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ARRÊT N°23/
EF
R.G : N° RG 21/01324 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FS4N
[T]
[T]
C/
[K] ÉPOUSE [D]
[Y]
S.A.S. PASCAL MICHEL – BERTRAND MACE – STEPHANE RAMBAUD – HAROUN PATEL
RG 1ERE INSTANCE : 19/00336
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 30 MAI 2023
Chambre civile TGI
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT DENIS en date du 01 JUIN 2021 RG n° 19/00336 suivant déclaration d’appel en date du 20 JUILLET 2021
APPELANTS :
Monsieur [P] [I] [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Laurent BENOITON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Monsieur [N] [U] [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Laurent BENOITON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMES :
Madame [A] [B] [K] épouse [D]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Pierre HOARAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Maître [J] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie françoise LAW YEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
S.A.S. PASCAL MICHEL – BERTRAND MACE – STEPHANE RAMBAUD – HAROUN PATEL
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie françoise LAW YEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
CLOTURE LE : 13/10/2022
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 mars 2023 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Mélanie CABAL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Eric FOURNIE, Conseiller
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l’issue des débats, le président a indiqué que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 30 mai 2023.
Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 30 mai 2023.
* * *
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 11 décembre 2003, Monsieur [V] [F] [D] et son épouse Madame [A] [B] [D] ont vendu à leur fille, Madame [N] [U] [D] et son époux, Monsieur [P] [I] [T], une parcelle de terrain sur laquelle est édifiée une maison de type F5, située [Adresse 3] à [Localité 4] et cadastrée section [Cadastre 6] pour le prix de 56.000 €.
Depuis la vente, plusieurs procédures judiciaires ont opposé les parties et diverses décisions ont été rendues.
Suivant acte d’huissier du 08 janvier 2019, les époux [T] ont assigné Madame [A] [D], Maître [Y], notaire et la SCP ADOLFINI-SMADJA – [Y] – MICHEL – MACE – RAMBAUD devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis aux fins d’annulation de la vente, d’engagement de la responsabilité délictuelle de l’étude notariale rédactrice de l’acte de vente et d’obtenir indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement en date du 01 juin 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes :
– DECLARE Monsieur [P] [I] [T] et Madame [N] [U] [D] épouse [T] irrecevables en leur action en nullité de la vente immobilière conclue le 11 décembre 2003 pour cause de prescription,
– CONDAMNE in solidum Monsieur [P] [I] [T] et Madame [N] [U] [D], épouse [T], à payer à Madame [A] [B] [K], veuve [D], la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– CONDAMNE in solidum Monsieur [P] [I] [T] et Madame [N] [U] [D], épouse [T], aux dépens de la présente procédure,
– ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision,
– DEBOUTE toutes les parties de leurs autres demandes plus amples, différentes ou contraires au présent dispositif,
Par déclaration du 20 juillet 2021, les époux [T] ont interjeté appel du jugement précité.
L’affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 20 juillet 2021.
Les époux [T] ont déposé leurs uniques conclusions d’appelants le 20 octobre 2021.
Madame [D] a déposé ses uniques conclusions d’intimée le 04 janvier 2022.
