Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18294 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQR5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 202005878
APPELANTE
SA LA FRANCAISE DE L’ENERGIE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 2]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Metz sous le numéro 501 152 193
représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
INTIMEE
S.A.S. ENTREPOSE GROUP
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
immatriculée au registre du commerce et de sociétés de Nanterre sous le numéro 410 430 706
représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistée de Me Lin NIN, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère,
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère faisant fonction de Président, et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.
La société La Française de l’Energie (LFDE) est la filiale française de la société European Gas Limited, société britannique prospectrice d’hydrocarbures gazeux (énergies fossiles) dont la spécialité est l’exploitation du gaz de couche (gaz absorbé dans le charbon).
La société [E] [H], anciennement dénommée Entrepose [H], est spécialisée dans le forage et appartenait au groupe Entrepose.
Au mois d’août 2016, dans le cadre d’une campagne de prospection pour l’exploitation de gisements gaziers en Moselle, la société LFDE a a lancé un appel d’offres pour la mise à disposition d’une unité de forage ainsi que du personnel qualifié pour opérer la machine de forage.
Le 5 septembre 2016, la société Entrepose [H] a soumis deux propositions commerciales contenant chacune le détail des performances techniques attachées à chacun des matériels de forage, à savoir le RIG HH300 et le RIG MR8000. La société LFDE a choisi la proposition la moins-disante portant sur le matériel MR8000.
La société Entrepose [H] et la société LFDE ont alors conclu un contrat de mise à disposition de matériel de forage ainsi que du personnel y attaché, à effet au 9 décembre 2016.
Les opérations de forage ont débuté le 18 décembre 2016 et se sont poursuivies jusqu’au 30 avril 2017.
Un incident de forage est cependant survenu le 26 mars 2017, consistant dans le coincement temporaire de la garniture au fond pendant le cours du forage du drain 1E. Un incident de matériel en surface est également survenu quelques heures après et a causé l’arrêt du forage pendant trois jours, soit jusqu’au 29 mars 2017.
Un second incident de forage est survenu le 30 mars 2017, pendant les tentatives, avec la garniture de forage au fond, de retrouver le drain 1E. Le coincement ne pourra cependant être résolu et la partie inférieure de la garniture sera laissée et abandonnée dans le trou, faisant perdre les deux drains horizontaux réalisés 1C et 1D.
A compter du 30 avril 2017, la société LFDE a refusé de régler les factures de la société [E] [H] puis, à partir du 1er mai 2017, suspendu les opérations de forage.
Les discussions entre les parties en mai et juin 2017 n’ayant pas abouti, la société LFDE a notifié à la société Entrepose [H] le 5 juillet 2017 la résiliation anticipée du contrat et la société Entrepose [H] a alors saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris le 13 juillet 2017 et par ordonnance du 8 septembre 2017, le président du tribunal de commerce de Paris a fait partiellement droit à ses demandes en condamnant LFDE à payer à la société Entrepose [H] une somme totale de 1.183.562,18 euros.
Le 7 mai 2018 la société Entrepose [H] a fait assigner LFDE au fond devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir le solde des factures restant dues. L’instance a été enregistrée sous le numéro de RG2018027191.
La société HDI Global SE assureur de la société Entrepose [H] est intervenue volontairement à l’instance.
La société La Française de l’Energie, apprenant qu’un projet de vente de la société Entrepose [H] était envisagé, s’est inquiétée de sa future solvabilité et a souhaité appeler en garantie la société mère de celle-ci la société Entrepose Group en l’assignant en intervention forcée suivant acte du 11 décembre 2019 et en sollicitant la jonction des deux affaires. L’instance a été enregistrée sous le numéro de RG 2020005878.
Par jugement du 1er octobre 2021 rendu dans l’instance n° RG2018027191, le tribunal de commerce de Paris a :
dit recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la société HDI Global SE à la présente procédure au soutien des intérêts de la société Entrepose [H],
débouté la société LFDE de sa demande reconventionnelle de résolution du contrat,
débouté la société LFDE de toutes ses demandes reconventionnelles de remboursement par la société Entrepose [H] des sommes qu’elle lui a versées au titre du contrat et au titre de l’exécution de l’ordonnance du 8 septembre 2017,
débouté la société LFDE de sa demande à titre reconventionnel d’indemnisation des préjudices immédiats et additionnels de paiement de la somme de 6.337.029 euros par Entrepose [H],
débouté la société Entrepose [H] de sa demande de paiement des soldes des factures n° 2017041 et 2017050 d’un montant total de 253.184 euros par la société LFDE,
confirmé que la société LFDE a bien résilié le contrat au 12 juillet 2017,
condamné la société LFDE à payer à la société Entrepose [H] la somme de 865.680 euros HT (697.680 + 168.000) au titre de la résiliation anticipée du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2018, avec anatocisme, le paiement sera assorti d’une astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après le prononcé du jugement,
débouté la société Entrepose [H] de sa demande en paiement par la société LFDE de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale,
condamné la société LFDE à payer 50.000 euros à la société Entrepose [H] et 5.000 euros à la société HDI Global SE au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs demandes plus amples, autres, ou contraires aux présentes dispositions,
ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie,
condamné la société LFDE aux dépens de l’instance.
La société La Française de l’Energie a formé appel du jugement par déclaration du 20 octobre 2021 enregistrée le 21 octobre 2021. L’instance a été enregistrée sous le numéro de RG 21/18297.
Par jugement du 1er octobre 2021 rendu dans l’instance n° RG 2020005878, le tribunal de commerce de Paris a :
dit irrecevable la demande d’intervention forcée de la société La Française de l’Energie à l’encontre de la société Entrepose Group,
débouté la société La Française de l’Energie de sa demande de jonction de la présente affaire avec l’affaire enregistrée sous le RG n° 2018027191,
condamné la société La Française de l’Energie à payer la somme de 2.000 euros à la société Entrepose [H] (en réalité Entrepose Group) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société La Française de l’Energie a formé appel du jugement par déclaration du 20 octobre 2021 enregistrée le 21 octobre 2021. L’instance a été enregistrée sous le numéro de RG 21/18294.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2022 dans l’instance n° RG200005878, la Française de l’Energie demande à la cour, au visa des articles 63 et 66, 325, 331 et suivants du code de procédure civile, 367 et suivants du code de procédure civile :
de déclarer la société LFDE recevable et bien fondée en son appel ;
Y faisant droit,
d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 1er octobre 2021 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
A titre principal :
de déclarer recevable et bien fondée la demande en intervention forcée formulée à l’encontre de la société Entrepose Group SAS ;
d’ordonner l’intervention forcée de la société Entrepose Group SAS dans l’instance enrôlée devant la Cour sous le numéro RG21/18297 ;
en conséquence, d’ordonner la jonction de la présente instance avec l’instance pendante devant la Cour de céans, inscrite au rôle sous le numéro RG n° 21/18297 ;
de condamner Entrepose Group SAS à répondre solidairement avec la société [E] [H] SAS de toutes condamnations prononcées contre cette dernière,
En tout état de cause :
de condamner Entrepose Group à verser à La Française de l’Energie la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
de condamner Entrepose Group aux entiers dépens ;
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 27 avril 2022, la société Entrepose Group demande à la cour, au visa des articles 325 et 331 du code de procédure civile, 367 du code de procédure civile, 32-1 du code de procédure civile :
– de confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 1er octobre 2021 en ce qu’il a :
– Dit irrecevable la demande d’intervention forée de la SA La Française de l’Energie à l’encontre de la société Entrepose Group,
– Débouté la SA La Française de l’Energie de sa demande de jonction de la présente affaire avec l’affaire enregistrée sous le RG N°2018027191,
– Condamné la SA La Française de l’Energie à payer la somme de 2.000 euros à la société Entrepose [H] [lire Entrepose Group] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la SA Française de l’Energie aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA
– en tout état de cause :
de condamner la société La Française de l’Energie à payer à la société Entrepose Group la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice,
de condamner la société La Française de l’Energie à payer à la société Entrepose Group la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
de condamner la société La Française de l’Energie à payer les entiers dépens,
d’ordonner l’exécution provisoire sur minute.
*
La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 20 avril 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur l’intervention forcée
La société LFDE soutient qu’il n’existe que très peu d’informations publiques permettant de s’assurer de l’assise financière de la société [E] Group. Elle explique s’être légitimement inquiétée de la solvabilité d’Averne [H] après ce changement d’actionnaire et de sa capacité à honorer une éventuelle condamnation à son profit. Elle fait valoir que les sociétés Entrepose Group et [E] [H] restent deux sociétés liées, que la société Entrepose Group a fait preuve d’une mauvaise foi manifeste et que les derniers éléments financiers fournis par [E] [H] confirment une situation financière très altérée. La société LFDE objecte en outre que la promesse de porte fort produite à l’occasion de l’instance devant le premier président de la cour d’appel est insuffisante dans la mesure où elle ne couvre que les sommes versées à [E] [H] au titre de la décision de première instance et non les sommes auxquelles elle pourrait être condamnée au titre des demandes reconventionnelles de LFDE, et que la situation financière de la société [E] [H] est fragile.
La société Entrepose Group soutient que la demande d’intervention forcée est irrecevable faute pour la société LFDE de justifier d’un intérêt à agir à l’encontre d’Entrepose Group, société mère de la société Entrepose [H]. Elle souligne que l’assureur de la société Entrepose [H], la société HDI Global SE, est déjà partie au litige existant entre Entrepose [H] et LFDE.
Aux termes de l’article 325 du code de procédure civile :
« L’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. »
Aux termes de l’article 331 du même code :
« Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense. »
La société Averne [H] (alors dénommée Entrepose [H]) était jusqu’en 2020 la filiale de la société Entrepose Group qui est elle-même une filiale du groupe Vinci. La société Entrepose Group a procédé à la cession d'[E] [H] à la société Averne Group avec effet au 26 février 2020.
La société LFDE a fait assigner la société Entrepose [H], devenue [E] [H], en résolution, avec effet rétroactif, du contrat qu’elles ont signé et auquel la société Entrepose Group n’est pas partie. Elle réclame à la société [E] [H] l’indemnisation des préjudices qu’elle prétend avoir subis du fait de la rupture du contrat qu’elle impute à son cocontractant. Elle n’avance aux termes de son assignation en intervention forcée aucun grief à l’encontre de la société Entrepose Group justifiant une demande de garantie ou de condamnation solidaire.
Dans ses conclusions dans l’instance opposant LFDE à [E] [H], la société HDI Global SE indique qu’elle pourrait être susceptible de garantir certains préjudices allégués par la société LFDE dans les limites contractuelles de ses garanties. Si l’absence de production de sa police d’assurance ne permet pas d’en mesurer l’étendue, elle constitue quand même une garantie au moins partielle des condamnations éventuellement prononcées à l’égard de son assuré.
Une promesse de porte-fort datée du 14 décembre 2021 est en outre produite. Elle précise qu’en application des articles 1204 et suivants du code civil, la société Entrepose Group « se porte fort pour la société Entrepose [H], devenue [E] [H], de restituer à la SA La Française de l’Energie les sommes versées par cette dernière en exécution des condamnations prononcées en première instance par le tribunal de commerce de Paris le 1er octobre 2021 en cas d’infirmation dudit jugement par la cour d’appel ainsi que de la défaillance de la société Entrepose [H], devenue [E] [H] à procéder auxdites restitutions. ». Le remboursement, en cas d’infirmation du jugement, des sommes versées à Entrepose [H] est donc garanti.
Quant aux demandes de dommages-intérêts formées à l’encontre de cette dernière, la société LFDE ne justifie pas d’un droit d’agir à ce titre à l’encontre de la société Entrepose Group, étrangère au litige opposant LFDE et [E] [H], de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit irrecevable la demande d’intervention forcée de la société LFDE à l’encontre de la société Entrepose Group.
Sur la jonction
Aux termes de l’article 367 du code de procédure civile :
« Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
Compte-tenu de l’irrecevabilité de la demande d’intervention forcée formée à l’encontre de la société Entrepose Group, la demande de jonction ne peut être accueillie. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La cour relève que les premiers juges ont par erreur indiqué que le bénéficiaire de la condamnation au titre des frais irrépétibles était Entrepose [H] alors qu’il ressort clairement de l’instance qu’il s’agit d’Entrepose Group.
La société LFDE succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens. Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Entrepose Group la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,
DEBOUTE la société Entrepose Group de sa demande de dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice ;
CONDAMNE la société La Française de l’Energie aux dépens ;
CONDAMNE la société La Française de l’Energie à payer à la société Entrepose Group la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT