Accord de confidentialité : 14 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04584

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Accord de confidentialité : 14 décembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/04584
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 28I

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2023

N° RG 22/04584

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJ5D

AFFAIRE :

S.A.R.L. [7]

C/

S.A.S. [8]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Juin 2022 par le Tribunal de Commerce de Versailles

N° RG : 2021R00150

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14.12.2023

à :

Me Hugues DAUCHEZ, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. [7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Hugues DAUCHEZ, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 654

Ayant pour avocat plaidant Me Valentine COUDERT, du barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.S. [8]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 2]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20220688

Ayant pour avocat plaidant Me François MAZON, du barreau de Marseille

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport, et Madame Marina IGELMAN, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.R.L. [7] exerce son activité dans la location d’installations et d’équipements pour chantiers, tout comme la S.A.S. [8] avec laquelle elle est en concurrence.

Le 18 février 2020, la société [7] a obtenu du président du tribunal de commerce de Versailles une ordonnance sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, l’autorisant à faire saisir, chez la société [8], divers documents susceptibles d’établir des actes de concurrence déloyale de la part de cette dernière, les documents saisis devant demeurer séquestrés entre les mains de l’huissier instrumentaire.

Les opérations ont été menées le 9 mars 2020 par Maître [C] [J], huissier instrumentaire.

Par acte délivré le 21 avril 2020, la société [8] a contesté l’ordonnance du 18 février 2020.

Le 17 février 2020, la société [8] a obtenu, du président du tribunal de commerce de Versailles une ordonnance sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, l’autorisant à faire saisir, chez la société [7], divers documents susceptibles d’établir des actes de concurrence déloyale de la part de cette dernière, les documents saisis devant demeurer séquestrés entre les mains de l’huissier instrumentaire.

Le constat a eu lieu les 5 et 10 mars 2020.

Par acte délivré le 3 avril 2020, la société [7] a contesté l’ordonnance du 17 février 2020.

Par ordonnances RG 2020R00076 et RG 2020R00078 rendues le 10 juillet 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a débouté la société [8] et la société [7] de leurs demandes respectives de rétractation des deux ordonnances mais limité les mots-clés et la période concernée pour l’ordonnance rendue à la demande de la société [7].

La société [7] a interjeté appel de l’ordonnance 2020R00078.

Parallèlement, les deux sociétés ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles de demandes de mainlevée des séquestres.

Par ordonnances du 9 septembre 2020, le juge des référés a ordonné la communication des éléments séquestrés le 9 mars 2020 à la société [7] et la communication des documents séquestrés les 5 et 10 mars 2020 à la société [8].

Les deux sociétés ont interjeté appel de ces ordonnances.

Par deux arrêts rendus le 27 mai 2021, la cour d’appel de Versailles a :

– confirmé l’ordonnance rendue le 10 juillet 2020 au profit de la société [8] ;

– infirmé les ordonnances du 9 septembre 2020 ;

– ordonné que les documents saisis dans les locaux de la société [8] en exécution de l’ordonnance rendue le 18 février 2020 par le tribunal de commerce de Versailles soient séquestrés en l’étude de Maître [C] [J], huissier de justice instrumentaire, jusqu’à ce que le juge éventuellement saisi en application des articles R.153-2 à R. 153-10 du code de commerce autorise la communication desdits documents ou que les parties en soient d’accord,

– ordonné dans l’attente de l’achèvement de la procédure de levée de séquestre à la société [7] de restituer à l’huissier toutes les pièces communiquées et de supprimer les éventuelles copies demeurées en sa possession.

– ordonné que les documents saisis dans les locaux de la société [7] en exécution de l’ordonnance rendue le 17 février 2020 par le tribunal de commerce de Versailles soient séquestrés en l’étude de Maître [O], huissier de justice instrumentaire, jusqu’à ce que le juge éventuellement saisi en application des articles R.153-2 à R. 153-10 du code de commerce autorise la communication desdits documents ou que les parties en soient d’accord,

– ordonné dans l’attente de l’achèvement de la procédure de levée de séquestre à la société [8] de restituer à l’huissier toutes les pièces communiquées et de supprimer les éventuelles copies demeurées en sa possession.

