Accord de confidentialité : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Bourges RG n° 21/00951

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Accord de confidentialité : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Bourges RG n° 21/00951
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COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

– la SCP AVOCATS CENTRE

– Me [N] [D]

– la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS

LE : 24 NOVEMBRE 2022

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

N° – Pages

N° RG 21/00951 – N° Portalis DBVD-V-B7F-DMIA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 29 Juillet 2021

PARTIES EN CAUSE :

I – S.A.S. LES VIGNOBLES [Z], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 5]

[Localité 4]

N° SIRET : 804 890 994

Représentée par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par de la SELARL C2S, avocat au barreau de PARIS

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 31/08/2021

II – M. [L] [H]

né le 23 Juillet 1966 à [Localité 1]

[Adresse 6]

[Localité 2]

– Mme [O] [R] veuve [H]

née le 04 Décembre 1941 à [Localité 10]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentés par Me Marie MANDEVILLE, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par la SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés – DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

timbre fiscal acquitté

INTIMÉS

24 NOVEMBRE 2022

N° /2

III – S.C.E.V. [Adresse 7], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 3]

[Localité 1]

N° SIRET : 334 472 982

Représentée par la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par la SELARL DELSOL AVOCATS, Avocat au Barreau de PARIS

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

24 NOVEMBRE 2022

N° /3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WAGUETTE Président de Chambre

M. PRINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ :

La société [Z] Fournier est la holding de tête des sociétés du groupe [Z] Fournier, sociétés spécialisées dans la production et le négoce des vins du Centre Loire, notamment les appellations ‘Sancerre’, Pouilly Fumé’ et ‘Menetou Salon’.

M. [L] [H] est associé exploitant et gérant de la SCEV [H] [J] et Fils.

[J] [H], associé non exploitant de la SCEV de même que son épouse, est décédé le 1er février 2019, Mme [O] [R] veuve [H] est venue à ses droits.

La SCEV [H] [J] et Fils exploite au total 8ha 68a 42ca de parcelles en nature de vignes situées sur les communes de [Localité 1] et [Localité 8].

Ayant le projet de céder la propriété du domaine viticole [H] ainsi que divers actifs immobiliers, les consorts [H] ont donné mandat de conseil et d’assistance au cabinet d’avocats de Maîtres [N] et [V] [D] dans le cadre de ce projet de cession. S’en est suivi, le 7 janvier 2019, un accord de confidentialité et d’exclusivité (jusqu’au 25 janvier 2019) de pourparlers contractuels pour une cession du domaine [H] à la société [Z] Fournier.

Le 22 janvier 2019, la société [Z] Fournier a adressé une lettre d’intention à M. [L] [H], gérant de la SCEV [H] [J] et Fils. Les consorts [H] estimant le prix proposé trop peu élevé, la société [Z] Fournier a émis, le 25 janvier 2019, une seconde offre de 315.000 € par hectare. Le même jour, Me [D] a indiqué à la société [Z] Fournier :’je vous fais part de la contre-proposition non négociable qui serait acceptée par la famille [H] et nécessite un effort financier complémentaire de votre part pour arriver à un prix global de 3.600.000 € + 5% HT honoraires de mandat (180.000 HT)’. Cette offre a été acceptée le même jour par la société [Z] Fournier.

Me [D] a informé la société [Z] Fournier que ‘la famille [H] est d’accord sur votre offre (3.600.000 € HT + 180.000 € HT frais de mandat)”.

Toutefois, après inclusion du stock des vins issus de la récolte 2018, la famille [H] est revenue sur son offre, sollicitant un prix global de 3.625.000 €.

Me [D] a avisé la société [Z] Fournier que son offre avait bien été retenue et que la période d’exclusivité était prorogée pour permettre la signature d’un protocole d’accord.

Le 20 février 2019, la société [Z] Fournier a reçu communication du projet de protocole établi par Me [D].

Le 28 février 2019, les consorts [H] ont refusé d’acter la vente, considérant que les modifications apportées au protocole par la société [Z] Fournier étaient substantielles.

