Responsabilité du Notaire : 13 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/14999

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Responsabilité du Notaire : 13 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/14999
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 13 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/14999

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Août 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL – RG n° 18/06360

APPELANTS

Monsieur [J] [E]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878, et ayant pour avocat plaidant Me Johann BIOCHE, avocat au barreau de PARIS

Madame [M] [Y] épouse [E]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878, et ayant pour avocat plaidant Me Johann BIOCHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.C.P. CARELY VIE CALMET GUEZ TAILLANDIER

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre chargée du rapport, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, pour la Première Présidente de chambre empêchée, et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Par acte authentique dressé le 21 septembre 2007 par l’office notarial Scp Carely, Vie, Calmet, Guez, Taillandier (ci-après ‘l’office notarial’), M. [J] [E] et Mme [M] [Y] épouse [E] ont acquis de Mme [H] [G] veuve [L], un terrain constitué de deux parcelles cadastrées AN n°[Cadastre 5] et AN n°[Cadastre 3], situé à [Adresse 10], moyennant un prix de 315 000 euros.

Le bien vendu était désigné comme un terrain à bâtir et les époux [E] ont fait connaître leur souhait d’édifier une résidence secondaire sur les parcelles acquises. L’acte authentique de vente comportait à cet effet un certificat d’urbanisme en annexe, délivré par la mairie du [Localité 11] le 20 octobre 2006, prorogé le 30 août 2007 pour une durée d’un an. Le certificat d’urbanisme mentionnait que l’opération de construction était réalisable.

Le 7 janvier 2008, à l’occasion des opérations de bornage des parcelles acquises, Mme [D], voisine mitoyenne de la parcelle AN [Cadastre 3], a revendiqué la propriété de cette parcelle.

Par jugement du 24 mai 2017, le tribunal de grande instance de Toulon a estimé que les conditions de la prescription acquisitive étaient remplies au profit des consorts [D] et a ordonné la reconnaissance de la propriété de la parcelle AN [Cadastre 3] au profit des consorts [D].

En conséquence de la perte de propriété sur la parcelle AN [Cadastre 3], les époux [E] ont sollicité le 16 mars 2015 un permis de construire sur la parcelle AN [Cadastre 5]. Le 27 mai 2015, la commune a refusé le permis de construire en raison des risques pour la sécurité des usagers que la création d’un accès sur la route départementale 559 pouvait occasionner.

Le 2 juin 2016, les époux [E] ont déposé une nouvelle demande de permis de construire avec un décalage de la voie d’accès au terrain, pour ne pas empiéter sur la voie publique.

Le permis de construire a été accordé le 16 septembre 2016, mais la commune s’est rétractée à la suite d’un recours de la voisine mitoyenne de la parcelle AN [Cadastre 5], Mme [R], au motif d’une erreur figurant dans le cadastre, la commune pensant disposer de droits indivis sur un chemin d’accès figurant sur la parcelle AN [Cadastre 2], lequel permettait aux époux [E] d’accéder à leur parcelle AN [Cadastre 5], alors que ce chemin était en réalité la propriété exclusive de Mme [R], sans que la commune dispose de droits sur celui-ci.Le permis de construire n’a en conséquence pas été accordé, les époux [E] ne disposant plus de voie d’accès à leur parcelle AN [Cadastre 5].

Par acte délivré le 21 juin 2018, les époux [E] ont assigné l’office notarial devant le tribunal de grande instance de Créteil, aux fins d’indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de jouissance du terrain acheté.

Par jugement rendu le 6 août 2020, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Créteil a :

– déclaré les époux [E] irrecevables en leur action pour prescription,

– condamné in solidum les époux [E] à payer à l’office notarial la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les époux [E] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum les époux [E] aux entiers dépens de l’instance,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 21 octobre 2020, les époux [E] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 janvier 2021, M. [J] [E] et Mme [M] [Y] épouse [E], demandent à la cour de :

– dire et juger que l’action n’est pas atteinte par la prescription,

en conséquence,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

et statuant à nouveau,

– dire et juger que l’office notarial a manqué à ses obligations de veiller à l’efficacité de l’acte authentique de vente en date du 21 septembre 2007 et de conseil à leur égard,

– dire et juger que les fautes ainsi commises leur ont causé un préjudice direct, certain et actuel, évalué à 1 265 000 euros constitué :