La société [8] a assigné le 17 juin 2021 la société [7] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles afin de demander la mainlevée des pièces saisies.

Par ordonnance en date du 22 septembre 2021, rectifiée par l’ordonnance du 3 novembre 2021, le juge des référés a :

– ordonné à l’huissier de justice de remettre sur support informatique à la société [7] l’ensemble des pièces ayant fait l’objet du constat sur ordonnance diligentée dans les locaux de celle-ci à la demande la société [8], les 5 et 10 mars 2020,

– ordonné à la société [7] de lui fournir, sous peine d’irrecevabilité, avant le 22 octobre 2021, pour les pièces pour lesquelles elle s’oppose à la communication à la société [8] au titre de la protection du secret des affaires : la version intégrale de la pièce, une version non-confidentielle ou un résumé, un mémoire précisant pour chaque information ou partie de la pièce en cause les motifs qui lui confèrent la qualité d’un secret des affaires,

– ordonné à la société [7] de classer les autres pièces pour lesquelles elle s’oppose à leur communication en trois catégories celles pour lesquelles est invoquée : la violation disproportionnée de la vie privée, le secret des correspondances avocat/client et les pièces du litige.

La société [7] a également assigné la société [8] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles afin de demander la mainlevée des pièces saisies.

Par ordonnance en date du 22 septembre 2021, rectifiée par l’ordonnance du 3 novembre 2021, le juge des référés a :

– ordonné à l’huissier de justice de remettre sur support informatique à la société [8] l’ensemble des pièces ayant fait l’objet du constat sur ordonnance diligentée dans les locaux de celle-ci à la demande la société [7], le 9 mars 2020,

– ordonné à la société [8] de lui fournir, sous peine d’irrecevabilité, avant le 22 octobre 2021, pour les pièces pour lesquelles elle s’oppose à la communication à la société [7] au titre de la protection du secret des affaires : la version intégrale de la pièce, une version non-confidentielle ou un résumé, un mémoire précisant pour chaque information ou partie de la pièce en cause les motifs qui lui confèrent la qualité d’un secret des affaires,

– ordonné à la société [8] de classer les autres pièces pour lesquelles elle s’oppose à leur communication en trois catégories celles pour lesquelles est invoquée : la violation disproportionnée de la vie privée, le secret des correspondances avocat/client et les pièces du litige.

Par ordonnance contradictoire datée du 12 janvier 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

– ordonné la communication à la société [8] des pièces saisies les 5 et 10 mars 2020 qui ne font pas l’objet d’une opposition à leur communication par la société [7],

– renvoyé à l’examen du président du tribunal afin qu’il soit procédé à l’étude des pièces pour lesquelles la protection du secret des affaires est alléguée,

– commis le même magistrat pour statuer sur la communication des pièces pour lesquelles la protection de la vie privée ou le secret des correspondances avocats-clients est invoqué.

Lors de l’audience du 16 février 2022, le juge a exposé aux parties la méthode d’examen des pièces saisies pour lesquelles le secret des affaires est invoqué par la société [7] :

– le dossier A, intitulé personnel, comprenant 4 éléments correspondant à des informations relatives à la vie privée, sera détruit.

– le dossier B, intitulé sans intérêt, comprenant environ 36 éléments, sera remis à la société [8].

– le dossier C intitulé secret des affaires, comprenant environ 1100 éléments sera tiré en quatre catégories :

– C1 : pièces dont la société [8] renonce à demander la communication,

– C2 : pièces dont les parties acceptent la communication à la société [8] en totalité ou moyennent l’effacement partiel de leur contenu,

– C3 : pièces dont la société [8] a demandé la communication mais à laquelle s’oppose la société [7],

– C4 : pièces qui relèvent du secret des correspondances avocat/client.

Par une ordonnance du 2 mars 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

– ordonné à la société [7] de remettre à l’huissier instrumentaire les pièces des dossiers (B) et (C) sous format électronique avec un exemplaire papier dans les quinze jours suivants la date de signification de l’ordonnance ;

– demande à l’huissier de vérifier la concordance et la conformité des informations qu’il a recueillies lors de son opération de saisie avec le contenu des clés usb transmises par la société [7] ;

– ordonné aux conseils des parties de procéder dans les locaux du tribunal en présence l’huissier, et après signature d’un accord de confidentialité entre la société [8] et son conseil, à un premier examen des dossiers (B) et (C) et de reclasser ce dossier (C) dans les quatre catégories (C1), (C2), (C3), (C4) ;

– ordonné à la société [7] de lui remettre au plus tard le 6 avril 2022 les pièces du dossier (C3) selon les modalités prévues par l’article R. 153-3 du code de commerce ;

Le 18 mars 2022, la société [7] a remis une clé usb à Maître [O].

La vérification de la concordance et de la conformité des informations recueillies lors de l’opération de saisie de l’huissier instrumentaire avec les clés usb remises par la société [7] a conduit celui-ci à constater qu’il manquait 3076 pièces sur les clés USB remises par la société [7] par rapport aux 4307 pièces saisies.

Le 1er avril 2022, le conseil de la société [7] s’est opposé à la communication de toutes les pièces hors celles placées par le conseil de la société [8] dans le dossier C1.

Le 27 avril 2022, le tribunal de commerce de Versailles a reçu en version papier et en format électronique 1 231 pièces triées en quatre dossiers C1, C2, C3 et C4. À ce dépôt de pièces, il a été joint un mémoire du président de la société [7] exposant un classement complémentaire du dossier C3 en sous-dossiers intitulés :

– ‘bon de commande, facture clients’, sous-dossier lui-même subdivisé en rubriques ‘accord tarifaire clients’, ‘bons de commande clients’, ‘CA par client’, ‘courriers clients’ et ‘devis, bon de commande facture’,

– ‘factures fournisseurs’,

– ‘rachat [7]’,

– ‘relevé bancaire’,

– ‘salaire blanchet’.

Par ordonnance contradictoire rendue le 29 juin 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :

– renvoyé les parties à se pourvoir,

cependant, dès à présent et par provision,

– ordonné à la société [7] de remettre à l’huissier, Maître [O], les pièces originales du dossier C1, numérotées C1.1 à C1.5 dont la société [8] renonce à demander la communication pour être détruites,

– ordonné à la société [7] de remettre les pièces originales et intégrales du dossier C2 numérotées C2.1 à C2.32 à l’huissier, Maître [O], pour transmission à la société [8],

– ordonné à la société [7] de remettre à l’huissier, Maître [O], les pièces confidentielles en version intégrale du dossier C3 n° 1, 2, 5, 6, 7, 8, 10, 14, 19, 27, 30, 31, 32, 40, 41, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 64, 66, 67, 72, 98, 100, 155, 164, 165, 168, 178, 185, 194, 407, 416, 438, 439, 440, 476, 477, 488, 491, 495, 498, 499, 530, 554, 574, 619, 655, 675, 707, 754, 804 et 816, soit 56 pièces,

– ordonné à Maître [O] de communiquer ces 56 pièces à la société [8] après avoir masqué les informations relatives à la désignation du produit ou de la prestation, à la quantité, au prix unitaire, à la remise et au montant de la facture ou du bon de commande et laissé visible le nom du client et son adresse,

– ordonné la mainlevée du séquestre des 3076 fichiers contenus sur la clé usb de référence de l’huissier instrumentaire et qui ne figurent pas sur la clé usb remise à celui-ci par la société [7] tel que constaté dans le procès-verbal de Maître [O] du 30 mars 2022, et leur transmission à la société [8],

– dit que la société [7] remettra à l’huissier , Maître [O], les pièces requises dans les huit jours suivant la signification de l’ordonnance,

– dit que l’huissier, Maître [O], transmettra à la société [8] les pièces et fichiers visés dans le dispositif dans les huit jours suivant la date de remise desdites pièces par la société [7],

– condamné la société [7] à verser à la société [8] la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont frais de greffe s’élèvent à la somme de 40,66 euros et d’huissier,

– dit qu’il nous en sera référé en cas de difficultés.

Par déclaration reçue au greffe le 11 juillet 2022, la société [7] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l’exception de ce qu’elle a :

– renvoyé les parties à se pourvoir,

– ordonné à la société [7] de remettre à l’huissier, Maître [O], les pièces originales du dossier C1, numérotées C1.1 à C1.5 dont la société [8] renonce à demander la communication pour être détruites,

– ordonné à la société [7] de remettre les pièces originales et intégrales du dossier C2 numérotées C2.1 à C2.32 à l’huissier, Maître [O], pour transmission à la société [8],

– dit que la société [7] remettra à l’huissier , Maître [O], les pièces requises dans les huit jours suivant la signification de l’ordonnance,

– dit qu’il nous en sera référé en cas de difficultés.

Dans ses dernières conclusions déposées le 29 décembre 2022 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société [7] demande à la cour, au visa des articles L. 151-1 et R. 153-1 et suivants du code de commerce, de :

‘- infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles du 29 juin 2022 en ce qu’elle a :

– ordonné à la société [7] de remettre à l’huissier Maître [O] les pièces confidentielles en version intégrale du dossier C3 n°1, 2, 5, 6, 7, 8, 10, 14, 19, 27, 30, 31, 32, 40, 41, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 64, 66, 67, 72, 98, 100, 155, 164, 165, 168, 178, 185, 194, 407, 416, 438, 439, 440, 476, 477, 488, 491, 495, 498, 499, 530, 554, 474, 619, 655, 675, 707, 754, 804 et 816, soit 56 pièces, et ordonné à Maître [Y] [O] de communiquer ces 56 pièces à la sas [8] en laissant visible le nom du client et son adresse .

– ordonné la mainlevée du séquestre de 3 706 fichiers contenus sur la clé USB de référence de l’huissier instrumentaire et qui ne figurent pas sur la clé USB remise à celui-ci par la sarl [7] tel que constaté dans le procès verbal de Maître [O] du 30 mars 2022 et leur transmission à la sas [8] ;

– dit que l’huissier transmettra à la sas [8] les pièces et les fichiers visés dans le dispositif dans les huit jours suivant la date de remise desdites pièces par la sarl [7] à l’huissier ;

– condamné la société [7] à verser à la sas [8] la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens;

statuant à nouveau,

– débouter la société [8] de sa demande de communication des pièces classées dans le dossier (C3) n°1, 2, 5, 6, 7, 8, 10, 14, 19, 27, 30, 31, 32, 40, 41, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 64, 66, 67, 72, 98, 100, 155, 164, 165, 168, 178, 185, 194, 407, 416, 438, 439, 440, 476, 477, 488, 491, 495, 498, 499, 530, 554, 474, 619, 655, 675, 707, 754, 804 et 816 ;

– ordonner la suppression des pièces classées dans le dossier (C3) n°1, 2, 5, 6, 7, 8, 10, 14, 19, 27, 30, 31, 32, 40, 41, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 64, 66, 67, 72, 98, 100, 155, 164, 165, 168, 178, 185, 194, 407, 416, 438, 439, 440, 476, 477, 488, 491, 495, 498, 499, 530, 554, 474, 619, 655, 675, 707, 754, 804 et 816 sans que ces éléments soient communiqués à la société [8] ;

– débouter la société [8] de sa demande de mainlevée du séquestre de 3 706 fichiers contenus sur la clé USB de référence de l’huissier instrumentaire et qui ne figurent pas sur la clé USB remise à celui-ci par la sarl [7] tel que constaté dans le procès-verbal de Maître [O] du 30 mars 2022 et leur transmission à la sas [8] ;

– ordonner que les 3 706 fichiers contenus sur la clé USB de référence de l’huissier instrumentaire saisis les 5 et 10 mars 2020 soient séquestrés en l’étude de l’huissier de justice instrumentaire, Maître [O], jusqu’à ce que le juge éventuellement saisi à la diligence de la société [8] en application des articles R.153-2 à R. 153-10 du code de commerce autorise la communication desdits documents ou que les parties en soient d’accord;

– ordonner dans l’attente de l’achèvement de la procédure de levée de séquestre à la société [8] de restituer à l’huissier toutes les pièces communiquées et de supprimer les éventuelles copies demeurées en sa possession qu’elle aurait déjà reçues de la part de l’huissier,

– condamner la société [8] à payer à la société [7], la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société [8] aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expert et d’huissier.’

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 décembre 2022 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société [8] demande à la cour, au visa des articles L. 151-1 et R. 153-1 et suivants du code de commerce, de :

‘- confirmer l’ordonnance de référé du 29 juin 2022 dont appel en toutes ses dispositions

– débouter la société [7] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

– condamner la société [7] à payer à la société [8] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la société [7] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.’

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société [7] invoque la protection du secret des affaires pour les pièces figurant dans le dossier C3 aux motifs que chaque pièce :

– n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

– revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

– fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

Pour cette raison, elle conteste la transmission à la société [8] de 56 documents contenant les nom et adresse de ses clients, précisant que sa concurrente se trouverait ainsi en mesure de les démarcher.

La société [7] sollicite en outre l’infirmation de l’ordonnance querellée en ce qu’elle a ordonné la mainlevée du séquestre de 3 076 fichiers contenus sur une clé USB, expliquant n’avoir pu les ouvrir en raison de leur format ‘.msg’ et, ne disposant pas de compétences techniques et informatiques particulières, avoir cru en conséquence que ces documents n’étaient pas concernés par le tri.

Elle soutient qu’il appartenait au commissaire de justice, qui savait qu’elle n’utilisait pas le logiciel de messagerie Outlook qui seul permet d’ouvrir ces messages, de lui remettre les fichiers dans un format lisible avec ses moyens techniques.

Elle précise n’avoir découvert cette difficulté que lors de l’audience devant le premier juge et avoir alors sollicité un délai pour reprendre ces fichiers et procéder à leur tri, demande qui a été rejetée et qui motive son appel.

Arguant en réponse de manoeuvres dilatoires de l’appelante, la société [8] fait valoir en premier lieu que la demande d’infirmation relative aux pièces figurant dans le dossier C3 ne concerne que les 56 pièces sélectionnées par le président du tribunal de commerce pour être transmises, sur les 884 pièces du dossier, ce qui démontre qu’un tri important a déjà été effectué.

Elle expose en second lieu que les documents comportant le nom des clients de la société [7] lui sont nécessaires pour démontrer l’existence d’actes de concurrence déloyale commis par l’appelante et souligne qu’il est demandé au commissaire de justice de masquer un grand nombre d’informations figurant sur ces pièces (quantité, prix, montant de la facture) afin d’éviter toute prospection commerciale de sa part.

Sur les 3 076 fichiers saisis qui n’ont pas été remis par la société [7] à l’huissier ,la société [8] affirme d’abord que l’appelante se contente d’affirmer sans le démontrer n’avoir pas été en mesure de les lire en raison de leur format, ce qui apparaît au surplus incohérent dès lors que ces documents ont été saisis sur son propre matériel informatique.

Elle indique ensuite que la société [7] qui a disposé d’un délai de 6 mois entre la date à laquelle lui ont été remises les pièces et celle à laquelle elle les a rendues triées, avait toute latitude pour trouver une solution technique pour lire ces documents, soulignant que l’huissier lui avait communiqué la méthode à utiliser dès le 5 mars 2020 et qu’en outre cette difficulté n’a pas été évoquée lors de la réunion du 1er avril 2022.

Enfin, faisant valoir que la société [7] pouvait se faire assister d’un expert informatique pour ouvrir ces courriels, l’intimée conclut que cette contestation artificielle révèle en réalité le comportement dilatoire et frauduleux de l’appelante qui a tenté de faire échapper à la saisie les 3 076 fichiers litigieux (sur 4307 saisis) en les ôtant de la clé remise au commissaire de justice instrumentaire

Elle sollicite en conséquence la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné la levée immédiate du séquestre relatif à ces 3 076 fichiers, rappelant que la saisie a été effectuée en mars 2020 et qu’elle subit un préjudice très important du fait des actes de concurrence déloyale commis par la société [7].

sur ce,

La procédure engagée en l’espèce par la société [8] était fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, qui dispose que ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.

Le secret des affaires ne constitue pas un obstacle à l’application des dispositions de cet article dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie au regard de l’objectif poursuivi.

L’article L. 151-1 du code de commerce dispose que ‘est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret’.

L’article R. 153-3 du même code précise qu”à peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :

1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ;

2° Une version non confidentielle ou un résumé ;

3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.

Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce’.

L’article R. 153-6 dispose que ‘le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires. Dans ce dernier cas, le juge désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale.’, tandis que l’article R. 153-7 prévoit que ‘lorsque seuls certains éléments de la pièce sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires sans être nécessaires à la solution du litige, le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans une version non confidentielle ou sous forme d’un résumé, selon les modalités qu’il fixe’.

La communication à la société [8] de documents saisis lors de la mesure d’instruction et relevant du secret des affaires de la société [7] est donc possible si celle-ci est nécessaire à la solution du litige, l’intimée ayant en l’espèce déposé sa requête en arguant de faits de concurrence déloyale commis par l’appelante, sous réserve que l’atteinte au secret des affaires de la société [7] causée par la remise de ces éléments soit proportionnée au droit à la preuve de la société [8].

Les parties ne produisent pas devant la cour les pièces dont la communication est contestée. Le premier juge indiquait sur ce point : ‘les pièces de ce sous-dossier numérotées de 1 à 199 et de 401 à 842 par le conseil de la société [7] sont des devis ou bons de commande et des facture adressés par la société [7] à ses clients. Elles comprennent le nom et l’adresse du client, le coût journalier de la location de l’équipement ou de la prestation rendue et le montant de la facture.’

Pour éviter une atteinte disproportionnée au secret des affaires, le premier juge a ordonné la remise de 56 de ces pièces à la société [8] après que le commissaire de justice aura masqué la désignation du produit ou de la prestation, les données chiffrées de facturation (quantité, prix unitaire, remise) et le montant de la facture, seuls le nom et l’adresse du client étant laissés en clair.

C’est à juste titre que la société [8] affirme que l’utilité probatoire de ces pièces implique qu’elle puisse avoir connaissance des noms et adresses des clients de la société [7], afin de démontrer d’éventuels actes de concurrence déloyale, étant au surplus précisé que ces éléments ont été saisis à partir des mots-clés proposés par la société [8].

Les précautions prises par le premier juge apparaissent suffisantes pour faire obstacle à l’utilisation par l’intimée des données commerciales de sa concurrente et la captation de ses clients dès lors que la société [8] n’aura pas connaissance du contenu de ces documents, qui sont au demeurant maintenant anciens de plusieurs années et présentent donc un intérêt commercial diminué.

L’ordonnance querellée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a ordonné à la société [7] de remettre à l’huissier, Maître [O], les pièces confidentielles en version intégrale du dossier C3 n° 1, 2, 5, 6, 7, 8, 10, 14, 19, 27, 30, 31, 32, 40, 41, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 64, 66, 67, 72, 98, 100, 155, 164, 165, 168, 178, 185, 194, 407, 416, 438, 439, 440, 476, 477, 488, 491, 495, 498, 499, 530, 554, 574, 619, 655, 675, 707, 754, 804 et 816, à charge pour le commissaire de justice de transmettre ces pièces à la société [8] après avoir masqué un certain nombre d’informations, seuls restant visibles le nom du client et son adresse.

Concernant les 3076 pièces de format ‘.msg’ qui n’ont pas été triées par la société [7], force est de constater que celle-ci, qui les a eu à sa disposition entre octobre 2021 et mai 2022, a disposé du temps nécessaire pour en prendre connaissance, en se faisant assister d’un technicien informatique si besoin, et qu’elle est donc mal fondée à solliciter un nouveau délai pour procéder au tri.

Sans que sa mauvaise foi soit établie en l’état, il convient cependant de souligner à ce sujet que la société [7] a omis de faire figurer ces fichiers dans la clé USB qu’elle a remise à l’huissier après le tri, alors qu’ils représentaient près de 75% des documents saisis, sans évoquer les difficultés informatiques dont elle se prévaut aujourd’hui.

En conséquence, sera confirmée l’ordonnance qui a ordonné la communication de l’intégralité de ces 3 076 pièces au format ‘.msg’ à la société [8].

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société [7] ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d’appel avec application au profit de l’avocat qui le demande des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société [8] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance querellée ;

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société [7] à verser à la société [8] la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [7] aux dépens d’appel avec application au profit de l’avocat qui l’a demandé des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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