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Vidéosurveillance : 10 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05633

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Vidéosurveillance : 10 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05633

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 10 JANVIER 2024

(n° 2024/ , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05633 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5DP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 19/02064

APPELANT

Monsieur [I] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

INTIMÉE

S.A.S. DHL INTERNATIONAL EXPRESS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me David CALVAYRAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société DHL international express (SASU) a employé M. [I] [V], né en 1967, par contrat de travail à durée déterminée à temps plein à compter du 26 octobre 1999 en qualité d’agent d’exploitation. Son ancienneté a été fixée au 26 juillet 1999.

Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 février 2000. Au dernier état, M. [V] occupait les fonctions de démarcheur livreur.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers.

M. [V] a bénéficié d’un congé parental du 1er juillet 2015 au 14 mai 2018.

Par lettre notifiée le 21 novembre 2018, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 novembre 2018.

M. [V] a ensuite été licencié pour faute constituant une cause réelle et sérieuse par lettre notifiée le 11 décembre 2018. La lettre de licenciement indique en ce qui concerne la cause réelle et sérieuse :

« Le 20 novembre 2018 à 12H42, alors que vous étiez en train de préparer votre tournée de livraison, vous avez manipulé un colis endommagé (waybill n°6978034442). Plusieurs bouteilles en plastique en sont sortis et vous les avez remis dans le colis puis l’avez placé dans votre chariot contenant les autres colis destinés à être livrés ce jour-là sur votre secteur.

Votre préparation de tournée a pris fin à 13h22, puis vous êtes ensuite allé charger votre véhicule à l’extérieur du bâtiment, sous le chapiteau où les véhicules des démarcheurs livreurs sont garés.

Une fois le chargement de votre véhicule achevé, vous êtes revenu dans le bâtiment à 13h26 avec le colis endommagé et l’avez remis à votre chef de secteur, Monsieur [N], en lui indiquant que vous ne preniez pas en charge ce colis parce qu’il était abîmé Par la suite, vous avez regardé ensemble l’ouverture de ce colis et vous avez retiré ce colis de votre scanner.

Monsieur [N] s’est rapproché de son encadrement et du service sécurité au sujet de vos agissements car votre manière de procéder n’est pas conforme aux procédures de l’entreprise. En effet, lorsqu’un salarié identifie un colis endommagé, il doit immédiatement alerter un supérieur hiérarchique. Ce dernier prend ensuite les mesures nécessaires au traitement du colis (contrôle physique du colis par ses soins en lien avec le descriptif du colis puis décision de le remettre ou non en livraison, transmission au service « repack » en charge de reconditionner les colis, mise en place d’un constat d’avarie, etc.).

Or, vous n’avez pas respecté cette procédure en prenant en charge un colis que vous saviez endommagé puisque des flacons en plastique en sont tombés lors de votre préparation de tournée. II s’avère par ailleurs que le colis que vous avez ramené à Monsieur [N] était partiellement vide ; l’intérieur du colis possédait deux cloisons internes, séparant les objets en trois compartiments distincts. Or le compartiment où vous avez rechargé des flacons était complètement vide lorsque vous avez ramené le cotis à Monsieur [N].

C’est dans ce contexte que vous avez été reçu le soir même à votre retour de tournée par Monsieur [X], Responsable Régional Sécurité afin d’échanger sur votre gestion de ce colis.

Au cours de votre échange, vous avez dans un premier temps affirmé que vous vous étiez rendu compte que ce colis était endommagé une fois que vous aviez amené le chariot à votre véhicule.

Vous affirmiez ne pas savoir s’il était déjà vide à ce moment-là mais que vous aviez juste vu du vide par l’ouverture du colis et que vous ne saviez pas ce que contenait ce colis. Vous avez alors rappelé la procédure à suivre en cas de colis endommagé, à savoir alerter immédiatement un supérieur hiérarchique qui prend le relais sur la gestion de ce colis, procédure que vous avez donc confirmé connaître

Lorsque Monsieur [X] vous a fait part des éléments qu’il a analysés notamment suite au visionnage des images de vidéo protection, il vous a indiqué que ce colis n’était pas vide lorsque vous l’avez récupéré et mis dans votre chariot. Vous vous êtes alors souvenu que des bouteilles vertes en étaient tombées une fois que vous aviez placé ce colis sur votre chariot, vous les aviez alors repoussées dans le carton puis êtes parti vers votre camion avec ce colis non rescotché. Vous dites avoir constaté que l’ouverture du colis s’était agrandie et que vous ne souhaitiez pas prendre le risque de le livrer, donc vous avez ramené le colis à votre chef de secteur.

Lorsqu’il vous a demandé où étaient les bouteilles vertes qui étaient tombées à ce moment-là, vous lui avez affirmé qu’elles étaient encore dans le colis avant de le rapporter à votre chef de secteur.

Vous avez indiqué que vous n’aviez pas immédiatement remis le colis à votre responsable car il n’était pas ouvert en grand, mais que ce n’est qu’une fois l’ouverture agrandie que vous avez décidé de le ramener.

Monsieur [X] vous a enfin indiqué que suite au visionnage des images de vidéo protection, il s’avère que le compartiment du colis ramené était vide, les bouteilles vertes ne s’y trouvant plus.

Vous avez affirmé qu’aucune pièce n’était tombée dans votre camion, elles devaient se trouver dans le colis que vous avez ramené.

Un contrôle de votre véhicule a été réalisé à votre retour de tournée et aucune bouteille en plastique vert n’a été retrouvée dans votre véhicule.

Monsieur [N] a également été entendu par Monsieur [X] le 20 novembre dernier au sujet de cet incident. II a confirmé que vous avez ramené le colis partiellement vide après avoir effectué votre chargement. Vous avez écarté l’ouverture du colis et vous avez constaté ensemble que ce compartiment du colis était vide. Monsieur [N] avait vu que ce colis avait une petite entaille avant que vous le preniez en charge. II avait prévu de venir vous voir afin de contrôler ce colis et le rescotché si nécessaire. II confirme que de petits bidons verts étaient visibles à ce moment-là par l’entaille. Lorsque vous avez ramené le colis, l’ouverture était beaucoup plus grande et il n’y avait plus rien à l’intérieur.

Lors de l’entretien, vous confirmez les échanges qui ont eu lieu avec Monsieur [X]. Vous confirmez par ailleurs avoir pris en charge ce colis alors que les bouteilles vertes en sont tombées au moment de la préparation de votre tournée, et que vous n’avez pas alerté votre chef de secteur à ce moment-là. Vous reconnaissez ne pas avoir respecté la procédure qui prévoit d’alerter immédiatement un responsable hiérarchique en cas d’avarie sur un colis.

Par contre, vous êtes dans l’incapacité d’expliquer ce que sont devenues les bouteilles vertes entre le moment où vous avez pris en charge le colis sur votre chariot de livraison et le moment où vous l’avez ramené à votre chef de secteur, après avoir chargé votre véhicule.

De même, alors que vous aviez vous-même remis les bouteilles vertes dans le colis au moment de votre préparation de tournée, vous n’avez pas alerté votre chef de secteur que des produits étaient manquants lorsque vous lui avez ramené, alors même que vous avez tous les deux regardé par l’ouverture de ce colis et constaté que le compartiment en question était vide. Votre alerte aurait permis de faire une recherche immédiate de ces produits manquants.

Nous vous informons au cours de l’entretien qu’un tour complet du quai et du parking a été effectué ce jour-là après votre départ en tournée par Messieurs [X], [N] et [F], afin de vérifier si d’éventuels objets auraient pu être tombés au sol. Ils n’ont rien trouvé.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, vos négligences répétées tant sur le non respect des procédures que l’absence de communication d’informations sur ce colis ont eu une incidence sur la disparition d’une partie du contenu de ce colis. Vous êtes, par ailleurs, dans l’incapacité d’expliquer ce que sont devenus des produits que vous avez-vous-même manipulé dans l’irrespect total des procédures de sécurité.

Les éléments recueillis au cours de l’entretien préalable à licenciement ne nous ont pas permis de revenir sur notre analyse première des faits. Vous n’avez d’ailleurs pas recherché à justifier de manière objective et factuelle les différents éléments qui vous ont été reprochés. Ce comportement fautif rend impossible la poursuite de notre collaboration. C’est la raison pour laquelle nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour les fautes ainsi reprochées dans le cadre de l’exécution de votre contrat de travail.

Votre préavis, d’une durée de 2 mois, débutera à la date de la première présentation de cette lettre par La Poste. Toutefois, par la présente nous vous dispensons d’exécuter votre préavis qui vous sera intégralement payé aux échéances habituelles.

De plus, la mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée depuis le 21 novembre 2018 vous sera également rémunérée. ».

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [V] avait une ancienneté de 19 ans et 4 mois.

La rémunération mensuelle brute moyenne sur les 3 derniers mois de M. [V] s’élevait en dernier lieu à la somme de 2 413,037 €.

La société DHL international express occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [V] a saisi le 4 juillet 2019 le conseil de prud’hommes de Bobigny pour former les demandes suivantes :

« Dire et juger que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [V] est dénué de toute cause réelle et sérieuse

Condamner la société DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer à Monsieur [V] au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 36 195,55 €

En tout état de cause,

Condamner la société DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer à Monsieur [V] en réparation de la rupture brutale et vexatoire :10 000,00 €

Exécution provisoire (art 515 du CPC)

Intérêts au taux légal à compter de la saisine

Article 700 du Code de Procédure Civile : 2 000,00 €

Entiers dépens. »

Par jugement du 26 mai 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« DEBOUTE Monsieur [I] [V] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [I] [V] aux dépens. »

M. [V] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 18 juin 2021.

La constitution d’intimée de DHL international express a été transmise par voie électronique le 2 juillet 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 12 septembre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 novembre 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 2 septembre 2021, M. [V] demande à la cour de :

« REFORMER dans son intégralité le jugement du Conseil de prud’hommes et statuer de nouveau comme suit :

DIRE ET JUGER que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [V] est dénué de toute cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER la Société DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer à Monsieur [V] une somme de 36 195,55 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER la Société DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer à Monsieur [V] une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice lié à la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail ;

DIRE que les condamnations serons assortis des intérêts au taux légal au jour de la saisine ;

CONDAMNER la Société DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer à Monsieur [V] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour cause d’appel ;

CONDAMNER la Société DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer les entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 2 décembre 2021, DHL international express demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Bobigny en date du 26 mai 2021 en toutes ses dispositions ;

Sur le bien-fondé du licenciement de Monsieur [V]

CONFIRMER et JUGER que le licenciement de Monsieur [V] repose sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (36.195,55 €)

Subsidiairement, si par impossible la Cour devait entrer en voie de condamnation :

CONSTATER que les demandes de dommages et intérêts formulées par Monsieur [V] sont manifestement excessives et en tout état de cause infondées et injustifiées

En conséquence,

RAMENER le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions, dans la limite de 3 mois de salaire (7 .239 € bruts)

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail

CONSTATER qu’aucune rupture brutale ou circonstances vexatoires ni aucun préjudice distinct ne peuvent être caractérisés

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur [V] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail (10.000 €)

En tout état de cause

DEBOUTER Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes formulées en cause d’appel

DEBOUTER Monsieur [V] de sa demande relative à l’article. 700 du code de procédure civile (2.000€)

CONDAMNER Monsieur [V] à verser à la Société DHL INTERNATIONAL EXPRESS la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER Monsieur [V] aux entiers dépens »

Lors de l’audience, l’affaire a été examinée puis mise en délibéré à la date du 10 janvier 2024 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS

Sur le licenciement

M. [V] soutient que son licenciement pour cause réelle et sérieuse n’est pas justifié au motif que :

– l’employeur se fonde sur une présomption de vol et de d’accusations de « négligences répétées » vis-à-vis des procédures en place, mais sans en apporter la moindre preuve ;

– l’employeur a refusé de lui montrer les enregistrements de la vidéosurveillance qui aurait permis de savoir ce qui est arrivé au colis ;

– il a respecté la procédure en contactant son supérieur (chef de secteur) lorsque le colis ne pouvait plus être pris en charge, et non avant, puisque son supérieur lui-même n’avait pas jugé nécessaire d’écarter le colis : l’employeur ne démontre pas qu’une autre procédure aurait dû être appliquée ; aucune procédure sur la gestion des colis endommagés n’est d’ailleurs communiquée ;