* de la perte de la propriété de la parcelle AN [Cadastre 3],

* du remboursement du prêt contracté pour les besoins d’une acquisition immobilière inutile et inefficace,

* des frais de procédures engagés afin d’obtenir un permis de construire nonobstant l’absence de la parcelle AN [Cadastre 3],

* de l’impossibilité de capitaliser l’investissement foncier réalisé par la construction d’une maison sur le terrain acquis,

* d’un préjudice moral, qui sera d’ores et déjà valorisé à 40 000 euros,

en conséquence,

– condamner l’office notarial à les indemniser de ces chefs de préjudice moyennant le versement d’une somme de 1 265 000 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

– condamner l’office notarial à leur verser une somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les entiers dépens en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 12 février 2021, la Scp Carely, Vie, Calmet, Guez, Taillandier demande à la cour de :

– dire et juger les époux [E] mal fondés en leur appel et demandes tendant à voir juger que leur action n’était pas éteinte par la prescription,

en conséquence,

– confirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions,

y ajoutant,

– condamner les époux [E] à une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner les époux [E] aux entiers dépens de l’instance d’appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile,

à titre subsidiaire et en tout état de cause,

– dire et juger les époux [E] mal fondés en leurs demandes à son encontre,

– dire et juger que les époux [E] succombent dans la charge de la preuve leur incombant s’agissant d’un manquement du notaire à ses obligations professionnelles, d’un préjudice né, réel et certain, et d’un lien de causalité direct,

en conséquence,

– débouter les époux [E] de l’intégralité de leurs demandes formulées à son encontre,

– condamner les époux [E] à une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner les époux [E] solidairement aux entiers dépens de l’instance d’appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 mars 2023.

SUR CE,

Sur la prescription

Le tribunal a jugé que l’action en responsabilité intentée à l’encontre de l’office notarial le 21 juin 2018 est prescrite en ce que :

– le délai de prescription, applicable à l’action personnelle exercée par les époux [E] tendant à la mise en oeuvre de la responsabilité extra-contractuelle de l’office notarial, en ce qu’il n’aurait pas entrepris les diligences nécessaires pour veiller à l’efficacité de l’acte, avant l’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 était de dix ans,

– ce délai a commencé à courir le 7 janvier 2008, date de la réunion avec le géomètre effectuant le bornage entre les parcelles acquises par les époux [E] et les consorts [D], à l’occasion de laquelle Mme [D] a refusé la proposition de bornage et revendiqué la propriété de la parcelle AN [Cadastre 3],

– le délai de dix ans n’était donc pas expiré lors de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008,

– le préjudice invoqué par les époux [E] est apparu dès la revendication de propriété de Mme [D],

– leur projet de construction étant remis en cause dès le 7 janvier 2008,les époux [E] pouvaient rechercher la responsabilité de leur notaire à compter de cette date,

– les époux [E] se sont abstenus d’attraire l’office notarial durant toute la procédure contre les consorts [D] alors qu’ils ne pouvaient ignorer que leur qualité de propriétaires était contestée sur la parcelle litigieuse et que leur projet de construction serait définitivement compromis dans l’hypothèse où la revendication des consorts [D] était accueillie,

– en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, leur action se prescrivait par cinq ans à compter du 19 juin 2008,date de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2013.

Les époux [E] soutiennent que leur action n’est pas prescrite :

– à titre principal, en ce que les dispositions de l’article 2224 du code civil étant issues de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, qui n’a pas d’effet rétroactif, les dispositions du code civil antérieures et notamment les articles 2270 et 2270-1 du code civil s’appliquent,

– l’article 2270 ancien du code civil prévoyait que l’action en responsabilité extracontractuelle se prescrivait par un délai de dix ans à compter de la date de réalisation du dommage ou de celle de son aggravation,

– ils ne pouvaient faire valoir un dommage actuel et certain tant que la question litigieuse de la propriété de la parcelle AN [Cadastre 3] n’avait pas été purgée par une décision de justice ayant autorité de la chose jugée, leur préjudice étant né à compter du jugement définitif rendu par le tribunal de grande instance de Toulon en date du 24 mai 2017 attribuant la parcelle AN [Cadastre 3] aux consorts [D] et rendant l’acte authentique du 21 septembre 2007 inefficace,

– la prescription a commencé à courir à cette date et n’était pas acquise au jour de l’acte introductif d’instance en date du 21 juin 2018,

– à titre subsidiaire, au visa de l’article 2224 du code civil dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008, en ce que le délai de l’action en responsabilité contre l’office notarial n’a commencé à courir qu’à compter du moment où ils se sont vus révéler un préjudice certain, déterminé et actuel, soit à compter du jugement définitif du 24 mai 2017, ce dommage n’étant qu’éventuel lorsque les consorts [D] ont revendiqué la propriété de la parcelle litigieuse le 21 septembre 2007.

