Saisie-contrefaçon de Brevet : 15 décembre 2023 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/09805

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Saisie-contrefaçon de Brevet : 15 décembre 2023 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/09805

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

N° RG 23/09805
N° Portalis 352J-W-B7H-C2PYE

N° MINUTE :

Assignation du :
02 Août 2023

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 15 Décembre 2023
DEMANDERESSE

S.A.S. MAF AGROBOTIC
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Guillaume HENRY de l’AARPI SZLEPER HENRY Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017

DÉFENDERESSES

Société UNITEC SPA
[Adresse 5]
[Localité 2] (RA) (ITALIE)

représentée par Maître Camille PECNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626

Société JULIE CASTAGNE
[Adresse 1]
[Localité 3]

défaillant

Copies délivrées le :
– Maître HENRY #R017
– Maître PECNARD #E1626

MAGISTRAT

Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assisté de Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 04 Octobre 2023, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 15 Décembre 2023

ORDONNANCE

Rendue par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La société de droit italien Unitec, suspectant la contrefaçon par la société Maf agrobotic (la société Maf) de son brevet européen EP 1 892 203 intitulé « système de transport et de sélection des fruits et des légumes », a obtenu sur requête, le 26 juin 2023, l’autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Maf qui a eu lieu le 5 juillet 2023.
La société Maf a assigné les 2 et 3 aout 2023 la société Unitec et le commissaire de justice ayant pratiqué la saisie-contrefaçon dans ses locaux (la société Julie Castagne), en rétractation de l’ordonnance du 26 juin, afin d’organiser la protection de son secret des affaires.
La société Julie Castagne n’a pas comparu.
Par ailleurs, la société Unitec avait été autorisée le même jour à pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux d’un des clients de la société Maf mais elle a, pour une raison qu’elle n’explique pas ici, demandé et obtenu une nouvelle autorisation pour cette seconde mesure, plus large que la première (la recherche informatique n’était plus limitée à certains mots-clés), le 28 juin 2023, devant un autre juge. Cette deuxième saisie-contrefaçon ne fait pas l’objet de la présente procédure.
Prétentions et moyens des parties

La société Maf, à l’audience du 4 octobre 2023 et dans son assignation soutenue oralement, demande le maintien du séquestre et le tri des documents saisis selon leur utilité et leur protection au titre du secret des affaires, à titre principal par un expert, subsidiairement par les conseils des parties dans le cadre d’un cercle de confidentialité, que les documents non nécessaires ou qui n’auraient pas dû être saisis soient écartés des débats ou à défaut maintenus sous séquestre, que seuls les avocats et conseils en propriété industrielle aient accès aux documents couverts par le secret des affaires, que les parties devront préparer deux versions de leurs écritures et pièces et détruire les éléments confidentiels à l’issue de la procédure. Elle demande en outre 20 000 euros à la société Unitec au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que certaines pièces ne sont pas nécessaires à la solution du litige ou n’auraient pas dû être saisies en application de l’ordonnance du 26 juin 2023, tandis que d’autres pièces, peut-être nécessaires, sont couvertes par le secret des affaires et doivent ainsi être identifiées afin d’encadrer leur communication. Elle justifie le recours à un expert par la quantité de documents saisis (plus de 2 000 documents copiés sur la clé USB saisie en annexe 5 du procès-verbal), leur nature diverse, leur caractère technique et l’impossibilité de déterminer s’ils sont nécessaire au litige sur le seul fondement de leur intitulé. Elle ajoute qu’il devra mener le tri en présence des avocats des parties.
La société Unitec, à l’audience et dans ses écritures du 2 octobre 2023 soutenues oralement, demande le tri des documents par un cercle de confidentialité, auquel participeront les avocats, les conseils en propriété industrielle y compris son conseil italien, et un salarié de chaque partie, ou, si aucun accord n’est trouvé dans un délai de 3 mois, par un expert.
Elle demande d’abord d’avoir accès, d’une façon protégeant la confidentialité, aux documents concernés pour savoir s’ils sont couverts par le secret des affaires. Elle approuve donc le principe d’une mesure de tri mais souhaite à titre principal qu’elle ait lieu de façon conventionnelle, sans le recours à un expert, afin de limiter les couts, sauf impossibilité de trouver un accord sur le sort des pièces dans un délai de 3 mois, l’expert devant selon elle être désigné dès la présente ordonnance pour cette éventualité, avec une mission limitée au désaccord constaté entre les parties. S’agissant des frais de procédure, elle estime qu’aucune partie ne « perd » ici et que la demande à ce titre formée par la société Maf est ainsi injustifiée.

MOTIVATION

Le séquestre provisoire pouvant être prévu dans le cas d’une saisie-contrefaçon est régi, sur renvoi de l’article R. 615-4 du code de la propriété intellectuelle, par l’article R. 153-1 du code de commerce, qui prévoit que le juge compétent pour la rétractation de l’ordonnance l’est aussi pour connaître de la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre, ce qui implique qu’il peut organiser les conditions du maintien de ce séquestre.
En application de l’article L. 153-1, le juge peut ordonner une expertise, s’il l’estime nécessaire, pour décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection du secret des affaires à une pièce dont la communication est demandée à l’occasion d’une instance civile ou commerciale. Il peut également prendre connaissance seul de cette pièce ou solliciter l’avis d’une personne habilité à assister ou représenter chaque partie.
Toutefois, ces dispositions n’interdisent pas la recherche d’un accord entre les parties sur les pièces nécessaires à la solution du litige et protégées par le secret des affaires.
Il résulte ici des positions des parties et de leurs déclarations à l’audience qu’un accord entre elles sur les pièces pertinentes est possible, de même que sur les modalités de protection des pièces éventuellement protégées par le secret des affaires.
Afin de limiter à ce qui est nécessaire l’accès aux pièces éventuellement non pertinentes, et en particulier aux documents techniques ne se rapportant pas à la partie litigieuse des machines de la société Maf, le tri amiable doit se faire en la seule présence des avocats et conseils en propriété industrielle des parties, à l’exclusion d’une personne physique en leur sein. Une telle personne physique a, en règle générale, vocation à prendre connaissance des pièces issues du tri dans le cadre du procès au fond, tandis que sa participation lors du tri n’est pas appropriée ici. En outre, afin de faciliter la fluidité des échanges et la rapidité du tri, il n’est pas opportun d’inclure le conseil en propriété industrielle italien de la société Unitec.
Néanmoins, conformément à la demande des parties, il peut être prévu qu’un expert les assiste dans le tri si et dans la mesure où elles ne parvenaient pas à l’achever elles-mêmes au-delà d’un délai de 3 mois. Il ne parait pas nécessaire de désigner pour cela un expert judiciaire, d’autant moins qu’il pourra être amené à favoriser la conciliation des parties. Il est donc plus opportun de laisser les parties désigner amiablement un tiers indépendant de leur choix. Un expert désigné par la juridiction ne serait nécessaire que dans l’hypothèse improbable où les parties ne parviendraient pas même à s’entendre sur le nom de celui dont elles auraient besoin pour les aider à achever leur tri.
De même, conformément à l’accord des parties, il peut être précisé que le tri devra exclure les documents ne correspondant pas à ce dont l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon avait permis d’appréhender.
Enfin, il n’y a pas lieu à indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la rétractation :

Ordonne la levée du séquestre provisoire aux seules fins des dispositions suivantes et son maintien pour le surplus ;

Invite les parties à procéder à un tri des pièces appréhendées lors de la saisie-contrefaçon afin de s’accorder sur les pièces pouvant être communiquées dans l’instance en contrefaçon car nécessaires à la solution du litige et les modalités de cette communication pour celles couvertes par le secret des affaires ;

Autorise à cette fin les personnes suivantes, exclusivement, à accéder aux pièces, dans le cadre d’un cercle de confidentialité :
– les avocats (associés et collaborateurs) en France de chaque partie,
– les conseils en propriété industrielle (associés et collaborateurs) en France de chaque partie,
tous devant signer un accord de confidentialité ;

Autorise en outre à accéder aux pièces, dans l’hypothèse où le tri ne serait pas achevé dans les 3 mois à compter de la présente ordonnance, un tiers indépendant désigné d’un commun accord par les parties, qui intègrera le cercle de confidentialité en signant un accord de confidentialité ;

Dit que ce tri devra notamment conduire à écarter les pièces dont l’appréhension n’était pas permise par l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon, le cas échéant ;

Sursoit à statuer sur le sort des pièces placées sous séquestre jusqu’à l’accord définitif des parties ou la demande tendant à ce qu’il soit tranché par la juridiction ;

Retire l’affaire du rôle.

Fait et jugé à Paris le 15 Décembre 2023

Le GreffierLe Président
Quentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY

 


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