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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 64B
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 OCTOBRE 2023
N° RG 21/04694 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UVAB
AFFAIRE :
[BV] [L]
…
C/
[T] [HK]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 11 Juin 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/03931
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Emilie GATTONE, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [BV] [L]
[Adresse 2]
[Localité 16]
Madame [I] [W]
[Adresse 3]
[Localité 25]
Madame [J] [M]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Madame [B] [C]
[Adresse 4]
[Localité 21]
Monsieur [X] [D]
[Adresse 13]
[Localité 17]
Monsieur [O] [E]
[Adresse 10]
[Localité 11]
Madame [R] [Z]
[Adresse 12]
[Localité 24]
Monsieur [S] [U] [OP]
[Adresse 9]
[Localité 15]
Madame [Y] [A]
[Adresse 6]
[Localité 18]
Madame [H] [N]
[Adresse 8]
[Localité 19]
SASU STAFFME
N° SIRET : 851 834 986
[Adresse 14]
[Localité 26]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211452
Représentant : Me Nicolas CONTIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0412
APPELANTS
SAS INFLUENS NETWORK
N° SIRET : 824 623 615
[Adresse 22]
[Localité 20]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211452 –
Représentant : Me Nicolas CONTIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0412
APPELANTS
****************
Madame [T] [HK]
[Adresse 7]
[Localité 23]
Représentant : Me Emilie GATTONE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 693
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Madame Florence SCHARRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme FOULON,
FAITS ET PROCEDURE
La société Staffme est une plateforme internet de mise en relation de travailleurs indépendants dénommés « staffers » avec des entreprises pour la réalisation de tous types de prestations de services ponctuelles.
La société Influens Network (ci-après « la société Influens ») est spécialisée en conseil en relations publiques et en communication.
Par acte d’huissier délivré le 11 juin 2020, les sociétés Staffme et Influens, ainsi que MM. [BV] [L], [X] [D], [S] [U] [OP], ainsi que Mmes [I] [W], [J] [M], [B] [C], [O] [V], [R] [Z], [H] [N], [K] [P] et [Y] [A] (ci-après « les staffers ») ont fait assigner Mme [T] [HK] au visa de l’article 1240 du code civil.
Par jugement du 11 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– condamné Mme [HK] à payer à Mme [P] la somme de 1 092 euros,
– rejeté le surplus des demandes indemnitaires,
– condamné Mme [HK] à payer à Mme [P] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [HK] aux dépens,
– rejeté toutes autres demandes,
– rappelé l’exécution provisoire de la présente décision,
– rappelé qu’en application des dispositions de l’article 478 du code de procédure civile, le jugement déféré deviendra non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date.
Par acte du 21 juillet 2021, M. [L], Mme [W], Mme [M], Mme [C], M. [D], M. [V], Mme [Z], M. [U] [OP], Mme [A], Mme [N], la société Staffme et la société Influens ont interjeté appel.
Par dernières écritures du 21 octobre 2021, les “staffers” et les sociétés Staffme et Influens prient la cour de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires formées par la société Staffme, la société Influens et les staffers (à l’exception de Mme [P])
En conséquence,
– dire que Mme [HK] a commis une faute civile au préjudice de la société Staffme, de la société Influens et de M. [V], M. [D], Mme [Z], M. [U] [OP], Mme [N], Mme [A], M. [L], Mme [W], Mme [M] et Mme [C],
– condamner Mme [HK] à payer :
* la somme de 2 100 euros au bénéfice de M. [V],
* la somme de 3 500 euros au bénéfice de M. [D],
* la somme de 1 224 euros au bénéfice de Mme [Z],
* la somme de 644 euros au bénéfice de M. [U] [OP],
* la somme de 3 220 euros au bénéfice de Mme [N],
* la somme de 2 940,84 euros au bénéfice de Mme [A],
* la somme de 2 805,6 euros au bénéfice de M. [L],
* la somme de 2 940 euros au bénéfice de Mme [W],
* la somme de 4 104 euros au bénéfice de Mme [M],
* la somme de 2 935,52 euros au bénéfice de Mme [C],
* la somme de 8 566,94 euros au bénéfice de la société Staffme,
* la somme de 1 000 euros au bénéfice de la société Influens,
En tout état de cause,
– condamner Mme [HK] à payer à la société Staffme, à la société Influens et à M. [V], M. [D], Mme [Z], M. [U] [OP], Mme [N], Mme [A], M. [L], Mme [W], Mme [M] et Mme [C] la somme globale de 4 000 euros à parfaire, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [HK] aux dépens de la présente instance.
