Responsabilité du Notaire : 6 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00093

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Responsabilité du Notaire : 6 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00093
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 06/06/2023

Me Estelle GARNIER

Me Elisabeth MERCY

la SCP THAUMAS AVOCATS

Me Nelly GALLIER

la SCP LAVAL – FIRKOWSKI

la SELARL RENARD – PIERNE

la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO

ARRÊT du : 06 JUIN 2023

N° : – N° RG : 21/00093 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GIW6

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 03 Décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265262485148712

1

CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE venant aux droits de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE PARIS, immatriculée au RCS sous le numéro B 382 900 942, venant aux droits de la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE PARIS à la suite d’une fusion absorption en date du 11 avril 2008 et d’un changement de dénomination, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 12]

représentée par Me Estelle GARNIER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Valérie DESFORGES du cabinet ADEMA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265262343893917

Monsieur [C] [Y]

né le 23 Septembre 1971 à [Localité 23]

[Adresse 1]

[Localité 16]

représenté par Me Elisabeth MERCY, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Anne-Florence MERCILLON, avocat plaidant au barreau de VERSAILLES

Madame [L] [A]

née le 25 Mai 1976 à [Localité 24] (VIETNAM)

[Adresse 7]

[Localité 19]

représentée par Me Elisabeth MERCY, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Anne-Florence MERCILLON, avocat plaidant au barreau de VERSAILLES

Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265262801412653

Madame [R] [F] venant aux droits de Me [O] [F], notaire retiré de charge , décédé le 26 janvier 2016 et ès-qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], suivant Procès-Verbal en date du 28 juin 2016 en lieu et place de Maître [O] [F]

née le 24 Novembre 1988 à [Localité 23]

[Adresse 10]

[Localité 18]

représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE

Madame [H] [F] venant aux droits de Me [O] [F], notaire retiré de charge , décédé le 26 janvier 2016.

née le 21 Mars 1991 à [Localité 23]

[Adresse 5]

[Localité 14]

représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE

Madame [V] [F] venant aux droits de Me [O] [F], notaire retiré de charge , décédé le 26 janvier 2016.

née le 18 Mai 1994 à [Localité 23]

[Adresse 6]

[Localité 13]

représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE

– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265261026941407

S.A.R.L. ATELIER L’ECHELLE anciennement dénommée SARL D’ARCHITECTURE FRANCOIS BLEVIN ET ERIC PRYEN immatriculée sous le n° B 388 244 329, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Localité 8]

représentée par Me Nelly GALLIER, avocat postulant au barreau de BLOIS

et par Me Guillaume BARDON de la SELARL CM&B ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOURS

– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265286638000884

S.A. MMA IARD inscrite au RCS du MANS sous le n°440 048 882, , venant aux droits de la SA COVEA RISKS, en sa qualité de co-assureur, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domiciilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 11]

représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES , avocat plaidant au barreau de PARIS

– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265270784096814

Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS,

inscrite au SIREN n° 784 647 349, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 15]

représentée par Me Jacqueline PIERNE de la SELARL RENARD – PIERNE, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Marc FLINIAUX, avocat plaidant au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265297193045893

Maître Alain [S], agissant suivant ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil du 4 novembre 2020, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI LES GAUDINELLES en lieu et place de la S.E.L.A.R.L. SMJ , précédemment désignée à cette fonction par arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mai 2015

[Adresse 9]

[Localité 20]

représentée par Me Maxime MORENO de la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 13 Janvier 2021.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 février 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 04 Avril 2023, à 14 heures, devant Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

Prononcé le 06 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

En 2006, M. [Y] et Mme [A] ont été démarchés par la société EPI Capital en vue d’acquérir, sous le statut de loueur de meublé non professionnel, un bien immobilier situé au sein d’une résidence de tourisme à construire intitulée « le hameau de Valloire » à [Localité 21] (37) et de le donner en location commerciale à une société gestionnaire.

M. [Y] et Mme [A] ont conclu, le 26 décembre 2006 avec la SCI Les Gaudinelles représentée par la société EPI Capital, un contrat de réservation portant sur le bien à construire, prévoyant un prix de 116 181 €, la livraison du bien étant fixée pour le 3e trimestre 2007.

Afin de financer cette acquisition, M. [Y] et Mme [A] ont contracté un prêt de 106 000 € auprès de la Caisse d’épargne d’Île-de-France.

L’acte de vente a été dressé par Maître [O] [F], notaire, le 5 avril 2007 et une somme de 63 899,55 € correspondant à 55 % du prix a été débloquée le jour de la signature.

Le solde du prix devait être libéré à hauteur de 15 % à la mise hors d’eau, 15 % à l’achèvement des cloisons, 10 % à l’achèvement de l’immeuble et 5 % à la remise des clés.

Après avoir annoncé aux acquéreurs du retard dans la livraison de leur bien, la SCI Les Gaudinelles a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire le 2 juillet 2012, converti en liquidation judiciaire le 26 novembre 2012.

Le bien n’ayant jamais été livré, M. [Y] et Mme [A] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours, par actes d’huissier des 18 et 23 octobre et 15 novembre 2012, la SCI Les Gaudinelles prise en la personne de son mandataire judiciaire Me [P] [X], Me [P] [E] désigné administrateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles et Me [O] [F] placé sous l’administration de la SCP Oury-Narbey-Fontaine-Martin. Puis, ils ont fait assigner Me [P] [X] en qualité de mandataire liquidateur de la SCI Les Gaudinelles, la Caisse d’épargne Île-de-France, la société MMA Iard, assureur de Me [O] [F], et la SELARL SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles.

Me [O] [F] a mis en cause le cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen, devenu la société Atelier L’Échelle, et son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF).

Par décision du 2 juillet 2015, le juge de la mise en état a suspendu l’exécution du contrat de prêt souscrit par les demandeurs auprès de la Caisse d’épargne Île-de-France jusqu’à l’issue du litige pendant devant le tribunal de grande instance.

Le 26 janvier 2016, Me [O] [F] est décédé et l’instance a été reprise à la suite de l’intervention volontaire de ses héritières, Mme [R] [F], Mme [H] [F] et Mme [V] [F], Mme [R] [F] reprenant aussi l’instance ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F].

Par jugement en date du 3 décembre 2020 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Tours a :

1- constaté l’intervention de Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], notaire décédé le 26 janvier 2016, et l’intervention de Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F],

2- mis hors de cause Me [P] [X], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles, et constate que la SELARL SMJ a été désignée à cette fin par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mai 2015,

3- mis hors de cause Me [E], ès qualités d’administrateur dans le cadre du redressement judiciaire de la SCI Les Gaudinelles,

4- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 5 avril 2007 entre la SCI Les Gaudinelles et M. [Y] et Mme [A] et portant sur un appartement lot numéro 79 au rez-de-chaussée du bâtiment N comprenant chambre, coin cuisinette, salle d’eau, WC, terrasse et les 25/10000e des parties communes générales, et ce, pour non-respect des dispositions de l’article R.261’18’b du code de la construction et de l’habitation,

5- dit que la SCI Les Gaudinelles devrait restituer à M. [Y] et Mme [A] la somme de 100 700 euros, avec intérêts à compter de la date de l’assignation soit le 18 octobre 2012,

6- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil,

7- constaté l’impossibilité pour les investisseurs de restituer le bien,

8- déclaré irrecevable la demande visant à l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles ladite somme,

9- prononcé la nullité du contrat de prêt conclu entre M. [Y] et Mme [A] et la Caisse d’épargne Île-de-France souscrit selon offre du 27 février 2007, acceptée le 13 mars 2007,

10- condamné M. [Y] et Mme [A] à restituer à la Caisse d’épargne Île-de-France le capital emprunté et débloqué de 100 700 euros avec intérêts à compter du jugement,

11- condamné la Caisse d’épargne Île-de-France à restituer à M. [Y] et Mme [A] les échéances versées, les intérêts arrêtés au 5 juillet 2015 (47 034,45 €) et les frais de dossier et de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

12- ordonné la compensation entre ces créances respectives,

13- dit que la SCI Les Gaudinelles et Me [F] engagent leur responsabilité à l’égard de M. [Y] et Mme [A] sur le fondement des dispositions de l’article 1147 et 1382 anciens du code civil,

14- dit que Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] doivent garantir la restitution du prix à hauteur de 100 700 €, compte tenu de l’insolvabilité de la SCI des Gaudinelles,

15- dit que la société MMA doit garantir son assuré, Me [F], et condamné in solidum les consorts [F] et les MMA à garantir la restitution du prix à hauteur de 100 700 €,

