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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 02 FEVRIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/02917 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4KY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 15/04369, en date du 17 novembre 2021,
APPELANTE :
Madame [X] [I] divorcée [U]
née le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 12] (54), de nationalité française, domiciliée [Adresse 3]
Représentée par Me Ahmed MINE, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Maître Marc ASTOLFI
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 11], de nationalité française, notaire, domicilié [Adresse 6]
Représenté par Me Frédéric BARBAUT de la SELARL MAITRE FREDERIC BARBAUT, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Marie-José GONZALEZ, avocat au barreau de PARIS
La CAISSE MUTUELLE DE DEPOTS ET DE PRETS (CMDP),
Caisse locale de crédit mutuel, immatriculée au RCS sous le n° 316 278 696, dont le siège est [Adresse 2]
Représentée par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d’EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 Février 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 02 Février 2023, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Selon acte notarié du 2 mars 2006 établi par Me [Z] [Y], M. [V] [I] a acquis un terrain sis à [Adresse 10], moyennant le prix de 54 800 euros.
Par acte sous seing privé du 6 avril 2006, la [Adresse 7] (ci-après la CCM) a consenti à M. [V] [I] un prêt d’un montant de 78 500 euros, remboursable en une échéance au 31 mars 2008, en garantie duquel Mme [X] [I] s’est portée caution solidaire, l’acte de prêt faisant également mention à titre de garantie d’un ‘ ordre irrévocable ‘ de versement au prêteur des fonds provenant de la vente du terrain à bâtir sis à [Adresse 8] pour un montant de 92 000 euros, selon acte notarié reçu le 30 mars 2006 portant le cachet de l’étude de notaires [C] et [Y].
Deux demandes de permis de construire sur ce terrain ont été classées sans suite par la ville de [Localité 9] le 10 novembre 2006.
Par acte notarié du 6 mars 2007 établi par Me [Z] [Y], M. [V] [I] a vendu le terrain sis [Adresse 8] et a perçu le produit de la vente de 64 000 euros.
Selon avenant en date du 29 mars 2008, signé par Mme [X] [I], l’échéance de prêt du 31 mars 2008 a été prorogée au 31 mars 2009.
M. [V] [I] est décédé le [Date décès 4] 2009 sans avoir remboursé le prêt consenti par la CCM à l’échéance du 31 mars 2009, et Mme [X] [I] a renoncé à sa succession le 1er juillet 2010.
Par arrêt de la cour d’appel de Nancy du 12 janvier 2012, devenu définitif, Mme [X] [I] a été condamnée à payer à la CCM la somme de 78 500 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009, après déchéance du droit aux intérêts du prêteur, en vertu de son engagement de caution solidaire.
Par arrêt du 30 septembre 2013 devenu définitif, la cour d’appel de Nancy a rejeté la demande de Mme [X] [I] en paiement de dommages et intérêts dirigée à l’encontre de Me [Z] [Y] au titre de sa responsabilité caractérisée par la remise des fonds provenant de la vente du terrain de Dieulouard à M. [V] [I], en ce que l’ordre de paiement était un mandat discrétionnairement révocable, nonobstant son intitulé, et qu’il n’était pas établi qu’il avait été remis au notaire lors de la vente du 6 mars 2007.
-o0o-
Par acte d’huissier en date du 8 octobre 2015, Mme [X] [I] a fait assigner Me [Z] [Y] devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de le voir condamné au versement de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de conseil et à son obligation d’information (n’ayant pas été informée des risques encourus au titre de son engagement au regard d’un ordre improprement qualifié d’irrévocable), s’agissant d’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions, au besoin en ordonnant une expertise.
Par acte d’huissier du 16 octobre 2015, Mme [X] [I] a fait assigner la CCM devant le tribunal de grande instance de nancy afin de voir prononcer l’annulation de l’acte de cautionnement, vicié par erreur concernant le caractère irrévocable de l’ordre, ainsi que le remboursement des sommes payées, et subsidiairement, l’inopposabilité de l’acte de cautionnement (n’ayant pas été informée du caractère révocable de l’ordre de donné et de la prorogation de l’échéance à mars 2009), et de la voir en outre condamnée à lui payer des dommages et intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles et professionnelles.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 28 février 2018, et Mme [X] [I] a sollicité la condamnation de la CCM et Me [Z] [Y] in solidum au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel lié à la condamnation prononcée par l’arrêt du 12 janvier 2012 (110 173,10 euros) et aux pertes financières résultant des actes d’exécution de la CCM (810 000 euros), ainsi qu’en réparation de son préjudice moral (10 000 euros). Elle a sollicité la compensation de la somme de 110 173,10 euros avec la condamnation prononcée à son encontre en faveur de la CCM et de condamner la CCM à lui rembourser la somme de 52 681 euros correspondant aux versements déjà opérés au titre de ladite condamnation.
Me [Z] [Y] a conclu à l’irrecevabilité des demandes de Mme [X] [I] présentées à son encontre et subsidiairement au débouté.
La CCM a conclu au débouté de l’ensemble des demandes de Mme [X] [I] formées à son encontre.
