Porte-Fort : 11 octobre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/02928

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Porte-Fort : 11 octobre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/02928

MINUTE N° 446/23

Copie exécutoire à

– Me Nadine HEICHELBECH

– Me Christine BOUDET

Le 11.10.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 11 Octobre 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02928 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HTTD

Décision déférée à la Cour : 27 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de SAVERNE – Chambre commerciale

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.S. KARLSBRAU CHR

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la Cour

INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.S. LAIDEUZEL RESTAURATION

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 12 juin 2017, les parties ont conclu une convention, d’une durée de sept années, selon laquelle la société KARLSBRAU CHR s’engageait à fournir à la société LAIDEUZEL RESTAURATION des avantages économiques et/ou financiers, à savoir un prêt de 25 365 euros, et, en contrepartie, cette dernière s’engageait à s’approvisionner pour son fonds de commerce exclusivement et de manière constante en bières fabriquées, distribuées ou commercialisées par la société KARLSBRAU et pour une quantité minimale annuelle de 240 hl.

Le même jour, la société KARLSBRAU consentait à cette société un prêt d’un montant de 25 365 euros remboursable en 84 mois au taux de 4,80 % l’an, dont une franchise d’un mois.

Le 26 juin 2017, une inscription de privilège de nantissement en premier rang était requise.

Par avenant du 12 décembre 2017, à effet rétroactif au 1er avril 2017, une remise de 55 euros par hectolitres de bières d’une certaine gamme a été consentie ; par avenant du 1er juillet 2018, le nom du distributeur a été précisé.

La société LAIDEUZEL RESTAURATION a cédé son fonds de commerce sous l’enseigne ‘Le Harper’s Café’ et la société KARLSBRAU CHR a fait opposition au prix de vente à hauteur de 78 487,28 euros.

Suite à l’assignation de la société KARLSBRAU CHR, le tribunal judiciaire de Saverne a, par jugement du 27 avril 2021 :

– prononcé la résiliation de la convention du 12 juin 2017 et ses avenants des 12 décembre 2017 et 1er juillet 2018 aux torts exclusifs de la société LAIDEUZEL RESTAURATION,

– condamné la société LAIDEUZEL RESTAURATION à payer à la société KARLSBRAU CHR les sommes de :

– 17 205,05 euros au titre du solde du prêt consenti le 12 juin 2017, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

– 10 000 euros au titre de la clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

– ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière sur le fondement de l’article 1342-2 du code civil,

– débouté la société KARLSBRAU CHR du surplus de sa demande de réparation,

– condamné la société LAIDEUZEL RESTAURATION au paiement de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le 17 juin 2021, la SAS KARLSBRAU CHR en a interjeté appel par voie électronique.

Par acte d’huissier de justice délivré le 13 octobre 2021, à la requête de la SASU KARLSBRAU CHR, ont été signifiés, à la SAS LAIDEUZEL RESTAURATION, la déclaration d’appel, le récapitulatif de la déclaration d’appel et les conclusions et bordereau du 16 septembre 2021.

Le 4 novembre 2021, la SAS LAIDEUZEL RESTAURATION s’est constituée intimée par voie électronique.

Par ses dernières conclusions du 12 mai 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la SAS KARLSBRAU CHR a présenté ses prétentions et moyens à la cour.

Par conclusions du 25 avril 2022, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société LAIDEUZEL RESTAURATION a présenté ses prétentions et moyens à la cour.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er juillet 2022.

Vu l’audience du 14 juin 2023 à laquelle l’affaire a été appelée,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur l’appel incident de la société LAIDEUZEL RESTAURATION :

1.1 Sur la demande d’annulation du contrat de bière conclu le 12 juin 2017 et de ses avenants subséquents des 12 décembre 2017 et 1er juillet 2018 :

1.1.1. La société LAIDEUZEL RESTAURATION soutient, d’abord, qu’en application de l’article L.330-3 du code de commerce, la société KARLSBRAU CHR doit justifier de la remise du document visé par ce texte, et qu’à défaut, cette inexécution dans le délai légal entraîne la nullité du contrat.