16- débouté M. [Y] et Mme [A] de leur demande au titre du remboursement de la TVA,

17- condamné in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], et la société MMA, à payer à M. [Y] et Mme [A] une somme de 10 000 € à chacun au titre de leur préjudice moral,

18- déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande de la Caisse d’épargne Île-de-France de réparation de son préjudice,

19- débouté Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et la société MMA de leurs recours en garantie à l’encontre de la SARL l’Échelle et de son assureur la MAF, et à l’égard de la Caisse d’épargne Île-de-France,

20- condamné in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], et la société MMA aux dépens de l’instance, qui comprendront les frais hypothécaires, dont distraction au profit de Me Vincent David, de la SCP Renard-Pierné et de la SELARL CM&B et Associés, avocats au barreau de Tours,

21- condamné in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], et la société MMA à verser à M. [Y] et Mme [A] une somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

22- débouté les autres parties de leurs demandes d’indemnité procédure,

23- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au jugement,

24- ordonné la publication du jugement ayant prononcé la nullité de l’acte de vente du 5 avril 2007 conclu entre la SCI Les Gaudinelles et M. [Y] et Mme [A] portant sur le lot numéro 79 de l’ensemble immobilier nouvellement cadastré BE numéro [Cadastre 17] au lieu-dit les Gaudinelles situé à [Localité 21], acte publié le 1er juin 2007 à la conservation des hypothèques de Tours 2e bureau volume 2007 P numéro 3078.

Par déclaration d’appel du 13 janvier 2021, la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Île-de-France a interjeté appel de cette décision quant aux chefs précités n° 4 à 15, 17 à 24. L’appel était dirigé à l’encontre de toutes les parties de première instance, à l’exclusion de Me [X] et de Me [E], mis hors de cause.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022, la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France demande à la cour de :

– déclarer ses demandes recevables et bien fondées,

À titre liminaire,

– lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à la justice sur le mérite de la demande de résolution ou de l’annulation du contrat de vente conclu par M. [Y] et Mme [A],

À titre principal, si la cour devait confirmer la décision entreprise et prononcer la nullité du prêt consécutive au prononcé de la nullité du contrat de vente,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [Y] et Mme [A] au remboursement dudit prêt à hauteur de 100 700 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement déféré et ce, déduction faite des échéances versées et intérêts arrêtés le 5 juillet 2015 à la somme de 47 034,45 euros,

Faire droit au présent appel et, en conséquence,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré irrecevable comme étant prescrite sa demande de réparation de son préjudice, et débouté les autres parties de leurs demandes d’indemnité de procédure, notamment la sienne tendant à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros à ce titre,

Et statuant à nouveau sur ces chefs de demande,

– déclarer la SCI Les Gaudinelles et Maître [F] responsables à l’égard de M. [Y] et Mme [A] sur le fondement des dispositions de l’article 1147 et 1382 anciens (1240 nouveau) du code civil et ce, également de l’annulation du contrat de prêt,

– condamner in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F] ès-qualités d’ayant droits de Maître [O] [F], décédé le 26 janvier 2016, ainsi que Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et leur assureur MMA Iard, ainsi que tout autre succombant à lui payer des dommages-intérêts, se décomposant comme suit :

14 869,46 euros correspondant aux intérêts intercalaires échus arrêtés au 18 novembre 2022,

16 796,79 euros correspondant aux intérêts conventionnels échus arrêtés au 18 novembre 2022,

30 873,99 euros correspondant à la perte de chance de percevoir l’intégralité des intérêts conventionnels à échoir qui auraient dû être versés par les consorts [Y]-[A] jusqu’au terme de leur prêt,

1 219 euros correspondant aux frais de garanties dus par M. [Y] et Mme [A] au titre du prêt,

500 euros au titre des frais de dossier,

– assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la signification des premières écritures en faisant la demande, le 21 novembre 2019 avec anatocisme, sauf à parfaire ;

– condamner in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F] ès-qualités d’ayant droits de Maître [O] [F], décédé le 26 janvier 2016, ainsi que Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et leur assureur MMA Iard à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la première instance, outre les entiers dépens,

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse de l’annulation du contrat de vente et le maintien du contrat de prêt,

– la déclarer bien fondée à solliciter l’exigibilité anticipée du prêt,

– condamner in solidum les consorts [Y]-[A], ainsi que tout succombant, au paiement, entre les mains de la concluante, de la somme de 91 324,36 €, à parfaire, correspondant au remboursement par anticipation du prêt, outre les intérêts au taux contractuel à compter de la signification des premières écritures en faisant la demande du 21 novembre 2019,

A titre plus subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour ne prononcerait pas la résolution de la vente du bien immobilier,

– déclarer que la suspension du prêt souscrit par M. [Y] et Mme [A] qui a été ordonnée le 2 juillet 2015 par le juge de la mise en état est désormais sans objet,

– déclarer que le contrat de prêt continuera à produire ses effets dans les mêmes termes et les mêmes conditions prévus lors de sa conclusion,

En tout état de cause :

– débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,

– rejeter tous les appels incidents formés à l’encontre du jugement déféré qui seraient contraires au présent dispositif,

– condamner in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F] ès-qualités d’ayant droits de Maître [O] [F], décédé le 26 janvier 2016, ainsi que Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et leur assureur MMA Iard à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1re instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Estelle Garnier, en application des dispositions de l’article 696 et suivants du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 8 juillet 2021, la société MMA Iard demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré l’action en indemnisation de la banque irrecevable comme prescrite ;

En conséquence :

– débouter la Caisse d’épargne de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé le contrat de vente,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité de Maître [F],

En conséquence,

– dire et juger qu’aucune faute ne peut être reprochée à Maître [F] ou à la SCP [O] [F],

– dire et juger que la preuve d’un lien de causalité entre les manquements reprochés et le préjudice allégué n’a pas été rapportée,

– dire et juger que « les époux [Y] » ne rapportent pas la preuve d’un préjudice né, actuel et certain,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu un préjudice subi par « les époux [Y] » à hauteur de 100 700 €,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes « des époux [Y] », au titre des loyers commerciaux, de la TVA,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a admis le principe d’un préjudice moral subi par « les époux [Y] »,

– dire et juger qu’il n’existe aucune dette de responsabilité civile et qu’aucune condamnation ne peut être, dans ces conditions, retenue à son encontre,

– rejeter toutes demandes formées à son encontre,

– débouter « les époux [Y] », la SCP Blevin et Pryen aux droits de laquelle vient la SARL Atelier de L’Échelle, la société MAF, la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France de leurs appels incidents et de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner in solidum la SARL Blevin Pryen aux droits de laquelle vient la SARL Atelier L’Échelle, la société MAF, la Caisse d’épargne Île-de-France à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

– condamner « les époux [Y] », ou toute autre partie succombant, à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner « les époux [Y] » ou tout autre succombant au paiement des entiers dépens de la présente instance et d’appel qui seront recouvrés par la SCP Laval Firkowski, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 8 juillet 2021, Mme [R] [F], tant à titre personnel qu’en qualité de liquidateur amiable de la SCP [F], et Mmes [H] et [V] [F] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement uniquement en ce qu’il a déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande de la Caisse d’épargne Île-de-France de réparation de son préjudice, et débouté les consorts [Y]-[A] de leurs demandes d’indemnisation au titre de la TVA,

– et pour le surplus, infirmer le jugement déféré quant aux chefs n° 4 à 15, 17 à 24,

Et statuant à nouveau :

– dire et juger que Maître [O] [F] n’a commis aucune faute,

– constater, en tout état de cause, l’absence de lien de causalité entre une hypothétique faute de l’étude et le préjudice invoqué,

– dire et juger que le préjudice invoqué n’est ni actuel, ni certain,

– déclarer les consorts [Y]-[A] irrecevables, en tout cas mal fondé en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

– les en débouter purement et simplement,

– débouter la Caisse d’épargne d’Île-de-France et toutes autres parties, de toutes leurs demandes dirigées à l’encontre du notaire et de ses ayants droits,

Et à titre subsidiaire, si par impossible la cour venait à confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le notaire avait commis une faute, et l’a condamné à garantir la restitution du prix à hauteur de 100 700 €,

– dire et juger que le cabinet d’architecture a commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle,

– dire et juger que la Caisse d’épargne Île-de-France est également responsable du préjudice subi par les consorts [Y]-[A],