La S.A.S. PASCAL MICHEL-BERTRAND MACE-STEPHANE RAMBAUD ‘ HAROUN PATEL (anciennement dénommée SCP ADOLFINI-SMADJA ‘ [Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD et Maître [Y] ont déposé leurs uniques conclusions d’intimés le 17 janvier 2022.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 octobre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de leurs uniques conclusions d’appelants déposées le 20 octobre 2021, les époux [T] demandent à la cour de :
– Rejetant toutes les demandes contraires ou reconventionnelles des intimés;
– Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis du 1er juin 2021 ;
Et, statuant à nouveau :
-DECLARER leur action recevable et bien fondée et, en conséquence :
-DIRE ET JUGER qu’il y a eu erreur des époux [T] sur les qualités substantielles du bien vendu par les époux [D] ; DIRE ET JUGER que la vente conclue entre les parties par acte notarié du 11 décembre 2003 est nulle, et PRONONCER la nullité de ladite vente ;
-DIRE ET JUGER que Maître [Y], ainsi que la SCP ADOLFINI-SMADJA ‘ [Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
-DIRE qu’il y a lieu à restitution par Madame [A] [D], solidairement avec Maître [Y], ainsi que la SCP ADOLFINI-SMADJA ‘ [Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD de la somme de 56.000 euros versée à titre de paiement du prix de la vente ;
– DIRE que le notaire, Maître [Y] et son étude, sont responsables de l’entier préjudice subi par Monsieur [P] [T] et Madame [N] [T]. -CONDAMNER, en conséquence, Madame [A] [D], solidairement avec Maître [Y], ainsi que la SCP ADOLFINI-SMADJA ‘[Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD, à payer à Monsieur et Madame [T] la somme de 56.000 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande introductive d’instance
-CONDAMNER Madame [A] [D], solidairement avec Maître [Y], ainsi que la SCP ADOLFINI-SMADJA ‘ [Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD à payer la somme de 306.025,33 euros au titre du préjudice financier, outre la condamnation au remboursement de la taxe foncière sur toutes les années 2004 à 2018 ;
– CONDAMNER Madame [A] [D], solidairement avec Maître [Y], ainsi que la SCP ADOLFINI-SMADJA [Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD, à payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral ;
– CONDAMNER Madame [A] [D], solidairement avec Maître [Y], ainsi que la SCP ADOLFINI-SMADJA ‘ [Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD, à payer à Monsieur [P] [T] et Madame [N] [T] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER Madame [A] [D], solidairement avec Maître [Y], ainsi que la SCP ADOLFINI-SMADJA ‘ [Y] ‘ MICHEL ‘ MACE ‘ RAMBAUD, aux entiers dépens ;
– ET DIRE que, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, Maître Laurent BENOITON pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision ;
Selon les appelants, leur action n’est pas prescrite et est donc recevable. Le délai de prescription de 5 ans ne court « dans le cas d’erreur ou de dol [que] du jour où ils ont été découverts ». En l’espèce, quand bien même le contentieux existant entre les parties a débuté en 2009, cela ne correspond pas à la découverte de l’erreur invoquée dans le cadre de la présente action.
En effet, ce n’est qu’en 2017, lorsque le tribunal de grande instance de Saint Denis a ordonné leur expulsion, que les appelants auraient découvert que leur acquisition n’avait pas été faite en tant que résidence principale aux termes de l’acte de vente définitif du notaire, qui a retiré la jouissance du bien aux acquéreurs pour donner un droit d’usage et d’habitation exclusif au profit des vendeurs.
L’erreur sur les qualités substantielles du bien, telle qu’invoquée comme fondement de la présente demande en nullité de la vente, portant plus précisément sur leur droit de jouissance, n’était donc pas connue des appelants avant 2017, date du jugement ayant ordonné leur expulsion en raison de l’absence de droit d’usage et d’habitation des acquéreurs, voire en tout état de cause en 2015, date de l’assignation des consorts [D] ayant introduit cette procédure en expulsion. Seul le jugement ayant ordonné leur expulsion sur ce fondement a pu leur révéler cette erreur en 2017.
Les appelants soutiennent également qu’il y a eu erreur des acquéreurs sur les qualités essentielles du bien immobilier qu’ils ont acheté aux époux [D] en 2003. Les appelants qui ont contracté un prêt immobilier « primo accédant » pour acquérir leur résidence principale, n’auraient jamais acheté la résidence des époux [D] et ne l’auraient jamais fait rénover et agrandir s’ils savaient qu’ils n’auraient aucun droit de jouissance et ne pourraient donc légalement y vivre qu’après le décès des deux vendeurs.