Par jugement du 17 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
– déclaré irrecevable l’action de Mme [X] [I] à l’égard de Me [Y], notaire à [Localité 12],
– déclaré irrecevable l’action de Mme [X] [I] l’égard de la CCM,
– condamné Mme [X] [I] à payer à Me Marc Astolfi la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [X] [I] à payer à la CCM la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [X] [I] de ses demandes plus amples et contraires,
– condamné Mme [X] [I] aux entiers dépens.
Le tribunal a fixé le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité du cautionnement et de l’action en responsabilité dirigée à l’encontre du notaire à la date du 1er juillet 2010 emportant renonciation par Mme [X] [I] à la succession de son père, retenant qu’elle avait eu connaissance à cette date de l’absence d’application de l’ordre donné.
Il a constaté qu’aux termes de l’arrêt définitif du 12 janvier 2012, la nullité de l’acte de cautionnement et la responsabilité de la banque avaient été débattues contradictoirement, de sorte que les demandes identiques étaient irrecevables par l’effet de l’autorité de chose jugée. Il a relevé que Mme [X] [I] avait sollicité la décharge de son engagement de caution sur le fondement de l’article 2314 du code de civil, de sorte que la demande tentant l’inopposabilité de l’acte de cautionnement était irrecevable par l’effet de l’autorité de la chose jugée. Il a jugé que le nouvel élément apparu après l’instance initiale dont se prévaut Mme [X] [I], lié au caracctère tranché de la révocabilité de l’ordre, devait être soulevé dès la première instance, s’agissant d’un moyen de fait destiné à soutenir ses prétentions.
-o0o-
Le 14 décembre 2021, Mme [X] [I] a formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.
Dans ses dernières conclusions transmises le 27 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [X] [I], appelante, demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
– de rejeter les fins de non-recevoir tirées de la prescription et de l’autorité de la chose jugée,
Evoquant l’affaire au fond,
Vu les articles 1109 et suivants, 1147 et suivants, 1351 et 2288 du code civil,
– de débouter purement et simplement la CCM et Me [Z] [Y] de leurs demandes, fins et prétentions,
– de dire et juger nul l’acte de cautionnement signé par Mme [X] [I] au profit de la CCM rattaché au contrat de prêt souscrit par M. [V] [I] en date du 6 avril 2006,
– de dire et juger inopposable l’acte de cautionnement signé par Mme [X] [I] au profit de la CCM rattaché au contrat de prêt souscrit par M. [V] [I] en date du 6 avril 2006,
– de dire et juger que la CCM a manqué à ses obligations contractuelles et professionnelles, notamment de mise en garde, de vigilance, de conseil et de respect du principe de proportionnalité vis-à-vis de Mme [X] [I],
– de condamner la CCM à l’indemniser de l’ensemble de ses préjudices subis,
Et
– de dire et juger que Me [Z] [Y] a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions,
– de dire et juger que cette faute lui a causé un préjudice direct,
– de condamner Me [Z] [Y] à indemniser Mme [X] [I] de l’ensemble de ses préjudices subis,
En conséquence,
– d’ordonner, au besoin, une expertise contradictoire pour l’évaluation de ses préjudices, confiée à tel expert de votre choix, éventuellement à Mme [N] [W], expert en évaluation immobilière, qui se verra remettre le rapport d’expertise de M. [P] et devra estimer ses divers préjudices (sommes indûment versées à la CCM, pertes de valeur de ses immeubles, hypothèques, etc.),
– de condamner in solidum la CCM et Me [Z] [Y] à lui verser les sommes suivantes :
* 110 173,10 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel résultant de la signature de l’acte de cautionnement et de la condamnation de la cour d’appel de
Nancy du 12 janvier 2012,
* 810 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel lié aux
pertes financières découlant des actes d’exécution de la CCM, notamment hypothèques judiciaires,
* 10 000 euros pour le préjudice moral subi,
* 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la CCM et Me [Z] [Y] aux dépens,
– de compenser la condamnation de la CCM à la somme de 110 173,10 euros avec la condamnation de Mme [I] ordonnée par la cour d’appel de Nancy dans son arrêt du 12 janvier 2012 à verser à la CCM une somme de 78 500 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2009, outre les dépens,
– de lui donner acte des versements déjà opérés au titre de cette précédente condamnation à hauteur de 52 681 euros,
– de condamner la CCM à lui rembourser cette somme de 52 681 euros.