En conséquence,

– condamner in solidum, la Caisse d’épargne Île-de-France, le cabinet d’architecture L’Atelier L’Échelle, et son assureur, la MAF, et toutes autres parties succombantes à les garantir de toute condamnation qui, par impossible, pourrait être prononcée à leur encontre,

Et dans l’éventualité où des demandes d’appel en garantie seraient formulées à leur encontre,

– déclarer la Caisse d’épargne Île-de-France, le cabinet d’architecture L’Atelier L’Échelle, et son assureur, la MAF et toutes autres parties demanderesses à la garantie du notaire, irrecevables et en tout cas mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre,

– les en débouter,

Et en tout état de cause,

– condamner in solidum les consorts [Y]-[A] et toutes autres parties succombantes à leur payer la somme de 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum l les consorts [Y]-[A] et toutes autres parties succombantes aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sofia Vigneux, membre du Cabinet Thaumas, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 juin 2021, M. [Y] et Mme [A] demandent à la cour de :

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions ainsi que tout appel incident dirigé a’ leur encontre,

– confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la réparation du préjudice économique des investisseurs,

– réformer le jugement du chef de leur apport personnel,

– arrêter que la SCI Les Gaudinelles doit restituer le prix de vente en ce qu’il comprend leur apport personnel pour un montant de 7 348,33 €,

– arrêter que Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Maître [O] [F], notaire décédé et l’intervention de Mme [R] [F] ès qualités de liquidateur de la SCP [F] doivent garantir la restitution de l’apport personnel d’un montant de 7 348,33 € en sus du capital débloqué, et les y condamner, in solidum,

– arrêter l’étendue de la garantie due par l’assureur du notaire au montant des condamnations prononcées a’ l’encontre de la SCI Les Gaudinelles, soit en principal incluant leur apport personnel d’un montant de 7 348,33 €, outre les intérêts avec capitalisation,

À défaut,

– constater le défaut de livraison,

– prononcer la résolution de la vente,

– constater la résolution du contrat de prêt,

En conséquence,

– condamner in solidum les ayants droits du notaire et le liquidateur de la SCP [F] à titre de dommages-intérêts au remboursement des sommes versées par les acquéreurs pour le prix de vente perdu avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation.

– ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil,

– dire que les ayants droit de maître [F] et le liquidateur de la SCP [O] [F] devront garantir les investisseurs de toutes condamnations,

– recevoir leur appel incident,

– infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes de réparation des préjudices économique,

Statuant à nouveau,

– condamner in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et les MMA a’ réparer le préjudice économique des investisseurs d’un montant de 10 472 € a’ première demande de l’administration fiscale,

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions dirigées a’ leur encontre,

– condamner in solidum Mme [R] [F] venant aux droits de [O] [F] et ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], Mmes [V] et [H] [F] venant aux droits de [O] [F] et leur assureur les MMA Iard ou toute partie succombante a’ leur verser la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Mercy, avocat aux offres de droit.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 11 octobre 2021, la SARL Atelier L’Échelle demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris, en particulier en ce qu’il a rejeté toutes demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre et dit que tous les appels en garantie formés à son encontre étaient sans objet ou mal fondés,

– dire et juger mal fondées toutes les demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

– débouter la SA MMA Iard, Mme [R] [F] venant aux droits de [O] [F] et ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], Mmes [V] et [H] [F] venant aux droits de [O] [F] ou toute autre partie, de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

À titre subsidiaire,

– condamner in solidum Mme [R] [F] venant aux droits de [O] [F] et ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], Mmes [V] et [H] [F] venant aux droits de [O] [F] et leur assureur SA MMA Iard, ainsi que la banque Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

– condamner la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France ou toute partie succombante à lui verser la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nelly Gallier, avocat aux offres de droit.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 juillet 2021, la MAF demande à la cour de :

– dire l’appel de Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France mal fondé ;

– constater qu’aucune demande n’est dirigée à son encontre ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a écarté toute condamnation à son encontre ;

– juger que la faute de la SARL Atelier L’Échelle anciennement SARL Cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen n’est nullement établie et qu’il n’existe pas davantage de lien de causalité entre une hypothétique faute de l’architecte et le préjudice invoqué ;

– débouter Mme [R] [F] à titre personnel et en qualité de liquidateur, Mme [H] [F], Mme [V] [F] ainsi que les MMA et toute autre partie de leurs

demandes dirigées à son encontre ;

Subsidiairement,

– dire et juger qu’elle est fondée à opposer une non garantie à la SARL Cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen dès lors que le sinistre a perdu tout caractère aléatoire en violation des dispositions de l’article 1964 du code civil et en application de la clause d’exclusion 2.111 de la police ;

À titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger qu’elle ne pourra garantir la SARL Cabinet d’architecture François Blevin et Eric Pryen que dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise opposable aux tiers lésés ainsi qu’un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis de 500 000 € hors actualisation, ledit plafond étant unique pour l’ensemble des réclamations dirigées à son encontre dont la présente procédure et pour les autres procédures en cours, dès lors que ces réclamations ont une seule et même cause technique dans le cadre de la même opération de construction ;

– désigner le cas échéant tel séquestre qu’il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l’attente de décision définitive tranchant les différentes réclamations formées à son encontre concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;

– condamner Mmes [R] [F], [H] [F], [V] [F] et [R] [F] ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], et la SA MMA à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre en application de l’article 1382 ancien ‘ 1240 du code civil ;

– condamner la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France à la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens que la SCP Renard-Pierné pourra recouvrer directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 juillet 2021, Maître [Z] [D] [S], mandataire judiciaire, agissant suivant ordonnance du Juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil du 4 novembre 2020, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles en lieu et place de la SELARL SMJ, demande à la cour de :

– le recevoir, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles, en son intervention volontaire aux lieu et place de la SMJ ;

Y faisant droit,

– mettre la SMJ hors de cause ;

– confirmer le jugement des chefs déclarant irrecevable la demande de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles formulée par la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France ;

Y ajoutant,

– dire que pour les créances qui seraient nées postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, il n’est nullement justifié par les demandeurs du caractère méritant de la créance qui autoriserait un paiement à l’échéance ;

– débouter la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France, M. [Y] et Mme [A], les demandeurs en garantie ainsi que toute autre partie de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre notamment à sa condamnation au paiement d’une somme d’argent, à le rendre garant de toute condamnation prononcée à l’encontre d’une autre partie ou à une fixation au passif de la liquidation judiciaire,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

SUR QUOI, LA COUR,

La Selarl SMJ ayant été remplacée par Maître [S] suivant ordonnance du 4 novembre 2020 du juge commissaire du tribunal de commerce de Créteil, il convient de mettre hors de cause la SELARL SMJ et de recevoir l’intervention de Maître [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles.

I- Sur la nullité du contrat de vente par acte authentique

Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente conformément à l’article L.261-10 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version en vigueur à l’époque du contrat, qui sanctionne le non-respect des règles impératives de la vente d’immeubles à construire et en a tiré les conséquences concernant la restitution du prix de vente et a condamné le notaire et son assureur à garantir cette restitution.

La société MMA Iard appelante poursuit l’infirmation du jugement tant en ses dispositions relatives à cette annulation qu’en celles condamnant les ayants droit et le liquidateur de M. [O] [F], son assuré.

Elle fait valoir que la responsabilité civile de M. [F] ne peut être mise en jeu, dès lors qu’il est étranger au contrat de réservation et que la fiche technique annexée à ce contrat et qui mentionnait une garantie extrinsèque, n’a pas de valeur contractuelle ; qu’en outre, son assuré a adressé aux acquéreurs un projet d’acte de vente mentionnant clairement une garantie intrinsèque quelques semaines avant la vente et qu’il appartenait à ces derniers, qui ont fait choix de donner procuration pour régulariser l’acte authentique, de le lire et de s’informer ; que le notaire n’a pas à proposer une autre garantie puisque la garantie intrinsèque est licite ; que celle-ci était effective compte tenu de la commercialisation déjà très avancée du programme au moment de la signature de l’acte authentique. Il ajoute qu’il faut en prendre en compte le prix global des ventes pour évaluer le pourcentage de garantie et non les acomptes versés ; Elle estime qu’il n’existe pas de lien de causalité entre l’intervention du notaire et les faits générateurs des préjudices invoqués par les acquéreurs ; elle insiste sur le fait que le notaire n’était pas concerné par l’engagement préalable des acquéreurs et les rapports avec la société EPI Capital représentant la SCI Les Gaudinelles ; que le notaire est également sans lien avec le déblocage des fonds ; qu’aucune solidarité ne lie le notaire à un vendeur dès lors que le notaire n’a pas personnellement perçu le prix de vente ; elle précise qu’il a été procédé au déblocage des fonds par l’établissement bancaire, sur la foi de différentes attestations des architectes qui n’en ignoraient pas la finalité ; que le notaire n’est pas à l’origine de l’arrêt du chantier, au début de l’année 2009, chantier marqué par des interruptions successives en raison des défauts ou retard de paiement des entreprises imputables à la seule SCI Les Gaudinelles ; il ajoute que la SCI était in bonis au moment de la régularisation de l’acte authentique ; elle précise que la SCI est aussi à l’origine de la résiliation du bail à construction conclu le 13 mars 2006 avec la commune.

Les consorts [F] font valoir que la preuve des trois éléments permettant de retenir la responsabilité délictuelle du notaire, n’est pas rapportée ; qu’il n’y avait pas lieu, selon elles, à information sur la suppression d’une garantie extrinsèque qui n’a jamais existé ; que la lettre de notification qui a été adressée aux acquéreurs, conformément à l’article R.261-30 du code de la construction et de l’habitation, était particulièrement claire et ceux-ci étaient parfaitement informés tant sur leur droit de rétractation que sur le contenu de l’acte lui-même, signant l’acte en toute connaissance de cause et en possession de tous les documents contractuels ; que l’acte rappelle de manière très précise et dans le détail, les conditions de la garantie d’achèvement dite intrinsèque, à l’instar de la procuration qu’ils ont signée en toute connaissance de cause ; qu’il n’appartenait pas au notaire de les mettre en garde sur le risque du défaut d’achèvement du chantier en l’absence de garantie extrinsèque ou de proposer d’autres garanties ; que les acquéreurs ne peuvent davantage se prévaloir d’un défaut d’information sur la nature des droits acquis et sur la quote-part résultant d’un bail à construction précisément décrit dans l’acte authentique ; qu’en outre, le notaire n’est pas tenu de procéder à des recherches particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée ; que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, les conditions de la garantie intrinsèque étaient satisfaites lors de la signature de l’acte, les opérations de commercialisation étant bien avancées, l’avance de trésorerie consentie par M. [W], selon acte de prêt du 15 septembre 2006 au montant de 3 500 000 euros annexé à l’acte notarié, devant être regardée comme ayant bénéficié à la SCI à titre de fonds propres du vendeur et le prix du terrain d’assiette estimé par expert à la somme de 8 216 000 euros devant être pris en compte d’autant qu’il conférait au preneur un droit réel immobilier ; qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la faute du notaire et les préjudices invoqués, la source de ceux-ci se trouvant exclusivement dans la déconfiture du promoteur vendeur alors que les appartements étaient à 93 % en voie d’achèvement et les équipements collectifs à 45 %, selon le rapport de l’expert judiciaire [J] ; que les préjudices allégués ne sont ni actuels ni certains.

M. [Y] et Mme [A] sollicitent la confirmation du jugement qui a prononcé la nullité de la vente, au motif que les conditions posées par l’ancien article R. 261-18 b ancien du code de la construction et de l’habitation étaient loin d’être réalisées. Ils indiquent que le notaire avait l’obligation de veiller au respect de la réglementation d’ordre public relative à cette garantie et d’effectuer des diligences particulières s’il s’apercevait ou décelait que les éléments apportés en garantie étaient insuffisants ou douteux ; que la valeur du terrain ne pouvait pas être prise en compte dans les fonds propres de la SCI Les Gaudinelles puisque la garantie d’achèvement doit intervenir précisément lorsque les constructions ne sont pas achevées ; que SCI Les Gaudinelles n’était pas propriétaire de ce terrain, puisqu’elle en disposait dans le cadre d’un bail à construction ; que le notaire aurait dû les informer qu’en cas de non réalisation des travaux dans un délai de 4 ans à compter du 13 mars 2006, date de signature du bail à construction, celui-ci pouvait être résilié, et les constructions devenir la propriété de la commune ; que le notaire a méconnu la réglementation d’ordre public concernant la garantie d’achèvement en acceptant d’y faire figurer un prêt consenti ni par une banque ni par un établissement habilité et dont surtout il ne s’était pas assuré qu’il serait maintenu jusqu’à l’achèvement de l’opération.

Afin de solliciter la confirmation du jugement en ce qu’il a jugé mal fondées les demandes dirigées à son encontre, la société Atelier L’Échelle suivie en son argumentation par son assureur, la MAF, retrace l’historique de ce chantier qui s’est totalement arrêté au début de l’année 2009 ; elle évoque une procédure à l’encontre de la SCI Les Gaudinelles pour obtenir paiement de ses propres honoraires ainsi que la résiliation de son contrat de maîtrise d”uvre à effet au 24 février 2010, acceptée par cette SCI, soutient que l’ensemble de ses adversaires est mal fondé à rechercher sa responsabilité ; que les acquéreurs, qui ne produisent aucun document technique concernant leur propre lot, ne démontrent pas qu’elle a fourni des attestations fallacieuses, alors qu’elle a tout mis en ‘uvre pour favoriser, malgré les multiples difficultés rencontrées, l’avancement des travaux. Elle ajoute qu’il appartenait aux acquéreurs de refuser les appels de fonds intermédiaires.

La société MAF fait valoir que le fait que les acquéreurs aient signé des appels de fonds contraire au planning contractuel n’engage que ces derniers. Tant la MAF que la société L’Atelier L’échelle ajoutent qu’il ne peut être tiré argument du rapport de M. [J] du 14 avril 2014 qui ne concerne pas le lot des acquéreurs ; elles font toutefois remarquer qu’il ne retient ni insuffisances ni négligences de la part de l’équipe de maîtrise d”uvre ni, non plus, d’écart significatif entre l’avancement du chantier et les attestations établies ; qu’on ne saurait reprocher aux architectes l’établissement d’attestations de pure complaisance et procéder par analogie alors qu’il conviendrait de se placer au jour précis de leur établissement pour en apprécier la pertinence et qu’au surplus l’expert judiciaire n’a pu retenir qu’un léger écart entre l’avancement réel et les 93 % qui figurent dans les attestations de trois logements étrangers au présent litige.

A- Sur le respect des règles impératives de la vente d’immeubles à construire

L’article L.261-10 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, dispose : « Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l’un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du code civil, reproduits aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du présent code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 ».

L’article L.261-11 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, prévoit que le contrat doit être conclu par acte authentique et préciser « lorsqu’il revêt la forme prévue à l’article 1601-3 du code civil, reproduit à l’article L. 261-3 du présent code, la garantie de l’achèvement de l’immeuble ou du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement ».

L’article R.261-17 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, prévoyait deux types de garanties d’achèvement de l’immeuble dans le cadre des ventes d’immeubles à construire : une garantie dite intrinsèque résultant « de l’existence de conditions propres à l’opération », et une garantie dite extrinsèque résultant « de l’intervention, […], d’une banque, d’un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier, d’une entreprise d’assurance agréée à cet effet ou d’une société de caution mutuelle constituée conformément aux dispositions de la loi modifiée du 13 mars 1917, ayant pour objet l’organisation du crédit au petit et moyen commerce, à la petite et moyenne industrie ».

L’article R.261-18 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, relatif à la garantie intrinsèque, dispose :

« La garantie d’achèvement résulte de l’existence de conditions propres à l’opération lorsque cette dernière répond à l’une ou à l’autre des conditions suivantes :

a) Si l’immeuble est mis hors d’eau et n’est grevé d’aucun privilège ou hypothèque ;

b) Si les fondations sont achevées et si le financement de l’immeuble ou des immeubles compris dans un même programme est assuré à concurrence de 75 % du prix de vente prévu :

– par les fonds propres au vendeur ;

– par le montant du prix des ventes déjà conclues ;

– par les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédit immobilier, déduction faite des prêts transférables aux acquéreurs des logements déjà vendus.

Toutefois, le taux de 75 % est réduit à 60 % lorsque le financement est assuré à concurrence de 30 % du prix de vente par les fonds propres du vendeur.

Pour l’appréciation du montant du financement ainsi exigé, il est tenu compte du montant du prix des ventes conclues sous la condition suspensive de la justification de ce financement dans les six mois suivant l’achèvement des fondations.

En l’espèce, l’acte de vente notarié dont la nullité est soulevée comporte, en page 21 et dans les termes précisément repris par le tribunal, un chapitre intitulé « garantie d’achèvement », comportant le rappel des dispositions de l’article R.261-18 b du code de la construction et de l’habitation, s’analysant en une garantie intrinsèque d’achèvement supposant la réunion de conditions financières précises qui devaient être remplies au moment de la vente.

La société venderesse précisait notamment que « le prix de vente prévu pour tout l’ensemble immobilier dont dépendent les biens vendus s’élève à la somme de 20 292 656 euros », que « le financement dont la société demanderesse doit justifier aux termes de l’article R. 261-18 b) précité est de 60 % du prix de vente, soit 12 175 593 euros ». Elle justifiait « avoir ce financement à sa disposition ainsi qu’il suit : par le terrain sur lequel sont édifiés des constructions, lequel a été estimé par monsieur [K] [U], expert en estimation immobilière, (…) à la somme de 8 216 000 euros » et « par la trésorerie de la SCI composée :

* des fonds versés par monsieur [M], ainsi qu’il résulte d’une reconnaissance de dette régularisée en l’étude du notaire soussigné le 1er mars 2006, d’un montant de 160 000 €,

* du prêt consenti à la SCI suivant acte reçu par le notaire soussigné le 15 septembre 2006 pour un montant de 3 700 000 €,

* par le montant total du prix des ventes réalisées, sous conditions suspensives avant ce jour, ce qui est attesté par le notaire soussigné, soit la somme de 1 192 280 €, soit une somme de 13 268 280 euros représentant un total supérieur au financement dont la SCI doit justifier ».

Si pour assurer la viabilité financière de l’opération de construction jusqu’à son achèvement, un taux de 60 % de financement suffit lorsque les fonds propres représentent 30 % du prix de vente prévu, ainsi qu’il résulte des dispositions de l’article R 261-18 b) précité, force est de considérer qu’en l’espèce la SCI Les Gaudinelles ne satisfaisait pas à ces exigences.

En effet, au rang des fonds propres qui devait s’élever à 30 % du prix de vente total de l’ensemble immobilier, soit, 6 087 796,80 euros, contrairement à ce que soutiennent les consorts [F] et leur assureur, il ne pouvait être tenu compte du terrain d’assiette, lequel conférait, certes, à la SCI preneuse un droit réel immobilier mais non un droit de propriété payé par des fonds appartenant au vendeur, d’autant que le bien était grevé d’hypothèques et que le bail à construction consenti pour une durée de 99 ans était assorti d’une faculté de résiliation anticipée en cas d’inachèvement du chantier dans un délai de quatre ans, ce qui a été effectivement le cas, ainsi qu’il résulte de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans le 19 octobre 2015 qui a prononcé la résolution judiciaire de ce contrat en raison des manquements de la SCI Les Gaudinelles.

En outre l’estimation ainsi avancée était dénuée de pertinence puisqu’elle constituait, selon le rapport de M. [U], « une estimation en valeur de terrain à bâtir », et non d’après la valeur du droit réel immobilier constitué par le bail à construction consenti le 13 mars 2006 à la SCI.

S’agissant de la trésorerie invoquée dans l’acte authentique, le prêt au montant de 3 500 000 euros consenti le 15 septembre 2006 par un simple particulier pour une durée de huit mois et moyennant le paiement d’intérêts, ne peut être regardé comme entrant dans les fonds propres de la SCI dans la mesure où il se devait d’être disponible jusqu’au terme de l’opération. Par ailleurs, la reconnaissance de dette de M. [M] dont il est fait état, sans plus d’éléments d’explication, ne constitue qu’une autre créance à recouvrer au moyen d’un document contenant, certes, un engagement de payer mais soumis aux aléas de son exécution et, en toute hypothèse, au montant fort modeste en regard du prix de vente de l’ensemble immobilier.

Enfin, s’agissant du produit des ventes déjà conclues (qui s’ajoute aux fonds propres et dont il lui aurait fallu justifier à hauteur de 30 % également), il est patent que le montant de 1 192 280 euros porté à l’acte de vente, pour autant que les acquéreurs concernés aient été solvables, est inférieur au montant requis, les acquéreurs ajoutant à juste titre que même s’il était tenu compte du produit réel des ventes réalisées à la date de l’acte authentique qui a pu être invoqué par les consorts [F] et leur assureur, sans justificatifs comptables, le taux de 75 % requis (soit, en l’espèce 15 219 492 euros) en l’absence de la justification de fonds propres à hauteur de 30 %, n’aurait pas été atteint.

Il résulte de ces éléments que le tribunal a, à juste titre, fait droit à la demande d’annulation de cette vente consentie en méconnaissance des prescriptions d’ordre public en matière de vente en état futur d’achèvement.

B- Sur les conséquences de l’anéantissement du contrat de vente

La nullité d’un contrat, emporte son effacement rétroactif, et a pour effet de remettre les parties dans leur situation initiale.

Le prix de vente débloqué doit être restitué par la société venderesse aux acquéreurs. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la SCI Les Gaudinelles doit restituer à M. [Y] et Mme [A] la somme de 100 700 euros, avec intérêts à compter de la date de l’assignation soit le 18 octobre 2012, et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil, et déclaré irrecevable la demande visant à l’inscription de ladite somme au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles.

Toutefois, la somme de 100 700 euros correspond à la seule somme débloquée par le prêteur. Or, il est justifié aux débats que les acquéreurs ont également versé une partie du prix avec un apport personnel de 7 348,33 euros. En conséquence, il convient de dire que la SCI Les Gaudinelles sera également tenue à la restitution de cette somme à M. [Y] et Mme [A].

S’agissant du contrat de prêt souscrit par les acquéreurs, il y lieu de rappeler qu’un contrat de prêt se trouve résolu par l’annulation rétroactive de la vente en vue de laquelle il avait été accordé, vente qui est censée n’avoir jamais été conclue, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 16 décembre 1992, n° 90-18.151).

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de prêt précité conclu avec la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné M. [Y] et Mme [A] à restituer à la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France la somme de 100 700 euros, outre les intérêts à compter du jugement, condamné la Caisse d’épargne Île-de-France à restituer à M. [Y] et Mme [A] les échéances versées, les intérêts arrêtés au 5 juillet 2015 soit 47 034,45 euros et les frais de dossier et de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et ordonné la compensation entre ces créances respectives.

II ‘ Sur les appels en garantie

A- Sur la garantie du notaire et de son assureur

Me [F] a notifié, dix jours avant de dresser l’acte authentique, un projet d’acte de vente aux acquéreurs contenant une faculté de rétractation qu’ils n’ont pas exercé et mentionnant la garantie intrinsèque d’achèvement.

Même si le notaire n’est pas intervenu à la signature du contrat préliminaire, il n’en demeure pas moins qu’il était supposé avoir une parfaite connaissance du projet, en sa qualité de « notaire de l’opération » et qu’il devait en avoir pris connaissance pour dresser le contrat de vente, de sorte que, même si la fiche technique annexée au contrat préliminaire et mentionnant l’existence d’une garantie extrinsèque ne peut être regardée comme ayant une valeur contractuelle, il reste qu’il incombait au notaire d’attirer l’attention des acquéreurs sur les risques que comportait la substitution d’une garantie intrinsèque à la garantie extrinsèque, contrairement à ce qu’affirment consorts [F].

Si les consorts [F] soulignent le caractère licite de la garantie intrinsèque à cette date et le défaut de pouvoir du notaire dans le choix de la garantie, ce professionnel de la vente immobilière ne pouvait ignorer, à la date de la vente, que la garantie intrinsèque se révélait, dans la pratique, moins sécurisante dans les opérations de ventes en état futur d’achèvement et suscitait une perte de confiance des consommateurs, à telle enseigne que le législateur l’a supprimée en 2013.

Me [F] devait d’autant plus mettre en garde les acquéreurs sur la fragilité de la protection assurée par la garantie intrinsèque telle que détaillée dans l’acte authentique, qu’il avait nécessairement connaissance du caractère insuffisant et inadapté, voire artificiel, de cette garantie dans la mesure où il avait participé à la rédaction du bail à construction et au financement de la SCI au moyen du prêt consenti par M. [W] qu’il avait présenté aux dirigeants de la SCI et qu’il ne pouvait ignorer, en 2008, les difficultés d’avancement du chantier compte tenu des retards de paiement de la SCI.

Au surplus, si les consorts [F] se prévalent d’une information donnée par le notaire sur l’existence d’un bail à construction, elles ne démontrent pas qu’il a attiré leur attention sur la clause de résiliation en cas d’inachèvement du chantier dans le délai de quatre années suivant le démarrage du chantier, ce qui conduisait à la perte de l’assiette foncière de la construction.