L’office notarial conclut à la prescription de l’action par application de l’article 2224 du code civil, dans sa dernière version, soulignant que les époux [E] ont connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d’exercer toute action en responsabilité contre lui à compter du jour ou Mme [D] a refusé la proposition de bornage amiable du fait de sa revendication de propriété sur la parcelle AN[Cadastre 3] en 2007 et à tout le moins le 7 janvier 2008, date du rendez-vous organisé par le géomètre.

Il fait valoir que :

– l’action est prescrite depuis le 7 janvier 2013,

– la décision du tribunal de grande instance de Toulon ne peut être considérée comme la date à laquelle les époux [E] ont connu les faits leur permettant d’agir et ce d’autant plus qu’elle a été précédée d’une décision avant dire droit,

– les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions en matière de prescription de l’action personnelle diligentée par les appelants,

– si la loi du 17 juin 2008 n’a d’effet que pour l’avenir, sans effet rétroactif, il sera néanmoins rappelé que cette loi est d’application immédiate aux prescriptions en cours,

– l’action des époux [E] ayant été introduite par exploit du 21 juin 2018, ce sont les dispositions de l’article 2224 du code civil qui doivent recevoir application,

– la prescription de l’action est acquise au 7 janvier 2013 et à tout le moins au 18 juin 2013.

La mise en oeuvre de l’action en responsabilité du notaire relève des dispositions de l’article 2224 code civil dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008, d’application immédiate et dont les dispositions transitoires sont régies, s’agissant des prescriptions en cours dont la durée a été réduite, par l’article 26 II de cette loi qui dispose que les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il résulte de cet article que la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Les appelants relèvent à bon droit qu’à la date à laquelle les consorts [D] ont revendiqué la propriété de la parcelle litigieuse, soit le 21 septembre 2007, ils ne pouvaient pas justifier d’un préjudice certain, déterminé et actuel.

Il en est de même au 7 janvier 2008, date du rendez-vous avec le géomètre.

Leur dommage constitué par la perte de la propriété de la parcelle AN [Cadastre 3] ne s’est manifesté qu’au jour du prononcé de la décision rendue par le tribunal de grande instance de Toulon du 24 mai 2017, passée en force de chose jugée.

En conséquence, le point de départ du délai de prescription doit être fixé à cette date, et l’action intentée le 21 juin 2018, soit dans le délai de cinq ans, est recevable, en infirmation du jugement.

Sur la responsabilité du notaire

Les époux [E] reprochent à l’office notarial des fautes de deux ordres, à savoir d’avoir manqué à ses obligations de veiller à l’efficacité de l’acte et de conseil.

S’agissant du premier manquement, ils font valoir que :

– le notaire est chargé d’une obligation d’investigation qui le conduit à rechercher par l’analyse des titres ou par l’emploi de moyens particuliers d’information, l’ensemble des charges pouvant menacer une convention et atteindre son efficacité,

– il résulte bien des stipulations de l’acte authentique de vente qu’ils avaient procédé à l’acquisition d’un terrain constitué de deux parcelles cadastrées AN [Cadastre 5] et AN [Cadastre 3] dans le but d’y construire une maison, laquelle construction était mentionnée comme réalisable par référence au certificat d’urbanisme qui y était intégré,

– l’office notarial n’a pas pris les assurances nécessaires pour leur garantir qu’ils avaient la pleine propriété des deux parcelles ainsi acquises et veiller à l’efficacité de l’acte, puisqu’ils ont acquis une parcelle dont le vendeur n’était pas propriétaire,

– c’est à tort que l’office notarial prétend que rien ne pouvait attirer son attention sur l’existence d’un litige portant sur cette parcelle puisque la lecture du jugement du 24 mai 2017 démontre le contraire,

– le notaire a omis de consulter au cadastre l’acte du partage [X] de 1994 dans lequel Mme [D] se réservait le droit de rectifier le plan dans le cadre d’un bornage ultérieur avec le propriétaire de la parcelle limitrophe,

– l’officier ministériel, parfaitement informé du projet d’édification d’une maison, ne pouvait s’en remettre à un agent immobilier pour consulter le cadastre et l’alerter sur l’existence d’une servitude trentenaire,

– la responsabilité de l’office notarial résulte de jure du seul constat qu’ils ne sont pas propriétaires d’une parcelle vendue à la faveur d’un acte authentique inutile car impropre à permettre l’édification d’une maison.