Suivant acte d’huissier en date du 25 juillet 2019, la société [Z] Fournier a fait assigner M. [L] [H], Mme [O] [H] et la SCEV [H] [J] & Fils devant le Tribunal judiciaire de Bourges aux fins de voir, en l’état de ses dernières écritures,

– Rejeter l’intégralité des demandes des consorts [H] et de la SCEV [H] [J] et Fils,

– Constater l’accord ferme et définitif intervenu entre M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de M. [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [H] [J] et Fils, d’une part, et la société [Z] Fournier d’autre part sur la cession du domaine viticole [H] tel que décrit dans la plaquette de présentation, incluant le stock de vins issus de la récolte 2018, pour le prix global de 3.625. 000 €,

Par conséquent,

– Constater que la SCEV [H] [J] et Fils était partie à la cession,

– Dire et juger que la vente survenue entre M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de M. [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [H] [J] et Fils, d ‘une part, et la société [Z] Fournier d ‘autre part, était parfaite ;

– Ordonner la réalisation de la vente sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir entre les parties ;

– Ordonner la délivrance à la société [Z] Fournier du domaine viticole [H] tel que décrit dans la plaquette de présentation ;

– Ordonner la délivrance à la société [Z] Fournier du stock de vins issus de la récolte 2018 ;

– Rejeter la demande de condamnation pour procédure abusive formulée par les consorts [H] ;

par ailleurs et en tout état de cause,

– Condamner solidairement M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] ainsi que la SCEV [H] [J] et Fils à verser la somme de 3.000 € chacun à la société [Z] Fournier au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner solidairement M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] ainsi que la SCEV [H] [J] et Fils aux entiers dépens,

– Ordonner l’exécution provisoire.

En réplique, M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H] ont demandé au Tribunal de :

– débouter la société [Z] Fournier de l’intégralité de ses demandes,

– condamner la société [Z] Fournier à verser à M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H] la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner la société [Z] Fournier à verser à M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H] la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société [Z] Fournier aux entiers dépens.

Pour sa part, la SCEV [H] [J] et Fils a demandé au Tribunal de:

– débouter la société [Z] Fournier de l’intégralité de ses demandes,

– condamner la société [Z] Fournier à verser à la SCEV [H] [J] et Fils la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société [Z] Fournier aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Sorel & Associés, avocat.

Par jugement contradictoire du 29 juillet 2021, le Tribunal judiciaire de Bourges a :

– Dit que la SCEV [H] [J] et Fils était partie aux pourparlers de cession du domaine [H],

– Dit qu’avaient échoué les pourparlers engagés entre la société [Z] Fournier, d ‘une part, et M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de M. [J] [H] décédé et la SCEV [H] [J] et Fils, d ‘autre part, en vue de parvenir à la vente du domaine [H],

– Débouté la société [Z] Fournier de l ‘intégralité de ses demandes, tant à l’égard de M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H], qu ‘à l’égard de la SCEV [H] [J] et Fils,

– Dit que la société [Z] Fournier n’avait pas commis d’abus du droit d’agir en justice,

– Débouté M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H] de leur demande de dommages et intérêts du chef de procédure abusive,

– Condamné la société [Z] Fournier à payer la somme de 5.000 €, ensemble à M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H], outre 3.000 € à la SCEV [H] [J] et Fils, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Débouté la société [Z] Fournier de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile dirigées à l’encontre de M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] et de la SCEV [H] [J] et Fils,

– Ordonné l’exécution provisoire,

– Condamné la société [Z] Fournier aux dépens de l’instance.

Le Tribunal a notamment retenu qu’il était entendu entre les parties qu’un protocole d’accord devait suivre la première rencontre des volontés afin de préciser très exactement chaque composante de la chose vendue, notamment le prix de chacun des éléments avec leur financement, que la finalisation du protocole conditionnait l’aboutissement à la vente parfaite, que la société [Z] Fournier avait amendé le protocole, établi selon les attentes de M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H], sur plusieurs points majeurs, que la rencontre des volontés avait dès lors échoué en se brisant sur plusieurs éléments déterminants de la vente, que les consorts [H] avaient en conséquence recouvré toute liberté quant à la destination de leur bien, et qu’il était tacitement entendu que M. [L] [H], gérant de la SCEV [H] [J] et Fils, agissait au nom et pour le compte de celle-ci.

La société [Z] Fournier a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 1er septembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 juin 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la SAS Vignobles [Z], anciennement dénommée [Z] Fournier, demande à la Cour, au visa des articles 1113, 1118, 1217, 1366, 1367 et 1583 du code civil, de :

DECLARER la SAS Les Vignobles [Z] recevable et bien fondée en son appel et ses demandes et y faire droit ;

INFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Bourges en date du 29 juillet 2021 en ce qu’il a :

o rejeté les demandes de la SAS Les Vignobles [Z] et notamment celles tendant à la constatation de la perfection de la vente et à son exécution forcée sous astreinte ;

o Condamné la SAS Les Vignobles [Z] à payer la somme de 5.000 €, ensemble, à M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H], outre 3.000 € à la SCEV [Adresse 7] (anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant de nouveau :

DECLARER qu’un accord ferme et définitif est intervenu entre M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [Adresse 7] (anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils), d’une part, et la SAS Les Vignobles [Z], d’autre part sur la cession du domaine viticole [H] tel que décrit dans la plaquette de présentation, incluant le stock de vins issus de la récolte 2018, pour le prix global de 3.625.000 euros ;

Par conséquent,

DÉCLARER que la vente survenue entre M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [Adresse 7] (anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils), d’une part, et la SAS Les Vignobles [Z], d’autre part, est parfaite ;

ORDONNER la réalisation de la vente sous astreinte de 5.000 euros (CINQ MILLE) par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir entre les Parties ;

ORDONNER la délivrance à la SAS Les Vignobles [Z] du domaine viticole [H] tel que décrit dans la plaquette de présentation ;

ORDONNER la délivrance à la SAS Les Vignobles [Z] du stock de vins issus de la récolte 2018 ;

Si par extraordinaire, la Cour de Céans devait écarter la demande de la SAS Les Vignobles [Z] de voir ordonner l’exécution forcée de la vente sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard, elle devra néanmoins :

CONDAMNER solidairement M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [Adresse 7] (anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils) à verser à la SAS Les Vignobles [Z] une indemnité égale à la valeur du Domaine [H] soit la somme de 3.625.000 € ;

CONDAMNER solidairement M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [Adresse 7] (anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils) à verser à la SAS Les Vignobles [Z] la somme totale de 678.248,65 € en indemnisation des préjudices subis, répartis comme suit :

o Gain manqué : 468.328,65 € ;

o Préjudice financier : 84.920 € ;

o Préjudice d’image : 100.000 € ;

o Préjudice moral : 25.000 € ;

Par ailleurs et en tout état de cause :

CONDAMNER M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [Adresse 7] (anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils) à verser la somme de 5.000 euros chacun, à la SAS Les Vignobles [Z] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER solidairement M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [Adresse 7] (anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils) aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 2 juin 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’ils développent, M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H] demandent à la Cour, au visa des articles 1113 et suivants, 121 7, 1221, 1367 et 1583 du code civil, 564 et 565 du code de procédure civile, 6.2 et 6.3 du Règlement Intérieur National, de :

A titre principal,

DÉBOUTER la SAS Les Vignobles [Z] de l’intégralité de ses demandes,

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Bourges le 29 juillet 2021 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la demande d’exécution forcée en nature de la vente du domaine [H] au bénéfice de la SAS Les Vignobles [Z] n’est plus possible,

DIRE ET JUGER que la demande indemnitaire formulée par la SAS Les Vignobles [Z], à hauteur de 678.248,65 € en réparation des prétendus préjudices subis, constitue une prétention nouvelle en cause d’appel,

DÉCLARER irrecevable la demande indemnitaire présentée par la SAS Les Vignobles [Z] tendant à faire condamner solidairement M. [L] [H], Mme [O] [R] veuve [H] venant aux droits de [J] [H] décédé, ainsi que la SCEV [Adresse 7] à lui verser la somme totale de 678.248,65 € en indemnisation des prétendus préjudices subis,

En tout état de cause,

CONDAMNER la SAS Les Vignobles [Z] à verser à M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H] la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la SAS Les Vignobles [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de l’EIRL Terrajuris, Avocat, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 juin 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la SCEV [Adresse 7], anciennement dénommée SCEV [H] [J] et Fils, demande à la Cour de :

A titre principal,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions et DÉBOUTER la SAS Les Vignobles [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SCEV [Adresse 7],

A titre subsidiaire,

DÉBOUTER la SAS Les Vignobles [Z] de sa demande tendant à voir ordonner l’exécution forcée de la vente sous astreinte,

En tout état de cause,

DÉBOUTER la SAS Les Vignobles [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SCEV [Adresse 7],

CONDAMNER la SAS Les Vignobles [Z] à payer à la SCEV [Adresse 7] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la SAS Les Vignobles [Z] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Hervé Rahon, Avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2022.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «dire et juger», «déclarer», «rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de «donner acte», qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice. 

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire présentée par la SAS Les Vignobles [Z] :

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la demande indemnitaire présentée par la SAS Les Vignobles [Z] peut être considérée comme tendant aux mêmes fins que celles qu’elle a formulées en première instance, et implicitement contenues dans celles-ci, cette demande visant à se voir reconnaître bénéficiaire d’une vente parfaite et à pallier une éventuelle impossibilité d’exécution forcée de ladite vente.

Elle sera donc jugée recevable.

Sur la demande principale en vente forcée présentée par la SAS Les Vignobles [Z] :

Aux termes de l’article 1101 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

L’article 1113 du même code énonce que le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.

Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

L’article 1583 du même code dispose que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.

L’article 1217 du même code prévoit que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

En l’espèce, il est nécessaire d’examiner les pièces de nature contractuelle ainsi que les échanges de courriers et courriels survenus entre les parties afin de déterminer la nature et l’étendue des engagements de chacun.

L’accord de confidentialité et d’exclusivité conclu le 7 janvier 2019 entre M. [L] [H] et M. [C] [Z], représentant la SAS [Z] Fournier, prévoyait au profit de celle-ci une exclusivité de négociation dans le cadre de la vente du domaine [H] jusqu’au 25 janvier 2019, et la signature d’un protocole d’accord ‘si un accord est trouvé sur le périmètre et le montant de la transaction’.

Le 22 janvier 2019, la société [Z] Fournier a directement adressé à M. [L] [H] une lettre d’intention matérialisant son offre d’achat de l’ensemble des actifs détenus par la SCEV Domaine [H] [J] et Fils au prix de 3.264.000 euros, mentionnant notamment comme condition préalable et suspensive à la réalisation de l’opération l’accord sur le financement de l’acquisition et prévoyant une exclusivité de négociation jusqu’au 31 mai 2019. Cette lettre n’a pas été contresignée par M. [H] et a suscité l’envoi d’un courriel à M. [Z] par Me [D], le 24 janvier suivant,

rappelant la nécessité de faire transiter tout échange par son cabinet, conformément à la méthode retenue lors d’un rendez-vous antérieur, et soulignant le désaccord des vendeurs sur le prix proposé ainsi que l’obligation d’intégrer à toute offre ultérieure les honoraires de son cabinet, à hauteur de 5 % HT du montant global de l’acquisition.

M. [Z] a ensuite, le 25 janvier 2019, adressé à Me [D] un courriel indiquant son acceptation d’une révision à la hausse du prix de l’hectare, mais son désaccord quant au mode de calcul de l’offre à partir du prix du vignoble et du renouvellement des baux, et précisant, concernant les honoraires de son cabinet, que ‘les 5 % de frais d’honoraires vous seront versés par nous sur le montant de la transaction’.

Par courriel daté du même jour, Me [D] a indiqué à M. [Z] : ‘je vous fais part de la contre-proposition non négociable qui serait acceptée par la famille [H] et nécessite un effort financier complémentaire de votre part pour arriver à un prix global de 3.600.000 € + 5% HT honoraires de mandat (180.000 HT)’.

Cette offre a été acceptée le même jour par M. [Z], par courriel demandant l’inclusion du reste du stock de vins 2018 et remarquant l’inclusion du loyer du hangar dans les honoraires de Me [D], bien que l’offre antérieure n’ait rien mentionné de tel.

Par courriel du même jour, Me [D] a informé M. [Z] que ‘la famille [H] est d’accord sur votre offre (3.600.000 € HT + 180.000 € HT frais de mandat” et sollicité son accord quant à l’attribution de la récolte 2018 à la SCEV et de la récolte 2019 à la SAS [Z] Fournier ainsi qu’au devenir des emprunts bancaires de la SCEV. Ce courriel précisait qu’à réception d’un accord de M. [Z] sur ces points, elle lui confirmerait ‘l’accord ferme de la famille [H], et le renouvellement d’une période d’exclusivité, permettant de parvenir à la signature d’un protocole d’accord’.

Par courriel du 28 janvier 2019, Me [D] a informé M. [Z] qu’en raison de l’inclusion du stock des vins issus de la récolte 2018 au projet de cession, ‘la famille [H] est prête à accepter une offre, stocks inclus, à hauteur de 3.625.000 euros […] + frais de mandat (180.000 euros HT)’. Ce courriel sollicitait l’accord ferme de M. [Z] quant à la ventilation proposée sur le prix, rappelait que conformément à ce qui avait été convenu lors d’un entretien à son cabinet, ‘aucune condition suspensive de financement ne sera stipulée’, que le protocole d’accord à venir développerait les éléments tenant à l’absence de condition suspensive (financement, audit préalable, autorisation d’exploiter) et indiquait que la signature dudit protocole pourrait intervenir dans un délai d’un mois, ce qui impliquait un renouvellement de la période d’exclusivité, une réponse rapide étant attendue afin de maintenir cette dernière.

