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COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/06/2023
la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO
Me Estelle GARNIER
la SCP REFERENS
ARRÊT du : 22 JUIN 2023
N° : 105 – 23
N° RG 20/02497
N° Portalis DBVN-V-B7E-GH6Z
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 15 Septembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265264242593742
Monsieur [W] [B]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Maxime MORENO, membre de la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Thibault DU MANOIR DE JUAYE, membre de la SELEURL DU MANOIR DE JUAYE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
D’UNE PART
INTIMÉES : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265267268228509
Madame [K] [X]
née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 10]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLEANS
et pour avocat plaidant Me Delphine LUCON, membre de la SARL CDSL AVOCATS, avocat au barreau de TOURS,
– Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265262967134631
La Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NEVERS
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 6]
Ayant pour avocat postulant Me Laurent LALOUM, membre de la SCP REFERENS, avocat au barreau de BLOIS, et pour avocat plaidant Me Frédéric OLIVE, avocat au barreau de LIMOGES
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 02 Décembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 04 MAI 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte reçu le 19 septembre 2007 par Maître [T], notaire associé à [Localité 11] (42), la caisse de crédit mutuel de Nevers (le Crédit mutuel) a consenti à M. [W] [B] et à Mme [K] [X] un prêt immobilier d’un montant de 116 375 euros destiné à financer l’acquisition, en l’état futur d’achèvement, d’un appartement situé en Haute-Vienne.
Le constructeur qui n’avait pas souscrit de garantie extrinsèque ayant fait l’objet d’une procédure collective, M. [B] et Mme [X] ont, avec d’autres acquéreurs, saisi le tribunal de grande instance de Limoges aux fins de résolution des ventes en l’état futur d’achèvement et, par voie de conséquence, des crédits qui étaient leurs accessoires, puis en recherchant la responsabilité du notaire ayant reçu l’ensemble des ventes sans s’assurer de la réalité de la garantie intrinsèque offerte par le constructeur.
Par jugement du 22 mars 2012, le tribunal de limoges a, notamment, prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre le constructeur et les consorts [B]-[X], prononcé par voie de conséquence la résolution du contrat de prêt accessoire souscrit par les emprunteurs auprès du Crédit mutuel de Nevers et, après avoir indiqué dans les motifs de son jugement que les parties devaient être remises en l’état où elles auraient été si le prêt n’avait pas été souscrit, en en déduisant que les banques demandaient à bon droit aux emprunteurs de leur restituer les sommes par elles débloquées, le tribunal a constaté, à son dispositif, ne pas être en mesure de fixer le montant des sommes à restituer au Crédit mutuel par M. [B] et Mme [X].
Faisant valoir qu’alors que sa créance de restitution est acquise dans son principe, M. [B] et Mme [X] n’ont pas procédé à la restitution des sommes débloquées en exécution du contrat de crédit résolu, le Crédit mutuel de Nevers les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours par acte du 14 mars 2016, aux fins de les voir condamner au paiement de la somme de 86 311,16 euros.
M. [B] a conclu devant le premier juge à l’irrecevabilité des demandes du Crédit mutuel, en soulevant à titre principal une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, et à titre subsidiaire une exception d’incompétence au profit du juge de l’exécution.
Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Tours a :
– constaté que le principe énoncé dans le [jugement du] tribunal de Limoges du 22 mars 2012 de la restitution par M. [W] [B] et Mme [K] [X] à la Caisse de crédit mutuel de Nevers du montant des fonds débloqués, sous déduction des sommes déjà versées, est acquis, et bénéficie de l’autorité de chose jugée,
– déclaré irrecevable la demande de la Caisse de crédit mutuel de Nevers de condamnation au paiement de la somme de 86 311,16 euros,
– renvoyé la Caisse de crédit mutuel de Nevers à trouver un accord avec les emprunteurs ou à défaut à saisir le juge de l’exécution pour voir liquider sa créance,
– condamné la Caisse de crédit mutuel de Nevers aux dépens de la présente instance,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer comme ils l’ont fait, les premiers juges ont retenu que si dans le dispositif de son jugement, le tribunal de Limoges avait restreint les restitutions à un certain nombre d’emprunteurs parmi lesquels ne figurent pas les consorts [B]-[X], il avait indiqué, dans ses motifs qui éclairent son dispositif, qu’en conséquence de la résolution de plein droit des contrats de prêt, les banques étaient fondées à solliciter la restitution des sommes débloquées.