S’agissant du second manquement, ils expliquent que l’office notarial a manqué à son obligation de conseil en ne les avertissant pas sur les risques que pouvait faire peser sur leur droit de propriété l’occupation de la parcelle AN [Cadastre 3] par les propriétaires du terrain contigü, et sur l’impossibilité d’édifier leur maison à défaut de détention de ladite parcelle.

L’office notarial conteste tout manquement à ses obligations. Il soutient que :

– l’ensemble des pièces et documents utiles d’urbanisme permettant la régularisation de l’acte authentique ont été requis, et il n’apparaissait à la lecture de ceux-ci aucun élément de nature à suspecter l’occupation de la parcelle AN [Cadastre 3] par des voisins ni la volonté de ceux-ci d’en revendiquer la propriété,

– la fiche d’immeuble faisait apparaître que la parcelle AN [Cadastre 3] était la propriété de Mme [G] et le service d’urbanisme de la ville de Lavandou, interrogé, n’a formé aucune opposition sur le caractère réalisable de l’opération de construction sur les deux parcelles litigieuses, ce service transmettant même un certificat d’urbanisme en ce sens, et l’acte de prorogation du certificat d’urbanisme délivré le 30 août 2017 mentionnait encore ces deux parcelles sans qu’aucun élément ne vienne laisser suspecter que la parcelle AN [Cadastre 3] n’était pas la propriété de Mme [G] et pouvait faire l’objet d’une revendication par prescription acquisitive trentenaire,

– ni la venderesse, Mme [G], ni l’agence immobilière par l’intermédiaire de laquelle la vente a été régularisée, la société Laforêt Immobilier, ni les candidats acquéreurs qui se sont déplacés sur les lieux avant l’acquisition, n’ont mentionné que le terrain était occupé, le notaire n’ayant quant à lui aucune obligation de se déplacer sur les lieux,

– les appelants s’abstiennent de caractériser le manquement réel du notaire à ses obligations professionnelles et n’indiquent pas qu’elles seraient les recherches qui auraient dues être entreprises pour anticiper une éventuelle action de la voisine tendant à se voir déclarer propriétaire par prescription acquisitive, notamment à quel titre il aurait dû faire des recherches dans les titres des voisins pour savoir si des parcelles auraient été ou non incluses dans les titres des voisins non vendeurs,

– il ne peut être prétendu que sa responsabilité résulterait de jure du seul constat qu’ils ne sont plus propriétaires de ladite parcelle,

– il n’est pas démontré non plus quel manquement il aurait commis à son obligation de conseil quant aux risques de l’opération de construction projetée ou quant à l’impossibilité d’obtenir les autorisations administratives nécessaires, les époux [E] ayant été expressément avisés aux termes de l’acte authentique de vente du 21 septembre 2007 qu’il leur incombait de solliciter auprès de la commune du Lavandou l’octroi d’un permis de construire et que le certificat d’urbanisme sollicité ne pouvait valoir autorisation au sens d’un permis de construire régulier et définitif,

– il ne pouvait ni avoir connaissance des intentions futures de la voisine ni imaginer que les informations fournies par la ville étaient erronées quant à la desserte de l’une des parcelles,

– les époux [E] n’ont jamais agi à l’encontre du vendeur, n’ont pas exercé de recours à l’encontre du jugement du 24 mai 2017, ni même contesté le refus de leur demande de permis de construire visant uniquement la parcelle AN [Cadastre 5] par arrêté municipal de la commune du Lavandou le 2 octobre 2018 décidant du retrait du permis de construire et d’un nouveau refus de permis de construire sur cette parcelle, étant observé que les motifs de ce refus sont étrangers à la vente notariée.

La responsabilité du notaire en sa qualité de rédacteur d’acte peut être engagée sur le fondement de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, à charge pour celui qui l’invoque d’établir une faute, un préjudice et un lien de causalité.