La société KARLSBRAU CHR demande à la cour de constater la prescription des demandes de nullité du contrat présentées par voie d’exception, soutenant que, soulevée par voie d’exception, par conclusions du 29 décembre 2021, cette demande est prescrite depuis le 12 juin 2021, le contrat du 12 juin 2017 ayant reçu une exécution.

Sur le fond, elle ajoute que les dispositions de l’article L.330-3 du code de commerce n’ont pas lieu de s’appliquer, soutenant ne pas avoir mis à disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne.

Sur ce,

Aux termes de l’article L.330-3 du code de commerce, ‘toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d’une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d’une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimums avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l’alinéa précédent.’

Selon les articles L.110-4 du code de commerce et 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières portant sur des obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, la société LAIDEUZEL RESTAURATION invoque l’absence de remise du document prescrit par l’article L.330-3 précité, ce dont elle a pu avoir connaissance au plus tard lors de la signature du contrat, lequel a été signé le 12 juin 2017, et ses avenants en décembre 2017 et juillet 2018.

La règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté ne s’applique qu’à compter de l’expiration du délai de prescription de l’action.

La demande en nullité présentée par conclusions du 29 décembre 2021 a été présentée dans le délai de prescription de l’action en nullité, et n’est donc pas prescrite. La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc rejetée.

Sur le fond, la société LAIDEUZEL RESTAURATION ne soutient cependant pas que le contrat prévoyait que la société KARLSBRAU CHR mette à sa disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne et en tous les cas ne se prévaut pas de clauses contractuelles en ce sens. De surcroît, lesdites clauses ne le prévoient pas. Dès lors, elle ne justifie pas des conditions d’application de l’article précité.

La demande d’annulation du contrat de bière, et celle formée en conséquence concernant le contrat de prêt, seront donc rejetées, tout comme les demandes en remboursement formées par la société LAIDEUZEL RESTAURATION en conséquence de cette demande de nullité.

1.1.2. La société LAIDEUZEL RESTAURATION soutient, ensuite, qu’en application de l’article L.442-6 2° du code de commerce, la société KARLSBRAU CHR engage sa responsabilité en l’ayant soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, soutenant que le contrat était juridiquement – et économiquement – déséquilibré, et que l’ensemble de ces éléments invoqués à cet égard caractérise l’absence de cause.

La société KARLSBRAU CHR demande à la cour de constater la prescription de la demande de nullité du contrat présentée par voie d’exception et de dire irrecevables les demandes formées sur le fondement de l’article L.442-6 2ème du code de commerce, dès lors qu’elles ne relèvent pas de la compétence de la cour d’appel de Colmar.

Sur le fond, elle ajoute, s’agissant de la nullité demandée pour absence de cause, que l’économie du contrat doit être appréciée dans sa globalité et que l’équilibre du contrat réside notamment dans le prêt qu’elle a consenti, en sus de la ristourne annuelle. Elle conteste tout déséquilibre.

Sur ce,

L’action en nullité du contrat pour absence de cause n’est pas prescrite, dans la mesure où elle a été engagée moins de cinq ans après la conclusion du contrat.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc rejetée.

Sur le fond, outre que l’article 1131 du code civil invoqué à l’appui de la demande de nullité pour absence de cause n’est plus applicable depuis le 1er octobre 2016, la société LAIDEUZEL RESTAURATION indique elle-même qu’elle s’est engagée à acheter un volume de bière de 240 hl par an, soit pour 69 600 euros de bière par an en contrepartie d’un prêt de 25 365 euros au taux de 4,80 % remboursable sur 84 mois et d’une remise de 55 euros HT par hectolitres sur la gamme KARLSBRAU CHR. Ainsi, il résulte de ses propres indications que son engagement n’a pas pour seul avantage une remise de 55 euros par hectolitre, mais également un prêt qui lui a été consenti pour une durée de 7 ans. Son moyen manque donc en fait. De plus, le fait que dans le cas où elle n’atteint pas l’objectif fixé, elle soit tenue de payer, en sus des hectolitres réalisés et des intérêts du prêt consenti, une certaine somme à titre de clause pénale, laquelle peut d’ailleurs être réduite par le juge si elle est manifestement excessive, ne conduit pas non plus à considérer que le contrat est dépourvu de cause.

