Vidéos en ligne : qui est titulaire des droits ?

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Vidéos en ligne : qui est titulaire des droits ?
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Des règles multiples ont vocation à s’appliquer aux vidéos postées par les utilisateurs des réseaux sociaux. Les règles qui suivent ne s‘appliquent qu’aux « vidéos amateurs » non aux vidéos professionnelles assurant par exemple la promotion d’artistes interprètes ou de produits et services (exemple : les contrats de partenariats conclus entre les sociétés de gestion de droits et les exploitants de plateformes / contrats d’annonceur de séquences publicitaires).

La protection du droit d’auteur s’applique-t-elle ?  

Chaque vidéo est un cas d’espèce mais globalement le droit d’auteur n’a pas vocation à s’appliquer aux vidéos amateurs postées sur les réseaux sociaux pour au moins deux motifs juridiques : i) Ces vidéos sont le plus souvent prises sur le vif, ce qui ne permet pas à leur auteur de pleinement exprimer sa personnalité et sa créativité et ii) l’auteur n’est pas un auteur “professionnel” mais un particulier.

Il a été jugé que les vidéos de situations se présentant au vidéaste par « hasard » dans la rue ne sont pas protégeables par le droit d’auteur dans la mesure où la personne qui filme la scène, présente sur les lieux, par hasard, se contente de filmer une scène qui se déroule sous ses yeux. Elle ne peut donc justifier d’avoir opté pour un quelconque choix par lequel pourrait se manifester sa personnalité. C’est en ce sens que les juges se sont prononcés pour débouter le photographe “people” Jean Claude ELFASSI ayant poursuivi le site Internet FHM (éditeur MONDADORI) pour contrefaçon. Le site avait repris une séquence vidéo d’un cheval sans cavalier à Paris que le photographe avait vendu au journal Le Parisien.

Par extension cette solution est pleinement transposable aux vidéos diffusées sur les plateformes de partage de vidéos.

Par analogie (affaire Che Guevara, Décision n° 2583), si en matière de photographies, il a été jugé qu’une photographie même prise sur le vif est susceptible de protection par le droit d’auteur, c’est à la condition que le photographe ait un réel savoir faire. Ce savoir faire et l’expression de sa personnalité se déduit du choix de l’angle de vue et du cadrage, ainsi que par le traitement effectué postérieurement, consistant à supprimer des éléments accessoires pour ne laisser que l’expression profonde du visage photographié (CA de Paris, 21 mai 2010)

Droit de l’exploitant de la plateforme de vidéos

Une plateforme de vidéos en ligne est incontestablement une base de données au sens de l’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle : “un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles“.  L’éditeur de la plateforme est également producteur de base de données : “la personne physique ou morale qui a pris l’initiative et le risque des investissements correspondants” (article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle).

En conséquence, le droit sui generis des bases de données a potentiellement vocation à s’appliquer aux plateformes telles que Youtube, Dailymotion etc. La reprise non substantielle de vidéos à partir des principales plateformes ou la création de liens hypertextes directs ne pose pas de problème. En revanche, si l’extraction devient systématique, voir massive, le dispositif de la protection juridique des bases de données a vocation à s’appliquer.

Vie privée et droit à l’image  

Deux principes ont particulièrement vocation à s’appliquer aux vidéos en ligne i) le respect du droit à l’image des personnes filmées (sans leur autorisation) et ii) le respect de la vie privée  (article 9 du Code civil). En termes de responsabilité, si une atteinte est constatée, la vidéo pourra faire l’objet d’un retrait par une notification de contenus illicites auprès de l’hébergeur.

Si la vidéo a été télédiffusée, la chaine diffuseur ne bénéficiera pas du même régime de faveur que celui des hébergeurs, elle est soumise à sa responsabilité éditoriale au titre des services de communication audiovisuelle.

Reprise des vidéos en ligne par télédiffusion

La reprise des vidéos en ligne est faite sous la responsabilité des éditeurs de chaînes. A ce jour, aucune sanction n’a été prononcée par le CSA, mais ce dernier a eu l’opportunité de mettre en demeure plusieurs services. C’est ainsi que le 7 décembre 2010, BFM TV a été mise en demeure de respecter son obligation d’honnêteté de l’information. Cette dernière avait diffusé l’extrait d’une vidéo mise en ligne sur le site Youtube, présenté par le journaliste comme un entretien accordé par l’ancien ambassadeur de Chine à Paris,  qui comprenait une traduction et un sous-titrage erronés.

Des droits d’auteur  et des droits voisins ont également vocation à s’appliquer à certaines vidéos en ligne, même filmées par des amateurs, il s’agit essentiellement des captations audiovisuelles illicites de concerts ou « bootlegs » (œuvre musicale piratée) et la captation audiovisuelle (illicite) en salle de cinéma.

La reprise des vidéos en ligne présentant des séquences de violence ou d’agression peut donner prise à des sanctions pénales. Le Happy Slapping (1) est condamné par l’article 222-33-3 du Code pénal : est constitutif d’un acte de complicité des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions (cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende).  Toutefois, le délit n’est pas applicable lorsque l’enregistrement ou la diffusion relève de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public (journalistes) ou est  réalisé afin de servir de preuve en justice (témoins…).

Concernant les vidéos amateurs en ligne, il n’existe pas de signalétique obligatoire. Toutefois, l’éditeur de la plateforme a l’obligation de mettre en place un dispositif permettant d’alerter sur l’existence d’un contenu illicite. En vertu des dispositions légales sur la protection des mineurs, certains vidéos doivent obligatoirement faire l’objet de restriction d’accès (vidéos érotiques, pornographique, de grande violence etc.). En revanche, lorsque ces vidéos dites « sensibles » sont télédiffusées, la signalétique obligatoire de l’audiovisuel s’applique. La encore les services en ligne bénéficient d’un régime juridique plus souple que celui des services audiovisuels.

A  ce titre, l’article 227-24 du Code pénal dispose que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. »

Les aides aux vidéos en ligne  

Un projet qui mettrait en œuvre la production ou la réalisation de vidéos diffusées sur les réseaux sociaux a vocation à bénéficier de certaines aides du CNC. Il existe en effet, un dispositif d’aide aux projets nouveaux médias visant les œuvres audiovisuelles innovantes avec spécificités de l’Internet et/ou des écrans mobiles dans leur démarche artistique et de diffusion.

Le régime des SMAD s’applique-il ? 

Selon l’article 36 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle, on entend par service de médias audiovisuels à la demande (SMAD) « tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service ».

La loi exclut expressément des SMAD i) les services consistant à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt, ii) ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire iii) ceux qui ne relèvent pas d’une activité économique au sens de l’article 256 A du code général des impôts.

Les vidéos des réseaux sociaux sont donc exclues du dispositif légal des SMAD (obligations de production …).

Les vidéos « professionnelles »

Indépendamment des vidéos amateurs, les plateformes de vidéos des réseaux sociaux sont devenues un canal de publicité pour les annonceurs et éditeurs. En conséquence, des contenus protégés peuvent être présents sur les plateformes en ligne : vidéomusiques, extraits de reportages, épisodes de séries ou d’extraits de films, bandes annonces etc.

Lorsque le titulaire des droits est à l’origine de la mise en ligne, une demande d’autorisation de rediffusion doit être demandée pour pouvoir réutiliser ces œuvres et extraits. Certaines vidéos et bandes annonces font l’objet d’accords spécifiques de diffusion entre diffuseurs plateformes et société de gestion collective (avec reversement publicitaire pour les titulaires de droits).

(1) Fait de filmer en direct, notamment au moyen d’un téléphone portable, une scène de violence, un délit ou autres infractions à des fins de divertissement


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