Les appelants ajoutent que ce vice de consentement doit entraîner la nullité de la vente et que les restitutions réciproques doivent être ordonnées.
Les appelants plaident que la responsabilité du notaire doit être engagée. En l’espèce, les parties ont signé un compromis de vente sous seing privé le 16 juin 2003. Un acte authentique réitératif a été signé le 11 décembre 2003, mais hors la présence des parties. Or, les acquéreurs ne se sont aperçus que bien des années plus tard que des clauses essentielles sont différentes du compromis. En effet, dans le compromis, il était prévu que l’acquéreur aurait la jouissance indivisément avec les vendeurs à compter du jour de la vente, alors que dans l’acte définitif, il est prévu uniquement un droit d’usage et d’habitation au profit des vendeurs. Le notaire a donc supprimé, sans avertir les appelants, la clause de jouissance de l’acquéreur qui existait dans le compromis de vente, au profit d’un droit d’usage et d’habitation exclusif au profit des vendeurs. Le notaire a nécessairement manqué à son devoir de conseil et d’information envers les acquéreurs en supprimant la clause de jouissance à leur profit, pour instaurer un droit d’usage et d’habitation au profit des vendeurs exclusivement, sans les informer de la modification de cette clause, ni des conséquences de cette modification de clause avant de signer l’acte définitif.
* * *
Aux termes de ses uniques conclusions d’intimée déposées le 04 janvier 2022, Madame [D] demande à la cour de :
– Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel des époux [T].
– Confirmer le jugement du 01/06/2021 en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action des époux [T].
– Juger que cette irrecevabilité tient d’une part à la non publication dans les trois mois de l’assignation initiale, d’autre part à l’absence aux débats des héritiers de M. [D], vendeur décédé, et enfin du fait de la prescription quinquennale acquises depuis au moins
2014,
– Confirmé le jugement querellé.
Si par impossible, l’action des époux [T] devait être considérée comme recevable,
– Juger qu’il n’existe au dossier aucun élément sérieux permettant de mettre en évidence un quelconque vice de consentement des époux [T] lors de la passation de l’acte de 2003.
– Débouter M. et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes.
– Les condamner en tout état de cause à payer 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon l’intimée, l’action des appelants en nullité de l’acte de vente est prescrite. Le point de départ de la prescription pour demander la nullité de l’acte pour erreur de droit relatif au droit « d’usage et d’habitation » de la maison ne peut qu’être soit 2003, lors de la passation de l’acte, soit 2009, date de l’assignation initiale. Le point de départ du délai de prescription est « le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (article 2224 du code civil). En l’espèce, les appelants ont connu le contenu de l’acte parfaitement clair dès sa conclusion en 2003. A tout le moins, si avant tout contentieux, ils avaient « mal lu » l’acte, depuis 2009 l’acte est au centre du contentieux. Depuis cette date, ils avaient dû avoir connaissance de ce que les parents [D] avaient bien le droit d’usage et d’habitation de la maison au travers de clauses limpides de l’acte produit et discuté devant plusieurs juridictions.
L’intimée soutient également que le préjudice invoqué par les appelants n’est pas démontré. Si la vente n’avait pas eu lieu, les appelants auraient certainement conclu un prêt avec toutes ses conséquences pour acheter un autre bien.
L’intimée ajoute que si le « compromis » contenait une clause différente que celle figurant à l’acte définitif, la volonté des vendeurs était bien de conserver un droit d’habitation et d’usage pour prévenir toute velléité des appelants de les mettre à la rue en cas de conflit.