Au soutien de ses demandes, Mme [X] [I] fait valoir en substance :
– que M. [V] [I] a acquis le terrain de [Localité 9] le 2 mars 2006 moyennant le prix de 54 800 euros, sans emprunt, mais que suite à des problèmes de santé ayant pour conséquence le paiement par chèque non provisionné, il lui a été proposé de souscrire le prêt de 78 500 euros le 6 avril 2006, avec amortissement du capital en une seule échéance au 31 mars 2008, le temps d’y édifier une construction et de le revendre ; que le terrain a été déclaré inconstructible par la commune de [Localité 9] et les permis de construire refusés le 10 novembre 2016, et que le vendeur a accepté de le reprendre, suivant acte notarié dressé par Me [Z] [Y] le 6 mars 2007, moyennant le prix de 64 000 euros ; que Me [Z] [Y] avait l’obligation de procéder au versement des fonds à la CCM en exécution de l’ordre irrévocable ; qu’il a commis une faute en ne respectant pas cette garantie ; qu’elle a renoncé à la succession de son père le 1er juillet 2020 en raison des poursuites de l’administration fiscale à son encontre ;
– que son acte de caution lui a été présenté comme étant une garantie subsidiaire qui n’avait pas réellement vocation à être exécuté compte tenu de la présence d’une deuxième garantie caractérisée par l’ordre irrévocable de versement de la somme issue de la vente du terrain de [Localité 9] au prêteur ; que la CCM lui a indiqué le 30 mars 2006 que l’ordre ne pouvait être annulé, sauf avec l’accord de l’établissement bancaire, et qu’elle serait obligatoirement prévenue ; qu’au contraire, l’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 30 septembre 2013 a considéré que l’ordre était un mandat qui pouvait être révoqué à tout moment ;
– qu’elle fait état d’éléments nouveaux par rapport aux décisions rendues antérieurement par la cour d’appel de Nancy s’opposant à la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, se prévalant d’un vice du consentement pour erreur (la cour ayant été saisie d’irrégularités de forme et de la nullité du contrat pour dol, et de l’inopposabilité du cautionnement sur le fondement de l’article 2314 du code civil) et d’un défaut d’information et de conseil du prêteur (le cautionnement ayant été présenté comme sans risque et sans tenir compte de ses revenus et de son endettement, s’agissant de demandes différentes de l’absence de prise en compte des ressources du débiteur principal et de l’absence de souscription d’une assurance) et du notaire, notamment en ce que l’arrêt du 30 septembre 2013 a retenu que l’ordre de paiement était révocable, s’agissant d’un élément juridique nouveau, inconnu lors de l’introduction de la première instance et du prononcé de l’arrêt ;
– que le premier juge ne se fonde sur aucun élément pour pouvoir fixer au 1er juillet 2010, jour de la renonciation de Mme [X] [I] à la succession de son père (en raison d’un redressement fiscal), le point de départ de la prescription de l’action engagée à l’encontre de Me [Z] [Y] ; que le dommage ne s’est révélé que lorsqu’elle a été définitivement condamnée par la cour d’appel de Nancy envers la CCM le 12 janvier 2012 à exécuter l’acte de cautionnement critiqué, arrêté devenu définitif après expiration du délai de pourvoi, voir à la date de l’arrêt du 30 septembre 2013 confirmé par arrêt de la Cour de Cassation du 28 octobre 2015, par la découverte de la révocabilité de l’ordre et du manquement manifeste du notaire à son obligation d’information et de conseil ;
– que le cautionnement doit être annulé ; qu’elle a été déterminée à signer l’acte de cautionnement par l’idée fausse qu’elle se faisait de l’efficacité de la seconde garantie prise par la banque, à savoir l’ordre irrévocable ; qu’il s’agit d’une erreur sur l’étendue des garanties fournies au créancier ; qu’elle avait indiqué au prêteur qu’elle ne souhaitait prendre aucun risque ; que le délai de réflexion prévu par le code de la consommation au profit de la caution était à l’époque de 10 jours selon les dispositions de l’article L.312-33 n’a pas été respecté ;
– que l’acte de cautionnement lui est inopposable en ce que l’étendue de son engagement a nécessairement été modifié du fait de l’inefficacité totale de l’ordre irrévocable souscrit à titre de garantie principal, et qu’elle n’a pas été avisée de cette modification au mépris de l’obligation d’information annuelle de la caution, ni de la prorogation de l’échéance à mars 2009 ; que les articles L. 331-1 et L. 331-2 du code de la consommation outre l’article 2293 du code civil n’ont pas été respectés ;
– que la responsabilité contractuelle de la CCM est engagée au regard de l’absence de communication d’un formulaire de renseignement, du non respect du principe de proportionnalité, du non respect de son obligation de conseil ou devoir de mise en garde quant au caractère révocable de l’autre garantie souscrite, et des manquements multiples tendant à ne pas tenir compte de la demande de remboursement anticipé du débiteur principal et de ne pas avoir mis à exécution l’ordre irrévocable lors de la revente du terrain de [Localité 9] ; que l’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 12 janvier 2012 a tranché la question de l’engagement de Mme [X] [I] envers la CCM sans évoquer d’autres moyens dans son dispositif et notamment l’annulation de l’acte de caution ; que le fait nouveau caractérisé par la nature révocable de l’ordre qualifié d’irrévocable s’est révélé suite à l’arrêt du 30 septembre 2013 ; que les informations données par la CCM se sont révélées totalement fausses ; qu’elle n’avait pas les moyens financiers d’assumer ce cautionnement étant sans revenus avec deux prêts à charge et un autre engagement de caution au profit de son père, et que le risque de non remboursement du débiteur principal était réel ; que la CCM a été avisée par le notaire de la revente du terrain sis à [Localité 9] et devait exiger la mise à exécution de l’ordre et avait également l’obligation d’aviser la caution dès le premier incident de paiement ;
– que la responsabilité de Me [Z] [Y] est engagée en ce qu’il se devait d’éclairer les parties sur la portée et les effets de l’acte faussement intitulé ‘ordre irrévocable’ ; qu’il n’a pas respecté les termes du mandat signé le 30 mars 2006 et ne rapporte pas la preuve qu’il a respecté son obligation d’information et de conseil sur les risques qu’elle encourrait, alors qu’il savait qu’elle ne voulait prendre aucun risque, ni son obligation de loyauté, prudence et diligence ;
– qu’elle s’est acquittée de la somme de 52 681 euros sur le principal de la condamnation prononcée par la cour d’appel au bénéfice de la CCM ; que son préjudice résultant de l’annulation de l’acte de cautionnement ou du manquement au devoir de mise en garde doit être apprécié au regard du décompte évaluant la créance de la CCM à 110 173,10 euros ; qu’elle subit une perte financière résultant de l’impossibilité de vendre ses biens immobiliers grevés d’hypothèques outre des frais d’expertise et d’avocat, ainsi qu’un stress important depuis cinq ans.