Par courriel du 30 janvier 2019 (14 h 44), Me [D] a avisé M. [Z] que son offre avait bien été retenue et que la période d’exclusivité était prorogée jusqu’à la fin du mois de février 2019 afin de permettre la signature ‘d’un protocole de cessions valant promesses synallagmatiques de ventes et d’achats’ courant février 2019.

Par courriel daté du même jour (15 h 10), M. [Z] a répondu à ce courriel en affirmant avoir besoin d’un document signé ‘de la part des [H]’ afin de ‘lancer’ ses propres procédures.

Le projet de protocole établi par Me [D] a été communiqué à M. [Z] par courriel du 20 février 2019.

Par courriel du 28 février 2019, Me [D] a indiqué avoir reçu le projet de protocole modifié par les conseils de la SAS [Z] Fournier, comportant ‘de multiples modifications très substantielles, et qui ne sauraient être prises en compte’. Ce courriel évoquait la nécessité de lui confirmer avant le lendemain la tenue d’une réunion, le 4 mars 2019, faute de quoi l’exclusivité accordée à la SAS [Z] Fournier prendrait fin, et mentionnait le refus de la conclusion d’un crédit-bail en lieu et place d’un bail, de toute interférence des diligences des conseils de la SAS [Z] Fournier sur les frais de mandat convenus, de toute modification de la ventilation de prix proposée et d’un report des délais fixés par le protocole d’accord initial pour réaliser les acquisitions de biens immobiliers.

Les courriels émis les 25, 28 et 30 janvier 2019 par Me [D] au représentant de la SAS [Z] Fournier mentionnent expressément la nécessité de renouveler la période d’exclusivité accordée à la SAS [Z] Fournier.

Il peut d’ores et déjà être observé qu’une telle exclusivité ne se conçoit qu’au sujet d’un bien considéré comme étant toujours proposé à la vente, ce qui est antinomique de la notion de vente parfaite alléguée par la SAS Les Vignobles [Z] dans le cadre de la présente instance. Cet élément interdit à la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) de pouvoir légitimement soutenir avoir cru la vente conclue dès le 28 janvier 2019.

De même, l’exigence par M. [Z] d’un document signé par les consorts [H], le 30 janvier 2019 et postérieurement à la réception du courriel de Me [D] l’ayant informé que son offre avait été retenue, indique qu’au regard des ‘propres procédures’ à diligenter par la SAS [Z] Fournier, la simple mention d’une ‘offre retenue’ dans un courriel émis par le conseil des consorts [H] ne pouvait suffire à constituer un engagement suffisamment ferme à ses yeux.

En outre, l’évocation par Me [D], le 30 janvier 2019, de la signature future ‘d’un protocole de cessions valant promesses synallagmatiques de ventes et d’achats’ s’interprète également dans le même sens, une promesse synallagmatique de vente n’ayant nullement vocation à faire suite à une vente d’ores et déjà parfaite. Là encore, l’exigence par M. [Z] d’un document signé par les consorts [H] en réponse à ce courriel ne peut permettre de considérer que la SAS [Z] Fournier ait alors estimé avoir d’ores et déjà conclu une vente parfaite. Cette exigence fait au demeurant écho à la mention répétée, dans l’accord de confidentialité et d’exclusivité du 7 janvier 2019, puis dans les courriels de Me [D] des 25, 28 et 30 janvier 2019, de la nécessité de signer un protocole d’accord à l’issue des négociations, qui ne pouvait ainsi que confirmer à la SAS [Z] Fournier et à son représentant que cette étape était impérative aux yeux de leurs cocontractants potentiels.

Par ailleurs, ainsi que l’ont avec pertinence relevé les premiers juges, la rencontre des volontés (offre et acceptation), pour pouvoir prétendre à la perfection d’une vente, doit s’être faite sur les conditions essentielles (en particulier l’objet et le prix) du contrat, surtout lorsqu’il s’agit de la vente d’un ensemble complexe.

L’examen du projet de protocole dans sa version amendée par la SAS [Z] Fournier révèle que plusieurs points, dont certains avaient notamment fait l’objet de discussions antérieures entre les parties, ont fait l’objet de modifications importantes :

– sur le financement de l’acquisition du domaine par la SAS [Z] Fournier : l’accord des parties quant aux modalités de financement de l’opération est entré dans le champ contractuel, ainsi qu’il ressort de la lettre d’intention du 22 janvier 2019 que la SAS [Z] Fournier entendait faire contresigner par M. [L] [H] qui mentionnait cet accord au nombre des conditions suspensives à prévoir. La candidate à l’acquisition

ne peut ainsi prétendre avoir ignoré l’importance aux yeux des vendeurs des modalités de financement à convenir. Le courriel émis par Me [D] le 28 janvier 2019 rappelait le refus des consorts [H] de toute condition suspensive de financement. Le refus des consorts [H] du recours à un emprunt pour financer cette acquisition et l’importance des conditions de financement dans le processus de cession était ainsi connu de chacune des parties.

