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SD/AV
[T] [M]
C/
[O] [R]
S.C.P. [C] [R] ET [O] [R]
[K] [S]
[P] [N] épouse [S]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1re chambre civile
ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2023
N° RG 21/00922 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXXE
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 1er juin 2021,
rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône – RG : 17/00559
APPELANTE :
Madame [T] [M]
née le 21 Mars 1975 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Clémence MATHIEU, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 38
INTIMÉS :
Maître [O] BIZOLLON
[Adresse 5]
[Localité 13]
S.C.P. VINCENT [R] ET [O] [R] prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 5]
[Localité 13]
Assistés de Me Thierry CHIRON, membre de LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON, plaidant, et représentés par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 126
Monsieur [K] [S]
né le 04 Juin 1965 à [Localité 12] (71)
[Adresse 3]
[Localité 6]
Madame [P] [L] [I] [N] épouse [S]
née le 21 Janvier 1975 à [Localité 11] (71)
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentés par Me Brigitte MORTIER-KRASNICKI, membre de la SCP NAIME-HALVOET- MORTIER KRASNICK, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du président
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 21 Février 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon acte authentique reçu les 24 et 28 février 2006 par Me [O] [R], notaire à [Localité 13], Mme [T] [M] a acquis auprès de M. [K] [S] et son épouse née [P] [N] un tènement d’immeubles comprenant un bâtiment à usage de remise et grange et un petit local commercial, le reste à usage d’habitation, élevé sur cave, situé à [Localité 16], cadastré section [Cadastre 9], [Cadastre 14] et [Cadastre 8] pour 3 a 36 ca, contigü à la parcelle cadastrée [Cadastre 15] propriété de Mme [Z].
A l’occasion d’un litige opposant Mme [Z] à d’autres voisines qui avaient sollicité sa condamnation à élaguer les haies jouxtant leurs propriétés, un bornage judiciaire a été ordonné par le tribunal d’instance de Chalon sur Saône, au contradictoire de Mme [M], par jugement du 31 décembre 2012 qui a désigné M. [V] en qualité d’expert.
Par jugement du 6 décembre 2016, confirmé par un arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la présente cour, le tribunal d’instance de Chalon sur Saône a fixé la limite séparative entre les parcelles [Cadastre 14], propriété de Mme [M], et n° 212, propriété de Mme [Z], par prolongation de l’axe mitoyen séparant les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 4], par la ligne BC telle que figurant à l’annexe 6 du rapport clos le 4 novembre 2014, passant au travers du garage de Mme [M].
Ce jugement a été déclaré commun et opposable aux époux [S], à Maître [O] [R] et à la SCP Bizollon.
Par actes des 7 et 13 mars 2017, Mme [M] a assigné les époux [S], la SCP Bizollon et Me [R] devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône aux fins de les voir condamner in solidum, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à :
– l’indemniser du coût des travaux modificatifs nécessaires pour remettre en état son garage de manière à ce que son positionnement soit conforme par rapport à la limite de propriété fixée par jugement du tribunal d’instance de Chalon sur Saône du 6 décembre 2016, entre les parcelles cadastrées sur la commune de Saint Léger sur Dheune (71), section [Cadastre 14] et [Cadastre 15], évalué à 49 808,20 euros TTC dans ses dernières écritures,
– la garantir des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [Z] par le jugement du tribunal d’instance de Chalon sur Saône du 6 décembre 2016, au titre des frais irrépétibles et des dépens incluant les frais d’expertise,
– lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, préjudice moral, perte de temps et tracasseries et la somme de 5 000 euros au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens.
Elle recherchait la responsabilité des vendeurs sur le fondement du défaut de délivrance conforme, de la garantie des vices cachés et de la réticence dolosive, et celle du notaire au titre du manquement à son devoir de conseil et à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte qu’il a reçu.
Les époux [S] ont conclu à l’irrecevabilité de l’action de Mme [M] pour cause de prescription biennale de l’article 1648 du code civil, et, subsidiairement, au rejet de l’ensemble des demandes, contestant être tenus à la garantie des vices cachés au regard de la clause de l’acte de vente excluant cette garantie.
A titre plus subsidiaire, ils ont sollicité la garantie du notaire.
Me [R] et la SCP Bizollon ont conclu au rejet de l’ensemble des demandes formées à leur encontre, contestant avoir manqué à leur devoir de conseil envers Mme [M], en se prévalant des plans cadastraux dont il ne résultait aucun empiètement sur la propriété de Mme [Z].
Par jugement du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :
– déclaré recevable l’action engagée par Mme [M] sur le fondement de la garantie des vices cachés,
– débouté Mme [M] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre des époux [S],
– débouté Mme [M] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de Me [O] [R] et de la SCP Bizollon,
– condamné Mme [M] à payer aux époux [S] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [M] à payer à Me [O] [R] et à la SCP Bizollon la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [M] aux entiers dépens,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Mme [M] a relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 12 juillet 2021, son recours étant limité aux chefs de dispositif l’ayant déboutée de l’intégralité de ses demandes formées contre les époux [S], Me [R] et la SCP Bizollon et l’ayant condamnée au paiement d’indemnités de procédure et aux entiers dépens.
Au terme de ses conclusions n°2 notifiées le 10 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, Mme [M] demande à la cour de :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu l’article 1116 ancien du code civil,
Vu les articles 1604 et suivants anciens du code civil,
Vu l’article 1382 ancien du code civil,
Vu l’article 2234 du code civil,
– juger recevable et fondé son appel et y faisant droit,
– réformer le jugement dont appel,
Statuant à nouveau et, faisant droit aux moyens développés à titre principal, puis à titre subsidiaire,
– déclarer l’action recevable,
– condamner in solidum la SCP [R], Me [O] [R], M. [K] [S] et Mme [P] [N] épouse [S] à lui payer la somme de 49 808,20 € TTC (montant à indexer sur l’évolution de l’indice BT01 entre la date du devis et celle de l’arrêt à intervenir) correspondant au coût des travaux modificatifs nécessaires pour remettre en état son garage, de manière à ce que son positionnement soit conforme par rapport à la limite de propriété fixée par jugement du tribunal d’instance de Chalon sur Saône du 6 décembre 2016 (confirmé par arrêt de la cour de Dijon du 4 décembre 2018), entre les parcelles cadastrées sur la commune de Saint Léger sur Dheune (71), section [Cadastre 14] et [Cadastre 15],
– condamner in solidum la SCP [R], Me [O] [R], M. [K] [S] et Mme [P] [N] épouse [S] à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de Mme [Z] par jugement du tribunal d’instance de Chalon sur Saône du 6 décembre 2016 (RG n°11-11-000050) et par arrêt de la cour d’appel de Dijon du 4 décembre 2018 (RG n°17/00310), que ce soit au titre des frais irrépétibles (1 000 euros en première instance et 1 500 euros devant la cour) comme au titre des dépens de première instance et d’appel comprenant les frais d’expertise judiciaire de M. [V],
– condamner in solidum la SCP [R], Me [O] [R], M. [K] [S] et Mme [P] [N] épouse [S] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, préjudice moral, pertes de temps et tracasseries,
– condamner in solidum la SCP [R], Me [O] [R], M. [K] [S] et Mme [P] [N] épouse [S] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ainsi qu’aux dépens de celle-ci,
– débouter les époux [S], Me [O] [R] et la SCP Vincent Bizollon et [O] [R] de l’ensemble de leurs appels incidents, fins de non-recevoir et de leurs demandes,
Ajoutant,
– condamner in solidum la SCP [R], Me [O] [R], M. [K] [S] et Mme [P] [N] épouse [S] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,
– condamner in solidum la SCP [R], Me [O] [R], M. [K] [S] et Mme [P] [N] épouse [S] aux entiers dépens d’appel et accorder à la SELAS Adida & associés le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 13 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, les époux [S] demandent à la cour de :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
Vu l’article 1116 ancien du code civil,
Vu l’article 1382 ancien du code civil,
A titre principal,
– accueillir leur appel incident,
– réformer en conséquence le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône le 1er juin 2021 en ce qu’il a déclaré recevable l’action engagée par Mme [M] sur le fondement de la garantie contre les vices cachés.
Statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable l’action de Mme [M] à leur encontre comme étant prescrite tant sur le fondement des vices cachés, que du défaut de délivrance conforme ou encore de la réticence dolosive,
En tout état de cause,
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme [M] de l’intégralité de ses demandes à leur encontre, d’une part, et de Me [R] et de la SCP Bizollon, d’autre part, l’a condamnée à leur payer la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
A titre infiniment subsidiaire,
– condamner la SCP Bizollon et Me [O] [R] à les relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, en principal, intérêts et frais,
En tout état de cause,
– condamner Mme [M], ou qui mieux le devra, à leur payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [M], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens d’appel.
Par conclusions notifiées le 7 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, Me [R] et la SCP Bizollon demandent à la cour de :
Vu les articles 1315 et 1382 du code civil dans leur version applicable au présent litige,
Vu l’article 9 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
– débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à leur encontre,
– débouter les époux [S] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formées à leur encontre,
– condamner Mme [M] à leur payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [M] aux entiers dépens de la procédure d’appel, que Me [W] [U] pourra faire recouvrer conformément aux dispositions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 6 octobre 2022.
SUR CE
Sur l’action en garantie des vices cachés
Sur la recevabilité de l’action
Les époux [S], appelants incidents, concluent à l’irrecevabilité de l’action en garantie des vices cachés en faisant valoir que la découverte du vice caché s’entend de la prise de conscience par l’acquéreur et que, dans le cas présent, l’appelante a eu connaissance de l’existence du vice allégué, à savoir l’empiétement du garage, plus de deux ans avant l’introduction de son action à leur encontre.
Ils relèvent ainsi que le pré rapport du géomètre expert date du 26 août 2014 et son rapport définitif du 6 novembre 2014 et que le jugement entrepris énonce que l’empiètement du garage, de 66 cm au sud et de 73 cm au nord, a été révélé à l’issue de l’expertise en bornage judiciaire.
Ils en déduisent que c’est à tort que les premiers juges ont pris en compte la fixation de la limite de propriété par décision judiciaire comme point de départ de la prescription.
Ils prétendent, d’autre part, que l’action en garantie des vices cachés de Mme [M] était enfermée dans le délai de prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil qui courait à compter de la vente et qu’elle devait donc être initiée au plus tard le 19 juin 2013, considérant que l’assignation en déclaration de jugement commun que leur a délivrée l’appelante le 2 février 2016 n’est pas interruptive de prescription.
Mme [M] objecte que le point de départ du délai de deux ans de l’article 1648 du code civil est bien la découverte du vice qui est constitué en l’espèce par la fixation définitive et irrévocable de la limite de propriété par une décision judiciaire de nature à révéler un empiétement, laquelle n’a pu résulter que de l’arrêt rendu par la présente cour le 4 décembre 2018, considérant que cette découverte ne peut correspondre à une simple prise de conscience de son existence.
Elle ajoute que la prescription biennale a été interrompue par l’assignation en déclaration de jugement commun qu’elle a délivrée aux vendeurs.
Selon l’article 1648 alinéa 1er du code civil, l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
La Cour de cassation juge depuis le début des années 2000 que l’action en garantie des vices cachés n’est pas seulement enfermée dans le délai de l’alinéa 1 de l’article 1648 du code civil mais qu’elle est également enfermée dans le délai de prescription de droit commun courant depuis la vente.
Pour les ventes conclues antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, telle celle de l’espèce, ce délai était de 30 ans en application de l’article 2262, ramené à vingt ans par la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription.
En l’espèce, le délai butoir qui a commencé à courir le 28 février 2006, date de la vente de l’immeuble, n’était pas expiré à la date à laquelle l’action en garantie des vices cachés a été initiée par Mme [M] le 7 mars 2017.
Ainsi que l’a retenu le premier juge, la connaissance certaine du vice affectant l’immeuble vendu, marquant le point de départ du délai de l’article 1648 alinéa 1er, se situe à la date à laquelle la limite des propriétés de Mmes [Z] et [M] a été fixée judiciairement, cette limite révélant l’empiètement constituant le vice dont se plaint l’appelante, lequel ne pouvait pas résulter, de manière certaine, du rapport d’expertise de M. [V].
Le point de départ du délai biennal de forclusion doit donc être fixé au 6 décembre 2016, date du jugement rendu par le tribunal d’instance de Chalon sur Saône, et l’action en garantie des vices cachés initiée le 7 mars 2017 n’était donc pas forclose, le jugement méritant confirmation en ce qu’il l’a déclarée recevable.
Sur le bien fondé de l’action
Le tribunal a exactement retenu, ce que les intimés ne remettent d’ailleurs pas en cause, que l’immeuble vendu était affecté d’un vice caché au sens de l’article 1641 du code civil dès lors que, d’une part, l’acte notarié des 24 et 28 février 2006 désignait l’objet de la vente comme un tènement d’immeubles comprenant notamment un bâtiment à usage de remise et grange, correspondant à ce que les parties décrivent comme un garage, et, d’autre part, que le jugement du 6 décembre 2016, confirmé le 4 décembre 2018, a fixé les limites des parcelles respectives des parties au travers du garage de Mme [M], dont il résultait un empiètement sur la propriété voisine de 0,66 m au sud et 0,73 m au nord.
Il a pu justement en déduire que le vice était inhérent à la chose et qu’il était de nature à rendre l’ouvrage impropre à l’usage auquel il était destiné puisqu’il impliquait une démolition de la partie du garage empiétant sur la propriété voisine, alors que ni son antériorité à la vente ni son caractère caché n’étaient contestés, l’empiètement trouvant sa cause dans les travaux d’édification du garage effectués par le père de M. [S] en 1978.
Le tribunal a cependant jugé que les vendeurs n’étaient pas tenus à le garantir en raison de la présence d’une clause exclusive de garantie dans l’acte de vente et en l’absence de preuve que ces derniers avaient une connaissance certaine de l’empiètement.
L’appelante maintient à hauteur d’appel que les vendeurs sont de mauvaise foi, ce qui exclut l’application de la clause exonératoire de garantie des vices cachés, car ils avaient connaissance, avant la vente, de l’empiétement de leur garage sur le fonds de Mme [Z], ce que démontrent les échanges de correspondances entre Mme [Z] et les époux [S], et notamment le courrier du 21 juillet 2004 adressé par Mme [Z] aux intimés, leur demandant de se mettre aux normes et de démolir la partie débordante de l’appentis.
Elle fait également état de l’intervention de Me [R] comme intermédiaire entre les parties pour envisager une issue amiable au litige entre les voisins.
Elle ajoute n’avoir jamais été informée de l’existence d’un quelconque différend concernant l’empiétement, alors que les échanges épistolaires se sont poursuivis encore quelques mois avant la vente.
Si l’acte de vente prévoit en page 11 que le vendeur n’est pas tenu à la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments, cette clause ne peut trouver application s’il est établi que les époux [S], profanes en la matière, avaient connaissance du vice lors de la vente.
Il résulte de la correspondance adressée aux vendeurs le 21 juillet 2004 par Mme [Z] que cette dernière indiquait à M. [S] que sa ‘ construction empiétait sur sa propriété d’environ un mètre (suivant plan du cadastre)’ et qu’elle lui demandait notamment de démolir la partie débordante en précisant, qu’à défaut d’accord, un géomètre expert devrait être mandaté.
Ainsi qu’ils en justifient, les intimés ont répondu à ce courrier le 4 septembre 2004 en demandant à leur voisine de leur communiquer les pièces fondant ses demandes, alors que le plan cadastral révélait, sans ambiguïté, que l’ensemble des constructions (appentis et garage) était édifié sur la parcelle [Cadastre 14], sans aucun débordement sur la parcelle [Cadastre 15]. Le courrier adressé le 21 octobre 2004 par Mme [Z] à Me [R], notaire des époux [S], s’il fait état de l’empiétement du garage sur sa propriété, n’en justifie pas davantage la réalité au moyen d’un document établi par un géomètre expert.
Ce n’est que le 4 novembre 2014, postérieurement à la vente, que M. [E] [V], expert géomètre désigné par un jugement du tribunal d’instance de Chalon sur Saône rendu le 31 décembre 2012, a conclu à l’empiétement du garage sur la parcelle [Cadastre 15], et ce n’est que par le jugement du 6 décembre 2016 que cet empiétement a été judiciairement constaté. Le premier juge a donc à bon droit considéré que les époux [S] n’avaient pas connaissance du vice affectant l’immeuble vendu à la date de la vente, le jugement entrepris méritant confirmation en ce qu’il a débouté Mme [M] de ses demandes indemnitaires fondées sur la garantie des vices cachés.