Dans ses dernières conclusions transmises le 5 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Me [Z] [Y], intimé, demande à la cour :
– de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 17 novembre 2021 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
Vu l’article 2224 du code civil,
– de déclarer Mme [X] [I] irrecevable en toutes ses demandes présentées à son encontre aux motifs de la prescription,
En tout état de cause,
Vu les articles 1355 et 480 du code civil,
– de déclarer irrecevables les demandes de Mme [X] [I] présentées à son encontre en raison de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 30 septembre 2013 confirmatif du jugement du tribunal de grande instance de Nancy du 3 mai 2012,
A titre subsidiaire, sur le fond,
Vu les articles 1240 du code civil et 9 du code de procédure civile,
– de dire et juger qu’il n’a commis aucune faute,
– de dire et juger que Mme [X] [I] ne démontre avoir subi aucun préjudice actuel, certain et direct,
En conséquence,
– de déclarer Mme [X] [I] mal fondée en son appel,
– de débouter Mme [X] [I] de toutes ses demandes,
– de condamner Mme [X] [I] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel,
– de condamner Mme [X] [I] aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, Me [Z] [Y] fait valoir en substance :
– que le point de départ de la prescription se situe à la date où le titulaire du droit connaissait ou à tout le moins aurait dû connaitre le fait générateur de son dommage et était en mesure de rechercher la responsabilité du notaire rédacteur de l’acte ; que les actes invoqués par Mme [X] [I] ont été reçus en 2006 et 2007, et que le point de départ de la prescription doit être fixé au plus tard à la date de l’acte de renonciation à la succession du 1er juillet 2010, s’agissant de la date à laquelle elle a eu connaissance de ce que le produit de la revente n’avait pas été versé à la CCM, dont la créance n’était pas éteinte par l’effet de ce règlement ; qu’une victime doit agir dès qu’elle a conscience d’une situation dommageable, peu important que toutes les conséquences de cette situation ne soient pas encore apparues ; que la situation juridique était suffisamment claire pour que le dommage soit certain avant que les recours exercés n’aient abouti à des décisions définitives ; que la décision juridictionnelle ne constitue qu’une simple confirmation d’une situation dommageable qui était déjà connue avec certitude dans son principe ; que la faute dont se prévaut Mme [X] [I] aurait été commise au moment de la signature de l’acte de cautionnement, puisqu’elle explique y avoir consenti en raison de l’ordre irrévovable ; que le dommage s’est révélé au plus tard au moment de la succession de son père, lorsqu’elle a appris que cet ordre irrévocable n’avait pas trouvé d’effets et qu’elle avait été mal informée sur ses effets ;
– que selon les dispositions des articles 1355 nouveau du code civil et 480 du code de procédure civile, l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 30 septembre 2013 rend irrecevables les demandes de Mme [X] [I] dans le cadre de cette instance compte tenu de l’identité de parties en leur même qualité, de l’identité de cause (les faits et les moyens de droit étant identiques dans le but d’être libérée de son engagement de caution souscrit envers la CCM) et de l’identité d’objet (dommages et intérêts pour une prétendue faute avec la même argumentation rejetée par la cour d’appel à défaut de rapporter la preuve que l’ordre de virement lui avait été remis lors de la vente du 6 mars 2017) ; que la qualification de mandat donnée à l’ordre de virement par la cour d’appel ne constitue pas un élément nouveau rendant l’action de Mme [X] [I] recevable ;
– que subsidiairement, il n’a commis aucune faute ; que M. [I] ne lui a pas remis l’ordre de versement et n’a pas donné mandat d’y procéder lors de la revente du terrain le 6 mars 2007 ; que la cour d’appel a définitivement retenu qu’il n’avait pas commis de faute en versant le produit de la vente entre les mains du vendeur, de sorte que ce dernier a clairement exprimé sa volonté de révoquer le mandat afin de percevoir les fonds un an avant l’échéance du prêt ; que la CCM n’a pas invoqué cet ordre dans l’instance l’opposant à Mme [X] [I] en sa qualité de caution ; qu’il n’est en outre tenu d’aucune obligation à l’égard de Mme [X] [I] qui est étrangère à l’ordre de versement ; que la faute reprochée est sans lien de causalité direct avec le préjudice invoqué par Mme [X] [I] quant à sa condamnation en paiement au profit de la CCM ou des éventuelles difficultés de revente des biens immobiliers ; que la réalité de son préjudice n’est pas rapportée, tant dans son principe que dans son montant, et que par arrêt du 3 juin 2019, la cour d’appel de Nancy a alloué à Mme [X] [I] une somme de 1 665 euros en indemnisation de son préjudice consécutif à la perte de chance d’accepter la succession de son père.