* * *
Aux termes de leurs uniques conclusions d’intimée déposées le 17 janvier 2022, la S.A.S. PASCAL MICHEL ‘ BERTRAND MACE – STEPHANE RAMBAUD ‘ HAROUN PATEL et Maître [Y] demandent à la cour de :
– PRENDRE ACTE de la modification de la forme juridique de la SCP de notaires mise en cause en Société par Actions simplifiée dénommée S.A.S PASCAL MICHEL ‘ BERTRAND MACE ‘ STEPHANE RAMBAUD ‘ HAROUN PATEL, dénomination sous laquelle elle sera dorénavant désignée dans la présente procédure d’appel ;
– CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions et déclarer l’action des époux [T] prescrite, donc irrecevable ;
A titre subsidiaire, si l’action était jugée recevable :
JUGER que la responsabilité de Maître [Y] et de la SAS MICHEL-MACE-RAMBAUD-PATEL ne peut être engagée faute pour les appelants de justifier d’une quelconque faute de leur part ;
A titre infiniment subsidiaire, si la responsabilité du notaire était engagée :
– REJETER toutes les demandes de condamnation infondées formulées par les époux [T] à l’encontre de Maître [Y] et de la SAS MICHEL-MACE-RAMBAUD-PATEL ou à défaut, réduite le quantum des sommes qui leur seraient allouées à de plus justes proportions ;
En tout état de cause :
– CONDAMNER solidairement Monsieur [P] [T] et Madame [N] [U] [T] à régler tant à Maître [Y] qu’à la SAS de notaires MICHEL-MACE-RAMBAUD-PATEL la somme de 2.500 € chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens.
Les intimés soulèvent la prescription de l’action des appelants. Les appelants ne sont pas fondés à reporter le point de départ du délai de prescription en 2015, date à laquelle ils ont été assignés en expulsion par les époux [D]. En effet, même à considérer que les acheteurs n’aient pas procédé eux-mêmes à une lecture attentive au moment de la réception de l’acte de vente de 2003, on ne peut concevoir qu’ils ne l’aient pas fait plus tôt au moment de la première assignation du mois de mars 2009 aux termes de laquelle les époux [D] avaient demandé la rectification de la désignation du bien vendu. Ce n’est que par pure mauvaise foi que les appelants tentent de reporter artificiellement le point de départ de la prescription en 2017 (date du jugement ordonnant leur expulsion).
Les intimés ajoutent que si, par extraordinaire, la Cour devait considérer que l’action n’est pas prescrite, leur responsabilité ne peut en tout état de cause être engagée. La différence entre le compromis et l’acte définitif ne peut aucunement suffire à caractériser une prétendue faute du notaire. Il n’est pas inhabituel que l’acte définitif contienne des mentions différentes de celles mentionnées dans le compromis. Il appartient aux appelants de démontrer en quoi cette insertion est fautive et n’aurait pas été souhaitée par les parties elles-mêmes. L’acte authentique faisant mention de ce droit d’usage et d’habitation, fait foi jusqu’à inscription de faux. Dans ces conditions, force est de constater que les appelants n’ont pas initié une telle procédure.
Les intimés soutiennent enfin que si, par extraordinaire, la Cour devait considérer que la responsabilité du notaire était engagée, les demandes formulées à leur encontre sont mal fondées. D’une part, selon une jurisprudence constante, le notaire ne peut en aucun cas être tenu à restitution du prix de vente. D’autre part, les appelants ne justifient pas la réalité du préjudice financier allégué. Au surplus, le lien de causalité entre une éventuelle faute du notaire et le préjudice allégué n’est pas établi et n’est, au mieux, qu’indirect. Enfin, la réalité du préjudice moral allégué par les appelants n’est également pas prouvée.
* * *
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la procédure
La Cour donne acte du changement de dénomination à l’étude notariale dans la cause.
Sur la recevabilité des demandes présentées par Monsieur [P] [T] et son épouse Mme [N], [U] [T]
1) Sur la publication de l’assignation introductive d’instance au service de la publicité foncière,
En vertu des dispositions de l’article 28 du décret N°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution ou l’annulation d’une convention qui porte sur des droits soumis à publicité tels que des mutations ou des constitutions de droits réels, doivent être obligatoirement publiés au service de la publicité foncière dans le délai de trois mois à compter de la date de la demande en justice.
En l’espèce l’assignation introductive d’instance est en date du 8 janvier 2019. La demande de publication n’est intervenue que le 11 juin 2019, soit au-delà du délai de trois mois prévu par l’article 33 du décret sus-évoqué. Elle sera effective le 31 décembre 2019.
Mais il est admis en droit que le défaut de publication de l’assignation tendant à la nullité d’une vente immobilière dans les registres de la publicité foncière constitue une fin de non-recevoir qui peut être régularisée jusqu’à ce que le juge statue. (Cf Cassation 3ème chambre civile 22 juin 2017).
En conséquence, la publication étant réellement intervenue, ce moyen d’irrecevabilité ne sera pas retenu.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
2) Sur la prescription
En vertu des dispositions de l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans.
Le délai de prescription de l’action en nullité court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Les appelant soutiennent qu’ils n’ont été informés de l’erreur sur les qualités substantielles du bien immobilier qu’en 2017, à l’occasion de la procédure qui a donné lieu à leur expulsion du bien immobilier. L’action diligentée en 2019, donc dans le délai de cinq ans ne serait donc pas prescrite. Ils contestent formellement avoir eu connaissance des clauses de l’acte de vente litigieux en date du 11 décembre 2003 et à l’occasion des procédures subséquentes qui sont intervenues après 2009, notamment en 2012 et 2014 qui seraient sans rapport avec le présent litige.
En matière d’action en nullité fondée sur l’erreur sur les qualités substantielles de la chose ou de dol, il est admis en droit que le point de départ du délai de prescription court du jour où le demandeur en a eu connaissance.
L’erreur invoquée par les appelants repose sur une modification intervenue dans les clauses de l’acte de vente du 11 décembre 2003 par rapport aux clauses contenues dans le compromis de vente signé le 16 juin 2003, modification qui serait intervenue à leur insu et sans qu’ils en aient été informés préalablement par le notaire rédacteur.
La divergence des clauses des deux actes n’est ni contestée, ni contestable. La jouissance indivise de l’immeuble par l’ensemble des parties au litige prévue dans le compromis n’a pas été reprise dans l’acte définitif qui n’a prévu qu’une jouissance privative par les vendeurs jusqu’à leur décès.
Les appelants invoquent leur bonne foi sur la méconnaissance de cette modification intervenue à leur insu.
Si effectivement, comme le tribunal l’a relevé, ces derniers étaient censés lire l’acte notarié du 11 décembre 2003 dès sa réception, la cour relève en premier lieu que la signature de l’acte définitif est intervenue hors la présence des parties à l’acte, qui ont toutes donné mandat au notaire de signer l’acte à leur place.
Si cela peut paraître surprenant, sachant que les parties n’étaient pas hors département à la date de signature, cela peut s’expliquer par le fait que la cession est intervenue entre les parents, leur fille et gendre dans le cadre d’un climat totalement consensuel à l’époque.
Ce fonctionnement a, par contre, eu pour effet d’éviter toute relecture de l’acte lors de la signature, ce qui aurait permis de découvrir l’erreur et d’éviter toute difficulté ultérieure.
Dans ce contexte, sachant qu’il n’est pas contesté, que d’un commun accord, les acquéreurs ont réellement continué à occuper l’immeuble litigieux, les vendeurs occupant, en ce qui les concerne, un studio attenant, il n’est pas surprenant que les parties ne se soient pas préoccupées à l’époque du contenu exact de l’acte. C’est aussi le cas pour les vendeurs puisqu’ils découvriront très tardivement en 2009 un problème de consistance du bien immobilier vendu.