Dès lors, la demande tendant à annuler le contrat de bière pour absence de cause sera rejetée, ainsi que les demandes, formées en conséquence, tendant d’une part, à obtenir l’annulation du contrat de prêt et d’autre part le remboursement de diverses sommes.

S’agissant de la demande de nullité du contrat fondée sur l’article L.442-6, I, 2ème du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable, certes, la partie victime d’un déséquilibre significatif, au sens de ce texte, est fondée à faire prononcer la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre, s’agissant d’une clause illicite qui méconnaît les dispositions d’ordre public de ce texte. ( Com., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-25.204 ; Com., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-11.644).

Cependant, la compétence exclusive des juridictions spécialisées pour trancher les litiges fondés sur ledit article L.442-6 du code de commerce est prévue par les articles D.442-3 et D.442-4 du même code.

Ainsi, la demande en nullité fondée sur l’article L.442-6, I, 2ème du code de commerce, présentée devant la cour d’appel de Colmar, qui ne dispose pas du pouvoir juridictionnel pour statuer sur la demande présentée devant elle pour la première fois, n’est pas recevable.

Il en est dès lors de même des demandes, formées en conséquence, tendant d’une part, à obtenir l’annulation du contrat de prêt et d’autre part le remboursement de diverses sommes en conséquence d’une nullité fondée sur l’article L.442-6, I, 2ème du code de commerce.

S’agissant de la demande de la société LAIDEUZEL RESTAURATION en paiement de dommages-intérêts ‘consécutivement à l’annulation des contrats précités’, il convient de constater qu’elle ne fait état, dans le corps de ses conclusions, que de ce que ‘la conclusion de contrats forcément dépourvus de cause entraîne nécessairement (pour elle) un préjudice, notamment moral, qui sera justement indemnisé à hauteur de 5 000 euros’. Dès lors, sa demande sera rejetée, d’une part en ce qu’elle est destinée à réparer un préjudice résultant de contrats dépourvus de cause, dans la mesure où l’absence de cause n’a pas été retenue, et d’autre part, en ce qu’elle est destinée à réparer un préjudice consécutif à l’annulation des contrats, dans la mesure où elle n’invoque pas un préjudice subi pour une autre cause, étant d’ailleurs observé qu’elle n’invoque aucun préjudice qui résulterait de la conclusion d’un contrat conclu en violation de l’article L.442-6 du code de commerce sur lequel la cour n’a pas le pouvoir de statuer.

Aucun autre moyen de défense n’étant invoqué à cet égard, il convient de confirmer le chef du jugement ayant prononcé la résiliation du contrat du 12 Juin 2017 et ses avenants des 12 décembre 2017 et 1er juillet 2018 aux torts exclusifs de la société LAIDEUZEL RESTAURATION.

2. Sur l’appel principal :

2.1. Sur la clause pénale :

La société KARLSBRAU CHR demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement sur le montant de la clause pénale, et de condamner la société LAIDEUZEL RESTAURATION à lui payer une somme supplémentaire de 51 822,22 euros, soit au total 61 822,22 euros au titre de la clause pénale, outre intérêts au taux légal capitalisés à compter de la mise en demeure du 11 septembre 2019.

Elle soutient être en mesure de justifier que sa marge brute est de 20 % conformément à ce qui est prévu dans la clause pénale et que le taux de marge commerciale correspond à la différence entre les ventes de marchandise et leur coût d’achat dégagé sur l’activité de négoce et s’élève à 44,49 %.

Elle ajoute qu’il était prévu qu’en cas de mutation du fonds de commerce, la Brasserie doit être informée et la partie cliente ‘se porte fort (…) avec promesse que son successeur donnera son adhésion à la présente convention et exécutera toutes les obligations mises par la Brasserie à la charge de la Partie Cliente (…)’, que cela n’a pas été le cas et que cette attitude fautive justifie que la Brasserie sollicite la perte de marge brute sur les hectolitres non réalisés.

La société LAIDEUZEL RESTAURATION réplique que la pièce 5 de la société KARLSBRAU CHR, par ailleurs confectionnée par cette dernière, ne peut à elle seule justifier de la réalité de la perte de marge brute invoquée, et que pour calculer la marge brute, il faut calculer les charges variables puis les déduire du chiffre d’affaires. A titre surabondant, elle indique que, pour l’exercice 2020, l’activité des deux sociétés a été considérablement impactée par la pandémie liée à la Covid 19, mais que la société KARLSBRAU a bénéficié d’aides gouvernementales qui ont compensé certaines pertes, et qu’il appartient à cette dernière qui invoque un préjudice lié à une perte de marge brute de le justifier et de proposer un calcul avec la production des pièces comptables justificatives. A défaut, elle demande à la cour de réduire le montant de l’indemnité fixée par le tribunal à 1 euro.

Sur ce, la clause pénale prévoit le paiement par la société LAIDEUZEL RESTAURATION, pour le cas où elle ne respecterait pas ses obligations, des avantages consentis et d’une ‘indemnité de 20 % du prix de vente de la bière, correspondant au manque à gagner de la Brasserie (marge brute) pour les quantités restant à réaliser au titre de la présente convention, sur la base du dernier tarif appliqué’, sans préjudice des astreintes auxquelles elle pourrait être condamnée et de dommages-intérêts.

Il n’est pas contesté que la société LAIDEUZEL RESTAURATION a respecté ses obligations pendant trois ans sur les sept années prévues, puis a manqué à son obligation de porte-fort souscrite en cas de mutation du fonds de commerce, ainsi qu’à son obligation de respecter l’objectif d’achat, n’ayant acquis que 623,41 hectolitres au 29 juin 2020 sur les 1 680 hectolitres prévus si la convention était arrivée à son terme.

Il n’est pas non plus contesté que le prix de l’hectolitre s’élève à 290 euros. Ainsi, l’application de la clause pénale conduit à une indemnité s’élevant à 61 282,22 euros.

La société KARLSBRAU CHR ne justifie pas du montant de la perte de marge brute subie.

En effet, la pièce n°5 produite, intitulée ‘attestation de taux de marge commerciale supérieur au taux de clause pénale’, indique notamment que ‘le taux de marge commerciale correspondant à la différence entre les ventes de marchandises et leur coût d’achat dégagé sur l’activité de négoce concernant la société KARLSBRAU CHR SAS, conformément aux tableaux des soldes intermédiaires de gestion de l’exercice clos le 31 décembre 2013 s’élève à 49,44 %. Sur la base de cette déclaration, la méthode de calcul permettant l’évaluation de la clause pénale est inférieure à la marge commerciale dégagée par la société KARLSBRAU CHR SAS.’ Cette attestation, au demeurant datée du 20 juin 2014, soit avant même la conclusion du contrat, et qui énonce une affirmation, d’ailleurs non corroborée par les tableaux évoqués qui ne sont pas produits aux débats, est émise à l’en-tête de la société KARLSBRAU CHR SAS sans, de surcroît, mentionner le nom ou la qualité de son signataire. Un tel document est dès lors insuffisant à démontrer le taux de marge brute de ladite société, de surcroît lors de la résiliation du contrat et de l’application de ladite clause pénale.

De surcroît, il n’est pas contesté que, sur l’année 2020, l’activité de la société KARLSBRAU CHR a été impactée par la crise sanitaire et qu’elle a bénéficié d’aides gouvernementales destinées à compenser certaines pertes.

Pour autant, l’existence d’une perte de marge brute subie par la société KARLSBRAU CHR résultant de l’absence de vente des quantités prévues par le contrat doit être considérée comme existante en son principe, ce d’autant qu’il n’est pas contesté que le cessionnaire du fonds de commerce n’a pas poursuivi les relations contractuelles comme le soutient la société KARLSBRAU CHR.

Compte tenu de ces circonstances et notamment du fait que la société KARLSBRAU ne justifie pas du montant du préjudice de perte de marge brute subie que la clause pénale est destinée à compenser, l’application de la clause pénale conduit à une indemnité manifestement excessive.

Il convient, en conséquence, de la réduire à la somme de 10 000 euros, comme l’a justement retenu le tribunal et de rejeter la demande supplémentaire de la société KARLSBRAU CHR.

Le jugement sera dès lors confirmé de ces chefs.

La société LAIDEUZEL RESTAURATION soutient avoir déjà payé cette somme dans le cadre d’une mesure de saisie-attribution. Sa demande de remboursement sera rejetée, mais il sera ajouté que cette condamnation s’effectuera en deniers ou quittances.

2.2. Sur le solde du prêt :

La société KARLSBRAU CHR demande à la cour de condamner la société LAIDEUZEL RESTAURATION à lui payer les intérêts au taux légal capitalisés sur la somme de 17 202,05 euros à compter du 11 septembre 2019, date de la première mise en demeure.

La société LAIDEUZEL RESTAURATION soutient avoir déjà réglé la somme de 17 205,05 euros au titre du solde du prêt dans le cadre de la saisie-attribution et suite à un règlement en compte Carpa. A titre subsidiaire, si le contrat de prêt n’était pas annulé, elle conclut au rejet de la demande en paiement de la somme déjà réglée en principal et intérêts le 8 juin 2021.

Sur ce, il résulte de ce qui précède que la société LAIDEUZEL RESTAURATION ne conteste pas le principe et le montant de la dette, mais soutient l’avoir déjà réglée.

Elle produit le procès-verbal de saisie-attribution du 8 juin 2021 pratiquée pour obtenir paiement de la somme de 30 020,61 euros, dont 17 205,05 euros au titre du solde du prêt, sur la base du jugement attaqué et 10 000 euros au titre de la clause pénale, ainsi qu’un courrier de la banque du 10 juin 2021 l’informant du blocage de cette somme.

La demande de la société LAIDEUZEL RESTAURATION tendant à ordonner le remboursement de sommes trop versées à la société KARLSBRAU CHR sera rejetée.

D’autre part, la société KARLSBRAU CHR n’a pas demandé l’infirmation du jugement ayant condamné la société LAIDEUZEL RESTAURATION à lui payer ladite somme, outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

Il convient dès lors de confirmer le jugement l’ayant condamnée à payer la somme de 17 205,05 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, mais en ajoutant que cette condamnation est prononcée en deniers ou quittances.

La demande de la société KARLSBRAU CHR tendant à fixer le point de départ des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 11 septembre 2019, date de la première mise en demeure sera donc rejetée.

3. Sur la demande de capitalisation des intérêts :

Il convient de confirmer le jugement ayant ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière sur le fondement de l’article 1343,2 du code civil.

4. Sur les frais et dépens :

La société LAIDEUZEL RESTAURATION succombant principalement, il convient de confirmer le jugement ayant statué sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle sera condamnée à supporter les dépens d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société KARLSBRAU CHR à la demande en nullité du contrat de bière du 12 juin 2017 et ses avenants subséquents des 12 décembre 2017 et 1er juillet 2018, fondée sur le non-respect de l’article L.330-3 du code de commerce,

Rejette ladite demande en nullité fondée sur le non-respect de l’article L.330-3 du code de commerce, et, par voie de conséquence, les demandes, formées en conséquence de ladite nullité, d’annulation du contrat de prêt et de remboursement de diverses sommes,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société KARLSBRAU CHR à la demande en nullité desdits contrat et avenants subséquents à la fondée sur une absence de cause,

Rejette ladite demande en nullité desdits contrat et avenants subséquents fondée sur l’absence de cause, et, par voie de conséquence, les demandes, formées en conséquence de ladite nullité, d’annulation du contrat de prêt et de remboursement de diverses sommes,

Rejette la demande de dommages-intérêts ‘consécutivement à l’annulation des contrats précités’,

Déclare irrecevables la demande en nullité desdits contrat et avenants, fondée sur l’article L.442-6, I, 2ème du code de commerce et, par voie de conséquence, les demandes, formées en conséquence de ladite nullité, d’annulation du contrat de prêt et de remboursement de diverses sommes,

Rejette la demande de la société KARLSBRAU CHR tendant à fixer le point de départ des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 11 septembre 2019,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 27 avril 2021,

Y ajoutant,

Dit que les condamnations au paiement de la somme de 17 205,05 euros, et de 10 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, sont prononcées en deniers ou quittances,

Rejette la demande de la société LAIDEUZEL RESTAURATION tendant à ordonner le remboursement de sommes trop versées à la société KARLSBRAU CHR,

Condamne la société LAIDEUZEL RESTAURATION à supporter les dépens d’appel,

Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : le Président :

 


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