Dans ses dernières conclusions transmises le 6 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CCM, intimée, demande à la cour sur le fondement des articles 1134 et 1148 du code civil dans leur version applicable aux faits de l’espèce, 1355, 2224, 2288 et suivants du code civil, et 9, 122, 146 et 480 du code de procédure civile :
A titre principal,
– de déclarer irrecevables les demandes de Mme [X] [I] présentées à son encontre comme prescrites,
– de déclarer irrecevables les demandes de Mme [X] [I] présentées à son encontre comme contraires au principe de concentration des moyens ainsi qu’à l’autorité de chose jugée de l’arrêt définitif de la cour d’appel de Nancy du 12 janvier 2012,
Par voie de conséquences,
– de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de Mme [X] [I] à son égard, en ce qu’il a condamné Mme [X] [I] à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la première instance ainsi qu’aux entiers dépens, et en ce qu’il a débouté Mme [X] [I] de ses demandes plus amples et contraires,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans devait considérer que les demandes de Mme [X] [I] dirigées à son encontre ne seraient pas irrecevables,
– de dire et juger que Mme [X] [I] ne démontre pas en quoi le cautionnement régularisé avec elle devrait être déclaré nul ou inopposable à son égard,
– de dire et juger que Mme [X] [I] ne démontre ni sa faute, ni la matérialité de son préjudice, ni l’existence d’un lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué,
– de déclarer Mme [X] [I] mal fondée en son appel,
– de débouter Mme [X] [I] de l’ensemble de ses demandes,
En toutes hypothèses,
– de condamner Mme [X] [I] à lui régler la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens,
– de condamner Mme [X] [I] à lui régler la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la première instance,
– de débouter pour les causes sus énoncées Mme [X] [I] de l’intégralité des demandes formées à son encontre,
– d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses demandes, la CCM fait valoir en substance :
– que la prescription de l’action en nullité du cautionnement pour vice du consentement ou en inopposabilité du cautionnement pour défaut d’information sur l’absence de prise en compte de l’ordre irrévocable de paiement et de la prétendue modification de la portée de son engagement de caution, a pour point de départ le jour où Mme [X] [I] a réalisé que l’ordre de paiement n’avait pas été mis à exécution au profit du prêteur par le notaire chargé de la revente du terrain de son père, correspondant au jour où elle a pris connaissance de l’état de sucession du débiteur et de l’absence de désintéressement du prêteur en dépit de cet ordre ; que ce point de départ se situe au plus tard au jour de la renonciation à la succession de son père, soit le 1er juillet 2010 ; que par courrier du 14 décembre 2009 adressé à l’administration fiscale, Mme [X] [I] a fait état de ce que l’ordre irrévocable de paiement s’était avéré dépourvu d’effet ; que nonobstant la qualification juridique apportée par la cour d’appel en 2013, Mme [X] [I] connaissait ou aurait dû connaître raisonnablement les faits lui permettant d’exercer la présente action ; que le point de départ de la prescription doit nécessairement être situé, au plus tôt, au moment de l’assignation délivrée à son encontre au titre de son engagement de caution, soit le 16 juin 2009, et au plus tard au moment de sa renonciation à la succession ;
– que le point de départ de la prescription de l’action de Mme [X] [I] en responsabilité se situe au plus tard au moment où elle a pris connaissance qu’elle sollicitait le recouvrement de sa créance à son encontre, soit à la date de l’assignation du 16 juin 2009 ; que Mme [X] [I] ne peut se prévaloir d’un éventuel manquement au titre du devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur, étant ajouté que le point de départ de la prescription se situe au jour du premier incident de paiement ;
– que les demandes de Mme [X] [I] concernant l’irrégularité du cautionnement et son inopposabilité ont été définitivement tranchées par l’arrêt du 12 janvier 2012, et que les moyens soulevés dans la présente instance (disproportion et absence de formulaire de renseignement, irrespect du délai de réflexion et vice du consentement) tendent aux mêmes fins et auraient du être soulevés dès l’instance de 2009 ; que l’arrêt du 12 janvier 2012 a autorité de chose jugée quant à la nullité de l’engagement de caution pour vice du consentement (dol ou erreur) ; que s’agissant du devoir de conseil à l’égard de Mme [X] [I], la qualification faite par la cour d’appel dans son arrêt de 2013 concernant le caractère « révocable » de la garantie souscrite ne constitue pas un élément de droit de nature à modifier une situation juridique antérieure, et de lui permettre d’invoquer une « cause» nouvelle, dont elle aurait pu se prévaloir dès 2012 ;
– que sur le fond, la caution ne peut se prévaloir contractuellement de la situation du cautionné (disproportion) et de l’existence et du maintien d’autres cautions comme condition déterminante de son engagement selon l’article 5.5 des conditions générales du prêt (relevé par arrêt du 12 janvier 2012) ; que le cautionnement n’a pas été étendue au delà des limites dans lesquelles il a été contracté ;
– que quelles que soient les discussions qui auront lieu sur l’attitude prétendument fautive de la banque, ou sur la nature de l’ordre irrévocable de paiement, la cour d’appel dans une instance opposant les mêmes parties, à savoir Mme [X] [I] d’une part et la CCM d’autre part, a clairement indiqué que les préjudices de cette dernière provenaient de la déloyauté dont avait fait preuve feu M. [V] [I] ; qu’elle n’est pas tenue d’un devoir de conseil ; qu’aucun devoir de mise en garde ne s’imposait dans la mesure où le prêt remboursable en une échéance devait être couvert par le produit de la vente du terrain de [Localité 9] ; qu’elle n’a pas commis de faute en ne faisant pas valoir l’ordre irrévocable de versement alors qu’elle n’a pas été informée de la vente et que le prêt n’était pas arrivé à échéance, ajoutant que le prix de revente du terrain était inférieur au prêt et qu’au jour de l’information de la revente par le notaire le 6 mars 2007, les fonds avaient été remis à M. [V] [I] ; qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice allégué ; que la demande de remboursement anticipé de M. [V] [I] du 3 août 2006, suite à l’encaissement d’une somme de 182 595,25 euros résultant d’une correspondance du 24 juillet 2007, ne pouvait intervenir avec un compte créditeur de 7 857,23 euros et une saisie-attribution à hauteur de 4 057,54 euros ;
– que l’arrêt du 12 janvier 2012 a bien été signifié à Mme [X] [I] le 19 mars 2012, date à laquelle elle a déclaré demeurer à cette même adresse selon ses conclusions déposées dans le cadre d’une instance de saisies immobilières ;
– que le décompte de l’huissier du 26 janvier 2015, établi en fonction de l’arrêt du 12 janvier 2012, laisse apparaitre le règlement d’une somme de 52 681,48 euros et un solde dû de 40 988,94 euros, de sorte qu’elle reste devoir des sommes au titre de la condamnation ; que Mme [X] [I] est défaillante dans l’administration de la preuve de son préjudice.
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La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de la demande en annulation de l’acte de cautionnement
Mme [X] [I] soutient que son consentement a été vicié en raison de l’erreur commise sur l’étendue des garanties fournies à la CCM ayant déterminé son consentement.
En vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
L’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le point de départ de la prescription de l’action en nullité réside, ‘ dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts ‘.
En l’espèce, Mme [M] [O], représentant la direction des services fiscaux de Meurthe et Moselle, a adressé le 14 décembre 2009 à Mme [X] [I] un courriel libellé en ces termes : ‘ je ne peux que vous conseiller de vous retourner vers le notaire rédacteur des actes de revente des biens de votre père qui aurait dû vous avertir au vu de la date d’acquisition et de revente de chaque terrain ou immeuble qu’il [votre père] exerçait en réalité une fonction de marchand de biens ‘.
Or, Mme [X] [I] a répondu à Mme [M] [O] en ces termes : ‘ je rencontre déjà un souci actuellement pour un autre problème d’ordre irrévocable qu’il a oublié dans un dossier. Je pense que déjà pour cela, ça va se terminer au tribunal avec lui’.
Aussi, il en résulte qu’à la date du 14 décembre 2009, la preuve est rapportée que Mme [X] [I] avait connaissance de l’erreur alléguée portant sur l’étendue des garanties fournies à la CCM résultant de l’inexécution de l’ordre de paiement pourtant qualifié d’irrévocable, étant précisé que Mme [X] [I] était à cette date assignée depuis le 16 juin 2009 par la CCM en exécution de son engagement de caution.
En conséquence, la demande en annulation du cautionnement pour erreur ayant vicié son consentement a été introduite par Mme [X] [I] à l’encontre de la CCM le 16 octobre 2015, soit après l’expiration du délai de prescription de cinq ans courant à compter du 14 décembre 2009.
Dans ces conditions, Mme [X] [I] est irrecevable en sa demande d’annulation du cautionnement pour vice du consentement.
Sur la prescription de la demande pour disproportion de l’engagement de caution
En vertu de l’article 2224 du code civil, l’action en responsabilité de la caution à l’encontre du prêteur fondée sur une disproportion de son engagement se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l’emprunteur en raison de sa défaillance, permettant à la caution d’appréhender l’existence éventuelle d’une telle disproportion.
En l’espèce, il ressort des pièces versées en procédure que par courrier du 2 avril 2009, la CCM a indiqué à Mme [X] [I] : ‘ nous faisons suite à mes précédents courriers des 16 janvier et 3 février 2009 dans lesquels nous vous informions de l’échéance au 31 mars 2009 du prêt relais accordé à M. [I] [V], pour lequel vous intervenez en qualité de caution solidaire. A ce jour, nous constatons que l’échéance n’a pu être prélevée normalement faute d’une provision suffisante. La dette est actuellement de 85 067,79 euros (…). Nous attirons votre attention sur le fait que faute de règlement dans un délai de dix jours, nous serons amenés à transmettre votre dossier à notre service contentieux’.
Aussi, il en résulte que le point de départ du délai de prescription de la demande en responsabilité du prêteur fondée sur la disproportion de l’engagement de caution correspond à la date du 2 avril 2009, s’agissant d’une mise en demeure de payer les sommes dues par M. [V] [I] en raison de sa défaillance, celui-ci étant décédé le [Date décès 4] 2009.
En conséquence, la demande en responsabilité dirigée à l’encontre de la CCM pour disproportion de l’engagement de caution a été introduite par Mme [X] [I] à l’encontre de la CCM le 16 octobre 2015, soit après l’expiration du délai de prescription de cinq ans.
Dans ces conditions, Mme [X] [I] est irrecevable en sa demande en responsabilité sur le fondement de la disproportion de l’engagement de caution.
Sur la prescription de l’action en responsabilité à l’encontre de la CCM
Mme [X] [I] soutient que la CCM n’a pas respecté son obligation de conseil et de mise en garde quant au caractère révocable de l’ordre de versement.
En vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité engagée par la caution contre le prêteur est fixé au jour où cette dernière a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.
En effet, ce point de départ est identique que la caution invoque la disproportion de son engagement ou un manquement de la banque à son obligation de mise en garde.
Aussi, il en résulte que le point de départ du délai de prescription de la demande en responsabilité du prêteur fondée sur le manquement du prêteur à son obligation de mise en garde correspond à la date du 2 avril 2009.
En conséquence, la demande en responsabilité dirigée à l’encontre de la CCM pour manquement du prêteur à son obligation de mise en garde a été introduite par Mme [X] [I] à l’encontre de la CCM le 16 octobre 2015, soit après l’expiration du délai de prescription de cinq ans.
Dans ces conditions, Mme [X] [I] est irrecevable en sa demande en responsabilité sur le fondement du manquement du prêteur à son obligation de mise en garde.
Sur la prescription de l’action en responsabilité à l’encontre de Me [Y]
Mme [X] [I] soutient que Me [Y] ne l’a pas informée et conseillée sur les risques encourus concernant le caractère révocable de l’ordre de virement.
En vertu de l’article 2224 du code civil, la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
En l’espèce, il ressort du courriel précédemment évoqué du 14 décembre 2009 adressé par Mme [X] [I] à la représentante de l’administration fiscale qu’elle avait connaissance à cette date du ‘ problème d’ordre irrévocable qu’il [Me Astolfi]a oublié dans un dossier’ ajoutant ‘ je pense que déjà pour cela, ça va se terminer au tribunal avec lui ‘.
Aussi, il en résulte que le point de départ du délai de prescription de la demande en responsabilité du notaire fondée sur le manquement à son obligation d’information et de conseil correspond à la date du 14 décembre 2009.
En conséquence, la demande en responsabilité dirigée à l’encontre de Me [Y] pour manquement à son obligation d’information et de conseil a été introduite par Mme [X] [I] à l’encontre de Me [Y] le 8 octobre 2015, soit après l’expiration du délai de prescription de cinq ans.
Dans ces conditions, Mme [X] [I] est irrecevable en sa demande en responsabilité sur le fondement du manquement du notaire à son obligation d’information et de conseil.
Sur l’autorité de la chose jugée de la demande tendant à voir déclarer l’acte de cautionnement inopposable
Il résulte de l’article 1355 du code civil que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
En l’espèce, Mme [X] [I] fait valoir que l’arrêt du 30 septembre 2013 ayant retenu que l’ordre de paiement était révocable représente un élément juridique nouveau, inconnu lors de l’introduction de la première instance et du prononcé de l’arrêt du 12 janvier 2012.
Or, dans le cadre de l’instance en appel ayant abouti au prononcé de l’arrêt de la deuxième chambre civile de la cour d’appel de Nancy du 12 janvier 2012, Mme [X] [I] a soutenu, selon les termes de cet arrêt, que la CCM avait fait preuve de négligence en s’abstenant d’affecter au remboursement du prêt, malgré l’ordre de virement irrévocable dont elle bénéficiait, le produit de la vente du terrain situé à Dieulouard intervenue le 6 mars 2007 pour la somme de 64 000 euros.
Aussi, l’arrêt du 12 janvier 2012 a retenu que la perte de la garantie résultant de l’ordre de virement du produit de la vente du terrain de [Localité 9] ne pouvait permettre à Mme [X] [I] de la décharger de son engagement, en l’absence d’un droit préférentiel entré dans les prévisions des parties dont elle aurait pu tirer profit par voie de subrogation, et qu’il n’y avait pas lieu à application des dispositions de l’article 2314 du code civil.
Dans ces conditions, la reconnaissance du caractère irrévocable de l’ordre de paiement n’est pas venue modifier la situation reconnue par l’arrêt du 12 janvier 2012.
Dans le cadre de la présente instance, Mme [X] [I] soutient que l’acte de cautionnement lui est inopposable en ce qu’il a été modifié sans son consentement par l’effet du caractère révocable de l’ordre de virement.
Néanmoins, cette demande tend de façon identique à voir décharger Mme [X] [I] de son engagement de caution résultant de la perte, par le fait de la CCM, de la garantie entrée dans les prévisions des parties dont elle était susceptible de profiter, tel que ressortant de l’application des dispositions de l’article 2314 du code civil.
Il en résulte que le fait nouveau invoqué par Mme [X] [I] lié au caractère révocable de l’ordre de paiement ne modifie pas le contexte juridique de la précédente instance.
Aussi, la CCM peut utilement opposer à Mme [X] [I] l’autorité de la chose jugée concernant sa demande tendant à voir déclarer l’acte de cautionnement inopposable sur ce point.
Mme [X] [I] soutient également à ce titre qu’elle n’a pas été avisée de la prorogation de l’échéance du contrat de prêt.
Or, l’arrêt du 12 janvier 2012 a retenu que Mme [X] [I] ne contestait pas sa signature figurant sous la mention ‘ la caution ‘ apposée sur l’avenant du 29 mars 2008 emportant prorogation de l’échéance du prêt, en jugeant qu’elle pouvait être poursuivie en paiement de la dette venue à échéance le 31 mars 2009 après prorogation de l’échéance de prêt.
Dans ces conditions, la CCM peut utilement opposer à Mme [X] [I] l’autorité de la chose jugée concernant sa demande tendant à voir déclarer l’acte de cautionnement inopposable sur ce point.
Dès lors, la demande de Mme [X] [I] tendant à voir déclarer l’acte de cautionnement inopposable est irrecevable.
Sur l’autorité de la chose jugée de la demande en dommages et intérêts dirigée à l’encontre de la CCM pour défaut d’exécution de l’ordre de versement
Mme [X] [I] soutient que la CCM n’a pas exigé l’exécution de l’ordre de versement.
Il convient de constater que le caractère révocable de l’ordre de paiement résultant de l’arrêt du 30 septembre 2013 ne remet pas en question la situation juridique soumise précédemment à la cour d’appel, à savoir l’inexécution par la CCM de l’ordre de paiement.
Or, l’arrêt du 12 janvier 2012 a retenu qu’il ne pouvait être reproché à la CCM d’avoir omis de mettre en oeuvre l’ordre irrévocable de versement dont elle bénéficiait, et qu’il n’y avait pas lieu à application des dispositions de l’article 2314 du code civil.
Aussi, la CCM peut utilement opposer à Mme [X] [I] l’autorité de la chose jugée concernant la demande en dommages et intérêts dirigée à son encontre pour défaut d’exécution de l’ordre de versement.
Dès lors, la demande de Mme [X] [I] tendant à voir engager la responsabilité de la CCM sur ce point est irrecevable.
Sur l’autorité de la chose jugée de la demande en dommages et intérêts dirigée à l’encontre de Me [Y] pour absence d’exécution de l’ordre irrévocable
Mme [X] [I] soutient que Me [Y] a manqué à son obligation d’exécuter l’ordre irrévocable de versement du produit de la vente du terrain de [Localité 9] à la CCM.
Il convient de constater que le caractère révocable de l’ordre de paiement résultant de l’arrêt du 30 septembre 2013 ne remet pas en question la situation juridique soumise précédemment à la cour d’appel, à savoir l’inexécution par Me [Y] de l’ordre de paiement.
Or, l’arrêt du 30 septembre 2013 a jugé qu’il ne pouvait être reproché à Me [Y] d’avoir remis les fonds provenant de la vente au vendeur malgré l’ordre de paiement, dont il était rédacteur, donné en faveur de la CCM, et a rejeté les demandes de Mme [X] [I] en responsabilité de Me [Y] et en paiement de dommages et intérêts.
Aussi, Me [Y] peut utilement opposer à Mme [X] [I] l’autorité de la chose jugée concernant la demande en dommages et intérêts dirigée à son encontre pour défaut d’exécution de l’ordre de versement.
Dès lors, la demande de Mme [X] [I] tendant à voir engager la responsabilité de Me [Y] sur ce point est irrecevable.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Mme [X] [I] qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens d’appel et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La CCM et Me [Z] [Y] ont dû engager des frais non compris dans les dépens afin d’assurer leur défense, de sorte qu’il convient de leur allouer à chacun une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE Mme [X] [I] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [X] [I] à payer à la [Adresse 7] et à Me [Z] [Y] la somme de 2000 € (deux mille euros) à chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [X] [I] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en dix-huit pages.