Mme [HK] a constitué avocat mais n’a pas conclu.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023.
SUR QUOI :
Aux termes de l’article 1240 du code civil (ancien article 1382), ” tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”
Pour rejeter les demandes en paiement des travailleurs indépendants dits “staffers” autres que celle de Mme [P] formées à l’encontre de Mme [HK], le tribunal a considéré qu’ils n’apportaient pas suffisamment la preuve de la réalisation de leurs prestations sans mettre en doute le fait qu’ils avaient répondu à une demande de Mme [HK] passée par la plate-forme de la société Influens avec toutes les apparences de représenter et d’engager cette dernière.
C’est à bon droit que le tribunal a retenu que l’intimée a engagé sa responsabilité du fait personnel car il est apparu que de son aveu même, la société Influens n’avait demandé aucune mission aux appelants et qu’elle s’était servi des outils mis à sa disposition par la société Influens dans laquelle elle n’avait pas de fonction officielle pour solliciter les services des appelants.
Se présentant faussement comme munie d’un mandat de la société Influens spécialisée en conseil en relations publiques et en communication, elle a posté un certain nombre de missions sur le site internet de la société Staffme, en vue d’être mise en relation avec des travailleurs indépendants pour la réalisation de diverses prestations.
Dans un mail adressé à M. [L], elle lui demande de ne plus s’adresser à la société Influens pour le paiement de ses factures, société qui, selon elle, refuse légitimement de s’en acquitter, quoiqu’elle ne s’en explique pas plus avant .
Le paiement des factures demandé est bien en lien avec les prestations qui ont été effectuées à la suite de cette offre de missions déposées le 2 février 2020 sur la plate-forme de la société Staffme par Mme [HK] à laquelle ont répondu les appelants.
La faute et le lien de causalité de cette faute avec un préjudice financier possible sont donc avérés.
Mais il appartient effectivement à celui qui agit en responsabilité de rapporter la preuve de la réalité et de l’importance de son préjudice.
Or, l’intimée, au travers des courriels en mars et avril 2020 qu’elle a adressés et reçus de l’ensemble des appelants -sauf de Mme [H] [N]- s’entretient du travail déjà accompli par eux, détaille celui à venir jusqu’au 30 avril 2020, reconnaît envers chacun une dette et avance des explications obscures pour expliquer son retard de paiement. Elle fait de vagues promesses par des formules alambiquées en faisant appel à la patience, à la solidarité et à la correction de ses interlocuteurs pour annoncer un paiement futur par le biais d’une société à créer en lien avec une société anglaise dénommée Gossiperz.
Elle ne conteste jamais ni la réalité du travail accompli ni les sommes demandées par les appelants lorsqu’ils lui rappellent leurs factures, directement ou par l’intermédiaire de leur avocat commun, et feint de tenter de joindre ce dernier, désigné par ces travailleurs indépendants lorsque ceux-ci désespèrent de la démarche amiable, restée vaine. C’est ainsi que lorsque le conseil des appelants lui demande un premier paiement rapide et des garanties pour un éventuel échelonnement, elle demande ce que veut dire “rapide”.
Elle invoque tour à tour le confinement, les renseignements contradictoires émis par le greffe du tribunal de commerce, l’absence de réponse de sa banque ou “d’un de ses partenaires financiers” ou encore ” d’une personne plus qualifiée que moi en matière de création d’entreprise” pour expliquer les lenteurs de la création de la future société à “Paris 11” qui devrait assumer les futurs paiements.
En ce qui concerne M. [BV] [L], de nombreux mails datés des 13, 14 et 15 février 2022 échangés avec Mme [T] [HK] démontrent la mission confiée par l’intimée et sa progression.
Dans un mail du 2 mars 2020, Mme [T] [HK] évoque “la facturation” pour dire que “ce sera réglé dans la journée”.
Le 17 avril 2020, Mme [T] [HK] adresse par courriel à M. [L] comme à M. [S] [U] [OP], Mme [I] [W], Mme [K] [P], Mme [B] [C], M. [X] [D] des explications aux termes desquelles elle reconnaît le travail effectué “pour le compte de la société Gossiperz pendant de nombreuses semaines” , “travail qui n’a jamais été remis en question et ne le sera jamais”, annonce l’arrivée d’un paiement dont elle admet le retard à cause de difficultés liées à la création d’une succursale d’une “agence anglaise” et évoque “l’inquiétude et/ou la colère de certains staffeurs”.