– l’unique « fait » qui lui est finalement reproché est d’avoir mis 44 minutes à prévenir son supérieur que le colis était endommagé : durant ce temps, il a tout simplement continué à travailler et à traiter ses colis et il a prévenu son supérieur lorsqu’il en a eu l’occasion ;

– ses approximations s’expliquent simplement par la panique qu’il a ressentie alors qu’on l’accusait d’avoir volé dans un colis ;

– il a plus de 19 ans d’ancienneté et il n’a jamais reçu le moindre reproche ; dès lors une telle sanction pour des faits aussi légers est disproportionnée.

M. [V] produit le compte-rendu de l’entretien préalable (pièce salarié n° 5-1).

En défense, la société DHL international express soutient que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [V] est justifié au motif que :

– Le visionnage des vidéos de surveillance a montré que 44 minutes se sont écoulées entre la chute des bouteilles de couleur verte du chariot de M. [V] et le moment où celui-ci avait présenté le colis nº 6978034442 à son chef de secteur ;

– les règles internes applicables à la prise en charge d’un colis endommagé, parfaitement connues de M. [V] au regard de son ancienneté, imposent de prendre immédiatement attache avec un superviseur afin que ce dernier reconditionne le colis concerné ;

– les entretiens diligentés dans le cadre de ces recherches mettent en évidence de nombreuses incohérences et irrégularités dans la prise en charge et le traitement du colis endommagé n° 6978034442 par M. [V] : il a présenté à son superviseur, dans un premier temps et dans le cadre des recherches menées, une version erronée et fallacieuse des faits et ce n’est en définitive qu’après avoir été confronté aux vidéos de surveillance qu’il a fini par reconnaître s’être immédiatement aperçu du caractère endommagé du colis ; il a aussi prétendu ne pas connaître le contenu du colis dont il venait pourtant de ramasser le contenu comme le montrent les images de vidéosurveillance ;

– il n’a pas respecté les process et règles internes applicables et a délibérément enfreint les règles applicables à la prise en charge d’un colis endommagé ;

– le comportement fautif de M. [V] a conduit à la disparition suspecte d’une partie du contenu du colis ;

– M. [V] a manqué à son obligation de loyauté, dans le cadre des investigations menées par l’entreprise.

La société DHL international express produit des photographies extraites de la vidéosurveillance datées du 20/11/18 12H42 et du 20/11/18 13H22 et 13H26 (pièces employeur n° 6 et 7) ;

– le compte-rendu de l’entretien entre M. [V] et le responsable sécurité (pièce employeur n° 8) ;

– le compte-rendu de l’entretien entre M. [N], chef de secteur à qui M. [V] a remis le colis litigieux et le responsable sécurité (pièce employeur n° 9).

Il ressort de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.

Il résulte de l’article L.1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties.

Les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [V] a été licencié pour des négligences répétées caractérisées par :

– le non-respect des procédures

– l’absence de communication d’informations.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société DHL international express n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir les négligences répétées, le non-respect des procédures et l’absence de communication d’informations reprochés à M. [V].

En effet la cour retient qu’en fait, M. [V] a pris en charge un colis endommagé à 12h42, qu’il y a remis une bouteille verte qui en était sortie et que lorsqu’il a remis ce colis à son chef de secteur, à 13h26 parce qu’il était endommagé, le compartiment (il y en avait 3 dans ce colis) exposé à l’ouverture était vide.

La cour retient aussi que ces faits ne suffisent pas à démontrer les négligences, le non-respect des procédures et l’absence de communication d’informations qui lui sont reprochés dès lors que la société DHL international express ne justifie pas de la procédure obligatoire qui n’aurait pas été respectée, qu’il n’est donc pas établi que la remise du colis endommagé à 13H26 est fautive.

La cour retient enfin que le grief relatif à l’absence de communication est contredit dans les faits dès lors que M. [V] a répondu aux questions posées et qu’il a donné finalement les informations attendues ; le seul fait qu’il a donné les informations attendues au moment où il a été confronté aux éléments extraits de la vidéosurveillance ne suffit pas à caractériser une faute constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement étant précisé qu’aucun élément produit ne permet de savoir ce qui a disparu ni en quantité ni en valeur.

C’est donc en vain que la société DHL international express soutient que les règles internes applicables à la prise en charge d’un colis endommagé, parfaitement connues de M. [V] au regard de son ancienneté, imposent de prendre immédiatement attache avec un superviseur afin que ce dernier reconditionne le colis concerné et que M. [V] n’a pas respecté les process et règles internes applicables et a délibérément enfreint les règles applicables à la prise en charge d’un colis endommagé.

C’est aussi en vain que la société DHL international express soutient que les entretiens diligentés dans le cadre de ces recherches mettent en évidence de nombreuses incohérences dans la prise en charge et le traitement du colis endommagé, que M. [V] a ainsi présenté à son superviseur, dans un premier temps et dans le cadre des recherches menées, une version erronée et fallacieuse des faits, que ce n’est en définitive qu’après avoir été confronté aux vidéos de surveillance qu’il a fini par reconnaître s’être immédiatement aperçu du caractère endommagé du colis, qu’il a aussi prétendu ne pas connaître le contenu du colis dont il venait pourtant de ramasser le contenu comme le montrent les images de vidéosurveillance et que M. [V] a donc manqué à son obligation de loyauté, dans le cadre des investigations menées par l’entreprise ; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif que le seul fait que M. [V] a donné les informations attendues au moment où il a été confronté aux éléments extraits de la vidéosurveillance ne suffit pas à caractériser une faute constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement étant ajouté que l’intention de mentir ou de tromper son interlocuteur ne peut pas être retenue à l’encontre de M. [V] sur le fondement des éléments de preuve produits.

C’est enfin en vain que la société DHL international express soutient que le comportement fautif de M. [V] a conduit à la disparition suspecte d’une partie du contenu du colis ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif d’une part qu’aucun élément produit ne permet de savoir ce qui a disparu ni en quantité ni en valeur et au motif d’autre part que le caractère suspect de la disparition du contenu du compartiment vide n’est pas suffisamment établi.

Il ressort de ce qui précède que l’employeur n’a pas établi, à l’occasion de la présente instance, la cause réelle et sérieuse justifiant, au sens de l’article L. 1235-1 du code du travail, le licenciement de M. [V] ; en conséquence, le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [V] est justifié, et statuant à nouveau de ce chef, la cour dit que le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [V] demande la somme de 36 195,55 € (15 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société DHL international express s’oppose à cette demande, l’indemnité équivalente à 3 mois de salaire suffisant amplement à réparer les préjudices subis.

Selon l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 19 ans entre 3 et 15 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [V], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [V] doit être évaluée à la somme de 8 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société DHL international express à payer à M. [V] la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail

Le licenciement de M. [V] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société DHL international express aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [V], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

M. [V] demande la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et fait valoir, à l’appui de cette demande que la procédure a été menée en quelques jours, qu’il a été accusé de vol en fait, que sa voiture a été fouillée et que la lettre de licenciement contient des insinuations infondées qui montrent le peu de considération de l’entreprise pour lui alors qu’il avait plus de 19 années d’ancienneté et n’avait jamais reçu le moindre reproche ou avertissement de la part de son employeur.

La société DHL international express s’oppose à cette demande et fait valoir, à l’appui de sa contestation que la procédure disciplinaire est valable et régulière, que l’ensemble des délais légaux prescrits par le code du travail ont été respectés et que le délai de 20 jours qui s’est écoulé entre l’engagement de la procédure disciplinaire et la notification du licenciement est raisonnable et démontre l’absence de précipitation dans le déroulé de la procédure disciplinaire.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [V] est bien fondé dans sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire à hauteur de 1 000 € au motif que les griefs mettent en cause sa loyauté et sa responsabilité dans une disparition que l’employeur a jugé suspecte sans preuve suffisante.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société DHL international express à payer à M. [V] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La cour condamne la société DHL international express aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société DHL international express à payer à M. [V] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit et juge que le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société DHL international express à payer à M. [V] les sommes de :

– 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;

Dit que les dommages et intérêts alloués à M. [V], sont assortis d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne le remboursement par la société DHL international express aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [V], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Condamne la société DHL international express à verser à M. [V] une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société DHL international express aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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