui auraient été dévoilées.
Les griefs reprochés à la salariée n’étant pas établis, la cour retient par infirmation du jugement que le licenciement de Mme [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Milleis Banque à lui payer en application de l’article l’article L1235-3 du code du travail, qui fixe l’indemnité à laquelle un salarié comptabilisant 6 ans d’ancienneté au sein de l’entreprise peut prétendre, à une somme comprise entre 3 et 7 mois de salaire et que la cour évalue au regard de l’absence de justificatifs sur la situation professionnelle de la salariée postérieure au licenciement à la somme de 8 000 euros.
En application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail, il y a par ailleurs lieu d’ordonner le remboursement par la société Milleis Banque à pôle emploi devenu France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée licenciée à compter de son licenciement dans la limite des 6 mois prévus par la loi.
sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:
Pour infirmation du jugement, la salariée soutient, qu’outre le non-respect des conditions de mise en ‘uvre du forfait en jours, Milleis a “institutionnalisé une désorganisation de ses activités, préjudiciant aux conditions de travail de ses collaborateurs de façon générale et sans qu’il soit besoin d’individualiser les situations puisque ce sont tous les collaborateurs qui ont subi ces dysfonctionnements”.
À ce titre, elle évoque :
– l’existence de risques psychosociaux révélés dès 2014 par les réponses des conseillers financiers à un questionnaire transmis et analysé par l’organisme Technologia , ainsi que les alertes adressées par les représentants du personnel à la Direction et par l’Inspection du travail le 2 janvier 2018,
– la récurrence de problèmes informatiques impactant fortement l’activité des conseillers
– une surcharge de tâches administratives engendrée par la suppression des assistantes administratives en 2012 et leur remplacement par des plates-formes administratives
nommées “Centre d’Assistance Commerciale” (CAC) incapables d’assumer l’ensemble des
missions confiées aux assistantes ce qui a entraîné un transfert de leurs tâches sur les conseillers
– le retrait des personnes morales des prospects
– l’alourdissement des process et les dysfonctionnements systématiques.
La société Milleis Banque réplique que les allégations de la salariée travestissent la réalité, ne tiennent pas compte des actions entreprises par la société et que la situation dénoncée n’a pas trait à la situation personnelle de Mme [B].
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La cour rappelle en outre qu’en matière d’action en justice l’intérêt du demandeur doit être personnel et direct.
En l’espèce, à aucun moment la salariée n’explique ni ne documente les difficultés auxquelles elle se serait trouvée personnellement confrontée et le retentissement qu’elles auraient pu avoir sur ses conditions de travail. D’ailleurs, il est observé, qu’au titre des griefs reprochés à l’employeur, il est fait état des réponses au questionnaire Technologia, qui a été soumis aux conseillers financiers du réseau d’agences bancaires Barclays (Barclays RBB France) et non à ceux de Milleis Patrimoine. De même, une grande partie des pièces produites par la salariée, concerne des constats postérieurs à son licenciement.
Faute pour Mme [B] de justifier de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail et de la nature et de l’étendue du préjudice qui en découlerait le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire ce chef.
Sur les autres demandes :
Il y a lieu d’ordonner la remise des documents sociaux conformes à la présente décision dans le délai de 2 mois à compter de sa signification.
Pour faire valoir ses droits en cause d’appel, Mme [B] a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.
La société Milleis Banque sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en ce qu’il a débouté Mme [Z] [B] de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la rémunération complémentaire au titre du forfait-jours ,
et statuant à nouveaux des chefs de jugement infirmés, et y ajoutant,
CONDAMNE la SA Milleis Banque à payer à Mme [Z] [B] les sommes de:
– 1 573,57 euros à titre de rémunération complémentaire au titre du forfait-jours.
– 8 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
ORDONNE la remise par la SA Milleis Banque des documents sociaux conformes à la présente décision dans le délai de 2 mois à compter de sa signification.
ORDONNE le remboursement par la SA Milleis Banque à pôle emploi devenu France Travail des des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée licenciée à compter de son licenciement dans la limite des 6 mois prévus par la loi.
CONFIRME le jugement pour le surplus,
CONDAMNE la SA Milleis Banque aux dépens.
La greffière, La présidente.