Par ailleurs, le crédit de 3 700 000 euros qui, selon l’acte du 15 septembre 2006, avait pour objet « une avance de trésorerie nécessaire au démarrage du programme notamment par le paiement de différentes factures » ne pouvait être considéré comme constitutive de « fonds appartenant au vendeur » au sens de l’article R.261-18 du code de la construction et de l’habitation, de sorte que le taux réduit de 60 % n’avait pas vocation à trouver application pas plus, d’ailleurs, qu’un financement assuré à 75 % du prix de vente qui suppose, « des crédits certains, irrévocables et maintenus jusqu’à l’achèvement des travaux ».

Le notaire qui, compte tenu de son importante implication dans ce programme immobilier dès le bail à construction, ne pouvait méconnaître ces exigences. Il a, ainsi, par l’absence d’information et de conseil sur cette garantie intrinsèque d’achèvement, manqué à l’obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il a prêté son ministère, de sorte que les consorts [F] ne sont pas fondées à invoquer une absence de lien de causalité entre ces manquements et le dommage subi par les acquéreurs.

En effet, si la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l’annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, tel n’est pas le cas lorsque cette restitution est devenue impossible du fait de l’insolvabilité démontrée du vendeur, de sorte que les acquéreurs, privés de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifient d’une perte subie équivalant au prix de la vente annulée, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 18 juin 2002, n° 99-17.122 ; Civ. 1re, 5 avril 2018, n° 17-14.114).

La situation juridique et financière de la SCI Les Gaudinelles conduit à considérer qu’en dépit de la simple affirmation, non démontrée des consorts [F] sur l’absence de préjudice né et actuel et en l’absence de production d’éléments permettant à la cour de la tenir pour solvable, les acquéreurs peuvent se prévaloir de son insolvabilité.

En conséquence, les acquéreurs sont tant recevables que fondés à rechercher la garantie du notaire, aux droits desquels viennent les consorts [F] et celle de la société MMA Iard assurant la responsabilité civile de Me [O] [F], du fait de l’engagement de la responsabilité du notaire à leur égard.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que Me [F] a engagé sa responsabilité à l’égard des acquéreurs sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil et a condamné Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F] ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et la société MMA Iard à garantir la restitution du prix de vente aux acquéreurs à hauteur de 100 700 euros compte tenu de l’insolvabilité de la SCI Les Gaudinelles.

Cette garantie sera étendue à l’apport personnel versé par les acquéreurs à la SCI Les Gaudinelles soit la somme de 7 348,33 euros.

B- Sur les appels en garantie à l’égard de la société d’architecture

Les consorts [F] et la société MMA Iard poursuivent l’infirmation du jugement sur ce point qui a débouté ces derniers de leurs réclamations dirigées à l’encontre de cette société d’architecture en demandant à la cour de retenir une faute commise par celle-ci et de la condamner à garantie.

Il est, en substance, reproché à la société Blevin & Pryen devenue la SARL Atelier L’Échelle, d’avoir délivré six attestations d’avancement des travaux ayant conduit au déblocage de fonds au profit de la SCI Les Gaudinelles suivant l’échéancier convenu en contradiction avec l’état d’avancement réel du chantier incluant, selon eux, la réalisation des équipements collectifs faisant partie intégrante du projet, ceci en toute connaissance de cause, les consorts [F] et leur assureur estimant que ces fautes sont à l’origine directe et exclusive du paiement du prix de vente. Il est, pour ce faire, tiré argument du rapport d’expertise judiciaire dressé par M. [J] dans une procédure concernant le même programme, qui se prononce sur l’avancement de travaux relatifs à des lots d’autres acquéreurs. La société MMA Iard fait en outre valoir que cette société d’architecture, qui écrivait elle-même à la SCI, le 3 juillet 2008, qu’elle n’était pas payée de ses honoraires depuis plus d’un an et demi, ne pouvait ignorer les difficultés financières de la SCI et les impayés subis par les entrepreneurs à l’origine de suspensions successives des travaux.

Il convient de relever que les attestations incriminées ont été émises les 19 mars 2007 (achèvement des planchers hauts, à l’exclusion de divers lots parmi lesquels ne figure pas le lot en cause), 29 novembre 2007 (mise hors d’eau pour les logements 60 à 65), 23 juin 2008 (ensemble des cloisons terminé dans les logements 60 à 65), 08 décembre 2008 (« certifions pour les logements suivants l’avancement ci-dessous : Travaux d’achèvement : avancement 93 % pour les logements 1 à 151 ») et qu’il échet de les distinguer de l’état d’avancement des travaux portant sur les travaux relatifs aux infrastructures collectives prévues dans le projet de cette résidence (piscine, restaurant, salle polyvalente…), la société d’architecture et son assureur se prévalant au surplus du fait qu’il s’agissait d’une résidence de tourisme de la catégorie deux étoiles qui ne requiert, selon le référentiel de classement applicable, qu’une surface du hall de réception d’environ 50 m².

Il est certain que cette société d’architecture ne peut raisonnablement nier qu’elle savait que les attestations qu’elle délivrait servaient au déblocage progressif des fonds au profit de la venderesse et elle ne peut se retrancher derrière l’intervention de la société Coteba dès lors qu’elle prenait seule la responsabilité de les approuver en apposant sa signature.

Force est néanmoins de considérer que les parties recherchant sa responsabilité ne prouvent, comme il leur appartient de le faire, que le contenu des attestations ne correspondait pas à l’état d’avancement effectif du lot précisément concerné au jour de leur établissement, quand bien même le chantier dans sa globalité accusait des retards ou que le promoteur connaissait des difficultés de trésorerie, et qu’il s’agirait donc, selon les termes employés, d’attestations « de complaisance ».

À cet égard, ces parties ne sauraient tirer argument seulement du rapport d’expertise de M. [J] portant sur l’avancement des travaux afférents à des lots acquis par d’autres acquéreurs et réalisée dans le cadre d’une autre instance ‘ et reprocher, incidemment, au tribunal de ne pas en avoir tenu compte – pour affirmer que la société d’architecture a, par la délivrance de ces attestations, contribué à la réalisation du dommage causé par un défaut d’achèvement que rien ne permettait sérieusement de garantir et sur lequel les acquéreurs ont été tenus dans l’ignorance.

En outre, elles ne contredisent pas la société Atelier l’Échelle lorsqu’elle ajoute, en individualisant précisément onze lots de cette autre procédure, que l’expert judiciaire n’a pas trouvé d’écart significatif entre l’avancement du chantier et les attestations établies.

Il ne peut davantage lui être reproché la méconnaissance de l’échéancier prévu à l’acte de vente dans la mesure où l’initiative du déblocage des fonds tel que pratiqué, ceci avec l’accord des acquéreurs, est imputable à la seule SCI Les Gaudinelles.

Il s’ensuit que les consorts [F] et MMA, faute d’en justifier, ne sont pas fondées en leurs demandes de garantie à l’encontre de la société d’architecture et de son assureur.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées à leur encontre.

C- Sur l’appel en garantie du prêteur

La société MMA Iard sollicite la garantie intégrale de la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France au motif qu’il s’agit d’une banque sélectionnée au préalable par le promoteur.

Les consorts [F] recherchent la garantie totale du prêteur qui, selon elles, faisaient partie intégrante de l’opération projetée et elles concluent au rejet de la demande de garantie qu’ils formulent à leur encontre.

Elles soutiennent que le prêteur ne pouvait ignorer les caractéristiques de l’opération projetée dans la mesure où il les avait étudiées et avalisées avec la société chargée de sa commercialisation ; elles lui reprochent de n’avoir pas attiré l’attention des emprunteurs sur ses caractéristiques, en particulier sur l’absence de garantie extrinsèque et sur le risque que l’endettement né de l’octroi du crédit soit supérieur à celui qu’avait envisagé l’emprunteur. Selon elles, il n’appartenait pas au notaire de procéder à des recherches particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée par les acquéreurs ; elles estiment que la responsabilité de la banque, intervenant en amont de l’opération et bien avant l’intervention du notaire, préexistait nécessairement à celle du notaire qui n’est intervenu qu’au stade de la régularisation de l’acte authentique.

Mais il est constant que le prêteur n’est tenu à l’égard des emprunteurs qui au demeurant, ne se prévalent pas d’un manquement qui lui serait imputable, qu’à une obligation de mise en garde sur les éventuels risques liés à un endettement excessif. En revanche, il appartient au notaire d’informer les acquéreurs sur les risques résultant de l’absence de garantie extrinsèque ou sur les conséquences d’une garantie intrinsèque dont les conditions posées par les articles 261-11 et R 261-18 b) du code de la construction et de l’habitation ne sont pas réunies.

L’argument tiré de la préexistence de sa responsabilité ne saurait donc prospérer, dès lors que leurs obligations respectives ne sont pas identiques et que l’obligation d’information et de conseil sur ce dernier point pesait exclusivement sur le notaire qui devait, en particulier, assurer l’efficacité de l’acte qu’il instrumentait et qui a manqué à cette obligation en soumettant le contrat de vente litigieux à la signature d’acquéreurs profanes.

La garantie du prêteur ne saurait, par conséquent, être recherchée par les consorts [F] et la société MMA Iard.

Ces demandes seront donc rejetées, et le jugement sera confirmé de ce chef.

III- Sur la réparation des préjudices

Au regard de ce qui précède, l’échec du programme immobilier est imputable à la SCI Les Gaudinelles.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que la SCI Les Gaudinelles a engagé sa responsabilité à l’égard des acquéreurs sur le fondement des dispositions de l’article 1147 ancien du code civil.

Le notaire – aux droits duquel viennent les consorts [F] – qui, par ses fautes en lien direct avec l’annulation du contrat de vente, en exposant les parties à un risque d’annulation de vente qui s’est finalement réalisé, a engagé sa responsabilité délictuelle ainsi que la société MMA Iard assurant la responsabilité professionnelle du notaire.

Ces parties sont donc tenues de garantir intégralement les acquéreurs.

A- Sur le préjudice des acquéreurs

Les acquéreurs font valoir qu’ils ont subi un préjudice lié au risque de recouvrement de la TVA, et un préjudice moral.

Sur la TVA

Les acquéreurs sollicitent l’infirmation de la décision des premiers juges au motif que du fait de l’anéantissement de la vente ils vont devoir restituer à l’administration fiscale le montant du crédit de TVA dont ils ont bénéficié. La société MMA Iard et les consorts [F] soutiennent qu’il s’agit d’une imposition et non d’un préjudice réparable et que faute de pouvoir bénéficier du programme de défiscalisation, ils sont remis dans la situation fiscale qui aurait dû être la leur.

Si les acquéreurs produisent, à titre de preuve, une attestation du service des impôts mentionnant qu’ils ont obtenu le remboursement du crédit de TVA pour un montant de 10 472 euros, ils ne justifient pas qu’ils ont été contraints de rembourser cette somme à l’administration fiscale du fait de l’anéantissement de l’opération de défiscalisation. Le risque d’avoir à rembourser cette somme à l’administration fiscale, sur le fondement allégué de l’article 207 du code général des impôts, est donc dépourvu de caractère certain, et ce d’autant plus que les demandes en remboursement ne sont pas imprescriptibles.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

Sur le préjudice moral

Les acquéreurs demandent la confirmation du jugement qui leur a alloué la somme de 10 000 euros chacun au titre du préjudice moral subi, au motif qu’ils ont été contraints d’engager différentes procédures pour faire valoir leurs droits sans contrepartie avec le versement des loyers ; qu’ils ont perdu l’espoir de compléter leur retraite par les loyers perçus et par la possibilité de revente du bien. La société MMA Iard et les consorts [F] s’opposent à cette demande au motif notamment que ce préjudice serait inexistant.

Cependant, il est établi que acquéreurs ont subi divers tracas et contraintes financières durant de longues années de procédure, outre le fait que leur projet de financer leur retraite a échoué. Ces éléments constituent un préjudice distinct de celui réparé par l’annulation du contrat de vente et en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, ce dommage justifie une indemnisation spécifique, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 15 juin 2016, n° 15-14.192, 15-17.370, 15-18.113).

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué aux acquéreurs la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice moral et condamné les consorts [F], le liquidateur de la SCP [O] [F], et la société MMA Iard in solidum à leur verser cette somme.

B- Sur le préjudice du prêteur

B.1- Sur la recevabilité de la demande

La société MMA Iard soutient que la banque a eu connaissance de la demande relative à l’annulation du contrat de prêt et à la perte des intérêts en découlant aux termes de l’assignation qui lui a été délivrée par les demandeurs le 23 avril 2014 ; qu’à compter de cette date, la banque avait nécessairement connaissance de son préjudice, de sorte que le délai de prescription prévu à l’article 2224 du code civil avait commencé à courir ; que la demande de la banque, formulée qu’à compter de ses conclusions signifiées le 21 novembre 2019, elle se trouve irrecevable comme prescrite depuis le 24 avril 2019.

Les consorts [F] indiquent que le point de départ de la prescription prévue à l’article 2224 du code civil, est la connaissance par la banque de son préjudice, soit en l’espèce, la délivrance de l’assignation par les demandeurs ; qu’ainsi, dès le 23 avril 2014, la banque avait bien connaissance des faits lui permettant d’exercer son action en indemnisation ; que la cour confirmera le jugement en ce qu’il a déclaré l’action engagée par la Caisse d’épargne d’Île-de -France irrecevable comme prescrite.

La Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France réplique que la fin de non-recevoir soulevée est inopérante dès lors qu’il est invoqué des règles de prescription propres aux appels en garantie ; que ses demandes ont pour objet d’indemniser le préjudice qu’elle est susceptible de subir en cas de nullité du contrat de prêt, qui dépend exclusivement de l’issue de l’instance qui doit notamment statuer préalablement sur la nullité ou non du contrat de vente qui entraînerait la nullité du contrat de prêt ; que son dommage ne prend naissance qu’au jour où le contrat de prêt est annulé par la juridiction de sorte que le point de départ de l’action en réparation de son préjudice ne naît qu’à compter de cette annulation ; que le jour où elle a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action ne peut être antérieur à la date du jugement rendu le 3 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Tours qui était amené à statuer sur la nullité du contrat de vente et du contrat de prêt, de sorte que sa demande n’est pas prescrite ; que si la cour venait à considérer que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 24 avril 2014, il conviendra de constater que le décès de Maître [F] a nécessairement eu pour conséquence de suspendre ce délai de prescription.

En l’espèce, la demande de la banque visait, dans l’hypothèse de l’annulation du contrat de vente et consécutivement du contrat de prêt souscrit par les emprunteurs auprès d’elle, à voir condamner toute partie reconnue responsable de l’annulation de la vente à l’indemniser des préjudices résultant de l’annulation du contrat de prêt.

Il s’ensuit que le dommage subi par la banque qui n’était qu’éventuel lors de la délivrance de l’assignation par l’emprunteur, ne s’est réalisé qu’à compter du jugement du tribunal judiciaire de Tours du 3 décembre 2020 prononçant la nullité du contrat de prêt par suite de l’annulation du contrat de vente financé.

La demande de la banque qui n’est donc pas prescrite sera déclarée recevable et le jugement sera infirmé de ce chef.

B.2 ‘ Sur le bien-fondé de la demande

Les consorts [F], le liquidateur de la SCP [O] [F] et la société MMA Iard sollicitent l’infirmation de leurs condamnations au profit du prêteur. La société MMA Iard soutient que la banque n’établit pas l’existence d’une faute du notaire, d’un préjudice et d’un lien de causalité ; que les restitutions dues à la suite de l’anéantissement d’un contrat de prêt ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable ; que le préjudice de la banque, s’agissant des intérêts à échoir, ne saurait s’analyser qu’en une perte de chance. Les consorts [F] et le liquidateur de la SCP [O] [F] considèrent que les fonds ont été débloqués par les banques après des manquements à leurs obligations ; que le préjudice allégué n’est qu’une perte de chance qui ne peut être égale au gain espéré ; que la banque peut solliciter la réparation du préjudice résultant pour elle de la restitution des intérêts au taux conventionnel, déduction faite des intérêts au taux légal versés par les acquéreurs ; qu’il est certain qu’au regard des taux aujourd’hui pratiqués pour les prêts immobiliers, les acquéreurs auraient nécessairement renégocié leurs crédits, afin de bénéficier d’un taux plus avantageux ; qu’il est indéniable que la banque n’aurait pas perçu les intérêts dont elle sollicite aujourd’hui le paiement ; que le dommage allégué par la banque est nul.