Or le projet de protocole modifié indique, en ses pages 12 et 13, que ‘le montant correspondant à cette acquisition sera versé de la manière suivante :

– par la Société [Z] Fournier dans le cadre de l’augmentation de capital réservée […]

– par l’obtention d’un ou plusieurs prêts bancaires obtenus par la Société [Z] Fournier au nom et pour le compte de la société SCEV [H], Monsieur [L] [H] en sa qualité de gérant actuel s’engageant à signer tous documents en vue de l’obtention de ce prêt mais à la condition qu’ils soient préparés par la Société [Z] Fournier.

La société [Z] Fournier déclare avoir obtenu à ce sujet un pré-accord des organismes bancaires.’

La clause ainsi rédigée permet donc, voire institue, un recours à l’emprunt pourtant expressément exclu par les consorts [H] dans le cadre des négociations, et une participation active de M. [L] [H] à l’obtention de ce ou ces prêt(s).

Si la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) soutient, avec raison, que cette stipulation telle qu’elle est formulée ne correspond pas stricto sensu à une condition suspensive, elle autorise néanmoins l’acquéreur à recourir à l’emprunt. Le vendeur qui exige un financement sans recours à l’emprunt souhaite incontestablement ne contracter qu’avec un acquéreur disposant de fonds propres lui permettant d’acquitter intégralement et rapidement le montant de l’acquisition projetée. La stipulation litigieuse, en autorisant l’acquéreur à recourir à l’emprunt, n’offre pas à cet égard de garantie équivalente, et oblige M. [L] [H] à se conformer à tout projet en ce sens et à engager sa responsabilité en qualité de gérant de la SCEV.

Le fait que la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) estime justifier en cause d’appel de la détention, au moment des pourparlers, des fonds propres nécessaires à l’acquisition projetée sans nécessiter de recours à l’emprunt et affirme n’avoir prévu de procéder à cette dernière mesure qu’à titre de refinancement ultérieur (ce qui ne se déduit nullement du libellé de la clause concernée) est sans emport, dès lors qu’il ne s’agit ici que de déterminer si le mode de financement de l’acquisition constituait une condition essentielle aux yeux des consorts [H] et si les volontés des parties se sont rencontrées sur ce point. L’affirmation selon laquelle elle n’entendait pas solliciter la garantie personnelle de M. [L] [H] dans le cadre des démarches d’obtention de prêt auxquelles cette clause l’aurait obligé n’est étayée d’aucun élément de preuve et aucune déduction ne peut être tirée en ce sens de la formulation de la stipulation en cause ;

– sur le règlement des honoraires de mandat du cabinet [D] : le document de présentation de la cession du domaine comme les courriels émis les 24, 25 et 28 janvier 2019 par Me [D] mentionnent tous l’inclusion dans les clauses contractuelles du règlement par le cessionnaire à son cabinet de frais de mandat s’élevant à 5 % HT du montant de l’opération, soit 180.000 euros HT. Cette stipulation a été admise par M. [Z] aux termes de son courriel du 25 janvier 2019. Pour autant, il ne peut

qu’être constaté que le projet de protocole modifié par la SAS [Z] Fournier mentionne, en page 14, que ce montant de 180.000 euros HT comprendra non seulement les honoraires des Mes [D], mais également ceux de Me [I] et de Me [A].

La SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) affirme sans le démontrer que le partage ‘équitable’ des honoraires correspond à un usage de la profession d’avocat en la matière. Elle assure en outre qu’il a toujours été dans ses intentions de s’acquitter du montant de ces honoraires, soit 180.000 euros HT, mais qu’elle s’est bornée à proposer une ‘ventilation’ de cette somme entre le cabinet [D] et ses propres conseils.

Toutefois, d’une part, la distinction sémantique introduite par la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) entre les verbes ‘proposer’ et ‘imposer’ au motif qu’elle n’aurait pas eu le pouvoir d’imposer une telle ‘ventilation’ à ses cocontractants potentiels est dépourvue de pertinence, dans la mesure où la question est de savoir si le paiement de cette somme précise au cabinet [D] a toujours reçu l’assentiment commun des parties. L’inclusion par la SAS [Z] Fournier dans son projet modificatif d’une clause introduisant le principe du partage de cette somme entre le cabinet [D] et ses propres conseils permet de répondre par la négative.

D’autre part, la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) ne peut sérieusement soutenir que le partage ‘équitable’ de cette somme entre le cabinet [D] et ses propres conseils n’aurait nullement pu amener les consorts [H] à devoir régler eux-mêmes la différence (égale au montant des honoraires des conseils de la SAS [Z] Fournier, soit 90.000 euros ainsi qu’en conviennent toutes les parties en leurs écritures) au cabinet [D], dès lors que le pourcentage de ces honoraires au regard du montant total de l’opération était prévu au mandat du 26 novembre 2018.

Si la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) estime que le document de présentation du projet du 18 décembre 2018 établit une distinction entre le prix de la chose à céder et les honoraires du cabinet [D], il ne peut qu’être observé que cette différenciation ne peut avoir été formulée dans le but de préjudicier aux vendeurs et que sur le plan pratique, la perspective d’avoir ou non à acquitter soi-même une somme conséquente de 90.000 euros ne peut être considérée comme ayant nécessairement constitué un élément accessoire du projet et non déterminant du consentement des cédants à s’engager dans ces conditions envers la SAS [Z] Fournier, le montant revenant au final aux vendeurs s’en trouvant sensiblement modifié.

La SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) soutient enfin avoir ‘renoncé à cette suggestion’. La simple lecture du courriel émis par M. [Z], le 29 mai 2019 soit trois mois après la modification en ce sens du projet de protocole initial, laisse toutefois apparaître une mention selon laquelle le montant de 180.000 euros HT correspondant aux frais de mandat serait réparti entre les conseils des parties. La persistance de ce point de désaccord est ainsi établie.

Il peut à titre surabondant être relevé que la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier), en ses écritures, avance que les éléments qu’elle qualifie elle-même d’accessoires (par opposition aux éléments essentiels, à savoir le prix et la chose) ‘n’ont jamais fait l’objet d’une négociation et ont été réservés’, remarque qui ne saurait s’appliquer aux honoraires du cabinet [D] qui ont fait l’objet des échanges ci-dessus rappelés, d’une acceptation par M. [Z] puis d’une modification particulièrement substantielle dans le projet amendé par la SAS [Z] Fournier. Il ne saurait ainsi être valablement soutenu que les honoraires litigieux n’entraient pas dans le périmètre du prix à convenir entre les parties ;

– sur la conclusion d’un bail concernant le hangar métallique : le projet modifié par la SAS [Z] Fournier substitue au bail civil antérieurement évoqué un crédit-bail (pages 8, 14, 15), disposition qui suppose l’intervention d’un tiers extérieur aux parties au contrat sans pour autant qu’il ne soit identifié dans le projet. À aucun moment durant les pourparlers, il n’a été évoqué de telle intervention, la volonté des cédants quant au financement ayant visé, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, à parvenir à une transaction strictement bipartite. L’intervention d’une partie tierce au contrat envisagé, à quelque titre que ce soit, ne peut être considérée comme constituant un élément de détail ;

– sur la garantie d’actif et de passif : le projet de protocole modifié par la SAS [Z] Fournier porte de 300.000 à 500.000 euros le plafond global de garantie (page 20) ;

– sur la perception par la SAS [Z] Fournier de l’intégralité des bénéfices dégagés par la SCEV [H] pour l’exercice 2019 : le projet de protocole modifié par la SAS [Z] Fournier mentionne que les titres seront cédés ‘coupon attaché’, ce qui implique une affectation des bénéfices au cessionnaire pour l’exercice entier et non seulement à compter du jour de la cession effective. Néanmoins, à défaut de précision durant les pourparlers ou dans le projet initial quant à leur affectation, il ne peut être présumé que les cédants aient nécessairement entendu bénéficier des dividendes de l’exercice concerné jusqu’au jour de la cession, les dividendes n’ayant pas d’existence juridique avant l’approbation des comptes de l’exercice par l’assemblée générale.

Par leur importance en termes d’enjeux financiers et/ou telle qu’expressément signifiée par les consorts [H] dans le cadre des pourparlers, les deux premiers points (modalités du financement de l’acquisition envisagée et règlement des honoraires de mandat du cabinet [D]) doivent être considérés comme déterminants du consentement des vendeurs à la cession envisagée. Les modifications apportées au projet de protocole par la SAS [Z] Fournier démontrent que les volontés ne se sont jamais rencontrées sur ces points essentiels, déterminants de la volonté des consorts [H] de contracter avec la SAS [Z] Fournier.

La conclusion d’un crédit-bail en lieu et place d’un bail et l’élévation de 200.000 euros du plafond de garantie d’actif et de passif constituent quant à eux des points dont l’importance juridique et financière aurait nécessité des négociations entre les parties, sans pour autant qu’ils soient déterminants de la consistance de la chose et du prix.

Les modifications apportées au projet de protocole concernant la modification de la date de réitération au 30 juin au lieu du 31 mai 2019, avec suppression de la sanction de caducité du protocole (page 13), et le remboursement par M. [L] [H] à la SCEV des charges sociales supportées sur sa rémunération de co-gérant pour l’année 2019 (page 10) peuvent être considérées comme des éléments accessoires.

Il peut être ajouté que le courriel du 4 mars 2019 de M. [Y], maître de chai de la SAS [Z] Fournier, évoquant une ‘ébauche de protocole provisoire’ et la perspective de l’échange entre les parties d’une ‘nouvelle proposition’ dans les jours à venir, et le courriel intitulé ‘confirmation de l’offre d’acquisition du domaine [H]’ émis le 29 mai 2019 par M. [Z] mais différant sur plusieurs points du projet de protocole antérieurement discuté (garantie d’actif et de passif assortie d’une garantie bancaire à première demande, nouvelle répartition du prix et surtout abandon des demandes tendant à faire recourir la SCEV [H] à l’emprunt), démontrent tant par leur forme que par leur contenu qu’il ne pouvait être considéré par les parties que la vente ait été parfaite à compter du 28 janvier 2019, étant rappelé une nouvelle fois que le refus du recours à l’emprunt constituait un élément déterminant du consentement des consorts [H] ainsi qu’il a été démontré précédemment.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments, sans qu’il soit besoin de répondre à l’argumentaire développé par les parties quant à la force probante des signatures, à l’absence de tampon sur l’une des pièces, au pouvoir de représentation de la SAS [Z] Fournier par M. [Z] et à l’étendue du mandat confié au cabinet [D], que les échanges survenus entre les parties entre le 7 et le 30 janvier 2019 ne satisfont pas aux conditions posées par les articles 1113 et 1583 du code civil, que la vente ne peut ainsi être considérée comme parfaite, qu’elle ne s’est au contraire jamais réalisée et que les consorts [H] ont légitimement pu mettre fin à la période d’exclusivité consentie à la SAS [Z] Fournier à compter du 1er mars 2019.

Il convient en conséquence de débouter la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) de l’intégralité de ses demandes tendant à l’exécution forcée ou par équivalent sous astreinte de la vente litigieuse et de confirmer le jugement entrepris en ce sens.

Sur la demande indemnitaire présentée par la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) :

Aux termes de l’article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

En l’espèce, aucun manquement aux obligations leur incombant dans le cadre de leurs relations contractuelles avec la SAS [Z] Fournier ne peut être reproché aux consorts [H] ou à la SCEV [H], devenue SCEV [Adresse 7].

La demande présentée à ce titre par la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier), qui n’établit pas par surcroît la réalité du préjudice moral qui résulterait pour elle de la diffusion au sein du milieu sancerrois de l’échec de la vente litigieuse ni ne caractérise d’atteinte à son image de marque, sera rejetée.

Sur l’article 700 et les dépens :

L’équité et la prise en considération de l’issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier), qui succombe en l’intégralité de ses prétentions, à verser aux consorts [H] la somme de 5.000 euros et à la SCEV [Adresse 7] la somme de 3.500 euros au titre des frais exposés en cause d’appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. La SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier), partie succombante, devra supporter la charge des dépens de l’instance d’appel, Me [S] et à l’EIRL Terrajuris, avocats, étant autorisés à recouvrer en priorité ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE recevable la demande indemnitaire présentée par la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) ;

Au fond,

CONFIRME le jugement rendu le 29 juillet 2021 par le Tribunal judiciaire de Bourges en l’intégralité de ses dispositions ;

Et y ajoutant,

DÉBOUTE la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) de sa demande indemnitaire ;

CONDAMNE la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) à verser à M. [L] [H] et Mme [O] [R] veuve [H] la somme de 5.000 euros et à la SCEV [Adresse 7] la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SAS Les Vignobles [Z] (anciennement SAS [Z] Fournier) aux entiers dépens de l’instance d’appel et autorise Me Hervé Rahon et l’EIRL Terrajuris, avocats, à recouvrer directement ceux dont ils auront fait l’avance sans avoir reçu provision préalable et suffisante.

L’arrêt a été signé par M.WAGUETTE, Président et par Mme [P], Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S. [P] L. WAGUETTE

 


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