Responsabilité du Notaire : 9 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/00176

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Responsabilité du Notaire : 9 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/00176
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/00176 –

N° Portalis DBVH-V-B7G-IJ6Y

ET -AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

29 novembre 2021

RG:16/00164

[X]

[C]

C/

[Y]

S.C.P. NOTAJURIX CONSEIL [Localité 5] ILIPPE AVIGNON NOTAIRES ASSOCIÉS

Grosse délivrée

le 09/02/2023

à Me Philippe HILAIRE-LAFON

à Me Jean-pascal PELLEGRIN

à Me Jean-michel DIVISIA

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 09 FÉVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 29 Novembre 2021, N°16/00164

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023 et prorogé au 09 Février 2023.

APPELANTS :

Madame [D] [X]

née le 02 Août 1949 à [Localité 9]

[Adresse 10]

[Localité 4]

Monsieur [R] [C]

né le 19 Novembre 1981 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Philippe HILAIRE-LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [U] [Y]

né le 19 Mars 1939 à [Localité 11] – Italie (ITAL)

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.C.P. NOTAJURIX CONSEIL [Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal en exercice,venant aux droits de la SCP CARRE GUY-GALLEGO AVIGNON

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 09 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [D] [X] et M. [C] ont conclu, le 17 janvier 2002, un contrat dénommé ‘ location-vente’ immobilière avec les consorts [Y]-[E]. Aux termes de cet acte, cette location -vente était prévue pour une durée de 16 ans devant prendre effet le 1er mars 2002 pour se terminer en février 2018. Elle était consentie et acceptée moyennant le versement de 1524 euros de redevance par mois. Cet acte prévoyait enfin, un chapitre ‘levée de l’option’ dans lequel le preneur pourrait lever l’option d’acquérir l’immeuble objet de la location- vente à compter d’un délai qui ne pourra être inférieur à 3 ans à compter du 1er mars 2002. L’acte de vente ‘entraînant mutation de l’immeuble au nom du preneur’ serait alors passé devant la Scp [B] Bonnefond Carre notaires à [Localité 5] au prix de vente de 182 938,83 euros, étant précisé que ce prix serait payé comme pour le loyer de la location vente (1524 euros payable par mensualités jusqu’au terme convenu soit le 28 février 2018).

Mme [X] s’est installée dans cette maison et a développé une activité d’élevage de chiots.

Par jugement du 12 septembre 2012, le tribunal de commerce de Nîmes a placé Mme [X] en liquidation judiciaire.

Maître [P], désigné en qualité de liquidateur judiciaire, s’est rapproché du notaire expressément désigné dans le contrat de location-vente pour obtenir la copie de la réitération par acte authentique.

Cependant, le notaire l’a informé de l’absence de réitération par acte authentique et de publication au bureau des hypothèques.

Depuis le 1er mars 2002, date de prise d’effet du contrat, Mme [X] a acquitté mensuellement la redevance jusqu’au 30 juin 2015.

Par actes du 7 et 11 janvier 2016, Maître [P] es -qualités de liquidateur judiciaire de Mme [X], a assigné M. [U] [Y] et Mme [H] [E] ainsi que M. [R] [C] et Mme [X], devant le tribunal de grande instance de Nîmes afin de voir notamment prononcé la nullité du contrat de location-vente conclu entre les parties.

Par acte du 10 janvier 2019, M. [Y] a assigné la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon devant le tribunal de grande instance de Nîmes afin de voir ordonner la jonction avec la procédure pendante et voir condamner la SCP à le relever et le garantir de toute condamnation mise à sa charge.

Par ordonnance du 26 février 2019 le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances sous le seul numéro n°16/0164.

Par jugement contradictoire du 29 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

– déclaré irrecevable la demande de nullité de Maître [P], es qualités de liquidateur de Mme [D] [X], à l’encontre du contrat intitulé « location-vente » conclu le 17 janvier 2002 ;

– débouté Maître [P] de sa demande de condamner in solidum M.[U] [Y] et Mme [H] [E] à porter et payer à Maître [P], es qualités de liquidateur judiciaire de Mme [D] [X], la somme de 167 694,56 euros outre intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation jusqu’à parfait paiement ;

– débouté M. [R] [C] et Mme [D] [X] de leur demande tendant à faire condamner M. [U] [Y] et Mme [H] [E] ou M.[Y] seul à se présenter chez le notaire rédacteur aux fins de rédiger l’acte de cession du bien objet de la convention du 17 janvier 2002;

– débouté M. [C] et Mme. [X] de leur de demande de répétition de I’indu, ainsi que de leur demande de dommage et intérêts à l’encontre de M. [Y] et Mme [E] ;

– débouté M. [C] et Mme. [X] de leur demande à l’encontre de la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon, Notaires ;

– prononcé la résiliation judiciaire de la convention de location-vente du 17 janvier 2002 à compter de la présente décision ;

– débouté M. [Y] de ses demandes à l’encontre de la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon ;

– condamné Maître [P], es qualités de liquidateur de Mme [D] [X] à payer à Mme [H] [E] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Maître [P], es qualités de liquidateur de Mme [D] [X] à payer M. [U] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [U] [Y] à payer à la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Maître [P], es qualités de liquidateur de Mme [D] [X] aux dépens recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 janvier 2022, le tribunal a notamment ordonné la rectification du jugement rendu le 29 novembre 2021 par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Nîmes en ce sens qu’il convient de rajouter au dispositif :

‘-ordonne la restitution des lieux et l’expulsion de Mme [X] et de tous occupants avec au besoin recours à la force publique et d’un serrurier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 3 mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

-ordonne la mention de la décision rectificative sur la minute du jugement du 29 novembre 2021 et des expéditions qui seront délivrées (…).’

Par déclaration du 14 janvier 2022, M. [C] et Mme [X] ont interjeté appel de la décision ainsi complétée.

Par ordonnance du 27 juin 2022, la procédure a été clôturée le 8 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 novembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2022, les appelants demandent à la cour de :

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

– l’infirmer pour le surplus,

– condamner M. [Y] à leur payer sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir à se présenter chez la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon, Notaire à [Localité 5], aux fins que soit signé l’acte de cession dans les termes du contrat,

– condamner M. [Y] et la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon in solidum à leur porter et payer la somme de 79.189,17 euros au titre de la répétition de l’indu,

– condamner M. [Y] à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale des conventions,

A titre subsidiaire,

– condamner par provision la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon à leur porter et payer la somme de 200 000 euros à faire valoir sur leur préjudice et, aux fins d’estimer celui-ci, nommer tel homme de l’art qu’il plaira, les parties présentes ou régulièrement convoquées aux fins de se rendre [Adresse 10] et d’estimer la valeur de l’immeuble,

– condamner M. [Y] et la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon, notaires, à leur porter et payer la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

– condamner solidairement Mme [Y] et la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon à leur porter et payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions les appelants font valoir qu’au regard de l’intention commune des parties et en application des articles 1156 et suivants du Code civil, la convention litigieuse s’analyse en un bail avec option d’achat, cette qualification faisant au surplus l’objet d’un aveu judiciaire de la part de M. [Y] dans ses écritures de première instance.

Ils ajoutent que les éléments versés aux débats permettent d’établir la levée de l’option et démontrent leur capacité et leur intérêt à agir en exécution forcée du contrat.

Ils sont ainsi fondés à obtenir sur le fondement de l’article 1134 ancien du Code civil, la condamnation de M. [Y] à signer sous astreinte l’acte de cession et à le voir condamné à rembourser le trop perçu du prix de vente sur le fondement de la répétition de l’indu, demande qui n’est absolument pas prescrite au regard des règlements intervenus.

Ils souhaitent également que la cour retienne que M. [Y] a commis un manquement contractuel en refusant d’exécuter ses obligations et doit être condamné à leur payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qu’ils subissent sur le fondement de l’article 1146 du code civil.

Ils soutiennent également que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité du notaire telles que prévues à l’article 1382 ancien du code civil sont réunies puisque Maître [B], qui a manqué à son obligation de conseil en tant que rédacteur de l’acte et à ses obligations d’informations préalables à la signature de la cession définitive, a concouru à la réalisation de leurs préjudices. Il doit être tenu à les indemniser des sommes versées à tort entre les mains du vendeur et du préjudice moral subit du fait de l’inexécution de ses obligations

Subsidiairement, si la cour devait confirmer la résiliation de l’acte, ils s’estiment fondés à obtenir la condamnation solidaire du notaire avec M.[Y] à indemniser leur préjudice équivalent à la perte de la valeur de l’immeuble qui devra être chiffrée par l’expert.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2022, M. [Y], intimé principal et appelant à titre incident, demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon, de débouter la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon de toutes ses demandes et la condamner à le relever et garantir de toutes condamnations éventuelles mises à sa charge, enfin de condamner solidairement Mme [X] et M. [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir essentiellement qu’en l’absence de levée de l’option dont bénéficiait Mme [X], cette dernière n’a jamais été propriétaire du bien et seul demeurait l’aspect bail à usage d’habitation du contrat litigieux qui ne peut recevoir la qualification de location-accession mais seulement de location de bien immobilier avec option d’achat.

En conséquence, il estime que le paiement des loyers ne peut s’apparenter à une répétition de l’indu, ces sommes trouvant leur contre-partie dans la jouissance de l’immeuble loué.

Il soutient n’avoir commis aucune faute dans l’exécution du contrat et prétend que Mme [X] ayant été dessaisie de ses droits suite à l’ouverture de la procédure collective conformément à l’article L .641-9 du code de commerce et M. [C] étant dépourvu d’intérêt à agir par application des articles 1134 et 1165 du code civil et 31 et 122 du code de procédure civile, il ne pouvait être procédé à la cession de l’immeuble loué. Dans ces conditions les appelants ne peuvent lui reprocher un quelconque manquement au motif qu’il n’aurait pas signé l’acte authentique de vente.

Subsidiairement, il verse aux débats les pièces permettant d’établir que Me [B] est bien le rédacteur de l’acte lequel a commis divers manquements au regard de l’inexécution de ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde ayant conduit à la présente procédure et qui justifient selon lui que la SCP dans laquelle il exerçait alors, soit condamnée à le relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Il est ainsi expressément mentionné comme le notaire qui doit recevoir l’acte authentique mais également comme celui qui a reçu la procuration donnée par Mme [E].

Il ajoute que cette mention à deux reprises, révèle qu’il a participé aux discussions et à la rédaction de l’acte litigieux et que Me [B] n’a jamais contesté sa mission de recevoir la réitération de l’acte authentique.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2022, la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon, intimée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes dirigées à son encontre et de condamner les appelants à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique que ni les appelants ni M. [Y] ne rapporte la preuve de l’intervention de Me [B], aujourd’hui retraité, dans la rédaction de l’acte litigieux ce qui ne permet pas de le tenir responsable d’une situation qu’il n’a pas initiée.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Liminairement, il sera rappelé que Me [P] mandataire liquidateur et demandeur initial à la nullité de la convention litigieuse n’a pas fait appel de la décision qui l’a déclaré irrecevable de cette demande et n’a pas été attrait à la procédure d’appel.

Aucune des parties présentes en appel n’invoque de grief à l’encontre de ce chef de décision, de sorte que le périmètre de l’appel est limité à d’une part, l’appel principal et la demande d’exécution forcée du contrat formée par les parties [C] – [X] dont la cour devra réexaminer la nature et le régime (I), à la répétition du trop perçu sur le prix de vente (2), à la demande de dommages et intérêts formée contre M.[Y] et le notaire (3) et enfin à titre subsidiaire, du manquement à l’obligation de conseil du notaire et de l’appel incident tendant à ce que soit retenue la responsabilité du notaire envers M.[Y] et sa garantie en cas de condamnation (4).

1- Sur la nature du contrat litigieux et la demande d’exécution forcée

L’intitulé du contrat retenu par les parties est : ‘ location – vente’, ayant pour objet un immeuble d’habitation.

Il mentionne que :

-il est conclu entre M.[Y] et Mme [E] non présente mais ayant donné une procuration sous- seing privés déposée au rang des minutes de la SCP [B] Bonnefond Carré notaires, d’une part et d’autre part M.[C] et Mme [X] mariés sans contrat,

-la durée de la location-vente est prévue pour une durée de 16 ans devant prendre effet au 01 mars 2002 pour se terminer le 28 février 2018,

-elle est consentie et acceptée moyennant le versement d’une redevance d’un montant de 1 524 euros,

-l’impôt foncier restera à la charge du bailleur tant que la levée de l’option ‘dont il sera question ci-après’ n’aura pas été exercée par le preneur,

-le preneur aura l’option d’acquérir l’immeuble à compter d’un délai qui ne pourra être inférieur à 3 ans à compter du 1er mars 2002,

-à ce moment là, l’acte de vente contenant mutation de l’immeuble au nom du preneur sera rédigé par la SCP [B] Bonnefond Carré notaires associés à [Localité 5],

-le prix de vente est fixé à 182 938,83 euros,

-il sera payé de la manière dont était payé le loyer jusqu’alors sans aucune modification à savoir : 1 524 euros par mois jusqu’au terme convenu soit le 28 février 2018,

-à compter de ce moment là l’impôt foncier sera à la charge du preneur devenu acquéreur qui devra assumer toutes les charges afférents à cet immeuble.

Le premier juge a retenu que ce contrat devait s’analyser en une location jusqu’à la levée de l’option et en une vente au delà par l’effet de la levée de l’option. Il a ainsi écarté l’application de la loi du 12 juillet 1984 et la qualification de contrat de location- accession qui n’est au demeurant, plus revendiquée par les parties en appel.

Les appelants soutiennent que ce contrat s’analyse en une location avec option d’achat portant sur un immeuble d’habitation ce que ne conteste pas M.[Y] puisqu’il fait valoir pour sa part qu’il s’agit d’une location de maison d’habitation pour un minimum de 3 ans avec ensuite une promesse unilatérale de vente au profit de Mme [X] avec option d’achat. Mais il demande à la cour de faire application au cas d’espèce des dispositions de l’article 1840 A du code général des impôts alors en vigueur, lesquelles prévoient qu’est nulle et de nul effet toute promesse de vente afférente à un immeuble si elle n’est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire, et de fait de ne retenir qu’il ne demeure de l’acte du 17 janvier 2002 que l’aspect bail d’habitation puisque qu’il est constant que l’acte n’a pas fait l’objet d’un enregistrement ni n’a été rédigé selon la forme authentique.

Or, l’obligation d’enregistrement de l’article susvisé ne peut concerner une promesse unilatérale de vente contenue dans un contrat complexe dont les obligations sont dépendantes l’une de l’autre et qui ont été pour partie exécutées.

C’est en effet par le même acte que les parties sont convenues, s’agissant d’une maison d’habitation située à [Localité 7], d’une part d’une location portant sur ce bien pour une somme de 1 524 euros mensuels dont il n’est pas prévu d’indexation ni même de révision et qui est dénommée redevance, et d’autre part de la promesse de vente litigieuse.

La rédaction de l’acte et sa forme montrent que la location et la promesse de vente sont bien liées entre elles par la volonté des parties. Ainsi, la redevance prévue au contrat qui certes ne distingue nullement une partie jouissance et une partie prix de vente, ne peut toutefois s’analyser en une somme venant rémunérer la seule jouissance du bien avant la levée de l’option, dés lors que l’acte prévoit qu’à compter de ce moment là c’est à dire à compter de la levée de l’option : ‘le prix de vente sera payé de la manière dont était payé le loyer jusqu’alors sans aucune modification’. Ainsi à compter de l’option la redevance qui dans un premier temps assure la rémunération de la jouissance du bien dans l’hypothèse où l’option ne serait pas levée , sans modification, représente la part du prix de vente qui est déterminée au contrat et dont le paiement est fractionné.

Par ailleurs, il ne peut être contesté que cet acte a reçu exécution par le paiement des redevances mais également par la levée de l’option d’achat par le preneur, les parties s’opposant simplement sur la date de la levée de l’option, sur la capacité de Mme [X] placée en liquidation judiciaire de le faire et par voie de conséquence, sur sa validité, de sorte que M.[Y] n’est plus recevable à invoquer la nullité pour s’opposer à son exécution.

C’est donc avec raison que le premier juge a écarté ce moyen.

2-Sur la levée de l’option et sa date

S’agissant d’une location avec promesse de vendre le bien, avec possibilité de levée l’option à partir du 1er mars 2005, les appelants font grief au premier juge d’avoir écarté la levée de l’option au 19 janvier 2007 soit bien antérieurement à la procédure collective subie par Mme [X] aux motifs que le courrier invoqué en ce sens ne serait pas signé et que rien ne permet de justifier qu’il a été porté à la connaissance des bailleurs.

Ils lui reprochent également d’avoir retenu que si le courrier du 27 novembre 2012 atteste de la connaissance par le bailleur de la levée de l’option par Mme [X], elle ne communique pas d’élément permettant de constater qu’elle a fait les démarches nécessaires pour réaliser la vente, enfin, que placée en liquidation judiciaire le 12 septembre 2012 elle était dessaisie de l’exercice de ses droits sur les biens qu’elle possède et ne pouvait poursuivre l’acquisition du bien objet de la convention sans l’intervention du liquidateur.

Concernant la levée de l’option au mois de mars 2007, il sera observé que la pièce produite aux débats à savoir la copie d’un courrier du conseil des appelants au notaire visé dans l’acte, ne permet pas effectivement de s’assurer que cette lettre a été envoyée et que le bailleur en a eu connaissance.

En revanche, s’agissant du courrier du 27 novembre 2012, émanant du notaire, ce dernier indique que ‘… M.[Y] accepte de reporter la date de la signature de l’acte de vente de la maison, mais que depuis juillet 2012 (date initialement convenue) il souhaite que vous lui versiez 130 euros par mois supplémentaire correspondant à la taxe foncière et l’assurance qu’il doit encore assurer compte tenu du retard dans la signature de l’acte. Vous voudrez bien lui verser ces sommes qui conditionnent son acceptation’.

Il en résulte que non seulement la signature de l’acte avait bien été fixée en juillet 2012, ce qui signifie que l’option avait été effectivement levée antérieurement au mois de juillet 2012, et que M.[Y] parfaitement informé cette fois de cette levée d’option, avait exigé conformément aux termes du contrat du 17 janvier 2012 que l’impôt foncier soit désormais à la charge du preneur. Ainsi acceptant de décaler la date de la signature, il a rappelé par l’intermédiaire du notaire au preneur que désormais l’option levée, il était redevable des impôts et charges afférent à l’immeuble.

Il s’en déduit que l’option a effectivement été levée à une date que la cour ne peut que situer antérieurement au 1er juillet 2012 à défaut d’autres éléments mais qui pour autant est certaine, et que les parties étaient d’accord à cette date pour considérer que la vente de l’immeuble était acquise au prix du contrat, seul sa réitération en la forme authentique ayant été reportée à la demande du preneur.

Ainsi le fait que Mme [X] ait été mise en liquidation judiciaire postérieurement par jugement du 12 septembre 2012, ne vient pas remettre en cause l’échange des consentements entre les parties et la vente réalisée.

La seule question qui est posée est de savoir si Mme [X] dispose d’un droit propre à la réitération de l’acte .

En effet sa mise en liquidation judiciaire a entraîné une restriction de ses pouvoirs et le dessaisissement de l’administration et de la disposition de ses biens.

Toutefois, il est admis que le débiteur peut disposer d’un droit propre à agir chaque fois qu’à défaut de l’affirmer, ses intérêts ne pourraient être pris en compte dans la procédure.

Il est certain que le liquidateur par son assignation en annulation n’a pas opté en faveur de la poursuite de l’exécution de la convention par la réitération de la vente par acte authentique.

Les droits propres sont donc ceux qui permettent au débiteur de faire valoir son point de vue sur le déroulement de la procédure collective. Il est dés lors possible à Mme [X] qui conteste l’approche du mandataire judiciaire qui n’a pas obtenu gain de cause en première instance et n’a pas formé appel, de continuer la procédure engagée à l’encontre de M.[Y] aux fins de faire entrer dans son patrimoine un bien immobilier, et ce d’autant plus que cette approche n’est pas préjudiciable à ses créanciers puisqu’outre la valeur de ce bien qui entrera dans son patrimoine, elle sera dispensée du paiement d’une indemnité d’occupation puisqu’elle occupe toujours le bien et qu’elle a arrêté tout paiement depuis 2015.

Les courriers de Me [B] notaire datés de juin 2013 au liquidateur Me [P] et à Mme [X] d’octobre 2013, confirment que M.[Y] entendait réitérer l’acte de vente, qu’il réclamait au preneur outre la mensualité de 1 524 euros, un complément de 130,49 euros correspondant à la taxe foncière et qu’ au 11 juin 2013 il lui restait dû sur le prix de vente la somme de 85 344,00 euros soit 56 mensualités.

Me [B] précisait par ailleurs à Mme [X] qu’elle aura terminé de payer le prix à savoir 1654,49 euros par mois au 28 février 2018.

Ainsi rien ne s’opposait à la réitération de l’acte de vente. Cela d’autant plus que le liquidateur ne s’est pas opposé à l’exécution du contrat jusqu’à l’assignation en nullité de l’acte, ni au paiement de la fraction du prix, les appelants démontrant que cette somme a été versée jusqu’au 30 juin 2015.

Enfin, s’il est exact que le premier juge a retenu que la convention n’a été signée que par Mme [X] et qu’il n’est pas démontré que celui-ci avait donné mandat à Mme [X] pour agir en son nom, enfin que les époux [X] -[C] avaient divorcé par jugement du 3 août 2006 soit bien avant la date de levée de l’option revendiquée, il n’en a pas tiré d’irrecevabilité de ce dernier à agir puisqu’il l’a débouté de ses demandes.

En cause d’appel l’intimé demande ‘la confirmation de la décision déférée sauf en ce qui concerne la SCP Carré Guy-Gallego Avignon’. L’appel incident n’a donc pas saisi à nouveau la cour de cette question de sorte que l’intérêt à agir de M.[C] est définitivement tranché.

Il résulte de l’ensemble de ces développements que Mme [X] et M.[C] sont fondés à demander à ce que M.[Y] se présente devant le notaire de la SCP succédant à Me [B] aux fins de réitération de l’acte authentique de vente.

Pour assurer l’exécution de cette décision il sera fait droit à la demande de condamnation de M.[Y] à une astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois à compter de la signification de la décision.

3-Sur la répétition de l’indu et la demande de dommages et intérêts

Soutenant que le prix de vente fixé par la convention est de 182 938,83 euros tel qu’indiqué littéralement dans l’acte litigieux, et que les clauses du contrat ambigues ne peuvent être interprétées que dans un sens favorable au preneur, les appelants demandent à la cour de constater qu’ils ont trop payé en versant 262 118 euros et sollicitent la restitution de la somme de 79 189,17 euros.

Il est parfaitement exact que la convention comporte une ambiguité dans la rédaction de la clause du prix de vente. D’une part il est indiqué que ‘le prix de vente est fixé à la somme de 182 938,83 euros (en ce non compris les frais de mutation)’ et d’autre part, ‘ce prix sera payé de la manière dont était payé le loyer jusqu’alors sans modification à savoir : 1524 euros par mois jusqu’au terme convenu le 28 février 2018″, et cette imputation des redevances sur le prix de vente fixé à la somme de 182 938,83 euros ne pouvait donc se terminer mathématiquement au 28 février 2018.

Il en résulte que la commune intention des parties ne peut être décelée et que les mentions contractuelles doivent dans le doute s’interpréter en faveur de celui qui a contracté l’obligation conformément à l’ancien article 1162 du code civil. Le prix de vente doit être retenu à la somme de 182 938,83 euros.

Toutefois, comme rappelé ci-dessus la levée de l’option ne pouvait se faire de par la commune intention des parties qu’à compter du 1er mars 2002. Les sommes versées jusqu’à cette date l’ont donc été pour rémunérer la seule jouissance du bien (soit 54 864 euros).

Par ailleurs, du 1er mars au jour où le preneur reconnaît avoir cessé de payer soit le 30 juin 2015, les appelants ont payé la somme de 242 394,91 euros et non comme injustement soutenu par ces derniers la somme de 262 118 euros. En outre il n’est en effet absolument pas démontré qu’ils se sont acquittés de la part de la taxe foncière qu’ils devaient assumer dés la levée de l’option.

Ainsi le trop perçu versé sur le prix de vente s’élève à la somme de 59 377,17 euros somme que M.[Y] sera condamné à payer aux appelants au titre de la répétition de l’indu et en application de l’ancien article 1376 du Code civil.

Les appelants demandent également que M.[Y] soit condamné à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son comportement déloyal.

Or comme justement rappelé par les premiers juges le report de la signature de l’acte authentique a été fait à la demande de Mme [X] et non de M.[Y] ; qu’ensuite, l’ouverture de la procédure collective a pu créer une confusion sur la possibilité pour Mme [X] de pouvoir réitérer cet acte suite à son dessaisissement dans l’administration de ses droits patrimoniaux.

Par voie de conséquence, il ne peut être reproché à M.[Y] un comportement intentionnel dans le but de nuire aux appelants ni un comportement déloyal et la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

4-Sur l’appel en garantie du notaire

Il est de jurisprudence constante que le notaire est tenu envers les parties à l’acte qu’il rédige d’un devoir d’efficacité de l’acte et d’une obligation de conseil. Il est ainsi tenu d’éclairer les parties sur les conséquences de leur acte.

Les appelants et M.[Y] s’accordent pour soutenir que Me [B] est le rédacteur de l’acte litigieux et qu’il a omis d’attirer l’attention de ses clients sur les conséquences de cet acte.

La Scp de notaires pour sa part soutient que Me [B] n’a jamais signé cet acte et n’en est pas le rédacteur.

Pour autant, il ne peut être que constaté que l’acte précise qu’il sera le notaire chargé de recevoir l’acte authentique et qu’il est celui qui a reçu la procuration déposée aux rangs des minutes de la SCP [B] Bonnefond Carré à [Localité 5].

Cité à deux reprises dans l’acte, Me [B] appartenant à cette SCP notariale n’a fait aucune difficulté pour répondre au mandataire judiciaire qui l’interrogeait ni aux parties et n’a jamais contesté être étranger à cet acte et aux suites qu’il prévoyait.

Enfin même si cet acte n’est pas sans laisser beaucoup de difficultés, ces termes sont d’une certaine complexité qui rendent hautement probable qu’il ait été rédigé par un professionnel du droit et non par des profanes.

Il est dés lors établi qu’il a participé aux discussions de cette location-vente et la rédaction de cet acte. Il a été défaillant dans son obligation d’information suffisante ne permettant pas aux parties d’appréhender les risques d’un tel acte et surtout les obligations de chacune des parties.

Il a ainsi commis une faute qui engage sa responsabilité.

Toutefois, il n’est pas responsable des difficultés rencontrées par les appelants du fait de la mise en liquidation judiciaire de Mme [X] et du retard qu’elle a entraîné dans la réitération de l’acte authentique. Par ailleurs la répétition de l’indu ayant été ordonné, les appelants ne subissent aucun préjudice direct en lien avec la faute du notaire. Leur demande de condamnation solidaire de ce dernier au paiement de l’indu ne peut-être que rejetée.

En revanche, la défaillance du notaire dans son obligation de conseil à l’égard de M.[Y] est en lien de causalité certaine et directe avec la condamnation de ce dernier à devoir rembourser le trop perçu sur le prix de vente. L’imprécision des clauses du contrat litigieux et leur difficulté d’interprétation, sont à l’origine de cette condamnation.

Enfin il ne saurait être contesté que maître [B] ait été associé de la SCP [B]- Bonnefond -Carré aux droits de laquelle vient la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon et que c’est bien dans le cadre de son exercice dans cette SCP notariale qu’il a rédigé l’acte litigieux.

Par voie de conséquence, la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon sera condamnée à relever et garantir M.[Y] de cette condamnation au remboursement de l’indu constituant le préjudice direct et certain subi par ce dernier en lien avec la faute de Me [B].

Au total, la décision de première instance sera infirmée en ses dispositions soumises à la cour et statuant à nouveau :

– M.[Y] sera condamné à se présenter devant la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon aux fins de réitération de l’acte authentique de vente sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois à compter de la signification de la décision ;

-M.[Y] sera condamné à payer aux appelants au titre de la répétition de l’indu la somme de 59 377,17 euros ;

– Mme [X] et M.[C] seront déboutés de leurs demandes de condamnation in solidum à l’encontre de la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon et de dommages et intérêts à l’encontre de M.[Y] ;

-la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon sera condamnée à garantir M.[Y] des condamnations prononcées contre lui.

Sur les mesures accessoires

M.[Y] succombant supportera la charge des dépens de première instance et d’appel et sera nécessairement débouté de sa demande formée à l’encontre des appelants sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera condamné à payer aux appelants la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Aucun motif d’équité ne justifie qu’il soit fait droit à la demande de condamnation de la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon à l’encontre des appelants sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon qui a été condamnée à relever et garantir M.[Y] des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance, sera tenue à le relever et garantir de ces dernières condamnations au titre des mesures accessoires.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M.[U] [Y] à se présenter devant la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon aux fins de réitération de l’acte authentique de vente, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois à compter de la signification de la décision ;

Le condamne à payer à Mme [D] [X] et M.[R] [C] au titre de la répétition de l’indu la somme de 59 377,17 euros ;

Déboute Mme [D] [X] et M.[R] [C] de leurs demandes de condamnation in solidum formée à l’encontre de la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon et de dommages et intérêts formées à l’encontre de M.[Y] ;

Condamne M.[Y] à supporter la charge des dépens de première instance et d’appel ;

Le condamne à payer aux appelants la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SCP Carre-Guy-Gallego-Avignon à garantir M.[U] [Y] des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance qui comprendront les dépens et les frais irrépétibles ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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