Il appartient ainsi à l’intimée de prouver qu’elle a réglé une dette dont elle a reconnu le principe et n’a pas contesté l’étendue alors qu’elle a reçu l’ensemble des factures en temps et en heure, a été prévenue de l’action judiciaire par une mise en état émise par le conseil des appelants et une assignation à comparaître devant la cour.
En ce qui concerne Mme [I] [W], M. [S] [U] [OP], M. [X] [D], Mme [B] [C], M. [S] [U] [OP], ils ont reçu le même mail du 17 avril 2020 qui a été précédé de courriers écrits en février et mars 2020 à chacun d’eux au cours desquels l’intimée évoque le travail accompli et à accomplir.
Mme [W] par mail du 18 mars 2020 accepte expressément d’être payée par une agence anglaise après s’être plainte de ce que sa première facture avait été refusée par la société Influens.
Le jugement sera donc infirmé en ce qui les concerne comme pour M. [L].
Mme [T] [HK] qualifie le travail de Mme [J] [M] de bon dans un courriel du 5 mars 2020.
Dans de nombreux messages échangés entre Mme [Y] [A] et Mme [T] [HK], le travail de la micro-entrepreneuse est décortiqué.
En ce qui concerne M. [O] [V], Mme [T] [HK] admet dans un message du 6 mars 2020 qu’il a effectué “30 heures depuis le lundi 17 février” et que la mission se termine normalement le 30 avril , comme pour d’autres travailleurs.
En ce qui concerne Mme [R] [Z], Mme [T] [HK] admet dans un message du 6 mars 2020 qu’il a effectué “36 heures depuis le lundi 17 février” et que la mission se termine normalement le 30 avril , comme pour d’autres travailleurs.
En ce qui concerne Mme [H] [N], la cour ne trouve dans le dossier des appelants aucun document attestant de son travail .
En conséquence, le jugement sera infirmé sur les demandes principales formées par les micro-entrepreneurs sauf en ce qui concerne Mme [H] [N] qui n’apporte pas la preuve de la réalité de sa prestation .
Quant à la société Staffme, elle demande l’indemnisation de ses frais pour la mise en relation sur son site internet laquelle a indiscutablement permis le rapprochement commercial entre les appelants et l’intimée. Néanmoins, elle se contente de fournir des factures sans en expliquer le mode de calcul et en outre, force est de constater que la société n’a procédé à aucune vérification pour s’assurer de la simple qualité de Mme [T] [HK] à représenter la société Influens, exposant ainsi des travailleurs indépendants à réaliser des prestations pour le compte d’une personne particulière sans aucun répondant financier et sans lien contractuel avec la personne morale présentée comme donneuse d’ordres. Elle est ainsi partiellement à l’origine du dommage et doit être déboutée de ses demandes.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
La société Influens qui demande à être indemnisée de la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral reconnaît avoir accueilli M. [X] [D] et Mme [I] [W] dans ses locaux avec Mme [T] [HK] et en présence de son responsable digital, M. [F] [G], avoir assisté à la signature d’un accord de confidentialité au bas duquel Mme [HK] est désignée comme représentant la société Influens Network, avoir fourni à ces derniers une adresse mail pour communiquer avec Mme [HK] comportant le nom de la société ([Courriel 27]), de sorte qu’elle a contribué à la mise en scène qui a permis de tromper le consentement des “staffers” qui ont cru contracter avec la société Influens alors que ce n’était pas le cas. Tous ont été détrompés seulement quand ils ont envoyé leurs factures à la société Influens qui les a refusées.
M. [F] [G], dans son courrier adressé le 16 avril 2020, a annoncé porter plainte pour escroquerie contre Mme [T] [HK] mais n’en produit aucun justificatif.
En conséquence, ayant contribué à la réalisation du dommage, même involontairement, par simple imprudence, la demande indemnitaire de la société Influens doit être refusée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes :
Une demande globale au bénéfice des appelants sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile n’est pas possible.
Succombant, Mme [T] [HK] sera condamnée à payer à chacun et chacune de Mme [I] [W], M. [S] [U] [OP], Mme [B] [C], M. [X] [D] , Mme [R] [Z], Mme [Y] [A], M. [O] [V], M. [BV] [L], Mme [J] [M] la somme de 350 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle supportera les entiers dépens de l’instance d’appel.