La banque explique que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; que la faute du notaire a été parfaitement établie ; qu’en qualité de prêteur, elle n’était pas tenue d’attirer l’attention des emprunteurs sur l’absence de garantie extrinsèque et aucune faute ne peut être retenue à son encontre ; qu’il est désormais établi que la perte des intérêts conventionnels constitue un préjudice réparable ; que l’annulation ou la résolution du contrat de prêt la prive de l’ensemble des sommes auxquelles elle pouvait prétendre dans le cadre de l’exécution du contrat de prêt jusqu’à son terme ; que tout succombant ayant commis une faute de nature à annuler la vente du bien immobilier litigieux est incontestablement responsable des préjudices subis par elle en raison de l’annulation accessoire du contrat de prêt souscrit auprès par les emprunteurs ; que s’agissant de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir, celle-ci est équivalente à l’intégralité de ces intérêts puisqu’aucun élément ne permet de démontrer que le prêt ne serait pas parvenu à son terme ; qu’il n’est pas démontré que les emprunteurs auraient tiré avantage à solliciter la renégociation de leur prêt ; que dans le cadre du règlement d’une créance de compensation judiciaire, l’établissement bancaire ne tire strictement aucun avantage au remboursement anticipé du prêt, car la créance versée par les emprunteurs ne rembourse que partiellement le capital débloqué qui s’amortit beaucoup plus rapidement en matière de créance de compensation judiciaire que le capital restant dû à titre contractuel qui tenait compte des intérêts conventionnels dans chaque échéance réglée ; qu’en matière de créance de compensation judiciaire, le prêteur ne peut prétendre au versement d’aucune indemnité de remboursement anticipé auprès des emprunteurs qui viendrait compenser partiellement le préjudice subi au titre des intérêts à échoir non perçu jusqu’au terme contractuel du prêt ; qu’il convient également de l’indemniser des frais de garantie et des frais de dossier.

La banque n’a commis aucune faute à l’origine de l’annulation de la vente immobilière, et de l’annulation du contrat de prêt ainsi qu’il a été précédemment exposé. En revanche, il est établi que le notaire et la société venderesse ont commis une faute ayant conduit à l’annulation de ces contrats.

S’il est exact que les restitutions dues à la suite de l’anéantissement d’un contrat de prêt ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable, de sorte que le notaire ne peut être tenu à garantir ces sommes qu’en cas d’insolvabilité des emprunteurs, la banque dont le contrat est annulé par la faute d’un tiers est fondée à agir à l’encontre du responsable en réparation du préjudice subi, sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

À la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque peut être indemnisée au titre de la restitution des intérêts échus et peut se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 3e, 1er juin 2017, n° 16-14.428). La réparation d’une perte de chance, qui doit être mesurée à la chance perdue, ne peut être égale à l’avantage du gain espéré.

La banque justifie que les intérêts échus réglés par l’emprunteur s’élevaient à la somme de 16 796,79 euros au titre des intérêts conventionnels échus pendant la phase d’amortissement arrêtés au 18 novembre 2022. Cette somme venant en déduction du capital devant être restitué par les emprunteurs à la banque constitue un préjudice certain subi par celle-ci, devant être indemnisé par le notaire et son assureur.

S’agissant des intérêts intercalaires, l’offre de prêt stipule qu’ils sont dus au taux du prêt sur les sommes mises à disposition des emprunteurs, à compter de la date effective du versement jusqu’à la date retenue comme point de départ de l’amortissement. Il était également stipulé que ces intérêts en phase de préfinancement seraient capitalisés en fin de phase et composés annuellement. Les intérêts intercalaires échus et réglés par les emprunteurs s’élèvent à la somme de 14 869,46 euros.

Il est établi que la banque a subi un préjudice certain à raison de la privation de ces intérêts intercalaires calculées sur les fonds débloqués, et jusqu’au début de l’amortissement du prêt. En conséquence, il convient de retenir un préjudice à hauteur de 31 666,25 euros (16 796,79 + 14 869,46) au titre des intérêts échus.

Les intérêts à échoir qui s’élèvent à la somme de 30 873,99 euros ne peuvent être indemnisés qu’au titre de la perte de chance subie par la banque à raison de l’annulation rétroactive du contrat de prêt.

Les consorts [F] soutiennent qu’il n’est pas établi que le préjudice de perte des intérêts conventionnels ne serait pas compensé par la restitution immédiate du capital emprunté, mais elle ne précise pas l’avantage que celle-ci constituerait par rapport à l’exécution du prêt jusqu’au terme convenu. Il convient de rappeler que le prêteur a droit à la restitution intégrale du capital prêté que ce soit au fur et à mesure des échéances du prêt jusqu’au terme de celui-ci ou en cas d’annulation du prêt. Toutefois, en cas d’annulation, si le capital restant dû lui revient prématurément, le prêteur est privé des intérêts à échoir qui constituait l’intérêt financier de l’opération pour celui-ci. Les intérêts à échoir constituent donc une perte de gain définitive pour le prêteur au titre du contrat annulé qui ne sera pas compensée par l’octroi d’un autre prêt à un tiers. Il n’est donc pas établi que la perte des intérêts à échoir était compensée, en tout ou en partie, par la restitution immédiate du capital prêté par suite de l’annulation du contrat de prêt.

Il convient de dire que la perte de chance est de 80 % dans la mesure où la finalité de l’achat, et la compensation qui devait être faite entre les échéances de l’emprunt et les loyers qui devaient être perçus dans le cadre de la location du bien, ainsi que les avantages fiscaux impliquent qu’il existe une forte probabilité que l’acquéreur ait poursuivi le remboursement de l’emprunt jusqu’à son terme, mais il existait néanmoins un aléa quant à l’entier paiement des intérêts conventionnels, notamment en cas de remboursement par anticipation du prêt. Le préjudice subi au titre des intérêts à échoir s’élève donc à la somme de 24 699,19 euros.

Par ailleurs, à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque est fondée à être indemnisée au titre de la restitution des frais qui avaient été mis à la charge de l’emprunteur mais qu’elle doit supporter du fait de l’annulation (Civ. 1re, 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.428).

La banque établit qu’elle subit également un préjudice au titre des frais de garantie engagés à hauteur de 1 219 euros, et des frais de dossier à hauteur de 500 euros, sommes qu’elle doit restituer aux emprunteurs.

En conséquence, il convient de condamner in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F] ès qualités d’ayant droits de Maître [O] [F], ainsi que Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et la société MMA Iard, à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France la somme totale de 58 084,44 euros (31 666,25 + 24 699,19 + 1 219 + 500) en réparation de son préjudice.

En application de l’article 1231-7 du code civil auquel il n’y a pas lieu de déroger, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et les intérêts seront capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil.

IV- Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles sauf en ce qu’il a débouté la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [F], le liquidateur de la SCP [O] [F] ès qualités et la société MMA Iard qui succombent seront déboutés de leurs prétentions au titre des dépens et frais irrépétibles et condamnés, in solidum, à supporter les entiers dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il convient de condamner in solidum les consorts [F], le liquidateur de la SCP [O] [F] ès qualités ainsi que la société MMA Iard à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, et à verser aux acquéreurs une somme complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARE la SELARL SMJ hors de cause ;

REÇOIT l’intervention volontaire de Me [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles en lieu et place de la SELARL SMJ ;

INFIRME le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande de la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France de réparation de son préjudice ;

LE CONFIRME pour le surplus des chefs critiqués ;

STATUANT À NOUVEAU sur le chef infirmé et y AJOUTANT :

DIT que la SCI Les Gaudinelles doit restituer à M. [Y] et Mme [A] la somme de 7 348,33 euros au titre du prix de vente réglé au moyen de leur apport personnel ;

DIT que Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F] ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] et la société MMA Iard doivent garantir à M. [Y] et Mme [A] la restitution du prix de vente réglé par apport personnel à hauteur de 7 348,33 euros ;

DÉCLARE recevable la demande de la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France d’indemnisation de son préjudice ;

CONDAMNE in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F], en qualité d’ayants droits de Me [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], et la société MMA Iard, à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France la somme de 58 084,44 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F], ayants droit de [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F], ainsi que la société MMA Iard à verser, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à M. [Y] et Mme [A] la somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l’instance d’appel, et la somme de 5 000 euros à la Caisse d’épargne et de prévoyance Île-de-France ;

REJETTE les autres demandes d’indemnité formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Mmes [R], [H] et [V] [F], ayants droit de [O] [F], et Mme [R] [F], ès qualités de liquidateur de la SCP [O] [F] ainsi que la société MMA Iard à supporter les dépens d’appel ;

DIT que Maître [T] [I], Maître Élisabeth Mercy, Maître Nelly Gallier, et la SELARL Renard-Pierné pourront recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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