Sur le défaut de délivrance conforme
Sur la recevabilité des demandes
Les époux [S] concluent à l’irrecevabilité pour cause de prescription des demandes indemnitaires fondées sur un prétendu manquement à leur obligation de délivrance conforme, faisant valoir que, la vente ayant été authentifiée le 28 février 2006, le délai de prescription quinquennal a expiré le 18 juin 2013.
Il est admis en jurisprudence que le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle pour violation par le vendeur de son obligation de délivrance conforme se situe au jour de la délivrance du bien, soit en l’espèce le 28 février 2006.
Toutefois, ainsi que le soutient l’appelante, lorsque le défaut n’est pas apparent, la jurisprudence retient que le point de départ du délai de prescription se situe à la date de la découverte du défaut de conformité par l’acheteur, en application de la règle posée par l’article 2224 du code civil.
En l’espèce, la découverte du défaut de conformité résultant du jugement rendu le 6 décembre 2016 par le tribunal d’instance de Chalon sur Saône, l’action initiée le 7 mars 2017 par Mme [M] est recevable.
Sur le bien fondé des demandes
L’appelante fait valoir que ce n’est qu’à titre subsidiaire qu’elle forme sa demande indemnitaire sur le défaut de délivrance conforme des articles 1604 et suivants du code civil et que ce n’est que lorsque les conditions posées par l’article 1641 du code civil sont réunies que l’action en garantie des vices cachés est exclusive de l’action fondée sur le défaut de délivrance conforme.
Or, en l’espèce, il a été précédemment démontré que les conditions de l’article 1641 du code civil sont réunies et que ce n’est qu’en raison de l’application de la clause exonératoire figurant à l’acte de vente que les vendeurs ne sont pas tenus de garantir le vice caché affectant l’immeuble vendu.
En conséquence, la garantie des vices cachés constituant l’unique fondement de l’action exercée pour défaut de la chose vendue, le jugement mérite confirmation en ce qu’il a débouté Mme [M] de ses demandes indemnitaires fondées sur le défaut de délivrance conforme.
Sur la réticence dolosive
Sur la recevabilité des demandes
Les vendeurs opposent à l’appelante le délai de prescription quinquennale de l’action en responsabilité issu de la loi du 17 juin 2008, telle qu’il résulte depuis cette loi des dispositions de l’article 2224 du code civil.
Cependant, ce texte précise que le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d’un droit à connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, soit en l’espèce le jour où Mme [M] a découvert la réticence dolosive fondant son action en responsabilité.
Cette découverte résultant du jugement du 6 décembre 2016, son action initiée le 7 mars 2017 est recevable.
Sur le bien fondé des demandes
L’action en garantie des vices cachés n’est pas exclusive de l’action indemnitaire pour dol.
Mme [M], rappelant que la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre constitue un dol, prétend que les vendeurs et le notaire avaient connaissance de l’existence d’un empiétement sur la propriété de Mme [Z] et considère, qu’en taisant volontairement cette information pour ne pas perturber son intention d’achat, ils se sont rendus coupables de réticence dolosive.
Elle ajoute que si elle avait eu connaissance des échanges relatifs à la problématique de l’empiétement, elle n’aurait pas contracté dans les termes de la vente litigieuse et que le défaut d’information est déterminant, ce que démontre l’ampleur de son préjudice.
Les intimés approuvent le tribunal d’avoir retenu que l’empiètement du garage n’a été révélé qu’à l’issue d’une expertise en bornage judiciaire qui a nécessité la pose de jauges de bornage et l’étude poussée du plan cadastral de division du 21 septembre 1973 et de ses annexes et qu’ils pouvaient donc légitimement en ignorer l’existence.
Ils considèrent qu’il ne peut leur être reproché d’avoir dissimulé volontairement l’existence d’un empiétement dont ils ne pouvaient pas avoir une connaissance certaine puisqu’elle n’a été établie que postérieurement à la vente à la suite d’une action en bornage judiciaire.
Il ressort des courriers échangés entre les époux [S] et Mme [Z], d’une part, et les époux [S] et leur notaire, d’autre part, au cours des années 2004 et 2005, antérieurement à la signature de la vente immobilière litigieuse, que les vendeurs avaient été informés de la volonté de leur voisine, Mme [Z], de voir mettre fin à l’empiètement de leur garage sur sa propriété, évalué à un mètre par cette dernière, et ce dès le 21 juillet 2004, ce dont elle avait informé le notaire des vendeurs le 21 octobre 2004 après avoir eu connaissance de la mise en vente de leur immeuble. Le notaire des vendeurs, après les avoir reçus, avait alors informé le notaire de Mme [Z] qu’ils contestaient l’existence de cet empiétement et ne voyaient aucun inconvénient à suivre la procédure judiciaire qu’entendrait diligenter celle-ci.
Ils avaient ainsi connaissance de l’existence d’un litige potentiel les opposant à leur voisine, qu’ils ont volontairement dissimulé à leur acquéreur alors qu’il s’agissait d’une information déterminante du consentement de celui-ci, qui, par crainte d’une procédure judiciaire à venir, pouvait légitimement décider de renoncer à son acquisition.
Mme [M] est donc bien fondée à solliciter la réparation des préjudices résultant de cette réticence dolosive, constitués notamment du coût de démolition et reconstruction du garage empiétant sur la propriété voisine. Il résulte du devis établi le 2 avril 2020 qu’à cette date, le coût des travaux était de 49 808,20 euros. Afin d’assurer à Mme [M] la réparation intégrale de son préjudice, il convient, ainsi qu’elle le demande de tenir compte de l’évolution de l’indice BT 01 qui était de 111,5 en avril 2020 et qui est de 126,8 en décembre 2022, dernier indice connu à ce jour, et de lui allouer la somme actualisée de 56 642,87 euros.
Les époux [S] seront donc condamnés solidairement à lui payer cette somme majorée des intérêts au taux légal à compter de cet arrêt. Le jugement entrepris est donc infirmé sur ce point.
Les époux [S] seront également condamnés solidairement à garantir Mme [M] des condamnations prononcées au profit de Mme [Z] par le jugement du tribunal d’instance du 6 décembre 2016 et l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 4 décembre 2018, au titre des frais irrépétibles et des dépens, incluant les frais d’expertise.
En revanche, la résistance abusive des vendeurs n’étant pas caractérisée, il ne sera pas fait droit à la demande indemnitaire complémentaire.
Sur la responsabilité du notaire
Le notaire, qui, prêtant son concours à l’établissement d’un acte, doit veiller à l’utilité et à l’efficacité de celui-ci, est également tenu, à l’égard de toutes les parties, quelles que soient leurs compétences personnelles, à une obligation de conseil lui imposant d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des stipulations convenues.
La nécessité d’assurer l’efficacité et la sécurité des actes juridiques dressés est intrinsèquement liée au respect de l’obligation d’information et de conseil du notaire.
Mme [M] relève que, dans son arrêt du 4 décembre 2018, la présente cour a retenu, qu’au regard du contenu de la lettre du 21 juillet 2004 et des échanges l’ayant suivie, auxquels est intervenu le notaire, un débat sur la responsabilité des vendeurs et de l’officier ministériel est à l’évidence susceptible de s’élever.
Elle fait valoir que Me [R] se trouvait en possession d’informations permettant de comprendre aisément qu’il existait un potentiel empiétement concernant le garage objet de la vente qu’il devait régulariser, et elle considère qu’il lui appartenait, d’une part, d’effectuer des vérifications précises sur ce point avant d’authentifier la vente, et, d’autre part, d’informer le futur acquéreur de la problématique, ce dernier ne pouvant se retrancher derrière la confidentialité des négociations dès lors qu’il est acquis que celles-ci ont existé et qu’elles auraient dû le conduire à de plus amples investigations.
Elle en déduit que le notaire a commis une faute en manquant à son devoir de conseil et à son obligation d’assurer la sécurité de l’acte qu’il a reçu, en lien direct et immédiat avec son préjudice.
Les intimés objectent cependant qu’aucun des documents dont disposait le notaire lors de la vente ne lui permettait de détecter l’empiétement, l’officier ministériel ayant pris toutes les précautions pour s’assurer de la contenance exacte du tènement vendu par les époux [S] à Mme [M], ayant pris soin d’annexer à l’acte authentique de vente un plan cadastral des lieux faisant apparaître que l’ensemble des constructions, y compris le garage et l’appentis, était édifié sur la parcelle appartenant aux époux [S], cadastrée section [Cadastre 14], sans aucun débordement sur la parcelle voisine propriété de Mme [Z], cadastrée [Cadastre 15], lequel plan concordait parfaitement avec celui dressé le 21 septembre 1973 par M. [G], géomètre expert, qui avait été chargé de la division de l’ancienne parcelle cadastrée section [Cadastre 7] et de créer les parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15].
Ils ajoutent que Mme [Z], propriétaire de la parcelle [Cadastre 15] depuis de nombreuses années, n’avait engagé, au jour de la vente, aucune procédure en contestation de limite ou en bornage judiciaire contre la famille [S], propriétaire du tènement litigieux depuis 1974.
Ils précisent que, si le notaire n’ignorait pas que des discussions avaient eu lieu entre les époux [S] et Mme [Z], celles-ci portaient avant tout sur la possibilité d’achat par cette dernière d’une partie du bâtiment appartenant à ses voisins et contigüe à son fonds, pour valoriser sa propriété en vue de l’expansion de son activité de chambres d’hôtes, les époux [S] ayant toujours réfuté que le garage construit sur leur propriété empiétait sur le fonds de leur voisine défaillante à en rapporter la preuve.
Ils soutiennent enfin, qu’étant soumis à une stricte obligation de confidentialité s’agissant des négociations entreprises plusieurs mois auparavant entre Mme [Z] et les vendeurs, le notaire ne pouvait divulguer une quelconque information à ce sujet à l’acquéreur, sauf à se rendre coupable de manquement à ses règles déontologiques.
Il n’est pas contesté que les vendeurs ont régulièrement informé Me [R] des échanges épistolaires intervenus avec leur voisine Mme [Z], celui-ci ayant lui-même correspondu avec cette dernière et son notaire.
Si ces échanges ne permettaient pas, à eux seuls, de caractériser l’existence d’un empiétement imputable à la propriété vendue, l’existence d’une incertitude juridique doit conduire le notaire, tenu à un devoir de conseil, à avertir les parties à l’acte de cette incertitude ainsi que de ses possibles conséquences.
Il appartenait ainsi à Me [R] qui en avait connaissance d’informer clairement et précisément l’acquéreur sur le risque d’un litige judiciaire au regard des revendications formulées auprès des vendeurs par la propriétaire de la parcelle voisine, tenant à l’empiètement d’une partie du bien immobilier vendu sur cette parcelle.
Le notaire ayant ainsi manqué à son devoir de conseil, il sera condamné, in solidum avec les vendeurs, à indemniser Mme [M] de l’intégralité de ses préjudices. Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.
Au regard des fautes commises, dans leurs rapports entre elles, la dette indemnitaire sera supportée par moitié par chacune des parties condamnées.
Sur les demandes accessoires
Les intimés qui succombent supporteront, in solidum, la charge des dépens de première instance et d’appel.
Il est par ailleurs équitable de mettre à leur charge une partie des frais de procédure exposés par Mme [M] et non compris dans les dépens.
Ils seront ainsi condamnés in solidum à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 1er juin 2021 par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action initiée par Mme [T] [M] sur le fondement de la garantie des vices cachés et l’a déboutée de ses demandes indemnitaires sur ce fondement,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne solidairement M. et Mme [K] [S], in solidum avec la SCP [R] et Me [O] [R] à payer à Mme [T] [M] la somme de 56 642,87 euros à titre de dommages-intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de cet arrêt,
Condamne solidairement M. et Mme [K] [S], in solidum avec la SCP Bizollon et Me [O] [R] à garantir Mme [T] [M] des condamnations prononcées au profit de Mme [Z] par le jugement du tribunal d’instance du 6 décembre 2016 et l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 4 décembre 2018, au titre des frais irrépétibles et des dépens, incluant les frais d’expertise,
Dit que les condamnations prononcées au profit de Mme [M] seront supportées à hauteur de moitié par les époux [S] et pour l’autre moitié par la SCP Bizollon et Me Bizollon,
Condamne in solidum les époux [S] et la SCP Bizollon et Me [R] à payer à Mme [M] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [M] du surplus de ses prétentions,
Condamne in solidum les époux [S] et la SCP Bizollon et Me [R] aux entiers dépens de première instance et d’appel et dit que les dépens pourront être recouvrés directement par la SELAS Adida & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Dit que dans leurs rapports entre elles, ces condamnations seront supportées à hauteur de moitié par chacune des parties condamnées.
Le Greffier, La Présidente,