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Vidéosurveillance : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/00609

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Vidéosurveillance : 16 novembre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/00609

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023

N° RG 22/00609 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G6Y2

[I] [U]

C/ S.A. NEOXPERT

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 30 Mars 2022, RG F 21/00100

Appelant

M. [I] [U]

né le 29 Mai 1973 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Clémence BARBIER-TROMBERT, avocat au barreau d’ANNECY

Intimée

S.A. NEOXPERT, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Etienne MASSON de la SELARL GM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 14 septembre 2023 par Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Isabelle CHUILON, conseillère, assisté de Monsieur Bertrand ASSAILLY, greffier, à l’appel des causes, dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré.

Et lors du délibéré par :

Monsieur Cyril GUYAT, Président,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

********

Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties

La société Neoxpert a engagé M. [I] [U] par contrat à durée indéterminée le 8 janvier 2020 en tant que chef de vente/commercial grands comptes (statut cadre, niveau II échelon A coefficient 400), avec un temps de travail de 169 heures mensuelles, et une rémunération mensuelle composée d’une part fixe de 3200 euros brut et d’une part variable en fonction des commissions et des primes.

La société Neoxpert appartient au groupe Avaneo, spécialisé dans le développement de systèmes de vidéosurveillance et l’installation et la maintenance de solutions clés en mains de vidéosurveillance intelligente.

La société compte plus de dix salariés.

La convention collective nationale applicable est celle des entreprises de prévention et de sécurité (IDCC 1351).

Le 15 février 2021, l’employeur a informé le salarié par courrier d’un plan de réorganisation et de restructuration emportant fermeture totale de la société et cessation définitive de son activité, et donc de la suppression de son poste.

Le 2 mars 2021, le salarié a refusé les offres de reclassement qui lui avaient été faites.

Le 3 mars 2021, M. [I] [U] a été licencié pour motif économique.

Par requête du 30 mars 2021, celui-ci a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy aux fins de voir condamner l’employeur à lui verser une somme à titre de rappel de commissions, de voir juger que son licenciement est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, de voir juger que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, et de se voir allouer diverses sommes à ces titres.

Par jugement du 30 mars 2022, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :

dit que le licenciement économique de M. [I] [U] est fondé et que l’obligation de reclassement a été respectée ;

condamné la SAS Neoxpert à payer à M. [I] [U] 9886,50 euros brut à titre de rappel de commissions, outre 988,86 euros brut de congés payés afférents ;

débouté M. [I] [U] de ses autres demandes ;

débouté la SAS Neoxpert de ses autres demandes ;

condamné la SAS Neoxpert aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe par RPVA le 11 avril 2022, M. [I] [U] a interjeté appel de cette décision. La SA Neoxpert a relevé appel incident.

Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2022, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [I] [U] demande à la cour de :

débouter la société Neoxpert de l’ensemble de ses demandes;

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy sauf en ce qu’il a condamné la société Neoxpert au paiement de la somme de 9886,50 euros brut à titre de rappel de commissions, outre 988,86 euros brut au titre des congés payés afférents ;

condamner la société Neoxpert à lui payer les sommes suivantes :

1784,89 euros à titre de solde de rappel de commissions, outre 178,48 euros de congés payés afférents;

48479,15 euros à titre de rappel de salaire, outre 4847,91 euros de congés payés afférents ;

1250 euros à titre de prime d’équipe pour le premier trimestre 2020, et 5 000 euros à titre de prime d’équipe pour l’exercice 2020/2021 ;

1000 euros en compensation de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles ;

juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

juger que la société Neoxpert a manqué à son obligation de reclassement ;

condamner la société Neoxpert à lui payer la somme de 12996,39 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

condamner la société Neoxpert à lui payer la somme de 18148,36 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct ;

condamner la société Neoxpert à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [I] [U] expose qu’il a été placé dans une situation l’empêchant d’exercer ses fonctions à compter du second semestre 2020 et ainsi d’en percevoir les primes afférentes, puisqu’en l’absence de techniciens qui avaient quitté l’entreprise sans être remplacés, il a été dans l’obligation de pallier leurs absences en effectuant leurs tâches. Il a alerté à plusieurs reprises son employeur de cette situation, sans réaction de la part de ce dernier. Il s’agit d’une modification de son contrat de travail qui n’a pas recueilli son accord. Compte-tenu de ces circonstances, il peut prétendre à un rappel de commissions et de salaires.

La fermeture de la société Neoxpert est une décision financière prévue de longue date, prise par un fonds d’investissement et qui résulte d’une stratégie financière. Certaines structures du groupe Anaveo, dont Neoxpert, ont été sacrifiées au profit d’autres qui étaient plus rentables.

Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité et le sérieux des motifs économiques invoqués dans la lettre de licenciement.

Dans le cadre de son obligation de reclassement, l’employeur ne lui a pas transmis des offres individualisées, puisque le même courrier a été adressé à l’ensemble des salariés licenciés. Il a donc à juste titre considéré que ces offres n’étaient pas loyales.

Il appartient par ailleurs à l’employeur de démontrer qu’il a bien respecté son obligation de recherche de reclassement dans le cadre du groupe Anaveo.

S’agissant des primes d’équipe, s’il n’a pu réaliser l’ensemble des objectifs qui lui étaient fixés, c’est en raison des manquements de son employeur qui l’ont obligé à occuper des fonctions qui n’étaient pas les siennes. Il a par ailleurs rempli les objectifs qui lui étaient fixés pour le premier trimestre 2020.

Son contrat de travail stipulait qu’il était rattaché au siège de [Localité 5], or le local mis à sa disposition se trouvait à [Localité 3], soit à 150 km de son domicile et ne répondait pas aux obligations légales applicables en la matière (aucune lumière naturelle, aucune ouverture extérieure, aucun équipement pour permettre une sécurité sanitaire dans le cadre de la crise sanitaire). Il a donc nécessairement effectué son activité administrative à son domicile, et doit être indemnisé à ce titre.

Il a subi un préjudice distinct puisqu’il n’a pas été en mesure d’accepter l’indemnité transactionnelle proposée aux salariés en contrepartie d’un engagement à renoncer à toute action devant le conseil de prud’hommes, dans la mesure où sa demande de rappel de salaires ou de rappel de commissions n’était pas satisfaite.

Par dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la société Neoxpert demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 9886,50 euros brut à titre de rappel de commissions, outre 988,86 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy en toutes ses autres dispositions ;

condamner M. [I] [U] à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

condamner M. [I] [U] aux dépens.

L’employeur soutient qu’il établit que le motif économique invoqué pour le licenciement est la cessation totale et définitive de l’activité et le projet de fermeture de Neoxpert. La cessation d’activité de l’entreprise constitue un motif spécifique de licenciement économique distinct des difficultés économiques visées à l’article L 1233-3 du code du travail. L’appelant n’apporte pas plus d’éléments permettant de critiquer le motif économique du licenciement, se contentant d’affirmations sans aucun fondement. La procédure a par ailleurs été respectée.

L’obligation de reclassement a également été respectée. L’ensemble des sociétés composant le périmètre de recherche de reclassement a été interrogé et à répondu. La société avait la possibilité, en application de l’article D1233-2-1 du code du travail, de circulariser tous les postes disponibles au sein du groupe auprès de chaque salarié, permettant de poser leur candidature sur un plusieurs postes.

La société Neoxpert n’a commis aucune faute ni acte déloyal dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. Le salarié ne pouvait ignorer les difficultés économiques de la société au moment de son embauche, mais a néanmoins accepté le poste. De plus, l’employeur n’a jamais eu la volonté délibérée de ne pas remplacer les salariés démissionnaires, elle n’est simplement pas parvenue à attirer de nouveaux talents compte-tenu des difficultés qu’elle rencontrait. Enfin, le salarié n’a reçu aucune directive de l’employeur lui imposant de réaliser des opérations techniques d’installation, de dépannage et de SAV. Bien au contraire, le directeur lui a même demandé de réaliser les tâches correspondant à son poste.

Le salarié n’est pas en mesure d’établir par des éléments concrets et vérifiables les performances qu’il aurait pu réaliser s’il avait pu exercer normalement son travail.

La commande Ariess Consulting a été annulée sans qu’aucun commencement d’exécution ou facturation n’ait été fait, M. [I] [U] ne pouvait donc prétendre à la commission afférente. Aucun lien n’est établi entre l’annulation de cette commande et la désorganisation de l’entreprise invoquée par le salarié. Concernant les autres commandes, le salarié n’apporte aucun élément permettant d’établir que des commissions lui seraient dues.

Le montant de chiffre d’affaires requis n’a pas été réalisé, de sorte que le salarié ne peut prétendre à la prime d’équipe 2019/2020 qu’il réclame.

Les fonctions du salarié étaient par nature itinérantes, de sorte qu’il n’est pas illogique de considérer qu’une partie de ses fonctions peuvent être réalisées à son domicile personnel. Son contrat de travail établi d’ailleurs qu’il n’était rattaché à aucune agence ni établissement, de sorte que le contrat n’imposait pas que le travail soit effectué dans des locaux de la société. Le salarié doit donc être débouté de sa demande d’indemnisation au titre de l’utilisation de son domicile à des fins professionnelles.

Enfin, le salarié n’ayant pas signé le protocole d’accord transactionnel, il ne peut désormais plus prétendre à la somme qu’il aurait obtenue s’il l’avait bel et bien signé.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 13 juillet 2023. Le dossier a été appelé à l’audience de plaidoirie du 14 septembre 2023. A l’issue, la décision a été mise en délibéré au 9 novembre 2023, délibéré prorogé au 16 novembre 2023.

Motifs de la décision

Sur le licenciement

Aux termes de l’article L 1233-3 du code du travail, la cessation d’activité complète et définitive de l’entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu’il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d’activité quand elle n’est pas due à une faute de l’employeur.

C’est à la date de la rupture du contrat de travail que le juge doit apprécier si la cessation d’activité invoquée est établie. Elle s’apprécie au niveau de l’entreprise elle-même et non au niveau de l’éventuel groupe auquel elle appartient.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige indique : « la société Neoxpert a décidé de mettre en oeuvre un plan de réorganisation et de restructuration emportant la fermeture totale de la société et la cessation définitive de son activité. (‘) Votre poste et votre emploi sont supprimés en application de ce plan de réorganisation et de restructuration ».

Le salarié soutient que la fermeture de la société ressort d’une stratégie financière, que le fonds d’investissement Motihari, propriétaire du groupe Anaveo, a sacrifié certaines structures telles que Neoxpert au profit d’autres, peu important l’impact des fermetures sur les salariés.

Il doit être noté que le salarié ne conteste pas au sein de ses écritures que la société Neoxpert n’était pas rentable (page 23 des dernières conclusions : « Mais Neoxpert n’étant pas rentable (‘) »).

Il ne saurait être considéré que l’employeur ou même son propriétaire a commis une faute en décidant de cesser l’activité de la société alors qu’il est établi que celle-ci n’était pas rentable.

Le salarié ne produit aucune pièce de nature à démontrer que l’employeur ou son propriétaire a commis une faute à l’origine de la cessation d’activité.

Il en résulte que l’employeur justifie d’une cause réelle et sérieuse de licenciement économique.

Aux termes de l’article L 1233-4 du code du travail, « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ».

Aux termes de l’article D1233-2-1 du code du travail, l’employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l’actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine.

Ces offres écrites précisent :

l’intitulé du poste et son descriptif ;

le nom de l’employeur ;

la nature du contrat de travail ;

la localisation du poste ;

le niveau de rémunération ;

la classification du poste.

En cas de diffusion d’une liste des offres de reclassement interne, celle-ci comprend les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise et les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie. La liste précise les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite.

En l’espèce, la société Neoxpert justifie par la production des lettres de « recherches de reclassement interne au groupe » ainsi que par les réponses apportées par ces sociétés qu’il a interrogé l’ensemble des treize sociétés se trouvant dans le périmètre du groupe sur le territoire national. Le courrier était accompagné de la liste de tous les salariés concernés par le licenciement, avec mention de l’âge, de l’emploi occupé, de la catégorie professionnelle, de la nature du contrat (CDD ou CDI), du niveau, du coefficient, de la date d’embauche, de la date d’ancienneté, de la commune de domicile, de l’horaire mensuel et hebdomadaire de travail.

Par ailleurs, le courrier du 15 février 2021 adressé à M. [I] [U] respecte en tous points les dispositions des deux articles suscités : il est accompagné d’une liste de l’ensemble des postes disponibles dans les sociétés du groupe, offres qui précisent l’ensemble des points listés à l’article D1233-2-1. Le courrier précise enfin les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite.

Il résulte de ces constatations que l’employeur a rempli l’obligation de reclassement qui lui incombait.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [I] [U] de sa demande tendant à voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à se voir allouer diverses sommes à ce titre.

Sur les demandes de rappel de commissions

Le salarié sollicite la confirmation de la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’il lui a alloué la somme de 9886,50 euros brut à titre de rappel de commissions, outre 988,86 euros brut de congés payés afférents. Cette demande concerne le dossier Ariess Consulting.

Or, il apparaît que le client a passé la commande le 17 mars 2020 puis l’a annulée le 24 mars 2020 ; que l’annexe I au contrat de travail du salarié portant sur la rémunération variable précise que le droit à rémunération n’est définitivement acquis qu’après règlement à la société des factures correspondant aux affaires réalisées.

L’affaire n’ayant finalement pas été réalisée en raison de l’annulation par le client de la commande, M. [I] [U] ne saurait solliciter une quelconque commission à ce titre. Les raisons de cette annulation importent peu, et en tout état de cause le salarié ne saurait prétendre qu’elles trouvent leur origine dans une carence ou une faute de l’employeur s’agissant des moyens mis à disposition pour trouver des clients et effectuer le service après-vente, alors qu’il indique au sein de ses conclusions que ces difficultés auraient commencé durant le second semestre 2020, soit postérieurement à l’annulation de cette commande.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sur ce point sera infirmée, et le salarié sera débouté de sa demande à ce titre.

Il résulte d’une jurisprudence constante que c’est à l’employeur qu’il incombe d’établir qu’il a effectivement payé au salarié les commissions qu’il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.

Le salarié sollicite un rappel de commissions à hauteur de 1784,89 euros, outre 178,48 euros de congés payés afférents, correspondant selon sa pièce 30 au « solde dossier Arkema » du 24 septembre 2020 pour 547,87 euros, à la « commande box en loc refusée » du 26 novembre 2020 pour 110,91 euros, à la « clinique [4] » du 25 septembre 2020 pour 59,25 euros, à « l’Ehpad [6] » de janvier 2021 pour 187,57 euros, aux « ventes sur février 2021 » pour 507,33 euros et aux « ventes sur mars 2021 » pour 371,96 euros.

L’employeur se contente de répondre au sein de ses écritures que le salarié n’apporte aucun élément permettant d’établir que ces commissions seraient dues. Or, ce dernier produit aux débats des éléments précis de nature à permettre à l’employeur, qui détient les éléments de nature à justifier que toutes les commissions dues au salarié lui ont été payées et auquel il incombe d’établir ce fait.

Faute pour l’employeur d’établir que les commissions sollicitées par le salarié ne sont pas dues ou lui ont déjà été versées, il convient de faire droit aux demandes de M. [I] [U] à ce titre. La décision sur ce point du conseil de prud’hommes sera infirmée.

Sur la demande de rappel de salaire

Le salarié estime avoir dû exercer du mois d’août 2020 au mois de janvier 2021 des tâches de technicien à la place de sa fonction de chef des ventes, en raison du manquement de l’employeur à son obligation de lui permettre d’exercer ses missions dans des conditions lui permettant de percevoir l’intégralité de son salaire, ce qui aurait entraîné une baisse significative de son salaire à hauteur de 48479,15 euros puisqu’il n’aurait pas pu percevoir lors du second semestre les commissions qu’il a pu percevoir durant le premier semestre en exerçant les fonctions prévues à son contrat de travail.

Il est établi que les quatre commerciaux de la société ainsi que plusieurs techniciens ont démissionné dans le courant de l’année 2020, et M. [I] [U] justifie par la production de courriels et d’attestations qu’il a pallié à ces carences de personnel en intervenant dans un rôle de technicien sur plusieurs chantiers.

S’il soutient que cette situation constituerait une modification de son contrat de travail sans son accord puisqu’il n’aurait pas pu exercer les fonctions pour lesquelles il avait été embauché, il doit être retenu qu’il n’est pas démontré ni même allégué par le salarié que son employeur lui ait donné des directives pour effectuer un travail de technicien en lieu et place des fonctions prévues à son contrat de travail, de sorte qu’il ne peut être considéré que l’employeur a modifié son contrat de travail sans son accord.

Au contraire le directeur de la société a envoyé un courriel le 23 décembre 2020 à sept salariés dont M. [I] [U] dans lequel il indique que ce n’est pas à ce dernier de gérer les dépannages et les installations techniques, et qu’il doit se concentrer à 100% sur le commercial.

Il résulte de la note économique intégrant le projet de réorganisation et de restructuration de la société en date du 28 janvier 2021 que l’employeur reconnaît que la faiblesse des prises de commande en 2020 est « également le résultat d’une accélération des départs de l’entreprise avec une réelle difficulté de créer un environnement propice au recrutement de nouveaux talents » ; que l’entreprise a enregistré sur cette année quinze départs pour cinq embauches, après avoir déjà enregistré 20 départs en 2019, avec notamment sur ces deux années le départ d’une quinzaine de collaborateurs clé ; que six postes donc cinq techniques ont été proposés à l’embauche, ne donnant lieu qu’à treize candidatures exploitables.

En résumé, M. [I] [U] a de sa propre initiative pallié aux manques de moyens humains de la société dans un contexte de nombreux départs notamment durant le second semestre 2020, départs que l’employeur a cherché à compenser, et dans un contexte de difficultés financières pour l’entreprise. Une rémunération variable peut être, comme son nom l’indique, soumise à des variations qui dépendent notamment de l’activité de l’entreprise et des aléas qui peuvent l’impacter. Enfin, il n’est pas démontré que l’employeur ait commis une faute dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

Au regard de ces éléments, la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [I] [U]

Sur les demandes au titre des primes d’équipe

Le contrat de travail mentionne : « Une prime annuelle de 5000 euros brut sera donnée suivant résultats sur objectifs de son équipe et révisable tous les ans. Le versement sera établi trimestriellement et régularisé à l’année le cas échéant (déduction faite d’un minimum garantie cumulé éventuellement versé) ».

Le versement étant prévu trimestriellement, l’objectif fixé doit être proratisé en trimestre pour vérifier si le salarié y avait droit.

Il résulte des écritures du salarié, non contestées par l’employeur, que l’objectif fixé à son équipe pour l’année 2019/2020 était de 1700000 euros de chiffre d’affaires, soit 425000 euros par trimestre, et qu’il a réalisé 723000 euros sur le premier trimestre 2020. Il a donc dépassé l’objectif fixé pour ce trimestre et est en droit de se voir allouer la prime d’équipe au prorata, soit 1250 euros brut.

S’agissant de la prime d’équipe 2020/2021, le salarié ne soutient pas avoir rempli l’objectif. Il a été retenu qu’aucun manquement de l’employeur ne pouvait être retenu de nature à justifier un rappel de salaire ou de commission au bénéfice du salarié. En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle l’a débouté de sa demande de prime d’équipe pour l’exercice 2020/2021.

Sur la demande d’indemnisation de l’utilisation du domicile du salarié à des fins professionnelles

L’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n’entre pas dans l’économie générale du contrat de travail. Le salarié n’est tenu ni d’accepter de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail, mais s’il l’accepte, l’employeur doit l’indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile.

En l’espèce, en indiquant au sein de ses écritures « les fonctions de M. [I] [U] sont par nature itinérantes : il n’est pas illogique de considérer qu’une partie de ses fonctions peuvent être réalisées à son domicile personnel », en soulignant que le salarié n’était rattaché à aucune agence, il doit être considéré que l’employeur reconnaît implicitement que le salarié effectuait du travail à domicile.

Selon le contrat de travail, le salarié était en fait rattaché au siège de la société à [Localité 5].

L’employeur ne conteste pas les allégations du salarié selon lequel le local mis à sa disposition pour son travail administratif se situait à [Localité 3], soit à plus d’1 heure 30 de trajet depuis son domicile.

Il résulte de ces constatations que le salarié était dans l’obligation d’effectuer au moins une partie de son travail administratif à son domicile. L’employeur est donc tenu de l’indemniser pour cette occupation professionnelle de son domicile.

Le salarié ne produit aucun élément de nature à permettre d’évaluer précisément l’indemnisation qui lui est dû à ce titre. Au regard de la durée du contrat de travail, il lui sera alloué une indemnité de 1000 euros net.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice distinct

Il sera tout d’abord constaté que le salarié n’expose aucun moyen de droit au soutien de cette demande.

M. [I] [U] a fait le choix de refuser le protocole transactionnel qui lui était proposé, et la société Neoxpert était pour sa part en droit de contester devant la justice les demandes de celui-ci, ne commettant se faisant aucun abus ni aucune faute.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’elle a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La décision sur ces points du conseil de prud’hommes sera confirmée.

La société Neoxpert sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à verser à M. [I] [U] la somme de 2800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉCLARE M. [I] [U] et la SA Neoxpert recevables en leurs appel et appel incident,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy du 30 mars 2022 en ce qu’il a :

– condamné la SA Neoxpert à verser à M. [I] [U] la somme de 9886,50 euros brut, outre 988,86 euros brut de congés payés afférents, à titre de rappel de commissions,

– débouté M. [I] [U] de ses demandes au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles et de sa demande au titre de la prime d’équipe pour le premier trimestre 2020,

Statuant à nouveau sur ces points,

Condamne la SA Neoxpert à verser à M. [I] [U] :

– la somme de 1784,89 euros, outre 178,48 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de commissions,

– la somme de 1000 euros net à titre d’indemnité pour occupation de son domicile à des fins professionnelles,

– la somme de 1250 euros brut au titre de la prime d’équipe pour le premier trimestre 2020,

CONFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy du 30 mars 2022,

Y AJOUTANT,

Condamne la SA Neoxpert aux dépens,

Condamne la SA Neoxpert à verser à M. [I] [U] la somme de 2800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 16 Novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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