Informations confidentielles : 24 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/02497

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Informations confidentielles : 24 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/02497
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 23/02497

N° Portalis 352J-W-B7H-CY5KS

N° MINUTE : 4

Contradictoire

Assignation du :
30 Janvier 2023

JUGEMENT
rendu le 24 Janvier 2024
DEMANDEUR

Monsieur [A] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représenté par Me Michel HARROCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0311

DÉFENDERESSES

S.A. LA BANQUE POSTALE
[Adresse 5]
[Localité 1]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812

S.A. LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRAN CE
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1329

Décision du 24 Janvier 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/02497 – N° Portalis 352J-W-B7H-CY5KS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, greffière.

DÉBATS

A l’audience du 06 Décembre 2023 tenue en audience publique devant Madame Anne-Cécile SOULARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE
M. [A] [Y] est titulaire d’un compte ouvert auprès de la société anonyme La Banque Postale.
Le 1er novembre 2020, M. [Y] a signé un chèque d’un montant de 10 000 euros qu’il destinait à son frère, sans toutefois inscrire le bénéficiaire au recto du chèque.
La somme de 10 000 euros a été débitée du compte de M. [Y] fin novembre 2020.
Toutefois, M. [Y] a constaté que le compte de son frère auprès de Boursorama n’a pas été crédité de ce montant.
Le 1er février 2021, M. [Y] a déposé plainte pour vol auprès du commissariat du [Localité 1]. Il explique qu’il avait inscrit au dos du chèque le numéro du compte de son frère ouvert auprès de la société Boursorama, puis qu’il a posté ce chèque.
Le frère de M. [Y] a également déposé plainte en confirmant les dires de ce dernier.
M. [Y] a également formé une réclamation auprès de la Banque Postale. Celle-ci a refusé de lui restituer la somme de 10 000 euros.
Par acte d’huissier du 13 février 2023, M. [Y] a fait assigner la Banque Postale ainsi que la société anonyme la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France, qu’il identifie comme la banque présentatrice du chèque.
Demandes et moyens de M. [Y]
Dans son assignation qui constitue ses seules écritures, M. [Y] demande au tribunal de :
– constater la responsabilité de la Banque Postale,
– ordonner à la Banque Postale et à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France d’avoir à communiquer tout élément permettant d’identifier le bénéficiaire du chèque de 10 000 euros sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du rendu de la décision à intervenir,
– condamner la Banque Postale et solidairement la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France à rembourser la somme de 10 000 euros sur le compte de M. [Y] [A] et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– condamner la Banque Postale et solidairement la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France à régler à M. [Y] [A] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice financier subi,
– condamner la Banque Postale et solidairement la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France à régler à M. [Y] [A] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] estime que le chèque a été encaissé frauduleusement par un tiers. Il considère que la Banque Postale et la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France n’auraient jamais dû accepter le règlement d’un chèque dépourvu d’ordre. Il considère qu’il revient aux banques de démontrer sa fraude ou sa négligence et affirme qu’il n’a commis aucune faute susceptible d’exonérer les banques de leur responsabilité.
Demandes et moyens de la Banque Postale
Dans ses seules conclusions communiquées par voie électronique le 20 juin 2023, la Banque Postale demande au tribunal de :
« A titre principal,
JUGER que la responsabilité de LA BANQUE POSTALE n’est pas engagée en raison de son absence de faute,
JUGER que Monsieur [Y] a fait preuve de négligence de nature à exonérer LA BANQUE POSTALE de toute éventuelle responsabilité retenue à son encontre,
JUGER que Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice subi
DEBOUTER en conséquence Monsieur [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, le Tribunal devait considérer qu’il existe une anomalie apparente sur le titre de paiement :
CONDAMNER LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE HAUTS DE FRANCE à garantir LA BANQUE POSTALE de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de Monsieur [Y] ;
En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [Y] à verser à LA BANQUE POSTALE la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [Y] aux entiers dépens. »
La Banque Postale fait valoir qu’un chèque sans indication du bénéficiaire vaut comme chèque au porteur. Elle soutient que l’absence de mention du bénéficiaire sur le chèque litigieux ne constitue pas une anomalie apparente.
La Banque Postale observe qu’en tant qu’établissement tiré son rôle était réduit à l’examen formel des titres de paiement.
La Banque Postale considère que M. [Y] a été négligent en envoyant le chèque par courrier simple et sans indiquer le nom du bénéficiaire au recto du chèque.
Elle défend à titre subsidiaire un partage de responsabilité entre la banque tirée et la banque présentatrice.
Demandes et moyens de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France
Dans ses seules conclusions communiquées par voie électronique le 21 juin 2023, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France demande au tribunal de débouter M. [Y] de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens.

La Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France fait valoir que le 28 novembre 2020 un de ses clients lui a présenté à l’encaissement un chèque d’un montant de 10 000 euros tiré sur un compte ouvert au nom de M. [A] [Y] dans les livres de la Banque Postale. Elle souligne que ce chèque présentait une date, un montant en lettres et en chiffres ainsi qu’une signature, qu’il mentionnait au verso un numéro de compte et la signature du bénéficiaire l’ayant remis à l’encaissement et qu’il ne présentait aucune trace de falsification ou de surcharge frauduleuse.
Elle affirme que ce chèque, sans indication du bénéficiaire, valait comme chèque au porteur et qu’il ne comportait ainsi aucune anomalie.
Elle ajoute que M. [Y] n’établit pas l’existence du détournement qu’il dit avoir subi et souligne qu’il a été négligent en envoyant par courrier simple un chèque d’un montant important libellé sans bénéficiaire.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes et de leurs défenses.
Le juge de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire par ordonnance du 18 octobre 2023 et fixé l’affaire pour être plaidée à l’audience tenue en juge rapporteur du 6 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la demande de communication d’éléments permettant d’identifier le bénéficiaire du chèque
En application des articles 138, 139 et 142 du code de procédure civile, une partie peut demander au juge d’ordonner à une autre partie de produire les éléments de preuve qu’elle détient.
Le pouvoir du juge civil d’ordonner la production des éléments de preuve détenus par les parties est limité par l’existence d’un empêchement légitime.
Le secret bancaire constitue un empêchement légitime à la communication de certaines informations. La communication d’informations couvertes par le secret bancaire peut toutefois être ordonnée si elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve d’une partie et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (Cass. Com., 15 mai 2019, pourvoi n° 18-10.491).
En l’espèce, la Banque Postale et la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France sont soumises, en tant qu’établissement de crédit au secret professionnel, conformément aux dispositions de l’article L.511-33 du code monétaire et financier. La communication du nom de l’un de leurs clients, bénéficiaire du chèque, fait partie des informations confidentielles couvertes par le secret bancaire.
M. [Y] dispose pour établir les manquements des banques défenderesses de la copie recto/verso du chèque qui a été versée aux débats.
Dès lors, l’identité du bénéficiaire du chèque ne lui est pas indispensable pour établir l’éventuelle responsabilité des banques défenderesses lors de l’encaissement du chèque.
Par conséquent, il n’y a pas lieu d’ordonner aux banques défenderesses de communiquer tout élément supplémentaire permettant d’identifier le bénéficiaire du chèque.
2. Sur la responsabilité des banques défenderesses
La banque tirée, comme la banque présentatrice d’un chèque, est tenue de vérifier la régularité formelle de ce chèque en application de l’article L.131-38 du code monétaire et financier, sous peine d’engager sa responsabilité.
En application de son devoir de vigilance, le banquier doit relever les anomalies apparentes d’un chèque qui lui est présenté.
Selon l’article L.131-6 du code monétaire et financier, le chèque sans indication du bénéficiaire vaut comme chèque au porteur.
En l’absence d’élément lui donnant connaissance d’agissements illicites, un établissement bancaire ne contrevient pas aux dispositions des articles L. 131-1 et suivants du code monétaire et financier, qui ne comportent aucune règle précise relative à la mention du bénéficiaire d’un chèque, en considérant que l’inscription du numéro d’un compte, ouvert dans ses livres, au verso d’un chèque émis à son ordre, désigne, selon la volonté du tireur, le titulaire du compte comme bénéficiaire (Cass. Com., 1 décembre 2015, pourvoi n° 14-22.703).
Il ressort de la copie recto/verso du chèque litigieux que ce chèque comporte la signature de M. [Y], le montant de 10 000 euros en lettres et en chiffres ainsi qu’une date et un lieu. Le verso comporte deux séries de chiffres superposées, la série du haut étant précédée de la mention « FACT ». Ces deux séries de chiffres sont suivies d’une signature qui ne permet pas de déchiffrer le nom du signataire.
Le chèque ne comporte aucune surcharge ni rature pouvant laissant supposer l’existence d’une falsification. M. [Y] indique qu’il avait apposé lui-même l’une des séries de chiffres et que la mention « FACT » a été apposée devant cette série qui représentait en réalité le numéro de compte de son frère auprès de la banque Boursorama. L’examen des deux séries de chiffres ne permet pas à un agent normalement diligent de déterminer que ces chiffres auraient été écrits par deux personnes différentes.
L’absence de bénéficiaire ne peut constituer une anomalie dès lors que le chèque sans indication du bénéficiaire vaut comme chèque au porteur.
Il en résulte que le chèque litigieux ne comportait aucune anomalie qu’auraient dû déceler les banques défenderesses.
Dès lors, M. [Y] n’établit pas la faute qu’aurait commise la Banque Postale et la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France dans l’encaissement du chèque litigieux.
Par conséquent, ses demandes d’indemnisation seront rejetées.
3. Sur les frais du procès
L’article 695 du code de procédure civile énumère les frais du procès qui entrent dans la catégorie des dépens. Il est de principe que les dépens sont à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Partie perdante au procès, M. [Y] sera condamné au paiement des entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Il sera également condamné à payer la somme de 1 000 euros à chacune des banques défenderesses afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens qu’elles ont dû exposer afin d’assurer la défense judiciaire de leurs intérêts, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
REJETTE l’ensemble des demandes de M. [A] [Y] ;
CONDAMNE M. [A] [Y] au paiement des entiers dépens ;
CONDAMNE M. [A] [Y] à payer la somme de 1 000 euros à la société anonyme La Banque Postale ainsi que la somme de 1 000 euros à la société anonyme Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;

RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 24 janvier 2024.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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