Le notaire est tenu d’assurer l’efficacité de l’acte qu’il instrumente. Il est également tenu d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il prête son concours.

Le notaire a, en conséquence, une obligation d’investigation qui n’est toutefois pas illimitée.

L’acte authentique critiqué :

– désigne le bien vendu à savoir un terrain à bâtir cadastré section AN n°[Cadastre 5] et [Adresse 4] (sic) à [Localité 11]) et l’origine de propriété de celui-ci par Mme [H] [G] veuve [L],

– comporte en annexe un certificat d’urbanisme réalisable délivré par le maire du Lavandou le 20 octobre 2006, mentionnant Mme [H] [L] en qualité de propriétaire, une prorogation de celui-ci d’une durée d’un an en date du 30 août 2007, les demandes de renseignements sommaires adressées à la conservation des hypothèques les 9 juillet et 13 août 2007, une fiche d’immeuble mentionnant la parcelle AN [Cadastre 3] comme étant la propriété de Mme [G] et ce à la suite d’une attestation notariée établie le 26 juin 1982 et publiée au service du cadastre le 19 juillet 1982, volume 4969 n° 5,

– mentionne que ‘le vendeur déclare que l’immeuble objet des présentes ne provient pas de la division d’une propriété susceptible de porter atteinte aux droits éventuels à construire de cet immeuble’,

– délivre aux acquéreurs certaines informations sur ce qu’est un certificat d’urbanisme et sur la nécessité d’obtenir un permis de construire et certaines autorisations et s’agissant des limites du terrain prévoit ‘En application des dispositions de l’article L.111-5-3 du code de l’urbanisme, l’acquéreur ayant l’intention de construire sur le terrain vendu un immeuble en tout ou partie à usage d’habitation, le vendeur précise qu’aucun bornage n’a été effectué, le terrain dont il s’agit n’étant ni un lot de lotissement ni issu d’une division à l’intérieur d’une zone d’aménagement concertée ou issu d’un remembrement réalisé par une association foncière urbaine. Le descriptif du terrain aux présentes ne résulte donc pas d’un bornage. L’acquéreur déclare faire son affaire personnelle de cette situation.’

Il ressort par ailleurs des mentions du jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 24 mai 2017 que :

– une expertise a été ordonnée pour fixer la limite séparative entre les fonds appartenant aux époux [E] et aux consorts [D] et déterminer la propriété de la parcelle n°[Cadastre 3],

– l’expert a examiné les actes et plans annexés à partir du partage [I], auteur des consorts [D], du 3 décembre 1899,

– ‘en 1948, M. [L] a indiqué à M. [R] qu’il lui abandonnerait la parcelle à l’Est du ruisseau et une bande de quelques mètres devant sa maison’ mais ce projet a été interrompu,

– en suite de deux remembrements la parcelle a été identifiée Cn°1108 puis AN [Cadastre 3],

– ‘lors du partage [X] en 1994 au profit de Mme [D], la parcelle est ignorée ; il est précisé dans l’acte de partage que Mme [D] se réserve le droit de rectifier le plan dans le cadre d’un bornage ultérieur avec le propriétaire de la parcelle limitrophe.’,

– la parcelle est à usage de stationnement des véhicules des propriétaires de la parcelle AN [Cadastre 1], les consorts [D].

Il en résulte que le notaire a procédé aux vérifications qui lui incombaient sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas avoir pris connaissance de l’acte de partage [X] de 1994 qui ne concernait aucune des parties à l’acte et ce alors qu’il ne disposait d’aucun élément objectif lui permettant de douter de la véracité ou de l’exactitude des documents recueillis.

En outre, les époux [E] ne démontrent pas l’avoir informé de l’occupation de la parcelle litigieuse par les consorts [D] ou interrogé sur celle-ci, de sorte qu’il ne peut pas plus lui être reproché un défaut de conseil à ce sujet.

En l’absence de faute de la part de l’office notarial, les époux [E] sont déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné les époux [E] aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Déclare M. [J] [E] et Mme [M] [Y] épouse [E] recevables en leur action,

Déboute M. [J] [E] et Mme [M] [Y] épouse [E] de leurs demandes,

Condamne solidairement M. [J] [E] et Mme [M] [Y] épouse [E] aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [J] [E] et Mme [M] [Y] épouse [E] à payer à la Scp Carely, Vie, Calmet, Guez, Taillandier la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, POUR LA PRESIDENTE EMPÊCHEE,

 


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