Ils en ont déduit que le principe de la restitution au Crédit mutuel, par M. [B] et Mme [X], des sommes débloquées en exécution du prêt résolu, était acquis et avait autorité de chose jugée, comme ayant été tranché au dispositif du jugement du tribunal de Limoges, sans réserve ni condition.
Les premiers juges ont ajouté que si le tribunal de Limoges n’avait pas évalué le montant de la créance de restitution de la banque, il en avait néanmoins spécifié les éléments de calcul, et en ont déduit que le Crédit mutuel, qui disposait d’un titre comportant l’obligation pour M. [B] et Mme [X] de payer une somme liquide et exigible, était irrecevable à saisir un nouveau juge du fond pour liquider sa créance, et ne pouvait formuler une telle demande que devant le juge de l’exécution.
M. [B] a relevé appel de cette décision par déclaration du 2 décembre 2020, en ce qu’elle a constaté que le principe énoncé dans le [jugement du] tribunal de Limoges du 22 mars 2012 de la restitution par M. [W] [B] et Mme [K] [X] à la Caisse de Crédit mutuel de Nevers du montant des fonds débloqués, sous déduction des sommes déjà versées, est acquis, en ce qu’elle a renvoyé la Caisse de Crédit mutuel de Nevers à saisir le juge de l’exécution pour voir liquider sa créance, et dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 août 2021, M. [B] demande à la cour de :
Vu les articles du code de procédure civile,
Vu les jugements du 22 mars 2012 et 6 mars 2013,
Vu l’arrêt du 15 mai 2014,
A titre principal :
– infirmer le jugement du 15 septembre 2020 en ce qu’il a constaté que le principe énoncé dans le [jugement du] tribunal de Limoges du 22 mars 2012 de la restitution par M. [W] [B] et Mme [K] [X] à la Caisse de crédit mutuel de Nevers du montant des fonds débloqués, sous déduction des sommes déjà versées, est acquis,
– infirmer le jugement du 15 septembre 2020 en ce qu’il a renvoyé la Caisse de crédit mutuel de Nevers à saisir le juge de l’exécution pour voir liquider sa créance,
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement du 15 septembre 2020 du tribunal judiciaire de Tours en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de la Caisse de Crédit mutuel de Nevers de condamnation au paiement de la somme de 86 311,16 euros,
– confirmer le jugement du 15 septembre 2020 du tribunal judiciaire de Tours en ce qu’il a renvoyé la Caisse de crédit mutuel de Nevers à trouver un accord avec les emprunteurs,
– confirmer le jugement du 15 septembre 2020 du tribunal judiciaire de Tours en ce
qu’il a condamné la Caisse de crédit mutuel de Nevers aux dépens de l’instance,
– débouter le Crédit mutuel de l’intégralité de ses demandes,
– condamner le Crédit mutuel de Nevers à payer la somme de 6 622,35 euros à M. [W] [B],
A titre subsidiaire :
– fixer la créance du concluant à la somme de 65 215,28 euros,
En tout état de cause :
– condamner le Crédit mutuel de Nevers à payer à M. [W] [B] la somme de 2 000 euros au titre du code de procédure civile,
– condamner le Crédit Mutuel de Nevers aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 août 2021, Mme [X] demande à la cour de :
Vu le jugement du 22 mars 2012,
Vu la jurisprudence,
– déclarer le Crédit mutuel de Nevers mal fondé en son appel provoqué et le rejeter,
– confirmer le jugement du 15 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Tours en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de la Caisse de crédit mutuel de Nevers de condamnation au paiement de la somme de 86 311,16 euros et l’a condamnée aux dépens,
– faisant droit au présent appel provoqué, l’infirmer pour le surplus,
Et au visa de l’article 122 du code de procédure civile,
– déclarer la Caisse de crédit mutuel de Nevers irrecevable en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et subsidiairement, mal fondée, et l’en débouter,
– condamner la Caisse de crédit mutuel de Nevers à [payer à] Mme [K] [X] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, et accorder à Maître [A] le droit prévu à l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 mai 2021, le Crédit mutuel demande à la cour de :
Vu l’article 1184 ancien du code civil,
Vu l’article 2224 du code civil,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 22 mars 2012,
– dire et juger l’appel principal de M. [W] [B] recevable mais mal fondé,
– en conséquence, rejeter purement et simplement ledit appel,
– dire et juger l’appel incident de la Caisse de crédit mutuel de Nevers recevable et bien fondé,
– donner acte à la Caisse de crédit mutuel de Nevers de ce que son appel est limité aux dispositions du jugement entrepris ayant :
* déclaré irrecevable la demande de la Caisse de crédit mutuel de Nevers de condamnation au paiement de la somme de 86 311,16 euros,
* renvoyé la Caisse de crédit mutuel de Nevers à trouver un accord avec les emprunteurs ou à défaut, à saisir le juge de l’exécution pour voir liquidée sa créance,
* condamné la Caisse de crédit mutuel de Nevers aux dépens de l’instance,
– faisant droit à l’appel incident de la Caisse de crédit mutuel de Nevers et réformant la décision entreprise en ses seules dispositions critiquées par ladite Caisse,
– condamner solidairement M. [W] [B] et Mme [K] [X] à verser
à la Caisse de crédit mutuel de Nevers la somme de 86 311,16 euros outre intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2012,
– condamner solidairement M. [B] et Mme [X] à verser au Crédit mutuel la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [B] et Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– confirmer pour le surplus, la décision entreprise en ses dispositions non critiquées par la Caisse de crédit mutuel de Nevers.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2022, pour l’affaire être plaidée le 4 mai 2023 et mise en délibéré à ce jour.
SUR CE, LA COUR :
Sur la recevabilité des demandes du Crédit mutuel :
M. [B], qui avait pris devant le conseiller de la mise en état des conclusions d’incident à fin de faire juger que l’action du Crédit mutuel se heurtait à l’autorité de la chose jugée et était, en conséquence, irrecevable, s’est désisté de son incident le 2 septembre 2021, à réception du message envoyé contradictoirement par le président de cette chambre lui rappelant que le conseiller de la mise en état ne pouvait connaître des fins-de non recevoir tranchées en première instance, et lui demandant en conséquence s’il entendait maintenir son incident.
Dans ses dernières conclusions devant la cour, M. [B], qui avait demandé aux premiers premiers juges, fût-ce à titre subsidiaire, de se déclarer incompétent et d’inviter le Crédit mutuel à mieux se pourvoir devant le juge de l’exécution, critique le chef du jugement qui, conformément à sa demande, a renvoyé le Crédit mutuel à saisir le juge de l’exécution, puis se borne à indiquer, sans développer aucun moyen, que la demande du Crédit mutuel se heurte à l’autorité de la chose jugée et que « ses conclusions ne sont déposées que pour couvrir l’hypothèse, [selon lui] improbable, où le conseiller de la mise en état ne ferait pas droit à sa demande d’irrecevabilité ».
De son côté, Mme [X] commence par rappeler qu’elle n’avait pas conclu en première instance et que, devant le tribunal de grande instance de Limoges, le Crédit mutuel, qui s’opposait au principal à la résolution des ventes et des prêts, avait sollicité subsidiairement, ainsi qu’il résulte du dispositif de ses conclusions produites devant cette cour, la condamnation des emprunteurs à restituer le capital servi avec intérêts au taux légal à compter de la libération des fonds et que, dans son jugement du 22 mars 2012, passé en force de chose jugée pour avoir été signifié le 5 juin suivant, le tribunal a débouté le Crédit mutuel de sa demande de restitution des fonds prêtés, faute d’éléments justificatifs suffisants.
En soulignant que, dans ses motifs dépourvus de l’autorité de chose jugée, le tribunal de Limoges n’a fait que rappeler le principe juridique des restitutions consécutives à la résolution d’un contrat, et qu’il a ensuite opéré une distinction claire entre trois catégories d’établissements bancaires, ceux qui avaient justifié de leurs créances et dont il a accueilli les demandes, ceux qui n’avaient pas demandé la restitution des fonds et ceux qui, comme le Crédit mutuel de Nevers, n’avaient pas justifié du montant de leurs créances, à l’égard desquels il a indiqué ne pas être en mesure de fixer le montant des sommes à restituer, Mme [X] assure qu’en déboutant les parties de leurs demandes plus amples et contraires, le tribunal de Limoges a débouté le Crédit mutuel de sa demande de restitution, faute pour ce dernier d’avoir justifié du montant de sa créance, comme il lui incombait par application de l’article 9 du code de procédure civile.
Mme [X] en déduit qu’il incombait au Crédit mutuel de faire appel de la décision qui l’a débouté, comme l’ont fait d’autres prêteurs, et qu’il ne saurait remettre en cause la chose jugée en saisissant un nouveau juge de la même cause.
En réplique à l’argumentation du Crédit mutuel, qui fait valoir n’avoir été débouté que « en l’état », Mme [X] souligne que la décision rendue en l’état des justificatifs produits a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’une nouvelle demande appuyée sur de nouveaux éléments de preuve est irrecevable.
Le Crédit mutuel rétorque que le principe de sa créance de restitution est acquis et revêtu de l’autorité de la chose jugée « comme précisé au dispositif du jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 22 mars 2022 et en page 15 de celui-ci. »
Il soutient que, pour le reste, le tribunal s’est contenté d’un constat sur l’impossibilité de fixer le quantum de sa créance de restitution, que ce constat équivaut en réalité à un débouté « en l’état » et, en se prévalant d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18 mai 1981, assure que l’autorité de la chose jugée ne s’attachant qu’à ce qui a été décidé sans condition ni réserve, le jugement de Limoges qui l’a débouté en l’état ne lui interdit pas d’engager une nouvelle instance pour produire de nouveaux documents dans la mesure où, devant ce tribunal, il n’avait pas chiffré ses demandes ni produit les pièces qui, selon lui, permettent désormais de procéder au chiffrage de sa créance.
Aux termes de l’article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la question qu’il tranche.
Il est acquis en l’espèce que, en page 15 de ses motifs, le jugement du tribunal de grande instance de Limoges a indiqué que « les parties devant être mises dans l’état où elles auraient été si le prêt n’avait pas été souscrit, c’est à bon droit que les banques demandent aux emprunteurs de leur restituer les sommes par elles débloquées, que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, déduction faite des sommes versées par les emprunteurs dans le cadre de l’exécution de leur contrat et ce, jusqu’à la suspension de leurs obligations ordonnée par le juge de la mise en état de ce tribunal ».
Les motifs qui viennent d’être reproduits sont dépourvus de l’autorité de la chose jugée et, contrairement à ce qu’affirme le Crédit mutuel, dans son dispositif [partie finale] qui, seul, a autorité de la chose jugée, le tribunal de Limoges n’a pas repris ou énoncé le principe de restitution qu’il avait énoncé dans sa motivation.
Dans son dispositif en effet, après avoir « constaté la résolution de plein droit des contrats de prêt souscrits pour financer les ventes en l’état futur d’achèvement résolues auprès de la Lyonnaise de Banque, la Caisse de crédit mutuel de Nevers, la Caisse de Crédit mutuel de Montrichard [et une série d’autres établissements bancaires], le tribunal a :
« En conséquence, dit que les demandeurs suivants [souligné par la cour] doivent restituer à la banque ayant financé leur acquisition des sommes par elle débloquées dans le cadre du contrat de prêt résolu, déduction faite des sommes versées par les emprunteurs dans le cadre de l’exécution de leur contrat, soit :
-[Z] et [I] [J] : 131 665 €
-Viet Hung Nguyen : 116 375 €
-[suivent, avec l’indication du montant de la somme à restituer, la désignation d’autres investisseurs, parmi lesquels ne se trouvent pas M. [B] et Mme [X],]
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,
[‘]
Constate que le tribunal n’est pas en mesure de fixer le montant des sommes à restituer au prêteur concernant les autres acheteurs malheureux ([S] et [U] [P], [N] [Y], [W] [B] et [K] [X] [souligné par la cour]…)
Constate que le prêteur ne forme pas de demandes de restitution des fonds versés concernant [F] [G], [V] et [W] [C], [R] [M]
Dit que Maître [E] [O] a commis des fautes engageant sa responsabilité envers les demandeurs,
En conséquence,
Condamne Maître [E] [O] solidairement avec la SCP [O]-Jugan Luquiau à verser … »
Le tribunal a ensuite statué sur les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et sur l’exécution provisoire puis, avant de se prononcer sur les dépens, a débouté les parties « de leurs autres demandes ».
Alors que le Crédit mutuel avait formulé une demande en ce sens, le tribunal n’ordonne dans son dispositif aucune restitution, même de principe, à l’encontre de M. [B] et de Mme [X], ni d’ailleurs à l’encontre de l’ensemble des emprunteurs-acquéreurs, puisque, au contraire, il indique que « doivent restitution à la banque ayant financé leur acquisition » des emprunteurs qu’il désigne nommément.
En faisant valoir que, en constatant dans son dispositif, « ne pas être en mesure de fixer le montant des sommes à restituer au [crédit mutuel] concernant les autres acheteurs malheureux ([W] [B] et [K] [X]…) », le tribunal de Limoges ne l’a débouté qu’« en l’état », le Crédit mutuel ne peut soutenir que, dans ces circonstances, il lui serait loisible d’engager une nouvelle instance et de produire au nouveau juge les justificatifs permettant de chiffrer sa demande de restitution, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation est solidement fixée en ce sens que, même si elle est rendue « en l’état » des justifications produites, une décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche, de sorte qu’une nouvelle demande identique, fût-elle assortie de nouveaux éléments de preuve, est irrecevable (v. par ex. Civ. 2, 4 juin 2009, n° 08-15.837 ; 19 février 2009, n° 05-19.896 ; 20 décembre 2007, n° 06-20.961 ; 11 février 1999, n° 96-20.136 ; 10 décembre 1998, n° 96-21.288 ; 31 mars 1993, n° 91-19.566).
Dès lors qu’il ne peut introduire une nouvelle instance ayant le même objet que celle à l’occasion de laquelle il avait, devant le tribunal de grande instance de Limoges, formulée une demande dont il indique lui-même avoir été débouté, fût-ce en l’état, le Crédit mutuel ne peut qu’être déclaré irrecevable en sa demande en paiement dirigée contre M. [B] et Mme [X], en tant qu’elle se heurte alors à l’autorité de la chose jugée.
Le jugement doit donc être confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a déclaré le Crédit mutuel irrecevable en sa demande en paiement mais, dès lors que le dispositif du jugement du tribunal de Limoges, même éclairé par les motifs qui le précèdent, n’énonce pas le principe selon lequel M. [B] et Mme [X] seraient tenus de restituer au Crédit mutuel les fonds débloqués, le jugement déféré ne peut qu’être infirmé sur ce chef, ainsi qu’en ce qu’il a, par voie de conséquence, invité le Crédit mutuel à saisir le juge de l’exécution.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de M. [B] :
Au soutien de sa demande reconventionnelle, M. [B] se borne à affirmer qu’il résulterait des documents produits par le Crédit mutuel qu’il aurait, avec Mme [X], remboursé au titre du prêt résolu une somme de 36 762,95euros, supérieure à celle qui a été débloquée par le Crédit mutuel.
Dès lors qu’il omet, dans son décompte, que le Crédit mutuel justifie avoir débloqué une somme de 46 405,75 euros entre les mains de Maître [T], le notaire chargé d’instrumenter l’acte de prêt comportant affectation hypothécaire, lequel a délivré quittance le 13 septembre 2007 (pièce 13), M. [B] ne peut qu’être débouté de sa demande reconventionnelle, dénuée de sérieux.
Sur les demandes accessoires :
M. [B] et le Crédit mutuel, qui succombent au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de l’instance et seront déboutés de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, il n’apparaît pas non plus inéquitable de laisser à Mme [X] la charge des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Elle sera donc, elle aussi, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise, en ce qu’elle déclaré la Caisse de crédit mutuel de Nevers irrecevable en sa demande de paiement de la somme de 86 311,16 euros, ainsi qu’en ses dispositions sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
L’infirme pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Dit n’y avoir lieu de constater que dans son jugement du 22 mars 2012, le tribunal de Limoges aurait énoncé, à la charge de M. [W] [B] et de Mme [K] [X] et en faveur de la Caisse de crédit mutuel de Nevers, un principe de restitution du montant des fonds débloqués, sous déduction des sommes déjà versées, acquis et bénéficiant de l’autorité de la chose jugée,
Dit n’y avoir lieu de renvoyer la Caisse de crédit mutuel de Nevers à saisir le juge de l’exécution de Nevers pour voir liquider sa créance,
Y ajoutant,
Déboute M. [W] [B] de sa demande reconventionnelle en paiement,
Dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette en conséquence les demandes de toutes les parties formées sur ce fondement,
Condamne in solidum M. [W] [B] et la Caisse de crédit mutuel de Nevers aux dépens d’appel,
Accorde à Maître Estelle Garnier le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT