Porte-Fort : 18 septembre 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02317

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Porte-Fort : 18 septembre 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/02317

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 18 SEPTEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02317 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E3AT

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,

R.G.n° 19/01935, en date du 26 août 2021,

APPELANTS :

Monsieur [K] [E]

né le 17 octobre 1939 à [Localité 8] (ALGÉRIE)

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Laurent MORTET de la SELARL BGBJ, substitué par Me Aurélie HARBIL-BONNE, avocats au barreau d’EPINAL

Madame [X] [S], épouse [E]

née le 04 octobre 1948 à [Localité 5] (ALGÉRIE)

domicilié [Adresse 3]

Représentée par Me Laurent MORTET de la SELARL BGBJ, substitué par Me Aurélie HARBIL-BONNE, avocats au barreau d’EPINAL

INTIMÉE :

Madame [Z] [G], veuve [E]

née le 27 juillet 1982 à [Localité 4] (ALGÉRIE)

domicilée [Adresse 1]

bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/012836 du 19/11/2021 complétée par une décision du 29/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY

Représentée par Me Farida AYADI de la SCP EST AVOCATS, substituée par Me Telesphore TEKEBENG LELE, avocats au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Juin 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 18 Septembre 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Du mariage entre Madame [X] [S] et Monsieur [K] [E] est issu [D] [E], né le 24 octobre 1965 à [Localité 6] (Vosges).

[D] [E] a épousé Madame [Z] [G] le 28 mars 2013 devant l’officier d’état civil de Tipaza (Algérie).

Par acte d’huissier du 19 août 2015, [D] [E] a fait assigner Madame [G] devant le tribunal de grande instance d’Epinal aux fins d’obtenir l’annulation du mariage en faisant valoir le défaut de consentement de son épouse et sa seule intention d’obtenir un titre de séjour.

Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal de grande instance d’Epinal a débouté [D] [E] de l’intégralité de ses demandes et condamné ce dernier à verser à son épouse la somme de 1500 euros en dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.

Ce jugement a été signifié à [D] [E] le 26 juillet 2017, par dépôt de l’acte en étude.

[D] [E] est décédé le 31 juillet 2017 à [Localité 7] (Vosges).

Suivant une déclaration de porte-fort en date du 13 octobre 2017 auprès de la caisse d’épargne et de prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne, Madame [Z] [G], agissant en qualité d’héritière de la succession de son époux, a notamment déclaré :

– accepter irrévocablement ladite succession et demander la clôture de tous les comptes du défunt au nom de tous les héritiers,

– se porter fort pour l’ensemble des héritiers dévolus dans cette succession,

– attribuer la quote-part revenant à tous les héritiers et aux éventuels héritiers ou légataires qui se manifesteraient ultérieurement.

Le 22 novembre 2017, Madame [G] a clôturé le compte-courant de son époux décédé et suivant un bordereau d’opération daté du même jour, la Caisse d’Épargne et de prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne a effectué un virement interne du solde de compte, d’un montant de 917,53 euros, à destination du compte n°[XXXXXXXXXX02].

Par acte du 6 mars 2018, Monsieur et Madame [E] ont fait assigner la Caisse d’Épargne Lorraine Champagne Ardenne devant le tribunal d’instance d’Epinal aux fins de condamnation pour les manquements commis à l’occasion de la clôture du compte de leur fils.

Par jugement du 27 décembre 2018, le tribunal d’instance d’Epinal a notamment condamné la Caisse d’Épargne et de prévoyance Grand Est Europe, à payer à Monsieur [E] et Madame [S] la somme totale de 430 euros en réparation de leur préjudice matériel et moral, outre les intérêts légaux, en raison de manquement de la banque à leur égard au titre d’un devoir de vigilance, sur le fondement des articles L. 312-1-4 du code monétaire et financier, 1231-2 et 757-1 du code civil.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 janvier 2019, les époux [E] ont mis en demeure Madame [G] de leur verser la somme de 458,76 euros au titre de leur quote-part dans la succession de leur fils, Monsieur [D] [E].

Par déclaration au greffe du 6 mars 2019, les époux [E] ont saisi le tribunal d’instance d’Epinal aux fins d’obtenir la condamnation de Madame [G] à leur payer en principal les sommes de 458,77 euros et 3500 euros à titre de dommages et intérêts, outre sa condamnation aux dépens de l’instance.

Par jugement du 29 août 2019, le tribunal d’instance d’Epinal s’est déclaré incompétent et a désigné pour statuer sur le litige, le tribunal de grande instance d’Epinal ayant compétence exclusive pour connaître d’une demande relative au partage d’une succession ou de toute contestation en matière d’indivision ou de partage.

Par jugement contradictoire du 26 août 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire d’Epinal a :

– constaté que les époux [E] ont produit le jugement du tribunal d’instance d’Epinal en date du 27 décembre 2018 (RG n° 11-18-000187),

– condamné Madame [Z] [G] à payer aux époux [E] la somme totale de 458,77 euros, soit 229,38 euros chacun, au titre de frais d’obsèques de Monsieur [D] [E],

– condamné les parties à partager par moitié la charge des dépens, à hauteur de 50 % pour Madame [Z] [G], et 50 % pour les époux [E],

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Pour statuer ainsi, le tribunal a rappelé que les héritiers étaient tenus d’une obligation personnelle au paiement des frais d’obsèques, indépendamment des opérations de succession. Il a considéré que les époux [E] justifiaient s’être acquittés des frais d’obsèques de leur fils et qu’ils étaient bien fondés, en leur qualité de créanciers de la succession, à solliciter le paiement par Madame [G] de la somme de 458,76 euros, soit 229,38 euros chacun, payable sur le solde créditeur du compte bancaire d’un montant de 917,53 euros remis à celle-ci.

Le tribunal a relevé que Madame [G] s’était portée fort à l’égard de la Caisse d’épargne et des héritiers de son époux, suivant une déclaration en date du 13 décembre 2017 ; qu’aux termes de ce contrat, elle s’était notamment engagée à reverser aux héritiers la quote-part leur revenant au titre du solde créditeur d’un montant de 917,53 euros. Le tribunal a considéré que si les époux [E] se prévalaient de l’inexécution d’une promesse de porte-fort souscrite par Madame [G] pour le compte des héritiers de Monsieur [D] [E], ils ne démontraient pas l’attitude fautive de Madame [G], étant en outre précisé que la procédure s’inscrivait dans un conflit familial massif. Le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à leur demande fondée sur l’article 1231-1 du code civil en l’absence de preuve d’une faute de la part de Madame [G].

Sur les demandes reconventionnelles de Madame [G], le premier juge a relevé que celle-ci ne justifiait pas avoir notifié, ni à son époux préalablement à son décès, ni aux autres héritiers, le jugement du 5 juillet 2017 aux termes duquel son époux a été condamné à lui verser la somme totale de 2500 euros ; qu’en conséquence, elle ne peut se prévaloir d’un titre exécutoire et donc d’une créance exigible. Le tribunal a ainsi rejeté sa demande en paiement de la somme de 1250 euros dirigée contre les époux [E].

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 27 septembre 2021, Monsieur et Madame [E] ont relevé appel de ce jugement.

Après communication des conclusions des parties, la clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 10 janvier 2023 et l’audience de plaidoirie a été fixée le 30 janvier 2023.

Par ordonnance du 30 janvier 2023, la révocation de la clôture a été ordonnée afin de permettre aux parties de conclure sur des points que la cour a entendu mettre dans les débats portant sur :

– la soumission de la demande au titre du non-respect de la promesse de porte-fort au régime de la responsabilité délictuelle, requérant la démonstration d’une faute à l’origine d’un préjudice, dès lors que Monsieur et Madame [E] n’étaient pas parties à l’acte de porte-fort,

– la recevabilité de la demande de Madame [G] au titre de l’indemnisation de l’article 700 qui lui a été accordée à l’encontre du défunt ; en effet, il s’agit d’une créance d’un héritier contre la succession, susceptible de relever du partage successoral ; or il n’y a aucune demande d’ouverture des opérations de liquidation partage qui est un préalable et dont la recevabilité de la demande en justice doit préciser, outre un descriptif sommaire du patrimoine à partager, les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable (article 1360 du code civil).

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 6 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur et Madame [E] demandent à la cour, au visa des articles 1205 et 1206 du code civil, de l’article 1240 du code civil et de l’article 1360 du code de procédure civile, de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Madame [G] de les voir condamnés à lui payer la somme de 1250 euros,

– infirmer le jugement en ses dispositions qui ont :

* condamné les parties à partager par moitié la charge des dépens, à hauteur de 50 % pour Madame [G], et 50 % pour Monsieur et Madame [E],

* débouté les époux [E] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laquelle demande consistait en la condamnation de Madame [G] à leur verser la somme de 1500 euros,

* débouté les époux [E] de leur demande tendant à la condamnation de Madame [G] à leur verser la somme de 3500 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur ces seuls points,

– condamner Madame [G] à leur verser la somme de 3500 euros en réparation du préjudice causé,

– condamner Madame [G] à leur verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de l’indemnité de première instance,

– condamner Madame [G] aux entiers dépens de la première instance, avec application de l’article 699 au profit de la SCP Bégel-Guidot-Bernard-Jurek-Mortet-BGBJ Avocats,

Ajoutant au jugement,

– condamner Madame [G] à leur verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de l’indemnité d’appel,

– condamner Madame [G] aux entiers dépens de la procédure d’appel, avec application de l’article 699 au profit de la SCP Bégel-Guidot-Bernard-Jurek-Mortet-BGBJ Avocats.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 20 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [G] demande à la cour, au visa des articles 786 et suivants du code civil, de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Madame [G] de sa demande de condamnation de Monsieur et Madame [E] à lui payer la somme de 1250 euros et en ce qu’il a condamné par moitié les parties aux dépens,

– infirmer partiellement le jugement,

Statuant’à’nouveau’sur’ce’point,

– condamner Monsieur et Madame [E] à lui payer la somme de 1250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2021 date du jugement réformé,

En tout état de cause,

– condamner les époux [E] à payer à Madame [G] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [X] [E] et Monsieur [K] [E] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 12 juin 2023 et le délibéré au 18 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur et Madame [E] le 6 mars 2023 et par Madame [G] veuve [E] le 20 mars 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 4 avril 2023 ;

* Sur la demande d’indemnisation de Monsieur et Madame [E]

Le dispositif du jugement, qui dans sa motivation a rejeté la demande des époux [E], ne comporte pas de disposition en ce sens ; il conviendra de rectifier cette erreur matérielle.

Les époux [E] fondent leur demande indemnitaire sur l’article 1206 du code civil et la violation par Madame [G] des engagements qu’elle avait souscrits à leur bénéfice dans sa déclaration de porte-fort du 13 décembre 2017, ce à quoi elle s’oppose en l’absence de faute et de préjudice.

La déclaration de porte-fort souscrite par Madame [G] auprès de la Caisse d’Épargne pour procéder à la clôture du compte bancaire du défunt au nom de tous les héritiers comporte l’engagement suivant :

‘5) Attribuer la quote-part revenant à tous les héritiers et aux éventuels héritiers/légataires qui se manifesteraient ultérieurement’

ce qui constitue effectivement une stipulation pour autrui, qui confère en application de l’article 1206 du code civil aux bénéficiaires, en l’occurrence les époux [E] en leur qualité d’héritiers à hauteur de 25 % chacun du patrimoine de leur fils, un droit direct contre le promettant, Madame [E], qui engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis d’eux.

Néanmoins, il leur appartient de démontrer une faute de sa part – c’est à dire une mauvaise exécution de son engagement – et le préjudice qui en a découlé pour en obtenir réparation.

Or, la détermination de la quote-part revenant aux héritiers sur l’actif brut que constitue le solde créditeur du compte bancaire, nécessite qu’il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession. À cet égard, il ressort des éléments aux débats que le seul actif de la succession était constitué du solde créditeur s’élevant à 917,53 euros et que Madame [G] faisait valoir une créance de 2500 euros résultant des condamnations prononcées contre son ex-époux par jugement contradictoire du 5 juillet 2017, notifié à celui-ci par acte d’huissier le 26 juillet 2017. Les parents ont également fait état d’une créance au titre des frais d’obsèques qu’il ont pris en charge. Or les parties, seules héritières du défunt en application de l’article 757-1 du code civil à hauteur de 25 % pour chacun des parents et de 50 % pour la veuve qui a agi en qualité d’héritière et a expressément accepté la succession dans sa déclaration de porte-fort, n’ont pas procédé à ces opérations, de telle sorte qu’il n’est pas caractérisé une inexécution de la part de Madame [G] qui a retenu dans cette attente les sommes perçues à l’occasion de la clôture du compte bancaire du défunt.

En outre, en l’absence de réalisation desdites opérations, les époux [E] ne démontrent pas l’existence d’un préjudice puisqu’ils ne rapportent pas la preuve qu’ils pouvaient effectivement prétendre à une quote-part de cet actif brut – la succession apparaissant au contraire déficitaire – et ce, d’autant plus qu’en raison de l’erreur commise par la banque lors des opérations de clôture du compte, ils ont obtenu sa condamnation à leur verser 430 euros (230 euros au titre de la perte de chance d’obtenir leur part dans l’actif et 200 euros en indemnisation de leur préjudice moral).

Ils ne démontrent pas plus la réalité du préjudice moral qu’ils invoquent.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui les a déboutés de leur demande.

** Sur la demande de Madame [G]

– Sur la recevabilité de l’appel incident

Dans ses premières conclusions signifiées le 27 mars 2022 intitulées ‘d’intimée et d’appel incident’, Madame [G] demande à la cour de :

‘Déclarer Madame [G] recevable et bien fondé en son appel

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en qu’il a débouté Madame [G] de sa demande de condamnation des Epoux [E] à lui payer à la somme de 1250 euros et en ce qu’il a condamné par moitié les parties au dépens

Statuant’à’nouveau’sur’ce’point,

Condamner Madame [X] [E] et Monsieur [K] [E] à lui payer la somme de 1250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2021 date du jugement réformé’

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsqu’une partie ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement ; cette règle procédurale découlant de l’arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la Cour de cassation (n°20-17.263) ne s’applique qu’aux appels interjetés à compter de cette date à l’appelant comme à l’intimé qui relève appel incident (Civ 2, 1er juillet 2021, n°20-10.694).

S’il n’est pas imposé l’emploi de formule sacramentelle pour l’expression de l’objet de l’appel, celui-ci doit néanmoins être énoncé clairement dans le dispositif des conclusions et son absence ne peut pas être palliée par la formulation des prétentions sur le litige, qui constitue une exigence autonome.

En l’espèce, les conclusions de l’intimé demandent la confirmation ‘du jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a …’ expriment a contrario, de manière certes implicite mais claire, une demande d’infirmation du jugement, de telle sorte que l’objet de l’appel est exprimé. Par la suite, elles énoncent des prétentions.

Il s’ensuit que la cour d’appel est valablement saisie de l’appel incident de Madame [G] et qu’il convient d’écarter l’irrecevabilité soulevée par Monsieur et Madame [E].

– Sur le bien fondé de la demande de Madame [G]

Vu l’article 122 du code de procédure civile,

Vu l’article 877 selon lequel le titre exécutoire contre le défunt l’est aussi contre l’héritier, huit jours après que la signification lui en a été faite.

Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal judiciaire d’Epinal a condamné [D] [E] à payer à son épouse 1500 euros de dommages-intérêts et 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ce jugement contradictoire lui a été notifié par signification remise en l’étude de l’huissier le 26 juillet 2017, avec dépôt d’un avis de passage à son domicile et signifiés à nouveau à la personne de chacun de ses parents le 24 mars 2022 à l’occasion d’un acte de signification de pièce, de telle sorte qu’il est aujourd’hui définitif.

Madame [G] est bien créancière de la succession de [D] [E], elle en est également héritière, ayant indiqué dans la promesse de porte-fort : ‘ agissant en qualité d’héritier(e) direct(e) de la succession de [E] [D] accepter irrévocablement ladite succession, déclare 1) accepter irrévocablement ladite succession ‘. Monsieur et Madame [E], ayant agi contre l’établissement bancaire en leur qualité d’héritiers de leur fils, puis contre Madame [G] en cette même qualité comme l’a d’ailleurs relevé le juge d’instance dans sa décision d’incompétence du 29 août 2019, ont également accepté purement et simplement la succession de leur fils.

L’article 867 du code civil, qui figure dans le titre relatif aux successions, dispose que ‘Lorsque le copartageant a lui-même une créance à faire valoir, il n’est alloti de sa dette que si, balance faite, le compte présente un solde en faveur de la masse indivise’.

L’article 876 du même code énonce que ‘les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer’. L’article 1309 précise que ‘L’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux. La division a lieu également entre leurs successeurs’. La Cour de cassation a déduit de ces deux textes que ‘chaque héritier est personnellement tenu des dettes de la succession pour la part successorale dont il est saisi. Il en résulte qu’est recevable l’action engagée par un héritier à l’encontre d’un seul de ses cohéritiers aux fins de voir fixer sa créance à l’encontre de la succession, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ces derniers’, la Cour de cassation a en effet précisé que la demande de fixation de sa créance à l’encontre de la succession ‘qui ne tend ni à la liquidation de l’indivision successorale ni à l’allotissement de cet héritier, ne constitue pas une opération de partage et n’est, dès lors, pas subordonnée à l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession’.

En l’espèce, la demande de Madame [G] tend, non pas à faire fixer sa dette à l’encontre de la succession, mais à obtenir la condamnation des parents, héritiers à hauteur de 25 % chacun, à lui payer la moitié de la créance fixée à son bénéfice par le jugement du 5 juillet 2017, de telle sorte qu’il s’agit indéniablement d’une demandant tendant à la liquidation de l’indivision successorale et à l’allotissement de l’héritier, constituant une opération de partage, laquelle est subordonnée à l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, qui en l’espèce n’a pas eu lieu. Dans ces conditions, Madame [G] ne dispose pas à ce stade d’un droit direct contre ses co-héritiers et sa demande est donc irrecevable.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Madame [G] de sa demande, laquelle sera déclarée irrecevable.

*** Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a partagé par moitié entre les parties les dépens et les a déboutées de leurs demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte-tenu de la nature du litige, il convient de dire que les parties assumeront les dépens par moitié.

En considération de l’équité, il convient de rejeter les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Rectifie l’erreur matérielle affectant le dispositif du jugement rendu le 29 août 2019 par le tribunal judiciaire d’Epinal en ce qu’il a omis la mention suivante :

‘Déboute les époux [E] de leur demande de condamnation de Madame [G] à leur payer 3500 euros (TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS) de dommages-intérêts’ ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions contestées par les appelants,

Déclare recevable Madame [G] en son appel incident tendant à faire’Condamner Madame [X] [E] et Monsieur [K] [E] à lui payer la somme de 1250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2021 date du jugement réformé’,

Infirme le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de Madame [G] aux fins de ‘Condamner Madame [X] [E] et Monsieur [K] [E] à lui payer la somme de 1250 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 2021 date du jugement réformé’ ;

Y ajoutant,

Fait masse des dépens d’appel et condamne chaque partie à en supporter la moitié,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en dix pages.

 


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