En conséquence, il convient de considérer que les appelants n’avaient pas connaissance de l’erreur invoquée lors de la signature de l’acte authentique le 11 décembre 2003.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les procédures judiciaires postérieures
Il résulte des pièces produites aux débats qu’un contentieux va opposer les mêmes parties dès l’année 2009, Monsieur [V] [F] [D] ayant délivré une assignation introductive d’instance en date des 18 et 20 mars 2009 à Monsieur [P] [I] [T], à son épouse [N] [U] [D] et à l’étude notariale SCP MACE et autres.
Le litige était relatif à la consistance du bien immobilier vendu lors de l’acte notarié du 11 décembre 2003. Il donnera lieu à un jugement du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 20 octobre 2010, suivi d’un arrêt de la cour d’appel de ce siège en date du 14 décembre 2012.
Les intimés ont constitué avocat dans le cadre de ces deux procédures et déposé des conclusions en défense. Si le litige ne portait pas sur la jouissance de l’immeuble litigieux, par contre il concernait le même acte notarié.
Les époux [T] ne peuvent pas sérieusement soutenir qu’ils n’ont pas lu l’intégralité de cet acte à l’occasion de cette nouvelle procédure et découvert par la même que la clause leur autorisant une jouissance indivise avait disparu.
De manière surabondante, il est mentionné dans la motivation de l’arrêt du 14 décembre 2012 en page 5 le paragraphe suivant :
« La recherche de la commune intention des parties pour définir la consistance du bien vendu permet de déduire que Monsieur [V] [D] et son épouse Mme [K] n’ont souhaité vendre à leur fille [U] [D], épouse [T] et à son mari [P] [T] que la maison principale, tout en se réservant pour eux-mêmes un droit d’usage et d’habitation. »
S’il en était besoin, la lecture de l’arrêt rappelle la clause litigieuse de l’acte notarié du 11 décembre 2003 sur la jouissance exclusive de l’immeuble par Monsieur [V] [D] et son épouse Mme [K].
Le point de départ de la prescription doit donc être fixée au plus tôt à la date du jugement du 20 octobre 2010 et au plus tard à la date du 14 décembre 2012.
La prescription expirait en conséquence soit le 20 octobre 2015, soit le 14 décembre 2017.
L’assignation introductive d’instance délivrée le 8 janvier 2019 est donc irrecevable comme étant atteinte par la prescription.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef par substitution de motifs.
Sur le moyen d’irrecevabilité tiré de l’absence des héritiers de Monsieur [D]
En l’état du deuxième moyen d’irrecevabilité retenu par la Cour, l’examen du troisième moyen d’irrecevabilité est superfétatoire. La Cour relève en outre que monsieur [D] n’est pas décédé en cours de procédure mais avant la saisine du tribunal judiciaire.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Il serait manifestement inéquitable de laisser supporter à Mme [K] les frais irrépétibles exposés à l’occasion de la procédure de première instance et d’appel.
En conséquence les époux [T] devront lui verser in solidum la somme de quatre mille euros (4000 €) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de laisser supporter à la SAS PASCAL MICHEL-BERTRAND MACE-STEPHANE RAMBAUD- HAROUN PATEL la charge des frais irrépétibles exposés à l’occasion de la procédure de première instance et d’appel.
En conséquence leur demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile sera rejetée.
Sur les dépens
Vu l’article 696 du Code de procédure civile ;
Les époux [T], qui succombent, supporteront les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort, en matière civile, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Donne acte à la SCP ADOLFINI-SMADJA [Y] MICHEL-MACE-RAMBAUD qu’elle est désormais dénommée SAS PASCAL MICHEL- BERTRAND MACE- STEPHANE RAMBAUD-HAROUN PATEL ;
Confirme le jugement déféré dans l’ensemble de ses dispositions ;
Condamne Monsieur [P] [T] et Mme [N] [U] [T] à verser in solidum à Mme [K] [A] [B], veuve [D] la somme de quatre mille euros (4000€) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que Monsieur [P] [T] et Mme [N] [U] [T] supporteront in solidum les dépens de la présente procédure.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT