Accord de confidentialité : 17 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18907

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Accord de confidentialité : 17 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 22/18907
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COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

N° RG 22/18907 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVIT

Nature de l’acte de saisine : Déclaration d’appel valant inscription au rôle

Date de l’acte de saisine : 07 Novembre 2022

Date de saisine : 21 Novembre 2022

Nature de l’affaire : Demande en paiement de cotisations, majorations de retard et/ou pénalités

Décision attaquée : n° 20/03645 rendue par le Tribunal judiciaire de PARIS le 08 Septembre 2022

Appelante :

S.A.S. [2], représentée par Me Julien CHEVAL de l’AARPI VIGO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0190 – N° du dossier 920006

Intimée :

ASSOCIATION POUR LA GESTION DU RÉGIME D’ASSURANCE DES CRÉANCES DES SALARIES représentée par l’UNEDIC A.G.S., représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 – N° du dossier 20220708,

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

(n° , 7 pages)

Nous, Anne ZYSMAN, magistrat en charge de la mise en état,

Assistée de Ekaterina RAZMAKHNINA , Greffier,

Faits et procédure

L’association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés (l’AGS) est un organisme patronal ayant pour objet de garantir, en cas de procédure collective, le paiement des sommes dues aux salariés en exécution de leur contrat de travail. Lorsqu’elle met en oeuvre sa garantie, l’AGS est subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a réalisé des avances et devient alors créancière de l’entreprise en procédure collective. La gestion opérationnelle du régime de garantie des salaires est assurée par la Délégation Unédic AGS.

La société [2], spécialisée dans le recouvrement de créances commerciales et civiles, a proposé à l’AGS le moyen d’être désintéressée de ses créances en obtenant pour son compte, dans les procédures de liquidation judiciaire clôturées pour insuffisance d’actifs, le remboursement des prêts consentis par les entreprises au titre de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) auprès d’organismes collecteurs agréés.

C’est dans ce cadre que, par acte du 27 mars 2002, la Délégation Unedic AGS a confié à la société [2] le soin de recouvrer ces actifs ‘délaissés’, pour une durée de neuf ans, moyennant le versement d’une commission de

25 % HT des sommes recouvrées. Par avenant du 23 avril 2010, le terme du mandat a été fixé au 31 décembre 2021 et la commission due au mandataire a été ramenée à 19 % HT des sommes recouvrées.

La convention, telle que modifiée par son avenant, prévoit expressément que le mandant s’engage à transmettre au mandataire « la liste des procédures collectives dans lesquelles l’AGS est restée créancier intéressé » au plus tard le 30 mars de chaque année, afin de lui permettre d’accomplir la mission qui lui a été confiée.

Soutenant qu’à compter du 30 mars 2019, l’AGS avait refusé de lui transmettre la liste des procédures collectives dans lesquelles elle était restée créancier intéressé au motif notamment que le mandat avait été partiellement révoqué à son initiative le 8 juin 2018, la société [2] l’a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, par acte d’huissier du 19 mars 2020, afin d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 4.558.981,73 euros HT au titre des commissions dues et la somme de 406.891,95 euros au titre des commissions sur réouverture de procédures obtenues et actifs PEEC non renseignés.

Par jugement du 8 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

– condamné l’organisme Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés à payer à la SAS [2] la somme de 716.965,83 euros en

réparation de la perte de chance de percevoir des commissions ;

– débouté la SAS [2] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

– débouté l’organisme Association pour la Gestion du régime d’assurances des créances des Salariés de sa demande tendant au paiement de la somme de 872.070,36 euros en réparation de son préjudice ;

– débouté l’organisme Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés de sa demande tendant au paiement de la somme de 1.433.931,67 euros, en restitution des commissions perçues ;

– condamné l’organisme Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés aux dépens ;

– condamné l’organisme Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salariés à payer à la SAS [2] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté le surplus des demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire par provision.

Par déclaration du 7 novembre 2022, la société [2] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions d’incident notifiées le 7 février 2023, la société [2] a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de communication de pièces.

Par dernières conclusions d’incident notifiées le 5 octobre 2023, la société [2] demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 11, 788 et 907 du code de procédure civile, de :

– Ordonner la communication, par l’organisation Association pour la Gestion du régime de garantie des créances des salariés de :

La liste des procédures collectives clôturées en 2018 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

La liste des procédures collectives clôturées en 2019 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

La liste des procédures collectives clôturées en 2020 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

La liste des procédures collectives clôturées en 2021 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

A peine d’astreinte de 15.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir ;

– Se réserver la liquidation de l’astreinte ;

– Débouter l’AGS de l’intégralité de ses demandes et conclusions ;

– Débouter l’AGS de la demande de communication forcée par Ressource de la liste

des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS ou tout autre organisme collecteur au titre du 1 % logement en 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 ;

– Débouter l’AGS de sa demande de communication forcée sous astreinte de 10.000 € par jour de retard de la liste de toutes les procédures dans lesquelles Ressource a retrouvé des créances dont l’échéance était postérieure au 31/12/21 et la provenance des fonds, étant entendu que les bénéficiaires du mécanisme 1 % logement n’ont pas versé la totalité du montant de la créance, objet du recouvrement ;

– Débouter l’AGS de sa demande de voir désigner un expert ;

– Subsidiairement, limiter la mission de l’expert au croisement de la liste des procédures collectives clôturées en 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021 ayant laissé l’AGS non créancière non désintéressée au fichier qui sera remis par la société [2] avec une clause de confidentialité sous séquestre judiciaire, transmis par l’ALS ;

– Débouter l’ALS (sic) de sa demande de chefs de mission aux fins de déterminer le montant des commissions éventuellement dues à Ressource pour les créances PEEC détenues par l’ALS ou tout autre organisme collecteur du 1 % logement pour les sociétés ayant fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée entre 2016 et 2020 ;

– Débouter l’AGS de sa demande au titre du chef de mission suivant :

‘ Relever tout manquement de Ressource à ses obligations contractuelles et/ou légales et en tenir compte dans le calcul des commissions éventuellement dues ;

‘ Prendre en considération l’absence de croisement des données par Ressource en 2016 et 2017 malgré la possibilité qui lui était offerte ;

‘ Prendre en considération les sommes déjà perçues par [2] en première instance en réparation du préjudice de perte de chance de percevoir des commissions entre 2018 et 2020 ;

‘ Débouter l’AGS de sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

– Débouter l’AGS de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

– Condamner l’AGS à payer à la société [2] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner l’Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés aux entiers frais et dépens de l’incident.

Au soutien de sa demande, la société [2] explique que la liste des procédures de liquidation clôturées pour absence d’actif ayant laissé l’AGS désintéressée entre 2016 et 2021 est indispensable pour lui permettre de calculer le montant des créances à recouvrer pour le compte de l’AGS et, en conséquence, le montant des commissions qu’elle aurait dû percevoir en tant que mandataire de l’AGS.

Elle précise qu’afin de déterminer précisément et exactement le montant de son préjudice, il est nécessaire pour elle de croiser les CIA de l’AGS 2018, 2019, 2020 et 2021 avec le fichier reçu.

Elle fait valoir que, dans le cadre de la convention de mandat, l’AGS doit communiquer ses listes et qu’il s’agit de l’obligation principale du mandant permettant au mandataire de pouvoir accomplir sa mission.

Elle ajoute qu’elle a été rendue destinataire par [1] des listes des actifs PEEC et qu’elle est donc en mesure de réaliser la détection et l’identification des actifs à recouvrer pour l’AGS, à la condition de pouvoir réaliser le croisement des fichiers et des données avec la liste des procédures collectives clôturées ayant laissé l’AGS créancier non désintéressé, ce qui permettra de déterminer le montant des actifs à recouvrer pour l’AGS et, subséquemment, le montant des commissions qui auraient du être perçues ; qu’il appartiendra à la cour, par la suite, sur la base de ces éléments, de déterminer le montant des commissions qui lui sont dues et dont elle a été privée en raison du comportement fautif de l’AGS.

En réponse à l’AGS, qui soutient qu’elle n’aurait pas exploité les fichiers déjà communiqués en 2016 et 2017, elle explique que [1] était dans l’incapacité de produire le fichier permettant la comparaison et ne l’a finalement transmis qu’à la fin de l’année 2021.

Elle ajoute que ce n’est qu’après avoir identifié si dans la liste des procédures clôturées pour insuffisance d’actif ayant laissé l’AGS créancier non désintéressé, se retrouvent des sociétés ayant abondé au 1 % au logement et dont il reste des prêts permettant de désintéresser l’AGS, qu’elle sollicite la certification de la créance.

Elle s’oppose à la demande subsidiaire de l’AGS tendant à la désignation d’un expert qui ne pourrait suppléer sa carence dans l’administration de la preuve. Elle ajoute que la mission de l’expert ne saurait en tout état de cause se limiter aux échéances antérieures au 31 décembre 2021 dès lors que les échéances postérieures au 31 décembre 2021 faisaient partie de sa mission.

Elle s’oppose également à la demande reconventionnelle de l’AGS tendant à la communication de la liste des entreprises ayant versé des cotisations au titre du 1 % entre les mains de l’ALS aux motifs qu’elle n’avait pas l’obligation de communiquer cette liste dans le cadre de son mandat. S’agissant de la liste des procédures dans lesquelles elle a recouvré des créances dont l’échéance était postérieure au 31 décembre 2021, elle indique que cette demande est sans objet, la communication ayant d’ores et déjà été assurée dans le cadre du mandat.

Par dernières conclusions d’incident notifiées le 7 septembre 2023, l’AGS demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 11, 700, 788, 907, 1961 et suivants du code de procédure civile, de :

A titre principal :

– Rejeter toutes les demandes de communication forcée de la société [2] qui se heurtent à l’intérêt légitime de l’AGS et à une bonne administration de la Justice ;

A titre subsidiaire :

– Désigner l’expert financier de son choix avec pour mission de :

. prendre connaissance de l’ensemble des accords conclus entre les parties, des conclusions et pièces régularisées de part et d’autre ;

. se faire remettre par [2], sous séquestre judiciaire, tous les documents qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission, et notamment les éléments suivants :

o La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou à tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2016 ;

o La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou à tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2017 ;

o La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou à tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2018 ;

o La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou à tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2019 ;

o La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou à tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2020 ;

o La liste de toutes les procédures dans lesquelles Ressource a recouvré des créances dont l’échéance était postérieure au 31/12/2021 et la justification de la provenance des fonds, étant entendu que les bénéficiaires du mécanisme 1% logement n’ont pas versé la totalité du montant de la créance objet du recouvrement ;

. se faire remettre par l’AGS, sous séquestre judiciaire, tous les documents qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission, et notamment les éléments suivants :

o La liste des procédures collectives clôturées en 2018 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

o La liste des procédures collectives clôturées en 2019 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

o La liste des procédures collectives clôturées en 2020 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

. procéder au croisement des deux séries de données afin de déterminer :

o Le montant total des créances PEEC détenues par l’ALS, ou tout autre organisme collecteur du 1% logement, pour les sociétés ayant fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actifs ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée entre 2016 et 2020 ;

– Et si le Conseiller de la mise en état estime que ce chef de mission excède les pouvoirs de l’expert, lui substituer le suivant :

. déterminer le montant des commissions éventuellement dû à Ressource en distinguant, d’une part les commissions portant sur des créances dont les échéances sont antérieures au 31/12/2021 et, d’autre part, celles portant sur des créances dont les échéances sont postérieures au 31/12/2021, terme contractuel du mandat, charge au Juge de fond de déterminer le montant des commissions dans son délibéré ;

. relever l’absence de croisement des données par Ressource en 2016 et en 2017 malgré la possibilité qui lui était offerte et la perte consécutivement subie par l’AGS ;

. conserver par devers lui l’ensemble de ces éléments ainsi que tous autres éléments qui lui auront éventuellement été remis pendant la phase d’expertise, s’assurer de la protection de la confidentialité desdits éléments ; En permettre toutefois la communication aux conseils des parties, sous réserve de la signature d’un accord de confidentialité, ainsi qu’à leurs avocats ;

. restituer l’ensemble de ces éléments au Greffe de la Cour lors du dépôt de son rapport ;

. convoquer les parties et leurs conseils et les entendre en leurs observations et dires dans la mesure où il l’estimera utile, entendre tous sachants ;

. consigner l’ensemble des constats, analyses et autres travaux réalisés dans le cadre de la présente mission dans un rapport, déposé au greffe de la Cour à l’issue de ladite mission ;

– Dire que l’expert devra établir un pré-rapport afin de recueillir les observations des parties sur les constats et les avis formulés.

– Assortir toute communication des éléments sollicités par [2] d’une mesure de séquestre judiciaire,

A titre reconventionnel :

– Ordonner la communication forcée, par Ressource des éléments suivants, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard :

La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou de tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2016 ;

La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou de tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2017 ;

La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou de tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2018 ;

La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou de tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2019 ;

La liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou de tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement, en 2020 ;

La liste de toutes les procédures dans lesquelles Ressource a recouvré des créances dont l’échéance était postérieure au 31/12/2021 et la justification de la provenance des fonds, étant entendu que les bénéficiaires du mécanisme 1% logement n’ont pas versé la totalité du montant de la créance objet du recouvrement ;

En tout état de cause :

– Constater que la liste des procédures collectives clôturées en 2021 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée est hors du périmètre de son mandat ;

– Rejeter toutes les demandes et prétentions de Ressource s’y rapportant ;

– Condamner [2] à verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’à payer les entiers frais et dépens.

Elle fait valoir en substance que la demande de communication de pièces est formulée par la société [2] dans le seul but de contourner les termes de son mandat et de générer artificiellement des commissions auxquelles elle n’a pas droit dans la mesure où elle n’a exécuté que partiellement ses obligations contractuelles. Elle relève que la demande de communication de la liste des procédures collectives clôturées en 2021 est hors du périmètre du mandat dont le terme était fixé au 31 décembre 2021, ne permettant aucun croisement des données issues de ce fichier ; que la société [2] n’a jamais exploité les fichiers sur les procédures collectives clôturées en 2016 et en 2017 communiqués par l’AGS respectivement en 2017 et 2018 ; qu’enfin, aucune certification de créance n’a été demandée par la société [2] à l’AGS afin de permettre le recouvrement effectif des créances PEEC identifiées en 2016, 2017 et 2018.

A titre subsidiaire, elle indique qu’elle accepterait de communiquer la liste des procédures clôturées pour insuffisance d’actifs en 2018, 2019 et 2020 (2021 étant selon elle hors du périmètre du mandat de la société [2]), mais uniquement sous séquestre judiciaire, et sous réserve que leur exploitation, au fond, soit faite sous l’autorité d’un expert judiciaire dont la mission sera limitée à l’évaluation du montant des créances dont les échéances sont antérieures au 31 décembre 2021 et des commissions éventuellement dues à la société [2] sur ce fondement, en considération des inexécutions contractuelles de cette dernière.

Elle ajoute qu’en tout état de cause, toute éventuelle décision de communication forcée sera assortie d’une interdiction totale, pour la société [2], de procéder au recouvrement des créances PEEC identifiées dans l’attente d’une décision de justice définitive l’y autorisant expressément ; qu’en outre, il doit être fait interdiction à la société [2] de procéder au recouvrement des créances PEEC de l’AGS pour lesquelles elle a déjà été judiciairement désintéressée et celle-ci devra céder ces créances à l’AGS pour qu’elle les recouvre par ses propres moyens le cas échéant.

L’incident a été examiné à l’audience du 21 novembre 2023 et mis en délibéré au 17 janvier 2024.

Motifs

Sur la demande de communication de pièces de la société [2]

L’article 788 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 907 du même code, dispose que le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. Les articles 133 et 134 du même code précisent que si la communication des pièces n’est pas faite, il peut être demandé au juge d’enjoindre, au besoin à peine d’astreinte, cette communication.

Le juge de la mise en état, saisi d’une demande de production par les parties d’éléments de preuve qu’elles détiennent, en apprécie le mérite en fonction de la pertinence des documents dont il est demandé communication et de leur utilité pour trancher le litige qui les oppose.

En l’occurrence, comme l’a relevé le tribunal, il ressort de la procédure, et plus spécialement de la convention du 27 mars 2002 telle que modifiée par son avenant du 23 avril 2010 que l’AGS a donné mandat à la société [2] de procéder, jusqu’au 31 décembre 2021, au « recouvrement pour son compte de tous les actifs correspondant à la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction (communément appelé 1% logement) non recouvrés par les mandataires chargés des procédures collectives, sous le régime 1967 ou de 1985, uniquement dans les procédures clôturées pour insuffisance d’actif au jour de la signature de la présente convention », moyennant le versement d’une commission de 25 % HT « pour les sommes recouvrées sur les procédures collectives de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif clôturées avant le 3 avril 2007 » et de 19 % HT « pour les sommes recouvrées sur les procédures collectives de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif clôturées après le 3 avril 2007 ».

L’article 5 de l’avenant du 23 avril 2010 stipule que « le mandant s’engage à continuer de transmettre au mandataire la liste des procédures collectives dans lesquelles l’AGS est restée créancier intéressé quels que soient la nature et le rang de sa créance au plus tard le 30 mars de chaque année » et que « cette information sera transmise sous forme d’un fichier mis à jour annuellement » comportant plusieurs renseignements détaillés dans la convention.

Constatant qu’à compter de l’année 2019, l’AGS n’avait pas transmis à la société [2] la liste des procédures collectives clôturées pour insuffisance d’actif dans lesquelles elle était restée créancier intéressé, alors que cette information était nécessaire au mandataire pour l’accomplissement de sa mission, le tribunal a considéré que l’AGS, qui ne pouvait valablement se considérer comme libérée de ses obligations contractuelles à l’égard de son mandataire, avait commis une faute en s’abstenant de transmettre les informations prévues à l’article 5 de l’avenant du 23 avril 2010 et engageait ainsi sa responsabilité à l’égard de la société [2].

Après avoir estimé que le préjudice allégué par la société [2] ne pouvait consister que dans la perte de chance de percevoir une commission sur les sommes qu’elle aurait recouvrées si elle avait obtenu entre 2019 et 2021, conformément à l’article 5 de l’avenant du 23 avril 2010, la liste des procédures collectives dans lesquelles l’AGS était restée créancier, le tribunal a constaté qu’il n’était pas en mesure de déterminer le montant des sommes qu’aurait recouvrées le mandataire dans ces procédures puisque la liste des procédures de liquidation dans lesquelles l’AGS était restée créancier intéressé n’était pas produite aux débats et que la société [2] n’avait formé aucune demande de production de pièces dans le cadre de la procédure. Il a donc évalué le préjudice subi du fait de l’absence de transmission de la liste visée à l’article 5 entre 2019 et 2021 sur la base du montant moyen des commissions perçues par le mandataire, et limité à 50 % de la perte de gains escomptés.

Il résulte de ces éléments que la transmission de la liste des procédures collectives dans lesquelles l’AGS est restée créancier intéressé incombe à cette dernière en vertu de l’article 5 de l’avenant du 23 avril 2010, cette information étant nécessaire au mandataire pour l’accomplissement de sa mission, et qu’en l’absence de transmission de cette liste, la société [2] est dans l’incapacité de calculer le montant des créances à recouvrer pour le compte de l’AGS et, partant, le montant des commissions qu’elle aurait dû percevoir.

La société [2] démontre donc que les pièces dont elle demande la communication sont indispensables à la solution du présent litige.

Il sera donc fait droit à sa demande.

Pour assurer l’efficacité de la présente décision, l’injonction de communication de pièces sera assortie d’une astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, qui courra pendant 90 jours.

Sur les demandes reconventionnelles de l’AGS

Le conseiller de la mise en état a le pouvoir, en application de l’article 789 du code de procédure civile auquel renvoie l’article 907 du même code, d’ordonner même d’office toutes mesures d’instruction qu’il estime opportune.

S’appliquent en ce cas les dispositions des articles 143 et suivants du code de procédure civile selon lesquelles les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. Les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer. Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

Il s’ensuit que seules les mesures d’investigation utiles à la solution du litige soumis à la cour peuvent justifier une mesure d’instruction ordonnée par le conseiller de la mise en état et ce, à la condition que soit déjà apporté un commencement de preuve des faits pertinents allégués au soutien de l’action.

En l’espèce, la mesure d’expertise sollicitée par l’AGS, dont l’utilité est contestée, n’apparaît pas nécessaire à l’examen de l’affaire au fond.

En outre, la transmission de la liste des procédures collectives dans lesquelles l’AGS est restée créancier intéressé étant prévue contractuellement, il n’y a pas lieu d’assortir la communication d’une mesure de séquestre judiciaire.

S’agissant des pièces dont l’AGS demande la communication sous astreinte, à savoir la liste des entreprises ayant versé des cotisations à l’ALS, ou à tout autre organisme collecteur au titre du 1% logement entre 2016 et 2020 ainsi que la liste de toutes les procédures dans lesquelles la société [2] a recouvré des créances dont l’échéance était postérieure au 31/12/2021 et la justification de la provenance des fonds, aucune disposition de la convention de mandat du 27 mars 2002 ou de son avenant du 23 avril 2010 n’impose leur communication à l’AGS par la société [2], étant rappelé qu’en vertu de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et qu’il appartient aux parties, dans le cadre du débat au fond, de tirer toutes conséquences, au regard du droit de la preuve, de la teneur des pièces versées au dossier de chacune d’elles.

Enfin, il n’appartient au conseiller de la mise en état d’interdire à la société [2] de procéder au recouvrement des créances PEEC ni de constater que la liste des procédures collectives clôturées en 2021 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée est hors périmètre de son mandat, ces questions relevant du débat au fond.

L’AGS sera donc déboutée de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’AGS, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’incident ainsi qu’à payer à la société [2] une somme de 1.000 euros en indemnisation des frais exposés au titre du présent incident et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Enjoignons à l’AGS de communiquer à la société [2], dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard qui courra pendant 90 jours :

La liste des procédures collectives clôturées en 2018 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

La liste des procédures collectives clôturées en 2019 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

La liste des procédures collectives clôturées en 2020 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

La liste des procédures collectives clôturées en 2021 ayant laissé l’AGS créancière non désintéressée, sous forme de fichier informatique ;

Déboutons l’AGS de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

Condamnons l’AGS à payer à la société [2] la somme de 1.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d’incident,

Condamnons l’AGS aux dépens de l’incident.

Ordonnance rendue par Anne ZYSMAN, magistrat en charge de la mise en état assistée de Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier présent lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Paris, le 17 janvier 2024

Le greffier Le magistrat en charge de la mise en état

Copie au dossier

Copie aux avocats

 


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